La commission entend tout d'abord M. Claudy Lebreton, président de l'assemblée des départements de France (ADF) et M. Bruno Sido, secrétaire général de l'ADF.
Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin le président et le secrétaire général de l'Assemblée des Départements de France (ADF).
Le Premier ministre s'est exprimé, cette année, à quatre reprises sur la réforme territoriale : le 8 avril à l'Assemblée nationale, les 16 septembre et 29 octobre devant la Haute Assemblée, enfin le 6 novembre dernier devant le congrès de l'ADF à Pau. Que de chemin parcouru ! Entre l'annonce faite le 8 avril de la disparition des conseils départementaux à l'horizon 2021 et l'affirmation de leur rôle au congrès de Pau, bien des discussions ont eu lieu, et nous parvenons à une situation beaucoup plus claire.
Nous ne sommes pas en présence d'une loi de décentralisation, mais d'une réforme des collectivités territoriales visant à clarifier leurs compétences, sans que l'État leur transfère aucune des siennes. Son but déclaré est de réduire le soi-disant millefeuille et l'enchevêtrement des collectivités, de leurs compétences et de leur fiscalité afin de réaliser des économies. Si certains de ces objectifs sont louables, nous attendions une grande loi de décentralisation comparable à celles de 1982 ou 2004, qui avait transféré plus de 13 milliards d'euros du budget de l'État aux collectivités territoriales, dont 8 milliards pour les départements.
En filigrane du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la république » (NOTRe) se trouvent la réforme de la carte régionale, la suppression des conseils départementaux et le renforcement des intercommunalités, censées se substituer aux départements et assumer leurs compétences essentielles de solidarité sociale, qui représentent 38 milliards d'euros sur les 71 milliards de l'ensemble des budgets départementaux.
Nous avons dit au Premier ministre, à la veille de notre congrès, qu'il n'était point nécessaire d'évoquer l'après 2020. Quelle sera alors la majorité ? Toutes les parties sont désormais convaincues que, si une collectivité de plein exercice devait être supprimée, il faudrait passer par une révision de la Constitution, laquelle est devenue mon livre de chevet depuis l'annonce de ces textes. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel sur la Corse et à la question du niveau substantiel de compétence que doit garder tout niveau de collectivité de plein exercice.
Tout doit s'organiser autour de la commune, du conseil départemental et du conseil régional. Les intercommunalités, qui ne sont pas des collectivités de plein exercice, n'existent que par transfert de compétences des communes. Le projet de loi NOTRe prévoit que les conseils départementaux assument les compétences de solidarités sociale et territoriale, dont le gouvernement souhaite fixer la définition dans le droit. Je rencontre ces jours-ci les responsables de tous les groupes politiques du Sénat afin d'en débattre.
Le gouvernement nous assure désormais que les départements auront la compétence d'ingénierie et de conseil et, avec le préfet, celle du schéma départemental d'accessibilité des services au public. Les conseils régionaux se verraient transférer les transports scolaires et interurbains, les collèges, les routes, les ports départementaux s'ils les acceptent, le schéma d'élimination des déchets industriels banals et ménagers, ainsi que la responsabilité des espaces naturels sensibles.
Notre approche consiste à nous demander à quels territoires il est pertinent de conférer ces compétences. L'Association des Régions de France (ARF) avait souhaité recevoir des compétences de l'État, afin d'avoir une double autorité sur les services publics de l'emploi et sur la banque publique d'investissement. Elle avait raison : les régions doivent viser les grands enjeux stratégiques.
Faute de leur avoir donné gain de cause, on leur propose à présent, en guise de compensation, des compétences de niveau infrarégional peu compatibles avec les nouvelles dimensions qu'on entend leur attribuer. Les collèges relèvent d'une gestion de proximité, d'autant que le Conseil supérieur de l'éducation a souligné l'intérêt pédagogique de maintenir un lien entre eux et les écoles. Les deux tiers des 5 500 collèges de France sont d'ailleurs situés dans des territoires ruraux. Les transports scolaires relèvent évidemment, eux aussi, de l'échelon de proximité.
Cette loi de clarification est censée conduire à des économies... mais nous serons bien obligés d'en faire : 12,5 milliards d'euros en moins en quatre ans, sur les 225 milliards auxquels se monte la totalité des budgets des collectivités territoriales et des établissements publics - excusez du peu ! Les seuls départements ont été contraints, depuis 2002, de trouver 48 milliards d'euros, sur les 850 milliards que représentent douze ans de leurs budgets, afin de financer les allocations individuelles de solidarité. Les départements savent ce que c'est que d'économiser, et continuent à assumer correctement les services publics malgré une situation budgétaire délicate.
Outre mes fonctions de secrétaire général, je suis aussi le chef de l'opposition au sein de l'ADF. L'objectif général déclaré de toutes ces réformes est de faire des économies. Le projet de loi de départ a, hélas !, été coupé en deux et la mauvaise moitié a été placée en tête : grandes régions et suppression des départements d'abord, transferts de compétences ensuite. Le parcours de la première loi est assez chaotique : le président de la République avait déclaré d'abord que les départements étaient indispensables, avant d'annoncer leur suppression : le Premier ministre a pris le relais en distinguant les départements métropolitains, qui pourraient être gouvernés par des syndicats d'intercommunalités, cinq autres trop petits, puis une troisième catégorie... avant de s'apercevoir de l'existence d'une cinquantaine de départements ruraux. Son premier discours au Sénat, confirmé par son allocution au congrès de Pau, montre que sa doctrine évolue de jour en jour...
On voit mal comment la disparition des départements conduirait à des économies : transporter des élèves ou refaire une route ne coûtera pas moins cher aux régions qu'aux départements. Le gouvernement nous enlevant 12,5 milliards d'euros, certaines collectivités cèderont certainement à la tentation d'augmenter leurs impôts.
Supprimer les départements et faire de grandes régions, c'est antinomique. L'ancienne réforme, tant décriée par certains, proposait bien la première mesure, mais dans le cadre des régions actuelles, que la création des conseillers territoriaux aurait transformé en simples syndicats de départements. Nous voilà, au contraire, devant de grandes régions, stratèges, porteuses de grandes visions et soutenant les exportations. On voit mal quel sens il y aurait à leur confier les transports scolaires... On prétend renforcer en même temps les intercommunalités, alors que le Premier ministre recule déjà sur l'évolution de leurs seuils parce que passer à 20 000 habitants serait un séisme - j'espère que ce ne sera pas comme pour le binôme : le moins de 20 000 sera-t-il pour le milieu rural, pour l'urbain ?
