La commission procède ensuite à l'examen du rapport de Mme Fabienne Keller et M. Yvon Collin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » et sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
Je souhaite la bienvenue à Hélène Conway-Mouret et Henri de Raincourt, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères.
Les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte spécial « Prêts à des États étrangers » doivent être examinés au regard des grandes tendances de l'aide publique au développement au niveau international.
Après deux années marquées par des baisses importantes, liées à la crise financière de 2008 et aux turbulences de la zone euro, l'aide internationale a atteint en 2013 son plus haut niveau historique, à 135 milliards de dollars environ. Dix-sept des vingt-huit pays du Comité d'aide au développement de l'OCDE ont augmenté leur aide, dont le Japon, le Royaume-Uni, l'Islande, l'Italie et la Norvège ; onze ont diminué la leur, parmi lesquels le Portugal, le Canada et la France.
En volume, les États-Unis demeurent le premier pays contributeur, devant le Royaume-Uni, qui conforte sa deuxième place devant l'Allemagne. La France recule d'un rang, en cinquième position, derrière le Japon, avec 11,4 milliards de dollars. Au regard du revenu national brut (RNB), les cinq premiers pays donateurs sont la Norvège, la Suède, le Luxembourg, le Danemark et le Royaume-Uni. Ces cinq pays sont les seuls à respecter l'engagement de consacrer 0,7 % du RNB à l'aide au développement. Le Royaume-Uni atteint cet objectif pour la première fois. Avec 0,41 %, la France passe de la dixième à la onzième place.
Les crédits de la mission « Aide publique au développement » représentent environ un tiers de l'effort financier de notre pays en faveur du développement, auquel contribuent également d'autres missions budgétaires et notamment les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Action extérieure de l'État » et « Immigration, asile et intégration ». S'y ajoutent la contribution des prêts, les ressources provenant de la taxe sur les billets d'avion et de la taxe sur les transactions financières, ainsi que la quote-part française de l'aide transitant par le budget communautaire.
L'aide de la France diminue depuis le maximum atteint en 2010. Selon les prévisions, la baisse devrait se prolonger en 2014, avant un rebond en 2015 et une stabilisation autour de 9,3 milliards d'euros.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, en cours d'examen par le Parlement, prévoit une diminution de 7,3 % des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » en 2017 par rapport à 2014, soit une baisse de 214 millions d'euros. Ces chiffres accentuent la diminution prévue dans la précédente loi de programmation : le plafond 2017 sera de 20 % inférieur au plafond 2011, soit une baisse de 650 millions d'euros. Sur la période 2015-2017, la mission est la septième mission dont les crédits baissent le plus, en proportion.
Cependant, cette baisse des crédits budgétaires est partiellement compensée par la hausse de 92 millions d'euros du produit des taxes affectées. Ainsi, la diminution des moyens de l'aide publique au développement entre 2017 et 2014 serait en réalité de 120 millions d'euros seulement, soit 4,2 %.
Certes, les taxes affectées ont été présentées comme des moyens supplémentaires. Certes, le Royaume-Uni, malgré une politique rigoureuse de redressement des finances publiques, a sanctuarisé cette politique et en a augmenté les crédits. Reste que la baisse des crédits demeure relativement maîtrisée.
Les crédits de paiement de la mission s'élèvent en 2015 à 2,82 milliards d'euros, en baisse de 2,9 % par rapport à 2014. Cette diminution s'explique notamment par la baisse de 50,9 millions d'euros des annulations de dettes sur le programme 110. Les économies réalisées sur les dépenses de personnel (4,4 millions d'euros), sur les dispositifs de coopération bilatérale (7 millions d'euros) et la fin des actions menées dans le cadre de la politique de co-développement (8,5 millions d'euros) compensent la hausse de la contribution au Fonds européen de développement (22,9 millions d'euros).
Les divers dispositifs de coopération multilatérale du programme 209 voient leurs crédits baisser de 32,4 millions d'euros, baisse en grande partie compensée par une hausse du produit de la taxe sur les transactions financières.
Les crédits de paiement du compte de concours financier « Prêts à des États étrangers », qui retrace des opérations de versements et de remboursements relatives aux prêts accordés aux pays en développement et à la Grèce depuis 2010, sont relativement stables.
Nous aborderons conjointement les crédits de la mission et ceux du compte de concours financier suivant une logique thématique.
L'Agence française de développement (AFD) reçoit des subventions pour financer des projets sous forme de dons : ces crédits sont stables en autorisations d'engagement et en très légère baisse en crédits de paiement.
Elle intervient également dans les États étrangers en accordant des prêts, plus ou moins concessionnels. La bonification prend plusieurs formes : lorsqu'elle se finance aux conditions du marché, l'Agence réduit le taux d'intérêt proposé aux bénéficiaires de ses concours grâce aux bonifications de prêts que lui accorde l'État. Ces bonifications représentent 178 millions d'euros en crédits de paiement en 2015. La hausse de 8 millions d'euros en autorisations d'engagement s'explique par l'engagement présidentiel d'augmenter les financements de l'AFD en Afrique sur la période 2014-2018.
L'AFD finance également la concessionnalité de ses prêts grâce à la ressource à condition spéciale (RCS), qui prend la forme d'un prêt de l'État à des termes préférentiels. Ses crédits augmentent en autorisations d'engagement en raison d'un prêt de 430 millions d'euros de la France à la Banque mondiale, géré par l'AFD. Les bonifications et la RCS devraient contribuer à l'aide publique au développement de la France en 2015 à hauteur de 1 845 millions d'euros.
L'AFD étant une banque, elle doit respecter des ratios bancaires qui limitent sa capacité à prendre de nouveaux engagements dans de nombreux pays, tels que le Maroc. Le renforcement des fonds propres de l'AFD, sur lequel Yvon Collin et moi-même avons attiré votre attention par le passé, passera par une diminution du dividende versé à l'État, par une amélioration de son résultat net et, enfin, par la conversion d'une partie de la RCS en véritables fonds propres, à hauteur de 840 millions d'euros. Ainsi, au titre de 2015, 280 millions d'euros de crédits de paiement sur la RCS sont supprimés par rapport à l'an dernier, tandis que l'État a acquis pour un même montant des titres subordonnés de l'AFD, à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
Ainsi, les moyens de l'AFD sont préservés, voire légèrement renforcés, en phase avec les objectifs qui lui ont été fixés dans le contrat d'objectif et de moyens pour les années 2014-2016, qui prévoit une progression de 9 % de ses engagements en trois ans.
S'agissant de l'aide liée, pour laquelle une part minimale des contrats financés doit correspondre à des achats de biens et services fournis par des entreprises françaises, on constate que les crédits de la « Réserve pays émergents » (RPE) sont en baisse de 30 millions d'euros en autorisations d'engagement. Leurs 330 millions d'euros sont à comparer aux 400 millions de 2010. Si l'état des finances publiques impose des choix douloureux, il est regrettable que les discours sur la diplomatie économique ne s'accompagnent pas d'une politique plus ambitieuse sur la RPE.
Les crédits relatifs à la coopération technique n'appellent pas de remarque. La fusion de plusieurs acteurs au sein de l'Agence française d'expertise technique internationale (AFETI) n'a pas encore de conséquence budgétaire.
Concernant les crédits de l'aide humanitaire, ils permettent de souligner que le Président de la République a annoncé un effort financier de 100 millions d'euros, dont 20 millions mis à disposition immédiatement, pour lutter contre l'épidémie de fièvre Ebola. D'après le secrétaire d'État au budget, Christian Eckert, ces 20 millions d'euros devraient provenir de redéploiements de crédits en fin de gestion 2014, le solde étant inscrit sur le budget 2015. Ces crédits ne porteront pas forcément sur la mission « Aide publique au développement » mais concerneront également les ministères de l'intérieur, pour la sécurité civile, et des affaires sociales, voire de la défense. Une quarantaine de millions d'euros pourraient néanmoins venir abonder la mission.
Le fonds de solidarité prioritaire (FSP), instrument d'aide projet du ministère des affaires étrangères, voit ses crédits baisser de 10 %, passant de 50 à 45 millions d'euros en autorisations d'engagement.
J'en viens maintenant au traitement de la dette des pays en développement, qui peut prendre trois formes : une annulation de dette, décidée dans un cadre bilatéral ou multilatéral, un refinancement par dons des échéances dues sous la forme de « contrats de désendettement et de développement » (C2D) et un refinancement au moyen d'un nouveau prêt, accordé dans des conditions plus favorables. Les crédits 2015 sont relativement stables sauf pour les annulations de dette bilatérale, en diminution de 50 millions d'euros environ en crédits de paiement.
