Intervention de Roger Karoutchi

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 12 novembre 2014 : 3ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « immigration asile et intégration » et communication sur son contrôle budgétaire relatif aux centres provisoires d'hébergement cph - examen du rapport spécial

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi, rapporteur spécial :

J'aurais préféré, tout en étant en désaccord avec une politique, pouvoir reconnaître que les moyens lui correspondent. Or l'on suit une politique sans s'en donner les moyens. Cela ne peut que susciter le scepticisme et l'amertume dans les collectivités et l'opinion publique.

Je suis d'accord avec Philippe Dallier : favoriser les CADA au détriment des CPH, sans argent, ce serait mettre un cautère sur une jambe de bois, ou presque. Les CADA sont malgré tout plus encadrés et les 4 000 places annoncées sont là. L'État ne sait pas gérer les CPH. Je me suis rendu dans un centre d'Île-de-France, car la direction ministérielle ne sait pas ce qui s'y passe. Je m'en suis étonné : ce n'est qu'à quelques kilomètres de Paris, et pourtant la direction n'a aucun retour. Les responsables du CPH ont un contact avec tel service de la préfecture, telle direction, reçoit des noms, demande des subventions... Mais il n'y a aucune remontée centralisée d'information, aucun suivi national. Comment cela est-il possible ?

Même s'il n'y en a pas assez, les CADA sont plus contrôlés, plus accompagnés, tandis que les CPH ont été laissés en déshérence : il n'y a pas de critères, pas de liste de réfugiés prioritaires parce que plus fragiles. Si nous maintenons les CPH, il faudra résoudre le problème du financement de l'intégration et les encadrer davantage.

La convention qui prévoit un pourcentage de logements réservés aux réfugiés existe toujours, mais elle n'est plus appliquée. L'État ne l'impose plus : les associations se débrouillent pour sortir les réfugiés des CADA et des hébergements hôteliers.

Ai-je une approche financière d'un problème qui n'est pas que financier, monsieur Vincent ? S'il est bon de formuler un objectif, encore faut-il qu'il soit réaliste. Or, dans le même texte qui prévoit 55 postes supplémentaires à l'OFPRA et des délais de trois mois pour ce dernier et six mois pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le Gouvernement augmente les garanties, autorise l'intervention plus régulière des avocats, organise des recours, etc. Si à droit constant, nous pouvions espérer qu'un personnel plus nombreux pouvait réduire les délais, ce n'est plus le cas quand le système devient plus complexe. Tant qu'il y aura 65 000 à 70 000 demandeurs d'asile et si nous n'évitons pas cette complexification, le délai ne sera pas réduit.

Cette prétention est d'autant plus ridicule que le texte arrivera au Sénat en début d'année : la réforme ne sera appliquée au mieux qu'au 1er janvier 2016. La plupart des réfugiés sont hébergés en Île-de-France et en Rhône-Alpes, faute de places d'hébergement suffisantes dans les autres régions, sans compter, il est vrai, les réticences de certaines collectivités.

Chacun réclame une politique coordonnée au niveau européen ou mondial, mais en réalité, les pays moins concernés essaient d'éviter une action qui les contraindrait. Cela reste donc l'affaire du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la France, de l'Italie et de l'Espagne. Les autres nous laissent nous débrouiller. La Grèce a vidé ses centres de rétention ? Oui : les États en difficulté financière profitent du désordre en Europe pour laisser filer les demandeurs d'asile dans l'espace Schengen et laisser les autres États en assumer les conséquences.

Il est difficile de forcer la répartition territoriale : souvent, les demandeurs ont des réseaux, de la famille. L'Allemagne a ainsi reçu de très nombreuses demandes de Syriens, bien plus que nous - moins que les 5 000 dont parlait le Président de la République. C'est sans doute que lors de leur passage en Turquie, ils sont pris en charge par des réseaux kurdes qui les envoient en Allemagne. La France reçoit des Tchétchènes, des Albanais, des Kosovars. Ce dernier pays avait été ajouté à la liste des pays d'origine sûrs, mais il en a été retiré à la suite d'un recours. Le Gouvernement y a ajouté des pays comme l'Albanie. Il est normal que des pays qui ont un régime démocratique y figurent.

Il faut dire la vérité sur ce que cela coûte. Il n'y a rien de pire que d'afficher des chiffres faux. L'ATA - ou l'ADA, quel que soit son nom - ne sera pas divisée par deux en 2015 ; en fin d'année prochaine, vous verrez fleurir les articles de presse disant que les coûts ont explosé... Cela ne me paraît pas de bonne politique.

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