Tout cela débouche, dans cette loi, sur le transfert des compétences des départements aux nouvelles régions. Le Premier ministre nous a donné des assurances qui n'apparaissent pas dans le texte. Fera-t-il donc l'objet d'amendements gouvernementaux, ou d'amendements portés par les uns ou les autres ? Les compétences économiques des départements seraient en principe préservées ; mieux, notre proximité avec les communes justifierait que nous fassions de l'ingénierie pour elles. Les membres de l'opposition interne de l'ADF considèrent cependant qu'il s'agit d'une réforme dispendieuse, incompréhensible et inefficace.
Nous apprécions la forte complémentarité de ces deux exposés, d'où il ressort que les conseils généraux souhaiteraient conserver certaines compétences, que d'ailleurs les régions ne semblent pas demander ; celles-ci aspirent en revanche à certaines compétences d'État, qu'il ne veut pas déléguer.
Comme l'a souligné le président Lebreton, il ne s'agit pas d'une loi de décentralisation. Nous en attendions pourtant une : la meilleure répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales est un objectif poursuivi depuis 1982. Une évolution progressive avait alors été engagée, dont les effets ne s'étaient fait sentir qu'après cinq ou six ans. La seconde tentative, conduite en 2004 par la loi « Raffarin », a échoué sur la clarification des compétences.
Le débat sur la clause de compétence générale est purement théorique. L'important, ce sont les compétences d'attribution conférées à une collectivité, normalement à l'exclusion des autres. C'est faute de respecter cette règle que l'on s'ensevelit sous un fouillis de financements croisés. Ils vont certes diminuer sous l'effet des économies qui s'imposent...
Le principe de subsidiarité doit être respecté dans la répartition des compétences : les régions s'occuperont-elles des transports scolaires ? L'Île-de-France, par exemple, s'est empressée de les déléguer aux départements de la grande couronne.
Je le demande à nos hôtes ce qu'ils souhaitent réellement. Se substituer aux régions dans les missions qu'elles n'exercent pas correctement ? Chacun ne devrait-il pas s'en tenir à ses propres compétences, en espérant qu'elles soient clarifiées par la réforme ? Le cas des activités liées au tourisme, en particulier, appelle des dispositions plus précises.
Il est heureux que le gouvernement ait entendu la mobilisation de l'ensemble de nos groupes pour que les départements ne passent pas à la trappe.
Le débat sur la clause de compétence générale est assez théorique, d'autant que le texte prévoit que la culture, le tourisme et le sport resteront partagés. La notion de solidarité territoriale introduit en revanche un exercice nouveau de compétence, celui qui consiste à payer. Quel pouvoir d'appréciation restera-t-il au département après l'instauration de ce champ de solidarité territoriale ?
Si l'ingénierie est un élément très important, son exercice par les départements ne les placera-t-il pas dans un double rôle de conseil a priori et d'évaluation a posteriori ? Ne pas exorciser cela aurait des conséquences négatives.
J'ai assisté, en tant que président de conseil général, au congrès de Pau. Les départements continueront d'exister, c'est désormais acquis, mais pour faire quoi, et avec quels moyens ? Un département avance sur deux jambes : ses compétences sociales, que personne d'autre n'est en mesure d'assumer, et ses compétences d'aménagement du territoire et de soutien aux communes, exercées elles aussi grâce à un savoir-faire acquis au fil de plusieurs décennies de décentralisation. S'il s'agit en réalité de conserver des départements boiteux et sans moyen, autant en finir tout de suite : couper la queue du chien en une fois fait moins mal que de le faire en plusieurs fois.
On parle de nous confier l'ingénierie. Quel sens y a-t-il alors à transférer aux régions les routes et les collèges ? Dans mon département, les ingénieurs travaillent sur les routes et pour les collèges. Pour les grandes régions qui pourraient sortir des débats de l'Assemblée nationale, ce transfert de compétences aurait des conséquences très lourdes : la Champagne-Ardenne, par exemple, aurait à gérer 600 collèges, 400 lycées, 35 000 kilomètres de routes départementales et 25 000 personnes. Peut-on attendre de la création d'un tel échelon une réduction des coûts et une meilleure proximité ?
Aux régions la stratégie et les grandes infrastructures : à l'État de leur confier des responsabilités dans le domaine de l'emploi, de la formation, de l'enseignement supérieur et, pourquoi pas ?, du sanitaire. Aux départements, l'aménagement du territoire de proximité, les réseaux.
La question des moyens est passée sous silence : il est prévu que le transfert des routes et des collèges s'appuie sur des moyennes de consommation des crédits depuis plusieurs années pour les transmettre à d'autres collectivités. Mieux nous aurons fait notre travail en investissant dans les routes et les collèges, plus cela nous coûtera de crédits ! Une correction de cette disposition s'impose.
Les régions seront à deux vitesses, selon qu'elles hériteront d'équipements bien ou mal entretenus. J'ai simulé le transfert de mes 4 000 kilomètres de routes départementales, de mes quarante-sept collèges publics et du personnel correspondant. Il en résulte une déstructuration du budget qui nous interdira de continuer à faire notre métier.
D'où la nécessité de se pencher sur l'action sociale, sur le RSA en particulier. Quelle sera la valeur ajoutée de cette transmission de compétences ? Si elle est nulle, mieux vaut recentraliser la rémunération des titulaires du RSA, en laissant l'action d'insertion soit au département, dans le cadre de son action sociale, soit à la région en l'insérant dans un parcours d'insertion et de formation. Voilà une dissociation importante si l'on veut maintenir des structures de proximité efficaces.
On se plaint que le millefeuille territorial empêche de savoir qui fait quoi. Supprimez-le, vous saurez qui ne fait pas quoi : il n'y aura plus qu'un seul financeur pour le sport, la culture, le tourisme, les loisirs, et encore moins de croissance et d'emplois, car ce sont les collectivités territoriales qui font la croissance des territoires.
Le volet économique soulève des questions sur la manière dont pourra s'instaurer une coproduction entre des territoires intercommunaux pour l'élaboration et le suivi des schémas de développement économique. Il est important pour nous de connaître votre point de vue à ce sujet, en particulier sur le volet tourisme.