S'agissant de l'aide multilatérale, l'aide économique et financière y occupe une place prépondérante : il s'agit essentiellement de la reconstitution des différents fonds multilatéraux de développement, dont les variations peuvent être sensibles d'une année à l'autre.
Le Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme (FMLSTP) perçoit 187 millions d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, complétés par 173 millions d'euros du Fonds de solidarité pour le développement, à partir des taxes affectées. La contribution de la France au FMLSTP est donc maintenue, la baisse de 30 millions d'euros des crédits budgétaires étant entièrement compensée.
La mission « Aide publique au développement » porte les crédits de la contribution française au Fonds européen de développement (FED), principal instrument de l'aide européenne à destination des pays de la zone Afrique, Caraïbes et Pacifique. Pour cet outil hors budget communautaire, la France a obtenu une diminution de sa clé de répartition mais le montant global du FED étant en hausse, notre contribution l'est aussi.
Enfin, les crédits de personnel sont en baisse en 2015 de 2,1 %, soit une économie de 4,4 millions d'euros.
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques, transférant 35 millions d'euros de l'action 02 « Aide économique et financière bilatérale » du programme 110 vers l'action 02 « Coopération bilatérale » du programme 209. Je partage le souci par rapport à la place des dons dans notre aide. Bien qu'il soit délicat de retirer à l'AFD des ressources qui correspondent à des engagements déjà pris, je vous proposerai de ne pas revenir sur ce transfert.
En conséquence, et compte tenu des observations qui vous ont été présentées, nous vous proposons, sans enthousiasme, d'adopter sans modification les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des états étrangers ».
Je remercie la commission de son accueil et nos collègues pour la clarté et l'exhaustivité de leur rapport.
L'aide publique au développement participe de la politique d'influence et de rayonnement de notre pays. Elle doit être resituée en regard de l'évolution démographique de la planète.
La raison commande de rejoindre les conclusions des rapporteurs et d'adopter sans modification les crédits. L'Assemblée nationale a voulu délivrer un signal au sujet de la répartition entre prêts et dons. Revenir dessus ne serait pas judicieux. Par ailleurs, les taxes affectées ne doivent pas devenir de commodes variables d'ajustement de crédits en baisse.
Je partage le peu d'enthousiasme des rapporteurs sur ce budget. Mais il est impossible d'échapper aux réalités économiques et la générosité reste raisonnable.
Notre engagement budgétaire ne peut être comparé à celui du Royaume-Uni car il n'est fondé ni sur les mêmes motivations si sur les mêmes moyens, la politique étrangère britannique s'appuyant sur la présence à l'étranger d'organisations non gouvernementales.
Le transfert de 35 millions d'euros de crédits de prêts vers les dons décidé par l'Assemblée nationale constitue certes un signal fort : la ligne rouge était près d'être franchie.
Je regrette le plafonnement de la taxe sur les transactions financières, car les ressources supplémentaires vont à Bercy.
Quelles sont les conséquences de l'application à l'AFD des ratios bancaires ? Quelle devrait être l'ampleur de la recapitalisation ?
Je suis favorable au remplacement des prêts, qui s'apparentent à une drogue, par des dons. Le rééchelonnement des prêts, c'est la mort du petit cheval !
Nous sommes tous sensibles à l'importance de cette politique. Je partage le souci de Richard Yung sur la recapitalisation de l'AFD. Savons-nous où nous allons ? Le modèle prudentiel de l'AFD est-il cohérent avec les enjeux de la recapitalisation ? Dans quelles conditions les normes bancaires doivent-elles s'appliquer à un établissement atypique comme l'AFD ?
Je m'interroge sur la logique de la présence de l'AFD dans les départements outre-mer. L'AFD intervient avec des équipes étoffées alors que d'autres structures publiques pourraient le faire, par exemple les directions régionales de la Caisse des dépôts. Est-il opportun que l'AFD accorde des prêts au logement quand les ressources du livret A pourraient être utilisées ? Il y a là une source potentielle d'économies.
Les engagements de l'AFD sur une même contrepartie ne peuvent dépasser 25 % de ses fonds propres. Cette limite a été atteinte pour le Maroc et le sera bientôt pour le Vietnam et pour d'autres pays. L'AFD ne pourra y prendre d'engagements nouveaux. C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer ses fonds propres.
L'AFD est un établissement public industriel et commercial, dont la tutelle est partagée entre le Trésor et les Affaires étrangères.
Nous siégeons tous les deux aux côtés de deux membres de la commission des affaires étrangères.
S'agissant de la politique de l'AFD outre-mer, ces crédits ne sont pas sur la mission « Aide publique au développement » mais sur la mission « Outre-mer », à l'exception de reliquat lié à des engagements passés.
Le statut bancaire de l'AFD est envié : il lui offre une grande marge de manoeuvre et assure un important effet de levier. Cependant sa structure bilantielle particulière suscite des questions. L'effacement de la dette efface aussi des risques importants. Nous souhaitons que l'essentiel des dividendes demeure dans les fonds propres, afin que l'AFD puisse faire face aux difficultés qui se présenteront dans dix ou quinze ans. Nous aurions préféré présenter un engagement plus volontariste de la France et regrettons comme vous que seulement 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières soit affectée à l'AFD, le reste tombant dans le tonneau des danaïdes de l'État.
L'épidémie de fièvre Ebola doit nous amener à réfléchir sur les moyens et les investissements destinés à améliorer la santé. L'épidémie a peu de chance de toucher notre territoire mais on ne peut exclure qu'elle se transforme en catastrophe humanitaire. La tuberculose a réapparu en France métropolitaine ; l'on a relevé un cas de chikungunya dans le Midi... L'aide au développement réalisée en temps opportun peut éviter des coûts considérables. L'APD paraît toujours trop chère car elle concerne des pays lointains, soyons conscients qu'elle a également un impact pour nous, à moyen ou long terme. Elle doit donc autant que faire se peut être sanctuarisée.
Comme l'a souligné Henri de Raincourt, le défi alimentaire constitue une préoccupation majeure liée au réchauffement climatique. La délégation à la prospective a produit un excellent rapport sur le sujet. Les pays producteurs de riz sont les premiers touchés. Je me réjouis de l'accord signé hier entre la Chine et les États-Unis sur l'émission de CO2.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte spécial « Prêts à des États étrangers ».
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur les programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale » de la mission « Sécurités » (et article 59 septies), du rapport de M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, sur le programme « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et du rapport de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial, sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».
Je salue la présence d'Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».
Les crédits proposés au titre des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » s'élèvent à 17,74 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 17,76 milliards en crédits de paiement, en progression respectivement de 1,13 % et de 0,49 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale.
Cette hausse reflète pour partie les créations de postes, à hauteur de 405 emplois temps plein (ETP), dont 243 ETP pour la police et 162 ETP pour la gendarmerie, portant le total des créations d'emplois à 1 290 ETP depuis 2013.
Des écarts croissants s'observent entre les prévisions et les exécutions du plafond d'emplois de la gendarmerie nationale : la sous-exécution a atteint 1 810 emplois équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2013, soit 1,86 % des emplois du programme, ce qui traduit la difficulté des gestionnaires à appréhender les comportements individuels des agents. En conséquence, de nombreuses brigades de gendarmerie sont incomplètes.
La stabilisation des dépenses de personnel de la police nationale entre 2014 et 2015 (+ 0,1 milliard d'euros) s'explique par une surévaluation des crédits de titre 2 en loi de finances initiale pour 2014. À périmètre constant, les dépenses de personnel augmentent en réalité de 1,1 % par rapport à 2014. La masse salariale devrait en revanche se stabiliser entre 2015 et 2017, sous l'effet d'un repyramidage (des postes de catégorie A sont supprimés au profit de postes de catégories B et C) et d'une baisse drastique des mesures catégorielles qui seront inférieures à 1 million d'euros en 2017, soit un niveau historiquement bas qui pourrait peser sur l'attractivité des métiers de la sécurité. La baisse en 2014 du taux de l'indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP) a d'ores et déjà constitué un frein au recrutement. Enfin, selon la Cour des comptes, le stock d'heures supplémentaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, estimé à 15 749 000 heures par le ministère de l'intérieur, réévalué à la hausse par rapport aux estimations antérieures (14,6 millions d'heures), requiert la constitution d'une provision, comprise entre 194 et 322 millions d'euros.
