Nous avons vu, lors de l’examen de l’article précédent, à quel point le régime général était l’objet de multiples ponctions et transferts dont les effets, hélas ! dégradent durablement la situation.
Dans les faits, la simple analyse des comptes sociaux montre à quel point la crise et ses implications sociales et économiques ont des effets importants sur la sécurité sociale, notamment au travers des charges induites par le sous-emploi, la précarité et les exonérations patronales de plus en plus nombreuses.
S’il convenait de démontrer l’acuité de ces réalités, sans doute suffirait-il de se souvenir que la branche maladie supporte, dans les faits, une bonne partie de ce qui devrait être imputable à la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, et que la politique familiale a « phagocyté » l’activité de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF.
Au demeurant, je me permets ici de faire observer que la CNAF présente une situation déficitaire, alors même qu’une part croissante de ses prestations sont servies sous conditions de ressources et qu’il s’agit, sans nul doute, de la branche de la sécurité sociale la plus « fiscalisée ».
La situation du régime général de la sécurité sociale est donc, de manière assez chronique, en déficit depuis que le principe des lois de financement a été acté et mis en pratique, dans le droit fil du plan Juppé de 1995.
Il y a eu, certes, des exceptions lors des années 1999, 2000 et 2001 durant lesquelles la situation du régime général fut positive, du point de vue de sa trésorerie, avant de se dégrader sous l’influence des politiques menées après cette date.
Pourtant, mes chers collègues, il est intéressant d’analyser que le redressement du régime général et des comptes sociaux durant cette période a une raison extrêmement précise : la mise en œuvre, par le biais de dispositions législatives, de la réduction du temps de travail à 35 heures et l’aménagement du temps de travail de millions de salariés.
Ces textes ont été à la source de la création de plusieurs centaines de milliers d’emplois, soit directement dans le cadre des accords d’entreprise, soit indirectement puisque la croissance économique avait connu une certaine impulsion durant cette période.
C’était l’époque, mes chers collègues, où le Sénat discutait de lois de financement en équilibre, comme en 2001, où les régimes obligatoires présentaient un excédent prévu d’environ 40 milliards de francs. Une époque révolue, donc, notamment depuis que la majorité parlementaire issue des élections de 2002 et le gouvernement Fillon avaient transformé les allégements de cotisations sociales incitatifs pour mettre en œuvre une réduction et un aménagement du temps de travail.
La situation, depuis, ne s’est pas vraiment améliorée, conduisant aux déficits sociaux que nous avons pu enregistrer. Ce constat se nourrit, entre autres, des effets pervers qu’entraîne la volonté délibérée d’alléger le coût du travail et que nous assimilons, pour notre part, à un moyen détourné de réduire les salaires !
Mes chers collègues, on ne peut confier le devenir de notre sécurité sociale aux seuls auspices d’une fiscalité grandissante et d’une rigidité des ressources toujours accrue. Ce mouvement se traduit – faut-il le rappeler ? – par une part croissante des ressources liées à la fiscalité, notamment à la CSG, dans les recettes du régime général, et ce au détriment des cotisations effectives. Cette fiscalisation n’empêchant en rien la persistance des déficits, il est sans doute temps de s’interroger sur son opportunité.
Sur la base de ces observations, nous ne voterons pas cet article.