La compétence d'ingénierie n'est pas suffisamment définie, ne serait-ce que parce que les besoins des territoires urbains sont très différents de ceux des territoires ruraux. Comme le soulignait René Vandierendonck, la relation entre les différents échelons varie beaucoup des uns aux autres : comment s'articuleront leurs partenariats ?
Je suis satisfait de voir ce texte évoluer, même si des améliorations sont encore nécessaires : la région stratège ne doit pas être accaparée par la gestion quotidienne. Le triptyque composé du conseil départemental, de la communauté de communes et de la commune l'assumera efficacement. Dès lors, quelle est la bonne taille pour les communautés de communes ? Si le conseil départemental subsiste, est-il cohérent de leur imposer un seuil de 20 000 habitants ?
Claudy Lebreton a parfaitement raison : il est primordial de préciser par la loi la définition de la compétence de solidarité territoriale donnée aux départements.
Comment l'ADF voit-elle les relations entre départements et métropoles ? J'étais jusqu'à mars dernier président de la communauté urbaine de Strasbourg, qui deviendra une métropole le 1er janvier prochain. La ville de Strasbourg, en raison de son histoire entre 1870 et 1918, exerce la compétence de l'action sociale, par délégation de l'État jusqu'en 1982 puis par délégation du département depuis cette date. Les services publics de la ville et de la communauté urbaine étant confondus, celle-ci est prête à assumer demain la compétence de l'action sociale sur tout son territoire ; de même pour celle du réseau routier : Strasbourg étant au bord du Rhin, plus aucune route départementale ne traverse l'agglomération. Cependant, si la communauté urbaine devait prendre toutes les compétences du département, 500 000 habitants sur un million seraient concernés et l'importance du département perdrait de sa voilure, comme dans le Rhône. La question de l'articulation entre métropoles et départements ne peut être ignorée, surtout si l'on souhaite que les métropoles jouent un rôle de moteur économique.
Les gens qui vivent dans la ruralité sont souvent des rurbains, dépendant des transports. Je constate que, de l'autre côté du Rhin, le développement économique a lieu dans de très petites communes, ce qui a l'avantage de réduire les déplacements. Cessons d'opposer le rurbain et le rural : l'économie ne se développe pas qu'en milieu urbain.
L'économie française repose sur de très grosses entreprises et sur un tissu de TPE et de PME. Changer cela passe par des stratégies locales. Si les compétences correspondantes échoient aux régions, quels moyens recevront-elles ? S'y rattache la question de la formation professionnelle et de l'orientation. Celle-ci ne doit-elle pas être transférée aux régions ? Les départements pourraient s'interroger sur la manière insidieuse dont, depuis 1982, l'État leur a transféré des tâches qu'il continue à définir. Ainsi le fonctionnement des SDIS : les départements financent, les préfets décident.
C'est en tout cas le règlement opérationnel qui fixe les moyens du SDIS. Qui commande, paye !
Nous ne sommes pas en présence d'une loi de décentralisation, en dépit des engagements pris devant le Sénat au moment des états généraux de la démocratie locale de 2012. Les élus, réunis à l'époque à l'initiative de son Président Jean-Pierre Bel, avaient pourtant manifesté une volonté forte d'une nouvelle étape de la décentralisation. Je me félicite cependant de l'évolution récente du gouvernement au sujet des départements. La compétence de solidarité et de réduction des inégalités, qui fait le coeur du département, est tout aussi nécessaire en milieu rural qu'urbain. Reste le problème des moyens : les mesures prises récemment pour faire face à la montée en charge des allocations universelles de solidarité ne le règlent pas sur le fond.
Si les régions doivent avoir une responsabilité très forte en matière de développement économique, l'action des départements en faveur de l'insertion nécessite qu'ils s'intéressent au champ de l'économie sociale et solidaire. Leur politique d'investissement en fait également des acteurs du développement économique.
Nous ne pouvons pas écarter les départements en la matière. Quel est l'avis de l'ADF sur les compétences départementales dans le domaine de l'économie sociale et solidaire, ainsi que sur une nouvelle suppression de la clause de compétence générale ?
Je me réjouis que le gouvernement n'envisage plus la suppression des départements ; mais s'ils se bornent à gérer du social, je n'en vois pas l'intérêt. L'Aveyron se retrouvera sans doute dans une vaste région allant de Toulouse à Montpellier ; le département investit chaque année 50 à 60 millions d'euros pour les routes, ce qui représente 1 000 emplois. Si cette compétence était transférée demain à la région, ces sommes iraient à la deuxième rocade de Toulouse ou à celle qu'il faut construire autour de Montpellier. Certes, les emplois ne disparaîtraient pas globalement, mais ils iraient de l'Aveyron vers la Haute-Garonne et l'Hérault. Nous ne pouvons pas cautionner cette démarche. Il ne s'agit pas de disputer à la région la compétence économique, mais de décider nous-mêmes des modalités de notre désenclavement.
Le texte proposé a une vertu : la clarification. Nous en avons besoin. Je ne vois pas d'inconvénient par exemple au transfert des collèges à la région : pourquoi cette collectivité, en effet, ne gérerait-elle pas le second degré, comme la commune gère les écoles maternelles et primaires ? Nous pouvons en effet escompter des économies d'échelles et une plus grande efficacité des moyens. Cela vaut aussi dans le domaine du tourisme, où tous les niveaux de collectivités, sans oublier l'État, ont une action : mettons fin à ce maelström impossible où personne ne s'y retrouve.
Le texte commet cependant une faute cardinale : le seuil de 20 000 habitants ignore la ruralité. Quand tout le monde en découvre les vertus pour défendre le département, demander à des intercommunalités de passer de 5 000 à 20 000 habitants, c'est méconnaître les bassins de vie. J'ai déposé un recours au Conseil d'État pour le bassin de vie ; j'ai perdu au motif que le bassin de vie était une notion trop floue ; sur les fiches de l'Insee, c'est pourtant une réalité.
Nous avons débattu du découpage avant de parler des compétences, fixant des dimensions très différentes d'une région à l'autre. Or la question de la compétence des départements se pose avec d'autant plus de force dans une vaste région, où l'on imaginerait sans peine un transfert des lycées aux départements, tandis que dans une petite région, la compétence sur les routes pourrait être regroupée. Encore faut-il que les départements disposent de moyens suffisants. Les départements gagneraient eux aussi à être plus vastes, plus forts, tout en gardant un lien de proximité.