Les indicateurs de mission montrent une hausse généralisée de la délinquance en 2013 : les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes ont augmenté l'an passé, tant en zone police (+ 1,29 %, après + 1,45 % en 2012) qu'en zone gendarmerie (+ 3,2 %) ; les violences physiques non crapuleuses et les violences sexuelles ont crû de 1,1 % en 2013 en zone police et de 9,8 % en zone gendarmerie (au lieu de - 9,2 % en 2012) ; le nombre de cambriolages a progressé de 7 %, tant en zone police qu'en zone gendarmerie pour atteindre un total de 390 000 en 2013 ; enfin, les atteintes aux biens ont augmenté en zones police (+ 2,7 %) et gendarmerie (+ 3,9 %). Les résultats du premier semestre 2014 sont contrastés.
De telles évolutions, en partie imputables à la situation économique, laisseront des traces durables sur le sentiment d'insécurité de nos concitoyens et justifieraient que les données issues des enquêtes conduites par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) soient valorisées dans la préparation des documents budgétaires et utilisées pour élaborer un indicateur pertinent sur ce ressenti, comme notre collègue Jean-Vincent Placé l'avait d'ailleurs proposé l'an dernier. En outre, la création d'un indicateur mesurant la part des activités dédiées à la prévention et à la répression par les forces de police serait également utile et pourrait constituer l'un des objectifs du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) créé cette année.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 59 septies autorisant les collectivités territoriales à participer, jusqu'en 2017, au financement d'opérations immobilières de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la justice. Il s'agit de la deuxième reconduction d'un dispositif institué par la loi d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002. Ce dispositif est bienvenu et nécessaire.
Je salue le courage et l'engagement des forces de sécurité, dont j'ai pu rencontrer les syndicats, ainsi que les directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Je suggère d'adopter sans modification les crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités », ainsi que l'article 59 septies rattaché. J'estime en conclusion que le bilan négatif en matière d'insécurité pour 2013 commande de renforcer les personnels.
La politique de sécurité routière a porté ses fruits ; le nombre de tués et blessés sur les routes françaises a fortement diminué entre 2008 et 2013 (3 268 morts en 2013). Il convient de ne pas baisser la garde car le nombre de morts a légèrement augmenté sur les huit premiers mois de l'année 2014. L'objectif du Gouvernement est de passer sous la barre de 3 200 morts en 2015.
Sous réserve du transfert des dépenses de personnel au programme 216, les dépenses du programme 207 « Sécurité et éducation routières » restent stables par rapport à la réalisation 2013. Le bas niveau des taux d'intérêt réduit d'un million d'euros la charge financière de l'État au titre du permis à un euro par jour. Je salue la réforme annoncée du permis de conduire, qui devrait rendre plus attractive la conduite accompagnée, réduire le délai entre deux présentations à l'examen et décharger les inspecteurs de tâches qui n'étaient pas au coeur de leur mission. Je serai attentif à ce qu'elle soit menée à budget constant.
Quant au contrôle de la circulation et du stationnement routier, les recettes attendues pour 2015 s'établissent à 1,671 milliard d'euros, en légère progression par rapport à 2014. Elles se répartissent entre les amendes forfaitaires « radars » (658 millions d'euros), les amendes forfaitaires majorées et les amendes forfaitaires hors radars (1,01 milliard d'euros). Elles contribuent au financement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) à hauteur de 249 millions d'euros et à celui de programmes pour les collectivités territoriales (170 millions d'euros sur le programme « radars » et 497 millions d'euros sur le programme 754) ; 45 millions d'euros sont versés au Fonds interministériel de prévention de la délinquance et 440 millions d'euros sont consacrés au désendettement de l'État.
Je me suis interrogé, comme chaque année, sur la politique de l'État en matière de radars, qui fera sans doute l'objet de mon contrôle budgétaire de l'an prochain. Certains de ces équipements vieillissant, on s'efforce d'implanter de nouveaux radars « vitesses moyennes » ou « chantiers », bien plus intelligents que les précédents, mais bien plus chers : 200 000 euros pièce environ. Puisque l'on nous annonce quarante nouveaux radars « vitesse moyenne » et quarante-trois nouveaux radars « chantiers », je proposerai un amendement réduisant les nouvelles installations à vingt de chaque type, pour une économie de 7,35 millions d'euros que je vous propose d'affecter aux collectivités territoriales.
L'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), installée à Rennes, gère tous les procès-verbaux ; elle envoie, pour un coût de 15,7 millions d'euros, 17 millions de lettres simples qui arrivent souvent avec beaucoup de retard, alors que les procès-verbaux portent l'indication du nombre de points de permis retirés, information d'ailleurs disponible en ligne. C'est pourquoi je proposerai de supprimer l'envoi de ces lettres et de récupérer les sommes correspondantes. Un troisième amendement diminuera de 15 millions d'euros le fonds de roulement de cette agence. Je ne suis pas parvenu à en obtenir le montant exact, mais je l'estime entre 40 et 50 millions d'euros, la subvention de l'État à cette agence s'élevant à 123 millions d'euros, et un prélèvement de 15 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'ANTAI, par une baisse à due concurrence de la subvention de l'État, devrait maintenir le montant du fond au-dessus de son niveau prudentiel.
Le procès-verbal électronique a remplacé le carnet à souches, 15 600 outils de verbalisation électronique ayant été répartis entre police nationale et gendarmerie. Ce sont 1 954 communes qui en ont doté leurs polices municipales : le fonds d'amorçage destiné à aider les communes à les acquérir a été prorogé jusqu'en 2015.
Les crédits du programme « Sécurité civile » ne couvrent qu'une partie des moyens consacrés à la sécurité civile : les moyens de l'État forment 48 % des crédits de paiement de la politique transversale de sécurité civile, lesquels s'élèvent à 915,7 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015 ; surtout, le budget total des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) atteint 4,36 milliards d'euros dans les budgets primitifs pour 2014, soit cinq fois les crédits inscrits aux missions du budget de l'État, répartis entre 2,49 milliards d'euros pour les départements et 1,87 milliard d'euros pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). La politique de sécurité civile relève bien d'une responsabilité partagée, et il est heureux que le ministre de l'intérieur ait confirmé le 4 octobre dernier le rôle de l'échelon départemental comme niveau d'organisation de la réponse opérationnelle des SDIS, tout en pérennisant leur mode de financement par les collectivités territoriales et l'État.
Les crédits de paiement du programme « Sécurité civile » (439,55 millions) augmentent de 0,6 % sous l'effet d'une hausse des dépenses de personnel. La progression des crédits d'investissement (+ 4,8 millions d'euros) doit être relativisée puisque, en 2013, les opérations d'investissement ont été une variable d'ajustement de l'exécution budgétaire par le report d'une partie de ces dépenses en 2014.
Les autorisations d'engagement (401 millions d'euros) sont en recul de 31,9 % : l'inscription de 167 millions d'euros d'autorisations d'engagement en loi de finances initiale pour 2014 pour la passation du nouveau marché de maintien en condition opérationnelle des avions a entraîné mécaniquement une diminution des autorisations d'engagement pour l'année 2015 par rapport à 2014.
Le schéma d'emploi du programme présente une diminution de 24 emplois équivalent temps plein (ETP), ce qui n'empêche pas une nette hausse des dépenses de personnel, portées à 166,61 millions d'euros, soit une augmentation de plus de 3,7 millions d'euros par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014. Cette progression traduit en réalité la correction d'une sous-budgétisation chronique des dépenses de personnel.
Cette année voit la refonte et la simplification du dispositif de performance : cinq objectifs et neuf indicateurs sont proposés, au lieu de neuf objectifs et onze indicateurs en 2014. Cette évolution accroît la lisibilité des moyens affectés à la politique de sécurité civile, alors que les crédits du programme ne représentent qu'un peu plus de 0,1 % des dépenses du budget de l'État. Cependant, le changement d'indicateur mesurant la disponibilité des hélicoptères interdit les comparaisons d'une année sur l'autre, alors qu'apparaissaient les conséquences néfastes du vieillissement de la flotte.
Le renouvellement de la flotte aérienne a été trop longtemps différé. Le remplacement des neuf Tracker, dédiés à l'attaque des feux naissants, est toujours prévue à l'horizon 2020 ; le ministère de l'intérieur m'a sobrement indiqué que la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises lui remettrait des propositions techniques pour le renouvellement de la composante Tracker, en étudiant différents modèles économiques (achat, location). En outre, comme l'a précisé le ministère de l'intérieur, la flotte d'avions d'investigation et de coordination Beechcraft 200 a un âge moyen de 27 ans mais des réponses devraient être apportées puisque le nouveau marché de maintenance prévoit leur rénovation. Par ailleurs, toujours selon le ministère de l'intérieur, l'équipement de deux des trois avions de la flotte en moyens optroniques contribuera à moderniser l'approche des missions de recherche des feux de forêt et à développer de nouvelles missions subsidiaires au profit du ministère. Ces choix engendrant des dépenses de maintenance accrues, il serait utile d'effectuer des simulations comparant les surcoûts liés au maintien de la flotte actuelle et le coût de nouveaux appareils.
