Merci de nous accueillir. J'exprimerai la position du bureau de l'AMF sur le projet de loi NOTRe. Nous aurions préféré une loi-cadre, déclinée ensuite dans d'autres textes, à l'approche qui a été retenue, fragmentée entre la loi du 27 janvier 2014 dite Mapam et le présent texte. Nous regrettons en outre l'absence d'étude des impacts financiers de ce projet de loi. Une telle évaluation faisait également défaut à la loi Mapam, muette sur les nouveaux coûts supportés par les intercommunalités du fait, par exemple, de la nouvelle compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Nous ignorons ce que sera le produit de la taxe prévue. Enfin, notre bureau unanime a appelé à la création d'une instance de concertation et de dialogue entre l'État et les associations de collectivités en amont du processus législatif. Le Sénat pourrait être ce lieu de concertation avec l'ADF, l'ARF et l'AMF ; j'ai d'ailleurs écrit au président Larcher en ce sens.
Prenons garde à ne pas créer de nouvelles tutelles en décentralisant verticalement. Les communes et intercommunalités en seraient les premières victimes. À cet égard, les schémas prescriptifs ne sont pas acceptables. Il faut certes, sur un territoire et pour une compétence donnée, une direction. Mais nous sommes des partenaires, non des sous-traitants ! Privilégions la co-élaboration. Prenez le cas de la petite enfance : les schémas sont départementaux, alors que la responsabilité des crèches et des haltes garderies est communale, et que le financement provient des communes, des parents, des caisses d'allocations familiales et, très marginalement, des départements...
Laissons les compétences de proximité au bloc local. Le discours de Manuel Valls au Sénat ouvre la porte à la départementalisation des tâches d'ingénierie : nous n'y souscrivons pas ! L'instruction des permis de construire, par exemple, est une compétence de proximité. Le retrait de l'État a provoqué dans nos territoires la création de bureaux d'études, qui agissent à l'échelon le plus efficace. La remontée au département n'apporte rien du point de vue de l'efficacité. De même pour l'ingénierie technique, au niveau d'un bassin de vie, au moyen de syndicats émanant des communes et parfois intégrés dans le périmètre des intercommunalités. La proximité est gage d'efficacité. Dernier exemple : confier le transport scolaire à de grandes régions ne permet pas d'exercer finement l'exercice de cette compétence.
Rendons l'action publique plus efficace. D'abord, le projet de loi NOTRe bat en brèche l'intérêt communautaire, qui consiste à s'adapter au territoire en partageant les compétences selon la géographie, la démographie, l'expérience et le niveau d'équipement de chacun. Mon intercommunalité gère par exemple les bandes de roulement, tandis que l'éclairage public et l'entretien des trottoirs est resté de la compétence communale : pour reboucher des nids de poule, il est moins coûteux d'appeler le cantonnier local que de faire intervenir des équipes de la ville-centre.
Ensuite, l'AMF plaide depuis des années pour la mutualisation des services. J'ai mis en place en 2002 une direction transversale des services entre ma ville et l'intercommunalité dont elle est membre : la chambre régionale des comptes a trouvé l'initiative intelligente et efficace, mais l'a déclarée illégale ! Elle l'était en effet, jusqu'à la loi du 13 août 2004, quoique celle-ci n'ait pas empêché la saisine par la Commission européenne de la Cour de justice de l'Union européenne. La loi du 16 décembre 2010 puis la loi Mapam ont clarifié les choses. Reste que la mutualisation doit être libre. Tout dépend du territoire. Un ensemble de petites communes regroupées dans une intercommunalité doit pouvoir opter pour une mutualisation descendante, de la seconde vers les premières ; elle peut être ascendante lorsque l'intercommunalité regroupe une ville-centre et des petites communes. La pérennité des communes, dans un contexte de baisse des dotations de l'État, réside dans l'efficacité de l'action publique. Dans tous les cas, l'approche impersonnelle est à proscrire.
Enfin, la commune nouvelle, forme la plus aboutie de la mutualisation, est un autre outil d'efficacité. Elle garantit la sécurité, la solidarité, la proximité et la transparence démocratique. Bref, une économie de temps et d'argent.
Une évaluation financière plus détaillée du projet de loi NOTRe est nécessaire. La loi Mapam a coûté 147 millions d'euros en ce qui concerne la création des métropoles ; l'abaissement du seuil des communautés urbaines, 41 millions d'euros ; soit un total de 188 millions d'euros, pris sur l'enveloppe normée. Cela se conçoit si des bénéfices sont à escompter ultérieurement. Mais cela mérite d'être examiné...
Un mot enfin sur le seuil des 20 000 habitants pour les intercommunalités. Sortons de cette conception monolithique de la République. Dans certains territoires ruraux, il est difficile d'atteindre un ensemble de 20 000 habitants, sauf à ignorer les distances et les coûts induits. En zone urbaine en revanche, 20 000 habitants, c'est peu. Sortons des logiques arithmétiques ; faisons confiance à l'intelligence collective des élus locaux pour placer le curseur au bon endroit.