Si nous n'y prenons pas garde, la ruralité, et pas seulement la ruralité profonde, sera vidée de sa substance, des hommes et des femmes, des cerveaux, des revenus, de tout ce qui en fait la richesse. La vie entraîne la vie : une nouvelle organisation pourrait appauvrir considérablement les territoires.
La décentralisation n'a jamais été évaluée...
Malgré des imperfections, elle a été un succès et d'abord pour la démocratie. Avant 1982, hier !, les préfets étaient aux commandes, et le président du conseil général présidait une assemblée de notables. Le transfert de l'exécutif local à des hommes et des femmes élus au suffrage universel a tout changé.
Je ne suis pas départementaliste, je suis décentralisateur. J'ai eu des fonctions à tous les niveaux de collectivité et je pourrais être président de conseil régional : Lebreton président de la Bretagne, cela aurait de l'allure ! Je recherche l'efficacité des collectivités territoriales, de l'action publique. Nous observons depuis trente ans un double mouvement de transfert des compétences de l'État vers l'Union européenne et vers les collectivités territoriales. Pourtant, la grande absente de ce débat est l'Europe.
Il faut conjuguer trois principes : la responsabilité ; la subsidiarité, réponse issue des textes européens à la clause de compétence générale ; la spécificité des territoires, car nous ne pouvons pas donner une réponse identique selon la densité de population des territoires.
La décentralisation n'a pu avoir lieu que parce que l'État n'avait pas réussi à mener sa déconcentration dans les années 1960. Dans le cas contraire, nous vivrions dans une autre France. Des régions plus grandes pourraient être confrontées à la même question.
Je ne suis pas gêné d'être minoritaire dans un débat. Il est proposé d'enlever aux départements une compétence, les collèges, qui représente 71 milliards d'euros, et où ils sont seuls !
Votre département est exceptionnel ! Les compétences partagées - culture, sport, tourisme et économie -, quant à elles, représentent 7 milliards d'euros. Les compétences scolaires sont pourtant clairement définies. Je ne désespère pas de voir un jour une grande loi de décentralisation transférant des compétences mal exercées par l'État, comme l'enseignement supérieur. Pour l'enseignement scolaire, nous en gérons déjà le patrimoine, la restauration, l'environnement, tandis que l'État fixe les programmes et paie les enseignants.
La France n'est que le 18ème pays le plus décentralisé en Europe, derrière des pays aussi peuplés que la Pologne ou l'Allemagne. Chez nos voisins, la compétence santé est largement partagée entre État et collectivités, comme l'éducation - les professeurs sont souvent payés par le niveau décentralisé - et même une partie de la sécurité. Nous ne représentons que 225 milliards d'euros sur les 1 200 milliards d'euros de dépense publique, alors que les finances locales constituent 67 % des finances publiques au Danemark, entre 30 et 40 % dans la plupart des pays européens.
Le département des Côtes-d'Armor n'aurait jamais eu 15 000 étudiants sans la clause de compétence générale. La capacité à stimuler l'innovation économique ne dépend pas de la taille des collectivités, mais de la qualité des individus qui les dirigent : des maires de villages de 600 habitants peuvent être plus innovants que des maires de grandes villes. La réponse ne peut pas être qu'institutionnelle.
Je n'ai pas encore de religion sur l'insertion sociale et le financement du RSA. Tout en comprenant l'avantage de le financer par la solidarité nationale, je m'interroge sur les effets d'une séparation du financeur et de la collectivité qui impose à l'allocataire un parcours d'insertion. L'APA et la PCH ne sont pas dans la même problématique : le retour sur investissement de ces dépenses sur une économie territorialisée non délocalisable est évident.
Nous pouvons trouver une vraie clarification de la compétence d'aménagement du territoire. Si le contrat de projet État-région est l'instrument qui met en cohérence les grands projets stratégiques (TGV, autoroute, ports, aéroports), l'aménagement de proximité peut rester aux mains des communes, des intercommunalités et des départements.
Les communautés sont 1 700, dont 1 507 ont moins de 20 000 habitants ; seules deux cents environ d'entre elles sont au-dessus de ce seuil, et comptent souvent plus de 50 000 habitants. Les intercommunalités ont été créées pour trouver une solution aux 36 500 communes. Tous les pays d'Europe les ont fusionnées, telle l'Allemagne, passée brutalement de 30 000 à 9 000 communes, et qui s'en mordrait les doigts. L'intercommunalité était destinée à devenir la commune du XXIe siècle ; suivre un autre cap serait contraire à l'esprit originel, comme imaginer des intercommunalités à 100 000 ou 200 000 habitants en milieu rural. L'exemple de Paris, à la fois ville et département, aurait pu être étendu aux grandes métropoles, à commencer par Lyon et Marseille. L'ADF a des propositions à faire sur ce sujet.
L'ingénierie mérite toute notre attention. L'intercommunalité a réglé le problème des services techniques de maîtrise d'ouvrage ; le projet maintient les départements dans l'ingénierie et le conseil. L'État se retirant, soixante départements ont créé des agences d'ingénierie et de conseil pour introduire de la régulation publique dans un marché très ouvert où le privé s'était développé. Dans les Côtes-d'Armor, nous avons choisi la forme d'un établissement public départemental cogéré par le département, l'association des maires et les intercommunalités ; les grandes agglomérations, elles, ont gardé un service technique de maîtrise d'ouvrage.
L'image du millefeuille territorial révèle une totale méconnaissance des citoyens et du milieu journalistique sur le sujet. Les 17 000 syndicats intercommunaux étaient nécessaires lors de leur création ; mais aujourd'hui, il faut faire le ménage dans ces structures et rapatrier leurs compétences aux seules collectivités de plein exercice. Cela représente 18 milliards d'euros de dépenses, qui seraient ainsi mieux employés.
Le Premier ministre l'a dit à Pau, nous n'échapperons pas à une grande loi de décentralisation. Il faudra procéder à une clarification des compétences entre l'État et les collectivités, car nous avons besoin d'un État plus efficace sur ses compétences régaliennes.
Vos interventions marquées au coin du bon sens s'inscrivent dans une logique de clarification - il faut régulièrement faire du nettoyage dans ce domaine. Tandis que les grandes régions seront le lieu de la stratégie, les départements seront celui de la proximité. Nous avons créé des intercommunalités parce que nous n'avons pas voulu supprimer des communes ; oserai-je dire que nous avons créé les régions parce que nous n'avons pas voulu regrouper les départements ? C'est une question qui se pose depuis longtemps : Michel Debré avait proposé en 1946 au Général de Gaulle une nouvelle carte des départements, qui auraient été cinquante ; au sortir de la guerre, il y avait d'autres urgences... Si nous conservons les départements tels qu'ils sont, le seuil des intercommunalités à 20 000 habitants ne tient plus. Cela n'en ferait que six dans un département tel que le mien.