Il conviendrait également de mutualiser l'usage des hélicoptères avec les forces de police et de gendarmerie, voire au niveau interministériel, par exemple avec les acteurs de la santé publique. Une flotte nationale unique de la sécurité civile, de la gendarmerie et du service d'aide médicale urgente (SAMU) pourrait être envisagée, en définissant chaque année le crédit d'heures alloué à chacune des missions et les règles de priorité d'emploi entre ces services, afin d'homogénéiser le parc aérien, de réduire le coût de sa maintenance et d'optimiser son utilisation.
Le projet ANTARES (Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours) vise une meilleure interopérabilité des systèmes de communication des forces de sécurité. Son coût total d'investissement s'élèvera, d'ici 2018, à quelque 118 millions d'euros pour l'État, qui supportera la mise en oeuvre et le financement des relais radio constituant toute l'infrastructure du réseau. Pour leur part, les SDIS prendront en charge les postes mobiles équipant les véhicules et les postes fixes des casernes, ainsi que l'adaptation technique des dispositifs radio équipant les centres de traitement de l'alerte et le centre opérationnel départemental d'incendie et de secours.
Il est regrettable que, depuis 2013, les efforts d'investissement consentis par les SDIS ne soient plus soutenus par les crédits du Fonds d'aide à l'investissement (FAI), dont une part importante concourait spécifiquement, depuis 2007, au financement d'Antares.
Le Gouvernement concentre ses investissements, en 2015 et 2016, sur la couverture par ANTARES de l'ensemble du territoire national ; s'établissant à 95 %, le taux de couverture pose toujours le problème de « zones blanches », notamment dans les départements ruraux. Ce taux correspond en outre vraisemblablement aux résultats d'une modélisation de la couverture radio à l'aide de modèles informatiques. Les mesures effectuées sur le terrain font apparaître des chiffres sensiblement inférieurs. Il convient d'envisager des solutions techniques afin d'améliorer la couverture du territoire, tout en veillant à ce que leur coût ne soit pas excessif.
À cette fin, je propose la création d'un nouvel objectif de performance « Couverture optimale du territoire national par le réseau ANTARES en vue de la protection des populations », auquel serait associé un indicateur de la part de la population couverte par le réseau, renseigné notamment par des mesures de couverture réalisées sur le terrain.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter sans modification les crédits du programme « Sécurité civile », qui correspond à la mise en oeuvre d'une politique régalienne.
Je m'associe aux félicitations que Philippe Dominati a adressées aux gendarmes. Le programme « Gendarmerie » aurait dû comporter un effort en faveur du logement de nos gendarmes, dont les piètres conditions de vie affectent directement leur moral et celui de leurs familles. Il ne prend pas suffisamment en compte les nouveaux risques auxquels ils sont exposés, comme les jets d'acide. Il convient enfin de bien expliquer les regroupements de brigades : le directeur général de la gendarmerie nous a présenté les inconvénients de brigades trop petites, mais leur départ aurait de lourdes répercussions sur les communes et les cantons.
Philippe Dominati a souligné dans son rapport le surcoût record de 38,7 millions d'euros pour l'envoi de gendarmes en opérations extérieures en 2010, puis la diminution de cette charge. S'explique-t-elle par des missions différentes, ou par la raréfaction des volontaires ?
Les trois rapports font apparaître les liens étroits entre les composantes de cette mission. Si les effectifs de la gendarmerie augmentent légèrement, des petites brigades restent incomplètes. Le principe des communautés de brigades est-il performant ? Beaucoup de postes dans la hiérarchie ne sont pas pourvus. En tant que maire d'une petite commune, j'ai longtemps eu pour interlocuteurs les pompiers et les gendarmes, qui passent désormais plus de temps enfermés dans leurs brigades. Celles de proximité consacrent beaucoup de temps à des missions sociales, malgré un manque criant de moyens humains. Comment les effectifs se répartissent-ils entre l'état-major et le terrain ? Certaines brigades ont de grandes difficultés à obtenir des véhicules neufs, les leurs ayant parfois 300 000 kilomètres au compteur. Le recrutement de gendarmes adjoints de réserve, qui représente une formation pour les jeunes, est-il toujours d'actualité ?
Je suis, moi aussi, préoccupé par le défaut d'investissement dans les gendarmeries et par les conditions de logements, souvent indécentes. J'apprécie que le rapporteur approuve la prorogation de la possibilité donnée aux collectivités locales d'intervenir, notamment par crédit-bail, conformément à la loi de 2002. Les crédits en cours répondront-ils aux besoins identifiés ? On nous propose le renouvellement de 2 000 véhicules de gendarmerie sur les 26 500 du parc, soit une durée moyenne d'utilisation de près de quatorze ans à ce rythme de renouvellement. Est-ce normal ? Je m'étonne enfin du refus de L'ANTAI de communiquer le niveau de son fonds de roulement. Cette rétention d'information n'est pas acceptable.
Où en est-on de la dépénalisation des amendes de stationnement ? Une meilleure maîtrise de cette ressource bénéficierait aux finances des collectivités locales. Gilles Carrez et moi étions parvenus à convaincre, il y a trois ans, de l'opportunité d'une revalorisation de ces amendes de onze à dix-sept euros, mais cela n'a manifestement pas suffi à les rendre dissuasives : certains continuent à préférer s'y exposer plutôt que de payer un parking...
L'État abandonne ses missions régaliennes. Il est facile pour les préfets de faire état de nombreux procès-verbaux, mais qu'en est-il des statistiques des atteintes aux biens et aux personnes ? Il faudrait des effectifs pour améliorer la protection de nos concitoyens. Sur l'immense plateau ardéchois, il y a trois brigades - tout va bien quand les cinq gendarmes peuvent mettre de l'essence dans leurs véhicules ! Le rapport nous a également montré dans la gendarmerie une armée mexicaine, composée surtout de capitaines et de colonels - cela fait des débouchés....
En tant que président de l'association des maires ruraux de mon département, je sais d'expérience que les gendarmes ne sont plus proches des élus : j'en arrive à ne plus connaître leur nom. Nous assistons à un transfert de la délinquance du milieu urbain au milieu rural : nous avons désormais nous aussi des hold-up dans nos commerces - trois dans la même nuit, une chose inouïe chez nous - et ils restent impunis.
Les saisies d'avoir criminels sont en augmentation. Pourquoi ne pas mettre les véhicules concernés à la disposition des forces de l'ordre, plutôt que d'attendre à grands frais qu'ils deviennent inutilisables ?
Je ne suis pas un chaud partisan des radars, mais j'aurai appris aujourd'hui la différence entre radars « chantiers » et radars « tronçons ». Quant aux gendarmes, je rejoins Jacques Genest : on les voit bien moins au contact de la population et des élus. Au lieu de faire des tournées avec leur fourgonnette, ils restent dans leurs brigades face à leurs ordinateurs. Leur rôle de prévention était pourtant efficace. Il faut qu'ils soient au bord des routes et des chemins, puisqu'il reste des coins de France où il y en a encore...
Avance-t-on vers un règlement du problème des numéros d'urgence 18 et 15, qui coûte une fortune ? La majorité des départements sont contraints d'installer pour les pompiers et pour les hospitaliers des centres d'alerte revenant de trois à cinq millions d'euros.
La participation des communes au budget du SDIS est limitée à l'inflation, les départements assumant la différence. Elles se sont souvent entendues pour que cette participation soit prise en charge par l'intercommunalité, afin d'égaliser les contributions. Selon l'humeur du sous-préfet, cet arrangement est accepté ou non. Un amendement pourrait-il autoriser les intercommunalités à prendre la responsabilité des SDIS ?
Les commissions de sécurité sont entièrement financées par les collectivités, alors qu'elles sont entièrement à la disposition de l'État. Pourquoi celui-ci ne prendrait-il pas à sa charge les 70 millions d'euros annuels qu'elles représentent ?
Pourrait-on, enfin, établir une hiérarchie des activités des gendarmes en fonction de leur importance, de manière à ce qu'ils enquêtent sur les cambriolages, plutôt que de faire des contrôles d'alcoolémie sur les routes à dix heures du matin ?
