Intervention de Jean Pierre Vogel

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 12 novembre 2014 : 3ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « sécurités » et article 59 septies et compte d'affectation spéciale « contrôle de la circulation et du stationnement routiers » - examen des rapports spéciaux

Photo de Jean Pierre VogelJean Pierre Vogel, rapporteur spécial :

Les crédits du programme « Sécurité civile » ne couvrent qu'une partie des moyens consacrés à la sécurité civile : les moyens de l'État forment 48 % des crédits de paiement de la politique transversale de sécurité civile, lesquels s'élèvent à 915,7 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015 ; surtout, le budget total des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) atteint 4,36 milliards d'euros dans les budgets primitifs pour 2014, soit cinq fois les crédits inscrits aux missions du budget de l'État, répartis entre 2,49 milliards d'euros pour les départements et 1,87 milliard d'euros pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). La politique de sécurité civile relève bien d'une responsabilité partagée, et il est heureux que le ministre de l'intérieur ait confirmé le 4 octobre dernier le rôle de l'échelon départemental comme niveau d'organisation de la réponse opérationnelle des SDIS, tout en pérennisant leur mode de financement par les collectivités territoriales et l'État.

Les crédits de paiement du programme « Sécurité civile » (439,55 millions) augmentent de 0,6 % sous l'effet d'une hausse des dépenses de personnel. La progression des crédits d'investissement (+ 4,8 millions d'euros) doit être relativisée puisque, en 2013, les opérations d'investissement ont été une variable d'ajustement de l'exécution budgétaire par le report d'une partie de ces dépenses en 2014.

Les autorisations d'engagement (401 millions d'euros) sont en recul de 31,9 % : l'inscription de 167 millions d'euros d'autorisations d'engagement en loi de finances initiale pour 2014 pour la passation du nouveau marché de maintien en condition opérationnelle des avions a entraîné mécaniquement une diminution des autorisations d'engagement pour l'année 2015 par rapport à 2014.

Le schéma d'emploi du programme présente une diminution de 24 emplois équivalent temps plein (ETP), ce qui n'empêche pas une nette hausse des dépenses de personnel, portées à 166,61 millions d'euros, soit une augmentation de plus de 3,7 millions d'euros par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014. Cette progression traduit en réalité la correction d'une sous-budgétisation chronique des dépenses de personnel.

Cette année voit la refonte et la simplification du dispositif de performance : cinq objectifs et neuf indicateurs sont proposés, au lieu de neuf objectifs et onze indicateurs en 2014. Cette évolution accroît la lisibilité des moyens affectés à la politique de sécurité civile, alors que les crédits du programme ne représentent qu'un peu plus de 0,1 % des dépenses du budget de l'État. Cependant, le changement d'indicateur mesurant la disponibilité des hélicoptères interdit les comparaisons d'une année sur l'autre, alors qu'apparaissaient les conséquences néfastes du vieillissement de la flotte.

Le renouvellement de la flotte aérienne a été trop longtemps différé. Le remplacement des neuf Tracker, dédiés à l'attaque des feux naissants, est toujours prévue à l'horizon 2020 ; le ministère de l'intérieur m'a sobrement indiqué que la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises lui remettrait des propositions techniques pour le renouvellement de la composante Tracker, en étudiant différents modèles économiques (achat, location). En outre, comme l'a précisé le ministère de l'intérieur, la flotte d'avions d'investigation et de coordination Beechcraft 200 a un âge moyen de 27 ans mais des réponses devraient être apportées puisque le nouveau marché de maintenance prévoit leur rénovation. Par ailleurs, toujours selon le ministère de l'intérieur, l'équipement de deux des trois avions de la flotte en moyens optroniques contribuera à moderniser l'approche des missions de recherche des feux de forêt et à développer de nouvelles missions subsidiaires au profit du ministère. Ces choix engendrant des dépenses de maintenance accrues, il serait utile d'effectuer des simulations comparant les surcoûts liés au maintien de la flotte actuelle et le coût de nouveaux appareils.

Il conviendrait également de mutualiser l'usage des hélicoptères avec les forces de police et de gendarmerie, voire au niveau interministériel, par exemple avec les acteurs de la santé publique. Une flotte nationale unique de la sécurité civile, de la gendarmerie et du service d'aide médicale urgente (SAMU) pourrait être envisagée, en définissant chaque année le crédit d'heures alloué à chacune des missions et les règles de priorité d'emploi entre ces services, afin d'homogénéiser le parc aérien, de réduire le coût de sa maintenance et d'optimiser son utilisation.

Le projet ANTARES (Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours) vise une meilleure interopérabilité des systèmes de communication des forces de sécurité. Son coût total d'investissement s'élèvera, d'ici 2018, à quelque 118 millions d'euros pour l'État, qui supportera la mise en oeuvre et le financement des relais radio constituant toute l'infrastructure du réseau. Pour leur part, les SDIS prendront en charge les postes mobiles équipant les véhicules et les postes fixes des casernes, ainsi que l'adaptation technique des dispositifs radio équipant les centres de traitement de l'alerte et le centre opérationnel départemental d'incendie et de secours.

Il est regrettable que, depuis 2013, les efforts d'investissement consentis par les SDIS ne soient plus soutenus par les crédits du Fonds d'aide à l'investissement (FAI), dont une part importante concourait spécifiquement, depuis 2007, au financement d'Antares.

Le Gouvernement concentre ses investissements, en 2015 et 2016, sur la couverture par ANTARES de l'ensemble du territoire national ; s'établissant à 95 %, le taux de couverture pose toujours le problème de « zones blanches », notamment dans les départements ruraux. Ce taux correspond en outre vraisemblablement aux résultats d'une modélisation de la couverture radio à l'aide de modèles informatiques. Les mesures effectuées sur le terrain font apparaître des chiffres sensiblement inférieurs. Il convient d'envisager des solutions techniques afin d'améliorer la couverture du territoire, tout en veillant à ce que leur coût ne soit pas excessif.

À cette fin, je propose la création d'un nouvel objectif de performance « Couverture optimale du territoire national par le réseau ANTARES en vue de la protection des populations », auquel serait associé un indicateur de la part de la population couverte par le réseau, renseigné notamment par des mesures de couverture réalisées sur le terrain.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter sans modification les crédits du programme « Sécurité civile », qui correspond à la mise en oeuvre d'une politique régalienne.

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