Il est très important de clarifier. En 1998, élu vice-président du conseil régional de Champagne-Ardenne en même temps que président du conseil général de la Haute-Marne, et découvrant que les deux collectivités aidaient les communes, j'avais proposé au président Jean-Claude Etienne que le conseil régional s'en abstienne, le conseil général ne s'occupant pas de TGV... Il m'avait répondu que c'était impossible pour des raisons existentielles. Il faut que cela cesse.
Jean-Jacques Hyest l'a dit, lorsqu'une compétence a été attribuée à un niveau de collectivité, les autres ne devraient pas s'en mêler. Oui au principe de subsidiarité ; mais si nous leur attribuons le transport scolaire, les nouvelles régions s'empresseront de le déléguer à leur tour. Il n'y a qu'en France que l'on voit cela !
Valérie Létard parle avec raison des compétences qui vont de pair : ainsi, les ingénieurs des départements qui s'occupent des routes et des collèges peuvent-ils assurer des missions d'ingénierie pour les communes - en les conseillant mieux, l'on réaliserait des économies...
Parmi les sources d'économies possibles, personne n'a évoqué la suppression des doublons avec l'État. Le préfet et le président du conseil général font le même métier, mais celui-ci a moins de services que celui-là... L'État lui-même s'aperçoit du semi-échec du regroupement régional de ses services déconcentrés. Manuel Valls nous l'a dit : nous nous sommes trompés.
Cette loi n'est pas une loi de décentralisation - heureusement - mais de clarification. J'espère que la commission des lois saura assurer une cohérence dans ses dispositions.
La loi sera de clarification en sortant du Sénat, mais elle ne l'était pas en y entrant.
J'ai rencontré le président de la République avant et après son élection ; je lui avais dit qu'une loi de décentralisation ne devrait avoir d'autres objectifs que de lutter contre le chômage et de dynamiser notre économie. La loi de 1982 n'a été une réussite que parce qu'elle avait été votée dans les 120 premiers jours. Nous, élus, avons l'esprit pratique. La mise en oeuvre de la loi Raffarin a pris quatre ans ; la loi sur la fonction publique territoriale n'est venue que deux ans après celle de 1982 : il a fallu digérer ! Nous n'achevons que maintenant le transfert des parcs de l'équipement de la loi de 2004. La fusion des régions leur réserve quelques années de travail intense ; et il serait question de leur transférer les collèges en 2017 ? C'est infaisable !
Les départements, de fait, resteront dans l'économie. L'économie sociale et solidaire dépend largement du département, par exemple dans le domaine de l'accompagnement du vieillissement et des personnes handicapées qui représente 1,5 million d'emplois.
L'investissement public est un levier. Il est bon, quoique plus difficile, de dégager des économies sur le fonctionnement ; un euro d'investissement produit souvent de deux à quatre euros supplémentaires. La commande publique des collectivités représente 60 % du chiffre d'affaires du secteur du bâtiment et travaux publics. Or l'investissement départemental est revenu de 19 milliards à 11 milliards d'euros. Les entreprises du CAC 40 ne représentent que 3 % des entreprises : les 97 % restantes sont les PME de nos territoires. Le petit commerce de proximité, l'artisanat qui s'enorgueillit d'être la première entreprise de France, ont besoin des collectivités autres que la région. Les conférences territoriales de l'action publique de la loi Mapam créeront, je l'espère, une gouvernance partagée.
Cette audition a été une vraie séance de travail. Je vous remercie. Il n'y a pas beaucoup de contradictions entre les différents intervenants ; cela augure bien des débats à venir.
Puis la commission entend M. Alain Rousset, président de l'Association des régions de France, président de la région Aquitaine, et M. Jean-Paul Huchon, président de la région Île-de-France.
Nous allons entendre MM. Alain Rousset et Jean-Paul Huchon qui s'expriment au nom de l'Association des régions de France (ARF).
L'ARF a toujours eu l'impression d'être écoutée, sinon entendue, au Sénat. Les régions ne demandent pas un élargissement massif de leurs compétences ; elles souhaitent que ces compétences soient précisément définies, dans toute leur complétude - formation, développement économique, transports collectifs, etc. - et qu'on les accompagne des ressources nécessaires.
Les collectivités portent lourdement le poids de la lutte contre les déficits publics. La réforme de la taxe professionnelle en est l'une des raisons ; nous l'avions largement critiquée, car elle est préjudiciable à l'investissement. D'après des analyses partagées par Bercy, si la trajectoire des finances publiques locales poursuit sa tendance de 2010-2013, dans les trois prochaines années, le bloc communal aura un solde positif de 1,387 milliard d'euros, le bloc départemental aura également un solde positif de 1,656 milliard et le bloc régional aura un solde négatif de 953 millions d'euros. Ces chiffres sont incontestables.
Quant aux compétences, elles ont leurs exigences. La formation - professionnelle, notamment - nécessite une hausse des crédits, dans un contexte de lutte contre le chômage dont le Président de la République a fait une priorité. L'apprentissage fait également l'objet d'un effort spécifique, même si les dispositions prises par le Gouvernement ne sont pas tout à fait conformes à ce que nous préconisions. Pour exercer leur compétence d'accompagnement des PME, les régions doivent s'accommoder de modalités d'intervention abracadabrantes, donnant lieu par leur dispersion à une augmentation des coûts. Le rapport Malvy-Lambert a montré que le coût de la décision publique était trop élevé dans chacun des services publics.
Le recours à l'emprunt est-il une solution pour compenser la diminution des ressources des collectivités locales ? Notre notation en souffrirait, avec les effets attendus sur notre capacité d'emprunt et le coût de ces emprunts. À terme, l'investissement sera touché, dans des secteurs clés comme l'éducation, la recherche ou l'acquisition du matériel de transport. Le transport ferroviaire représente 15 milliards d'investissement pour l'ensemble des régions. Alstom-Bombardier, c'est près de 10 000 emplois industriels.