Non seulement les dotations de la gendarmerie baissent, mais le rapport nous apprend qu'elles sont affectées pour moitié au solde d'engagements antérieurs. Cet écart entre les objectifs affichés et les moyens est inquiétant : les véhicules doivent à présent durer non pas treize, mais bien vingt ans. Dans ces conditions, combien passeraient le contrôle technique ?
La mutualisation des moyens des SDIS et du SAMU serait une bonne chose. Dans mon département de l'Aisne, de nouvelles structures destinées au SDIS pourraient accueillir le SAMU, mais celui-ci fait des difficultés. Nos concitoyens ont du mal à le comprendre... La mutualisation des hélicoptères est également à souhaiter, pour des raisons d'économies comme de meilleure couverture du territoire.
Selon le directeur général de la gendarmerie nationale, les gendarmes engagés en opérations extérieures ont diminué de 262 à 172 entre l'automne 2013 et l'automne 2014 : il n'y a pas de contrainte particulière sur ce budget.
La gendarmerie souffre en revanche d'un écart de 1,8 % entre son plafond d'emplois et ses effectifs réels, soit plus de 1 800 postes. La concentration des brigades fera passer les effectifs des plus nombreuses d'entre elles de dix-huit à vingt-quatre gendarmes. La suppression d'une partie des brigades ne pourra s'effectuer qu'en contact avec les élus.
Quant à la hiérarchie des missions, il est frappant que lors des années d'élections, le seul établissement des procurations par les services de police et de gendarmerie suffit à absorber le bénéfice des emplois créés, soit l'équivalent de plus de 700 postes.
Des arbitrages ont été pris en vue de la mutualisation des matériels et de l'immobilier, mais les marges de manoeuvre sur l'intendance et le fonctionnement sont limitées pour des programmes dont 88 % des dépenses relèvent du titre 2. Les espoirs des hauts fonctionnaires comme des syndicats reposent sur les gains de mutualisations futures.
Priorité fixée par la hiérarchie de la gendarmerie, le logement des gendarmes bénéficiera d'un programme spécial de réhabilitation à hauteur de près de 30 millions d'euros par an en 2013, 2014 et 2015, au détriment sans doute du renouvellement des véhicules et autres matériels. Je partage vos inquiétudes sur les investissements nécessaires pour la modernisation de la gendarmerie.
Le problème des véhicules se pose également pour la police nationale, dont les syndicats aimeraient disposer des automobiles saisies. Il est vrai que ces grosses cylindrées ne sont guère adaptées aux missions ordinaires de la police et de la gendarmerie, et que les juges seraient réticents à les mettre à disposition...
Cela a bien été fait pour des voitures allemandes dans le Morbihan. Le stockage coûte cher et la valeur vénale des véhicules finit par diminuer considérablement.
Je me souviens que Michel Charasse, quand il était ministre, s'était saisi de cette question. Que le sujet ne soit pas neuf ne nous dispense pas de rechercher une solution efficace.
S'agissant enfin des missions effectuées, sur un plafond global d'emplois de 97 215 gendarmes, le maintien de l'ordre et la sécurité publique représentent 44 900 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT), la sécurité routière 11 100 ETPT et les missions judiciaires 24 800 ETPT. Les budgets pour 2014 et 2015 auraient dû confier la responsabilité du transfèrement des prisonniers à la justice. La tranche 2013 de transfert n'a pas été réalisée, et les opérations doivent reprendre en 2015.
Le stock d'heures supplémentaires effectuées dans la police nationale - plus de 15 millions ! - est un important sujet de préoccupation. Les fonctionnaires les soldent habituellement lors de leur départ à la retraite, ce qui fait courir le risque d'effectifs très insuffisants sur le terrain. Je rappelle que, selon la Cour des comptes, le coût de ce stock d'heures s'élève à plus de 320 millions d'euros.
Je ne m'étonne plus vraiment de l'attitude de l'ANTAI, puisque j'attends toujours réponse à mes questions sur la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il nous faut être persévérants...
La dépénalisation des amendes, votée en janvier 2014, sera normalement mise en oeuvre à partir du 1er janvier 2016, ce qui modifiera le CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». La loi de simplification de la vie des entreprises comporte d'ailleurs, de façon un peu étonnante, une autorisation donnée au Gouvernement de prendre une ordonnance sur ce point.
Les radars « chantiers » sont disposés dans les zones des chantiers, qui se déplacent, mais autour desquels on a constaté que les automobilistes avaient tendance à ne pas respecter les limitations de vitesse.
Le problème du 15 et du 18 a été résolu au niveau européen par l'institution du 112, mais les SDIS semblent très attachés au 18 et le SAMU au 15. Sans doute faudrait-il créer des centres communs de traitement des appels, ce qui contribuerait à la maîtrise de la masse salariale. Des protocoles ont été mis en place dans certains départements, avec des formations communes aux différents opérateurs. Un seul numéro et des plateformes communes constitueraient certainement l'idéal. Cependant, un département qui avait opéré ce choix a fait marche arrière au bout de trois ans.
Depuis la loi de départementalisation de 1996, il est interdit aux EPCI d'assumer la compétence correspondant aux attributions « incendie », mais certains préfets ont fermé les yeux. Le président d'un conseil général, qui était aussi celui du SDIS, a souhaité demander aux EPCI d'assumer cette compétence, de manière à réduire considérablement le nombre de ses interlocuteurs. La généralisation de cette évolution est à souhaiter. Encore faudrait-il que les collectivités restituent bien les recettes correspondantes.
Je suis d'accord avec Éric Doligé au sujet des commissions de sécurité : les préventionnistes et leur secrétariat doivent être à la charge de l'État.
Sur la mutualisation de la flotte, les mêmes hélicoptères EC 135 sont utilisés par la gendarmerie et le SAMU, la sécurité civile employant des EC 145 un peu moins rapides. Une mutualisation de leurs flottes aériennes serait donc possible et bienvenue.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Sécurités », ainsi que l'article 59 septies.
Article 34
L'amendement n° 1 réduit le nombre de nouveaux radars installés en remplacement d'anciens et affecte les sommes économisées à l'équipement des collectivités territoriales.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'amendement n° 2 prélève 15 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'ANTAI.
Oui, il faut disposer des données exactes pour ajuster, le cas échéant, le montant du prélèvement.
L'amendement n° 2 est adopté.
Article additionnel rattaché
L'amendement n° 3 supprime l'obligation inscrite au code de la route de notifier à l'intéressé un retrait de points par lettre simple.
L'amendement n° 3 est adopté.
Article 34
L'amendement n° 4, conséquence de l'amendement n° 3, est adopté.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », ainsi modifiés, ainsi que d'un amendement portant article additionnel rattaché.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Michel Canevet, rapporteur spécial, sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
La mission « Direction de l'action du Gouvernement » regroupe les crédits consacrés aux fonctions stratégiques et d'état-major du Gouvernement, aux moyens des administrations déconcentrées et aux autorités administratives indépendantes. Ses crédits s'élèvent à 1 247 millions d'euros, soit une légère hausse, de 35 millions d'euros, par rapport à la loi de finances pour 2014, à périmètre inchangé. Cette augmentation s'explique principalement par la hausse des crédits du Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN). Ainsi, 16 millions d'euros supplémentaires financeront la montée en puissance de l'Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), créée en 2009, pour assurer la protection des intérêts nationaux contre la cybercriminalité et renforcer la sécurité des systèmes d'information de l'État et des opérateurs d'importance vitale. L'ANSSI bénéficiera de 65 créations d'emplois, les contractuels représentant environ 70 % de ses effectifs. Grâce à cette politique de recrutement, le SGDSN souhaite maîtriser sa masse salariale tout en diffusant de bonnes pratiques dans les entreprises où ces personnels poursuivront leur carrière. Les crédits que le SGDSN transfère au ministère de la défense au titre de projets interministériels de cryptologie et de chiffrage augmenteront également.
J'ai souhaité m'intéresser au Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), qui dispose d'un budget modeste (33 millions d'euros) mais pilote le programme d'investissement d'avenir (PIA) intitulé « Transition numérique et modernisation de l'action publique ». Ce programme, initialement doté de 150 millions d'euros l'an dernier, recevra 126 millions d'euros. L'utilisation de ces crédits avait été précisée en 2013 à la demande de Philippe Dominati, alors rapporteur spécial : développement des services publics en milieu rural, innovation numérique, simplification des échanges entre les entreprises et l'administration, mise à disposition de données publiques. La plupart de ces objectifs relèvent de la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC), chargée de gérer les grands projets informatiques de l'État et d'assurer la cohérence entre les systèmes d'information des différents ministères. Le projet de convention relatif à ce PIA - que nous avons reçu il y a quelques semaines - ne fait plus mention du projet de services publics en milieu rural. Cette action relèverait désormais du Commissariat général à l'égalité des territoires. En séance publique à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté un amendement pour augmenter de 6 millions d'euros les crédits de la DISIC, soit une multiplication par 1,6 du budget alloué, sans que les projets ni les besoins ne soient clairement identifiés. Je vous proposerai un amendement pour obtenir des précisions sur l'utilisation du PIA et sur les projets de la DISIC.
Il me semble indispensable d'accélérer les regroupements et de supprimer les structures inutiles au sein de la mission. Je souhaite voir accélérée la fusion de l'Institut des hautes études de la sécurité et de la justice et l'Institut des hautes études de défense nationale. Les commissions consultatives rattachées au Premier ministre ne sont pas toutes indispensables. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et le Défenseur des droits ne devraient pas être concurrence, mais travailler ensemble, voire fusionner.
Le programme « Protection des droits et libertés » bénéficie d'une légère progression de ses crédits : ceux de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique augmentent de 27 %, soit 790 000 euros. Pour répondre à Vincent Delahaye, la Haute Autorité regroupe trente personnes pour un montant de 2,6 millions d'euros de crédits de personnel. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté voit ses moyens croître de 7,9 %, soit 360 000 euros, pour financer les frais de déplacement supplémentaires occasionnés par l'application de la loi du 26 mai 2014, selon laquelle il contrôle l'exécution des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre d'étrangers.
Enfin, en ce qui concerne le budget annexe « Publications officielles et information administrative », je me félicite de l'arrêt de l'impression du Journal officiel en version papier, qui devrait avoir lieu dès le 1er janvier 2016, selon la direction de l'information légale et administrative (DILA). Ce budget annexe prévoit une diminution de 6,6 % des crédits de paiement et des autorisations d'engagement en 2015, soit une baisse de plus de 13 millions d'euros. Cependant, les crédits ouverts sont assez systématiquement supérieurs aux dépenses. Ainsi, par rapport à l'exécution 2013, les crédits prévus pour 2015 augmentent de 14 millions d'euros. 189 millions d'euros de dépenses sont prévues en 2015, tandis que les recettes sont évaluées à 205 millions d'euros. Alors que le budget annexe a toujours été excédentaire depuis sa création en 2010, pour la première fois en 2013, les recettes, qui proviennent à 90 % des annonces légales, ont été inférieures à la prévision, situation qui devrait se renouveler en 2014. Une rotative ayant été achetée en 2008 pour 10 millions d'euros, la DILA souhaite augmenter ses recettes d'impression, en proposant ses services à des administrations. Pour ne pas développer ses activités à perte, elle devra se doter d'une comptabilité analytique rigoureuse. Enfin, bien que la DILA soit convaincue de la nécessaire diminution de ses crédits, ses dépenses sont particulièrement rigides. Ainsi, 60 % de ses crédits correspondent à des dépenses de personnel, soit 118 millions d'euros.
Sous réserve de ces observations et de l'adoption de l'amendement diminuant les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental », je vous propose l'adoption des crédits de la mission « Direction du Gouvernement ». Je vous propose également l'adoption, sans modification, du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Je ne suis pas certain de vouloir suivre les recommandations du rapporteur. On parle d'une hausse sensible des crédits de 2,86 %. Pourquoi l'action du Gouvernement ne s'aligne-t-elle pas sur les efforts des collectivités territoriales ? Je suis content d'avoir des réponses plus précises sur les crédits de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique : 2,6 millions d'euros de charges salariales, cela signifie 86 000 euros par personne. C'est assez élevé... J'aimerais obtenir la même précision sur les crédits alloués au Défenseur des droits : 27 millions d'euros de budget alors que la Cour des comptes préconise de réduire le nombre des cadres dirigeants. Je pense qu'un contrôle budgétaire intéressant pour l'année prochaine serait d'étudier les charges de personnel de l'ensemble de ces organismes.
Les collectivités locales doivent diminuer leurs dépenses de fonctionnement et la Direction de l'action du Gouvernement augmente ses crédits ? Il faut être cohérent. La contradiction devient choquante : ces autorités nous donnent sans cesse des leçons sur la maîtrise des dépenses.
Je voudrais poser la même question qu'au sujet du Conseil constitutionnel. Les membres des autorités administratives indépendantes payent-ils l'impôt sur le revenu ?
Contrairement à mes collègues, je considère que l'objectif pluriannuel d'une montée en puissance des services de sécurité justifie la hausse de crédits. Le rapport indique que les crédits de l'ANSSI augmenteront en raison notamment des recrutements prévus en 2015. La cybercriminalité est un domaine où la France est en retard par rapport au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, à l'Allemagne... Certes, nous devons faire des économies ; l'augmentation des crédits reste néanmoins justifiée, si la France veut se doter d'outils de protection et de sécurité performants.
En effet, l'augmentation des crédits de la mission est concentrée sur le SGDSN pour accroître les moyens d'intervention de l'ANSSI. D'autres ajustements ont été faits en interne à la mission, pour couvrir des charges supplémentaires : les crédits de la Légion d'honneur, par exemple, ont été augmentés en raison de l'assujettissement de l'établissement à la taxe sur les salaires.
L'essentiel des moyens supplémentaires est consacré au renforcement de la lutte contre la cybercriminalité. Les AAI se voient confier des missions nouvelles. La Haute Autorité doit traiter les déclarations de 10 000 personnalités.
Les épisodes récents montrent l'extrême sensibilité sur ce sujet. Certains ont même déploré qu'il ait fallu neuf jours pour découvrir la phobie administrative d'un nouveau ministre. Sans moyens, on ne fera pas plus vite. Je partage néanmoins les observations de Vincent Delahaye sur les charges salariales de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, il faudrait les analyser plus précisément. Quant à ses membres et dirigeants, je ne peux pas imaginer qu'ils échappent à l'impôt sur le revenu.
Avant que nous ne votions, je vous rappelle que mon amendement a pour objet de revenir sur l'amendement proposé par le Gouvernement en séance publique à l'Assemblée nationale sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement », qui prévoit d'attribuer à la DISIC 6 millions d'euros supplémentaires. Cet amendement vise à identifier plus précisément les projets susceptibles d'être financés par cette enveloppe supplémentaire, mais aussi à obtenir des précisions sur l'utilisation des crédits du programme d'investissement d'avenir.
À l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement n° 1 et décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » ainsi modifiés, ainsi que l'adoption sans modification des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration » et entend sa communication sur son contrôle budgétaire relatif aux centres provisoires d'hébergement (CPH).
J'annonce d'emblée que je demanderai à la commission de réserver sa position sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », car je ne suis pas convaincu de la sincérité du budget qui nous est présenté et j'attends des éclairages complémentaires du Gouvernement. On peut avoir des visions différentes sur le droit d'asile ; il n'est pas possible de continuer à sous-évaluer les budgets pour constater en fin d'année qu'il manque 30 % de crédits. Certains responsables reconnaissent ce manque de sincérité, le mettant sur le compte d'une politique d'affichage destinée à faire taire les critiques. Je souhaite que le Gouvernement modifie son budget sur le droit d'asile, et je présenterai en séance un amendement sur les crédits d'intégration. Toute politique d'immigration est vouée à l'échec, à partir du moment où l'on ne consacre pas suffisamment de moyens à l'intégration.
Malgré un budget modeste (666 millions en 2015), la mission « Immigration, asile et intégration » occupe un rôle majeur dans nos débats politiques et sociaux. L'année prochaine, avec un an de retard, le Sénat devrait être saisi de deux réformes en cours d'examen à l'Assemblée nationale : la réforme de l'asile et celle du droit des étrangers. L'objectif de la réforme de l'asile est double et en partie contradictoire : accélérer la procédure de demande d'asile et, en même temps, donner plus de garanties procédurales aux demandeurs. La mise en place de ces réformes devrait marquer toute la période du budget triennal 2015-2017. La prévision d'évolution des dépenses n'est pas réaliste au regard des derniers exercices. C'est pourquoi, le budget ne me paraît pas sincère.
Le programme 303, dans son volet consacré à la demande d'asile représente plus de 75 % des dépenses de la mission. Ces dépenses ont connu une explosion depuis 2008. En 2013, 67 000 personnes ont demandé l'asile en France. C'est un chiffre historiquement très élevé. Au premier semestre de 2014, ce nombre reflue légèrement. Le reclassement du Kosovo sur la liste des pays d'origine pourrait cependant relancer les demandes d'asile en provenance de ce pays vers la France.