Nous sommes la seule collectivité à ne plus avoir de base fiscale dynamique. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques est régressive et non garantie. Le Gouvernement nous avait octroyé une partie de cette taxe pour développer des grands projets, comme le TGV ou les plans campus. Cette part n'est plus que l'épaisseur du trait. Les Français utilisent moins leur voiture et les véhicules consomment moins ; la taxe ne rapporte plus autant. Reste la taxe sur les cartes grises, dont le produit représente 8 à 9 % de nos ressources.
Autre contradiction : nous sommes responsables du développement économique, mais nous avons la part la plus faible de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont un peu moins de la moitié revient aux départements et 27 % à l'intercommunalité - la région n'en perçoit que 24 %. Le retour sur investissement d'une action économique dynamique auprès des PME, de la recherche ou du transfert de technologies ne retombe pas sur la collectivité qui l'a initiée. C'est d'autant plus paradoxal que l'accompagnement des PME est une priorité de notre pays. Les amendements que nous avons proposés à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2015 visent à porter de 24 % à 70 % en trois ans la part dévolue aux régions de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. L'incohérence de l'organisation de la fiscalité française plombe tous nos efforts en matière de développement économique et de politique de l'emploi.
À la veille de la négociation des contrats de plan, il manque aux régions une vision d'avenir sur l'enjeu du développement économique national. Ces trois dernières années, les grandes entreprises ont supprimé 53 000 emplois en France, les ETI en ont créé 73 000. Nous sommes le dernier pays centralisé d'Europe. Même le Royaume-Uni, après le référendum sur l'Ecosse, a entrepris de repenser son modèle territorial en matière de fiscalité et de compétences. Tous les économistes l'ont dit : il y a une corrélation entre la décentralisation et l'innovation. En Allemagne, les plus petits Länder sont les plus efficaces en matière d'innovation et de création d'entreprises. Une thèse menée à l'université des sciences économiques d'Aquitaine a analysé les effets de l'accompagnement des PME dans la région. En développant leur département de recherche et développement grâce aux aides de la région, ces entreprises ont augmenté leurs emplois de 90 %. C'est spectaculaire ! Partout, en Europe, on décentralise ; nous allons à rebours, avec un État qui en est encore à organiser des concours de singes savants pour octroyer trois francs six sous aux entreprises. On est loin de la compétitivité internationale ; la taille de nos PME est bien trop faible.
Nous réclamons à l'État un dialogue, pour qu'il travaille en complémentarité avec les régions sur le développement économique de notre pays. Nous venons d'avoir une discussion longue et fructueuse avec l'Europe, sur la stratégie que proposent les programmes opérationnels de Bruxelles : quelles spécialisations privilégier en Aquitaine, en Île-de-France ou ailleurs ? Nous n'avons pas ce type de discussion avec l'État, qui souffre d'un handicap culturel qui l'empêche de dialoguer avec les régions ; je le disais, hier, à Emmanuel Macron. Récemment, un inspecteur des finances me demandait si le choix des entreprises stratégiques à accompagner ne risquait pas d'être trop politique. Quand on parle d'entreprises, on parle de business, de technologie, d'internationalisation, d'innovation ou de capacité d'investissement, pas de politique. Je viens de lancer l'opération « Usine du futur », 34ème plan industriel. Il s'agit de robotiser, de moderniser, d'améliorer la compétitivité. Au lieu de voir cela, l'État reste crispé sur ses perspectives de carrière et sur son pouvoir dans les préfectures. D'où une grande incompréhension. Le coût de gestion d'un dossier industriel est cinq fois plus élevé en France que dans les autres pays, nous accompagnons dix fois moins nos PME que les Allemands... Comment nos entreprises pourraient-elles être compétitives ? Les débats idéologiques sont surréalistes. Emmanuel Macron a une bonne approche du problème, lorsqu'il pose la question de la pertinence du niveau d'intervention. Nous devons mettre en place une stratégie pour réorganiser notre système de sous-traitance. Dégageons un certain nombre d'ETI autonomes, capables de travailler avec tous les grands groupes - Renault ou Peugeot, Boeing ou Airbus - et de porter une stratégie industrielle efficace pour vendre nos Rafales en Inde et créer des retombées économiques favorables. Jusqu'à présent, l'appareil d'État ne s'est jamais organisé pour mettre en place une stratégie industrielle de redressement de ce pays.
Nous souhaitons devenir l'interlocuteur privilégié des PME. Nous rencontrons les chefs d'entreprises, les organisations syndicales, tous les acteurs de ces entreprises, à chacun de nos déplacements sur le terrain. Une organisation verticale, en silo, telle que nous la connaissons en France, crée un monde où on ne se parle pas, un monde qui attend tout de l'État. Les trente Glorieuses sont derrière nous. C'est là un discours qui n'est ni de droite, ni de gauche.
Les régions ont l'exclusivité des aides directes avec l'État. C'est une bonne chose. Encore faudrait-il regrouper ces aides pour que la région ait une puissance de feu efficace. La loi sur les métropoles nous inquiète. La réforme des compétences doit préciser que les crédits de 1,6 milliard dédiés aux entreprises par les départements remonteront jusqu'aux régions. Veillons à ce qu'ils ne disparaissent pas dans des économies budgétaires, creusant encore la faiblesse de nos moyens. Les régions françaises investissent 500 millions d'euros dans l'innovation, contre 9,5 milliards pour les Länder allemands. Voilà pourquoi nous sommes en panne, malgré toute la créativité de nos entreprises.
Toutes les régions ne sont pas égales ; en définissant précisément leurs compétences, on mettra en place de bonnes pratiques qui auront un effet d'entraînement. J'ai lu l'entretien que Jean-Paul Huchon a donné à la presse, ce matin, à propos des abattoirs. Si nous ne réussissons pas à sauver les abattoirs, c'est l'élevage que nous perdrons. Chacun sait que c'est une activité cruciale de l'agriculture en France.
Un pays ne peut pas être démocratique s'il n'y a pas de classes moyennes. Dans l'état actuel de notre système, nous n'avons pas de classe moyenne des collectivités, car les régions sont au même niveau que les autres collectivités en termes de moyens ; c'est une exception française. Nous n'avons pas non plus de classe moyenne d'entreprises : on dénombre moins de 4 000 ETI en France, contre 15 000 en Allemagne. Pas de classe moyenne de financement de l'économie : toute notre épargne remonte à la Caisse des dépôts, soit par les grandes banques privées, soit par l'épargne administrée. Comment financer notre économie quand les circuits sont si compliqués ? La veuve de Bazas - ou celle de Carpentras - devrait pouvoir placer les 30 000 euros qu'elle épargne pour son petit-fils dans une entreprise de son voisinage. Aujourd'hui, la veuve de Carpentras aide moins les entreprises françaises que celle de Singapour. C'est absurde, d'autant que nous avons une épargne colossale à portée de la main.