Les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) - bras armé de l'État en matière de droit d'asile - sont augmentés en crédits (- 7 millions d'euros) et en effectifs (+ 55 équivalents temps pleins (ETP)). Cela pourrait réduire le délai de la demande, qui est encore de 205 jours au 1er juillet 2014 contre un objectif affiché de 90 jours. Je doute toutefois que nous l'atteindrons, malgré les effectifs supplémentaires. Quant aux centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), les 4 000 places prévues y ont été créées en 2013 et 2014 et la subvention est portée à plus de 220 millions d'euros.
Les quelque 40 000 demandeurs d'asile qui ne peuvent pas être accueillis en CADA ont droit à l'hébergement d'urgence - notamment des nuitées d'hôtel - et à l'allocation temporaire d'attente (ATA). Sur ces deux dispositifs, l'exécution budgétaire 2014 est explosive. Des besoins complémentaires de 40 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence, et de près de 100 millions d'euros pour l'ATA sont attendus. Pourquoi le Gouvernement ne prend-il pas en compte le nombre des demandeurs d'asile ? Une erreur de 100 millions d'euros n'est pas possible. Il s'agit d'un effet d'affichage. On nous annonce le remplacement de l'ATA par un dispositif plus familial, l'allocation de demande d'asile (ADA), mais cette évolution ne devrait pas faire baisser la dépense. Or, le Gouvernement prévoit que la dépense diminue de 227 millions d'euros en 2014 à 110 millions d'euros en 2015. Diviser par deux les dépenses d'allocation, en un an, avec autant de demandeurs d'asile et pas plus de places en CADA tiendrait du miracle !
Les crédits de lutte contre l'immigration irrégulière restent stables à 73 millions d'euros. Je m'étonne que seulement un million d'euros soit prévu pour l'assignation à résidence, pourtant présentée comme l'alpha et l'oméga de la future politique. Sur près de 70 000 demandeurs d'asile, plus de 50 000 essuient un refus, dont une grande majorité reste en France, en situation irrégulière. On ne peut pas développer l'assignation à résidence avec un million d'euros. La faiblesse de cette ligne budgétaire montre que le Gouvernement ne se donne pas les moyens financiers de ses choix politiques.
Je ne suis pas opposé à une politique migratoire raisonnable. Mais, que dire du financement du programme 104 relatif à l'intégration des étrangers ? Il faudrait donner à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) les moyens d'accomplir sa mission - formation linguistique et civique et accompagnement des étrangers en situation régulière. Or, après des baisses de plafond de taxes affectées en 2013, en 2014, la loi de finances rectificative a supprimé la subvention de 10 millions d'euros que l'État versait à l'OFII, qui doit gérer l'ATA à la place de Pôle emploi. La réforme du droit des étrangers en France conditionne la délivrance du titre de séjour à la connaissance de la langue française au niveau A2. Mais jusqu'alors, l'assiduité suffisait. Sera-t-elle désormais vérifiée par un examen ? Par manque de moyens l'on se contentera sans doute de valider la présence à des cours obligatoires... Je présenterai à titre personnel un amendement pour transférer 10 millions du programme 303 vers le programme 104, afin de renforcer les moyens de l'OFII en matière de formation linguistique, pierre angulaire d'une intégration réussie. Certes, le budget du programme 303 est déjà insuffisant. Un peu plus, un peu moins, le Gouvernement devra abonder le programme en cours d'année et prendra ses responsabilités... La loi de finances ne doit pas masquer les réalités.
Enfin, la dernière ligne du budget est consacrée aux centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH). J'appelle votre attention sur le faible montant de la dotation, de 16 millions d'euros, soit 3 % du total de la mission. C'est peu pour des gens qui ont obtenu le statut de réfugiés et qui obtiendront vraisemblablement la naturalisation. Drôle de manière de les faire entrer dans la nation française ! Un vrai droit d'asile ne repose pas sur un traitement quantitatif, mais qualitatif. Sans moyens, on n'intègre pas bien, d'où ma proposition de réserver la position de la commission sur ces crédits, dans l'attente d'explications supplémentaires du Gouvernement.
Mon contrôle budgétaire a porté sur les CPH. On en dénombre vingt-huit sur le territoire national, soit 1 083 places. Chaque année, environ 10 000 personnes obtiennent le statut de réfugié en France. La durée moyenne de séjour dans un CPH étant de dix mois, 80 à 85 % des réfugiés n'ont pas d'hébergement en CPH. Pour la plupart, après les CADA ou l'hébergement d'urgence, ils trouvent un logement de droit commun. La majorité du public en CPH (88 %) est constituée de familles. Les nationalités les plus représentées sont les Russes (essentiellement des Tchétchènes), les Syriens, les Afghans, les Sri Lankais et les Kosovars. Tout comme les CADA, les CPH sont gérées par des associations, à une exception près, un CPH de 40 places géré par la mairie de Nantes. Ces centres peuvent être des structures collectives ou diffuses, avec des appartements, individuels ou partagés, pris à bail par les associations. En 2015, 16 millions d'euros leur sont consacrés au sein du programme 104. En comparaison, 220 millions d'euros sont budgétés pour les CADA. L'effort financier est clairement réalisé en priorité sur les demandeurs d'asile, et non sur les réfugiés.
Au cours de mes auditions à Paris, et des deux visites de CPH effectuées, j'ai constaté cinq problèmes dans la gestion des CPH. Le premier constat, c'est l'absence d'évolution depuis quinze ans. Le nombre de places est stable, autour de 1 000 places, alors qu'il a quadruplé dans les CADA. Les règles qui régissent les CPH sont inadaptées, figurant dans une circulaire ministérielle obsolète, datant de 1996...
Deuxième constat : la disparité des prestations fournies par les différents CPH. Laissé à lui-même, chacun a développé ses propres activités depuis vingt ans, sans homogénéisation par l'État. Ainsi, alors que certains CPH offrent un simple hébergement avec accompagnement ponctuel, d'autres prévoient un accompagnement social fort, d'autres encore un soutien psychologique ou des formations linguistiques ; celui de Massy que j'ai visité, dispose même d'un terrain de sport...
Troisième constat : les coûts varient d'un centre à l'autre. Ils s'échelonnent de 24 à 39 euros par jour et par place, sans aucune justification d'un tel écart. Quatrième constat : des dispositifs, également financés par l'État, concurrencent les CPH dans leur mission, sans en avoir le statut, ainsi le « Dispositif provisoire d'hébergement des réfugiés statutaires » (DPHRS) en Île-de-France, géré par France Terre d'Asile, et le CADA-IR, géré par Forum Réfugié, en Rhône-Alpes. Certaines associations favorisent également l'intégration des réfugiés par l'accès au logement et à l'emploi, comme le dispositif ACCELAIRE en Rhône-Alpes. Cinquième et dernier constat : l'attribution des places dans les CPH est erratique et s'effectue sur la base de critères non harmonisés. Le processus reste opaque.
Dans son ensemble, le dispositif donne l'impression d'une nébuleuse CPH, plus ou moins autogérée par les associations. L'État s'est contenté de fournir des subventions, sans pilotage stratégique, sans harmonisation des prestations, sans orientation des réfugiés. Le ministère est conscient de l'insuffisance de pilotage et demandeur de propositions de réforme.
Il importe de recentrer les crédits et les dispositifs sur l'objectif d'intégration des réfugiés, qui ont vocation à rester longtemps sur le territoire national. Il serait également utile de définir, au sein de l'OFII, un parcours d'intégration des personnes réfugiées, adaptant le parcours d'intégration des étrangers en situation régulière.
Trois conditions sont essentielles pour réussir la première phase d'intégration : l'hébergement, la langue et l'emploi. En conséquence, je préconise de conserver le statut de CPH en le réservant aux seules structures collectives. À terme, seuls les réfugiés les plus vulnérables y seraient orientés. Pour favoriser l'intégration des autres réfugiés, il faudrait les autoriser, comme c'est le cas en Belgique et aux Pays-Bas notamment, à rester dans les CADA jusqu'à quatre ou cinq mois après la décision de l'OFPRA, puis les insérer dans le droit commun.
Les associations ont un rôle à jouer, moins comme gestionnaires de structures que dans le cadre de l'accompagnement et du suivi des réfugiés. Elles n'applaudissent pas à ces propositions. Cependant, malgré le travail humain essentiel qu'elles fournissent, elles ne peuvent pas compenser le terrible désengagement de l'État : je recommande une vraie réflexion sur les CPH.