Nous devons repenser l'organisation du service public de l'emploi. Les régions ne revendiquent pas de fixer les règles d'indemnisation des chômeurs, c'est la tâche de l'État et des organisations syndicales. Cependant, qui s'occupe de l'accompagnement des chômeurs ? Un émiettement d'organismes - Pôle emploi, les missions locales, les maisons de l'emploi... Le chômeur est un nomade qui termine son parcours devant le bureau du maire, pour demander à être embauché. La corrélation est évidente entre les compétences de développement économique, de formation et d'accompagnement des chômeurs. Il faut réformer le système en plaçant à sa tête un patron légitime, la région. Nous ne voulons pas d'une co-présidence, système bâtard qui ne fonctionnera pas. J'ai connu des situations absurdes où une entreprise du sud de l'Aquitaine créait plus de cent emplois par an sans arriver à les pourvoir, malgré un fort taux de chômage au nord de la région. Il doit y avoir demain un service public régional de l'orientation, de la formation et de l'emploi. Une orientation choisie, c'est une formation réussie et un emploi trouvé. La formation est l'élément essentiel du développement économique.
Quant à l'éducation, l'ARF considère qu'il est plus logique de mutualiser collèges et lycées, à cause des choix d'orientation qui s'y font, même si certains d'entre nous trouvent qu'il y a un socle commun entre écoles et collèges. Sur les routes, position majoritaire de l'ARF également. Je comprends les interrogations des départements, qui craignent de voir réduire leurs fonctions à celle de l'accompagnement social. J'ai géré les affaires sociales du département de la Gironde, sans que la tâche soit dégradante. L'allongement de la durée de vie ou l'accompagnement des personnes éloignées de l'emploi par le RSA sont autant de défis à relever. Pour en revenir à l'éducation, le parcours de réussite des élèves est pour nous un enjeu de taille, la clef pour éviter le décrochage des élèves à la sortie du lycée. Les régions sont allées au-delà de leurs compétences sur les micro-lycées, l'orientation, l'apprentissage des langues, la mobilité nationale et internationale. Elles interviennent aussi beaucoup sur les projets pédagogiques des lycées.
Quant aux universités, nous avons raté une occasion de les aider, lorsque nos moyens nous le permettaient. Elles se sont braquées, en refusant de voir appliquer aux bâtiments universitaires le même dispositif que pour les lycées. Les présidents d'université le regrettent aujourd'hui. C'est trop tard, car les régions n'ont plus les moyens. Le grand emprunt ne fonctionne que si les régions contribuent également à financer les projets. Le « plan campus » n'a pas amélioré la situation, plongeant au contraire les universités dans de lourdes difficultés. Pourtant, les régions ne pourront pas développer leur attractivité sans un investissement massif dans la recherche ou les écoles d'ingénieurs. L'Aquitaine y consacre 10 % de son budget.
Nous avons besoin de schémas prescriptifs. À quoi sert de passer une année et demie en concertation avec tous les autres niveaux de collectivités, les branches professionnelles, le milieu associatif, etc., sans aboutir à des schémas prescriptifs ? Les régions ne cherchent pas à être hégémoniques. Elles ont la responsabilité du schéma de développement économique, du schéma de transports et d'aménagement du territoire. Elles ont mis en place des procédures de concertation. Ce serait un échec de la mobilisation territoriale que de ne pas concrétiser ces efforts par des schémas prescriptifs. Ils n'excluront pas une possibilité d'expérimentation, dans des domaines comme la transition énergétique, l'agriculture, les forêts. Toute une partie des versements obligatoires auxquels sont soumis les sylviculteurs ne sont pas réinvestis et disparaissent au niveau national dans des fonds opaques.
Quant aux transports, nous intervenons pour faire rouler les TER, en réhabilitant les voies d'un réseau vétuste. Nous avons sauvé les TER, nous les avons ressuscités. Ils ont gagné plus de 50 % de fréquentation et sont victimes de leur succès. Nous n'avons plus les moyens de les aider, faute d'avoir - comme c'est le cas dans les autres collectivités - une ressource dédiée à ces infrastructures. L'opacité de la SNCF, dont les conventions nous coûtent cher, ne nous aide pas. La Commission européenne a ouvert une enquête sur le sujet. Aujourd'hui, les TER financent les déficits des autres trains, TET et même TGV. Nous n'améliorerons pas la qualité des services publics pour le transport des usagers, sans installer un vrai pilote de l'intermodalité. Sans cette harmonisation, le retour à la voiture individuelle ou le développement du co-voiturage sont les seules solutions possibles.
Enfin, il faudra attendre au moins trois ou quatre ans pour que la fusion des régions puisse générer des économies. Avant qu'il y ait mutualisation, il faut harmoniser le système de primes, harmoniser les différentes actions. D'où peut venir l'idée qu'on ferait des économies ? Si la fusion renforce le poids économique des régions pour leur redonner un poids politique, c'est une bonne chose. Si elle consiste à organiser une péréquation horizontale des régions riches et des moins riches, nous n'adhérons pas au projet. La loi sur la nouvelle organisation territoriale doit être très précise, afin que chacun sache qui fait quoi, qui finance quoi et d'où vient le financement. On gagnera ainsi en efficacité et en démocratie.
Les positions de l'ARF sont unanimes. Toutes les régions, quelle que soit leur situation, portent le même message. Notre espoir est que la réforme simplifie et clarifie les responsabilités et la question du service public. Tel est l'objectif, qui n'a rien à voir avec un enjeu de puissance : comment améliorer le service public ? Les régions vont jouer un rôle majeur, nécessaire et essentiel. Le Premier ministre l'a rappelé devant le congrès de l'ARF : elles doivent prendre en main le développement économique, l'innovation, les crédits aux entreprises, les problèmes de trésorerie, l'appui aux PME pour aller vers plus d'ETI... Dans tous ces domaines, nous sommes très loin de nos voisins allemands. Ils ont une organisation différente. Les présidents des Länder participent aux débats dans la salle du conseil des ministres. Ce modèle n'est pas le nôtre. Qu'il ne nous empêche pas de donner plus de compétences aux régions.