Est-il vraiment justifié de différencier les CADA et les CPH ? Après tout, ce sont des locaux qui ont une fonction d'accueil et que gèrent des associations. Du temps où les accords collectifs entre l'État et les bailleurs sociaux fonctionnaient, un pourcentage d'appartements était réservé aux réfugiés. Ces appartements existent-ils toujours ou le droit au logement opposable (DALO) a-t-il tout phagocyté ?
L'approche financière doit coller à la réalité sur ce sujet qui va prendre de plus en plus d'ampleur, au regard de l'évolution du monde. Le rapport signale une progression considérable du nombre des demandeurs d'asile dans l'Union européenne - 435 000 en 2013. La France n'est pas le premier pays d'accueil ; elle est devancée par l'Allemagne.
Mon expérience passée de maire m'a montré combien le problème était difficile à résoudre sur le terrain. La saturation est incontestable dans certains territoires, les villes, notamment. Les difficultés ne sont pas seulement budgétaires. Dans la Loire, où Saint-Etienne est saturée, nous nous sommes heurtés au refus des collectivités locales, toutes orientations politiques confondues. J'ai cru comprendre que la réforme de l'OFPRA raccourcirait la durée d'examen des dossiers, allégeant ainsi la pression sur les CADA. Vous ne semblez pas y croire. Est-ce parce que les effets ne se feront sentir que dans quelques années ? Il est peu probable que le nombre de demandeurs d'asile diminue dans les années à venir. Comment résoudre le problème de l'inégalité de leur répartition sur notre territoire ? Peut-on envisager des moyens plus coercitifs pour que les collectivités locales accueillent ces demandeurs d'asile et désengorger les villes ? Vous avez parlé d'un million d'euros au sujet de l'OFII...
La situation ne s'améliorera pas sans un effort de coordination des politiques au niveau européen. Nous allons devoir faire face à des flux importants de réfugiés. Le problème des réfugiés syriens, par exemple, ne sera pas réglé avant longtemps. Nous sommes d'accord pour réserver à ce stade notre position sur les crédits de la mission. Au-delà de ce rapport, des solutions restent à trouver pour éviter d'aggraver le problème.
Je salue l'excellente manière que vous avez eue d'aborder le dossier et l'orientation dynamique que vous avez su lui donner. La répartition territoriale est un enjeu à ne pas négliger. Dans le Finistère, nous accueillons des mineurs étrangers, isolés de leurs familles. Cinquante places ont été créées l'an dernier, cinquante autres durant le premier semestre 2014, et trente autres sont prévues en 2015. Pour 130 places, nous aurons une dépense de quatre millions d'euros en un an et demi, que je ne suis pas sûr de pouvoir assumer. Des crédits ont été prévus pour accompagner l'effort des départements. Au total, c'est un budget considérable qui est consacré à l'accueil des étrangers.
Où est la coopération européenne ? On laisse l'Espagne se débrouiller à Ceuta et Melilla, les Italiens régler la situation à Lampedusa. Il n'y a ni convergence, ni solidarité européennes. Quant à la Grèce, elle supprime tout simplement les centres de rétention, et repousse les demandeurs d'asile vers d'autres pays. Ce sont des politiques de Gribouille !
La réforme du droit d'asile raccourcira le délai d'examen des demandes de dix-huit à neuf mois, et sera plus dirigiste pour l'hébergement. Certes il y faut des moyens, mais cela me semble raisonnable. Quelle est l'origine de votre scepticisme, que je suppose fondé ? Cinquante ou soixante postes en plus à l'OFPRA et autant à l'OFII, c'est déjà bien par les temps qui courent !
La raison du scepticisme du rapporteur, c'est qu'il connaît bien le dossier ! Afficher un délai de six mois au pays des droits de la défense n'est pas raisonnable. Il n'est pas vrai que cela coûtera moins cher. La preuve en est l'écart actuel entre prévision et réalisation. De temps en temps, il faut se dire la vérité, la réforme se mettra en place très progressivement : la lucidité mène à la prudence...
J'aurais préféré, tout en étant en désaccord avec une politique, pouvoir reconnaître que les moyens lui correspondent. Or l'on suit une politique sans s'en donner les moyens. Cela ne peut que susciter le scepticisme et l'amertume dans les collectivités et l'opinion publique.
Je suis d'accord avec Philippe Dallier : favoriser les CADA au détriment des CPH, sans argent, ce serait mettre un cautère sur une jambe de bois, ou presque. Les CADA sont malgré tout plus encadrés et les 4 000 places annoncées sont là. L'État ne sait pas gérer les CPH. Je me suis rendu dans un centre d'Île-de-France, car la direction ministérielle ne sait pas ce qui s'y passe. Je m'en suis étonné : ce n'est qu'à quelques kilomètres de Paris, et pourtant la direction n'a aucun retour. Les responsables du CPH ont un contact avec tel service de la préfecture, telle direction, reçoit des noms, demande des subventions... Mais il n'y a aucune remontée centralisée d'information, aucun suivi national. Comment cela est-il possible ?
Même s'il n'y en a pas assez, les CADA sont plus contrôlés, plus accompagnés, tandis que les CPH ont été laissés en déshérence : il n'y a pas de critères, pas de liste de réfugiés prioritaires parce que plus fragiles. Si nous maintenons les CPH, il faudra résoudre le problème du financement de l'intégration et les encadrer davantage.
La convention qui prévoit un pourcentage de logements réservés aux réfugiés existe toujours, mais elle n'est plus appliquée. L'État ne l'impose plus : les associations se débrouillent pour sortir les réfugiés des CADA et des hébergements hôteliers.
Ai-je une approche financière d'un problème qui n'est pas que financier, monsieur Vincent ? S'il est bon de formuler un objectif, encore faut-il qu'il soit réaliste. Or, dans le même texte qui prévoit 55 postes supplémentaires à l'OFPRA et des délais de trois mois pour ce dernier et six mois pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le Gouvernement augmente les garanties, autorise l'intervention plus régulière des avocats, organise des recours, etc. Si à droit constant, nous pouvions espérer qu'un personnel plus nombreux pouvait réduire les délais, ce n'est plus le cas quand le système devient plus complexe. Tant qu'il y aura 65 000 à 70 000 demandeurs d'asile et si nous n'évitons pas cette complexification, le délai ne sera pas réduit.
Cette prétention est d'autant plus ridicule que le texte arrivera au Sénat en début d'année : la réforme ne sera appliquée au mieux qu'au 1er janvier 2016. La plupart des réfugiés sont hébergés en Île-de-France et en Rhône-Alpes, faute de places d'hébergement suffisantes dans les autres régions, sans compter, il est vrai, les réticences de certaines collectivités.
Chacun réclame une politique coordonnée au niveau européen ou mondial, mais en réalité, les pays moins concernés essaient d'éviter une action qui les contraindrait. Cela reste donc l'affaire du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la France, de l'Italie et de l'Espagne. Les autres nous laissent nous débrouiller. La Grèce a vidé ses centres de rétention ? Oui : les États en difficulté financière profitent du désordre en Europe pour laisser filer les demandeurs d'asile dans l'espace Schengen et laisser les autres États en assumer les conséquences.
Il est difficile de forcer la répartition territoriale : souvent, les demandeurs ont des réseaux, de la famille. L'Allemagne a ainsi reçu de très nombreuses demandes de Syriens, bien plus que nous - moins que les 5 000 dont parlait le Président de la République. C'est sans doute que lors de leur passage en Turquie, ils sont pris en charge par des réseaux kurdes qui les envoient en Allemagne. La France reçoit des Tchétchènes, des Albanais, des Kosovars. Ce dernier pays avait été ajouté à la liste des pays d'origine sûrs, mais il en a été retiré à la suite d'un recours. Le Gouvernement y a ajouté des pays comme l'Albanie. Il est normal que des pays qui ont un régime démocratique y figurent.
Il faut dire la vérité sur ce que cela coûte. Il n'y a rien de pire que d'afficher des chiffres faux. L'ATA - ou l'ADA, quel que soit son nom - ne sera pas divisée par deux en 2015 ; en fin d'année prochaine, vous verrez fleurir les articles de presse disant que les coûts ont explosé... Cela ne me paraît pas de bonne politique.
Nous donnons acte de la communication du rapporteur spécial et, conformément à sa préconisation, nous réservons les crédits de la mission.
À l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Elle donne acte à M. Roger Karoutchi, rapporteur, de sa communication sur les centres provisoires d'hébergement.
La réunion est levée à 17h49.