La clause de compétence générale a fait l'objet d'un long débat à l'ARF, car elle comporte beaucoup d'ambiguïtés et de contradictions. Nous souhaitons qu'elle soit supprimée. Le texte est clair sur certains points : le développement économique, les transports, l'éducation, avec le rattachement des collèges aux régions. L'exception faite pour les collèges parisiens reste incompréhensible. Pourquoi traiter différemment un collège de Coulommiers et un collège du Vème arrondissement de Paris ?
Quant aux routes, il est logique de les rattacher aux régions qui ont une compétence générale en matière de transport. Seule, la région parisienne bénéficie d'une aide pour financer le syndicat des transports d'Île-de-France à hauteur de 40 %, pour un budget de 9 milliards d'euros par an. Le STIF est l'exemple d'un transfert de compétences réussi : aucun administrateur d'État sur les 29 qui y siègent. Les investissements en matière de transports ont doublé voire triplé et la Société du Grand Paris devrait être en mesure de financer 32 milliards d'euros d'investissements jusqu'en 2025.
Reste le sujet de la compétence partagée, pour la culture et le sport notamment. Les régions financent l'essentiel du budget des associations culturelles. L'Île-de-France investit plus d'argent dans la culture que le ministère de la Culture. La Philharmonie ne dépend pas d'elle, mais elle y participe. C'est la même chose pour le sport. La région a accompagné certaines initiatives qui relèvent des compétences sociales du département - crèches, maisons d'accueil pour les femmes en difficulté ou victimes de violences, structures pour lutter contre l'exclusion... Où s'arrête la compétence du département, où commence celle de la région ? Rien n'est clair. La région n'a évidemment aucune volonté hégémonique.
La sécurité est également un domaine mal partagé. Certaines régions, dont l'Île-de-France, se sont beaucoup engagées dans la construction de commissariats et l'accompagnement de la politique de sécurité. Je me rappelle avoir signé des conventions avec les ministres de l'intérieur Jean-Pierre Chevènement puis Nicolas Sarkozy. Nous avions démontré que la région investissait plus pour financer les commissariats que l'État dans la France entière. Il serait souhaitable que la sécurité redevienne une vraie compétence de l'État, car les régions risquent de ne plus avoir suffisamment de moyens.
Comme président de la région Île-de-France, j'ai dit dès le début que nous ne souhaitions pas la suppression du département. Les départements et les régions ont passé un certain nombre de contrats sur des actions conjointes, dont le fonctionnement s'est révélé harmonieux. Il n'y a pas de guerre entre les départements et les régions. En revanche, une vraie difficulté existe avec les métropoles, notamment sur la question des transports. Comment envisager que la région s'arrête de les gérer aux abords du périphérique ? La politique des transports est un tout cohérent. Idem pour le développement économique. Les régions sont garantes de la solidarité nationale. La périphérie des agglomérations est un vrai sujet. Les chercheurs y voient un nouvel espace de difficulté pour la République. Il sera difficile d'imposer un schéma directeur de l'industrie et de l'économie aux métropoles, qui disposeront de leurs propres moyens.
On ne peut pas demander aux régions de prendre en charge des compétences nouvelles - emploi, développement économique, éducation, formation professionnelle, etc. - tout en réduisant leurs ressources, alors qu'elles ne peuvent agir ni sur les assiettes ni sur les taux. Il est impossible de nous transférer le développement économique sans nous donner plus de CVAE, d'autant plus que celle-ci fait déjà l'objet d'une forte péréquation. Il faut donc trouver de nouvelles ressources fiscales, et les trouver vite, puisque de nouvelles compétences seront transférées aux régions dès 2017.
Je me félicite enfin de la présence dans ce projet de loi de schémas prescriptifs. Les régions le souhaitent. Cela suppose, comme le réclame l'ARF, de nous conférer un pouvoir réglementaire pour l'aménagement du territoire. Ayant été directeur de cabinet d'un ministre de l'agriculture et directeur général du Crédit agricole, je suis bien placé pour savoir que l'agriculture de montagne n'est pas celle de la Beauce ! Nous devons pouvoir adapter les procédures publiques aux différents territoires.
Selon vous, le bloc économique constitue le coeur de la compétence des régions. Mais il est incomplet et plusieurs collectivités interviennent. Il faudrait donc clarifier. Il faudrait aussi inclure la recherche et le service public de l'emploi, ce qui implique de redécouper à nouveau Pôle emploi. À cet égard, le texte ne prévoit aucune nouvelle mesure de décentralisation, ce qui serait pourtant indispensable. Les régions souhaitent participer au service public de l'emploi. J'ai l'impression que c'est au Parlement de faire bouger les choses...
Le système fiscal local est incompréhensible, il résulte d'un empilement de strates. Résultat : les régions ne disposent plus de recettes fiscales, à l'exception de la taxe sur les cartes grises. Il en va de même pour les départements, alors qu'en 1982 la fiscalité représentait 70 % de leurs ressources, contre 30 % aujourd'hui, et encore s'agit-il de fiscalité sur les ménages. Si l'on ajoute les remboursements au Fonds national de garantie individuelle des ressources, cela confine à l'absurde... On a supprimé plusieurs taxes et il a fallu compenser. Mais le système est à bout, les bricolages ne suffiront plus.
Je suis d'accord avec M. Huchon, il y a des clarifications qui restent à faire pour certaines compétences. N'oublions pas non plus les déserts médicaux. Francilien, je crois à la vertu d'un schéma régional d'aménagement, approuvé d'ailleurs par un décret...
La procédure pourrait être accélérée...
En effet. Il y a eu des retards. Il faut simplifier, accélérer la procédure et rendre le schéma prescriptif. Le développement économique est fondamental. Les régions ont fait la preuve de leur savoir-faire en matière de développement économique. Pour aller plus loin, elles doivent disposer de moyens de financement accrus.
Le rapport de l'inspection générale des finances et de MM. Demaël, Jurgensen et Queyranne, intitulé Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité, plaide pour une rationalisation du financement de l'économie.
Habitués à utiliser l'allégorie du millefeuille, nous perdons de vue l'essentiel. Que deviendraient les trente équivalents temps plein chargés du développement économique de l'État à la DIRRECTE de l'Auvergne avec la réforme ? Un contrôle de la chambre régionale des comptes à Rouen a mis en évidence que dix-neuf organismes contribuent au développement économique. Ne faut-il pas introduire une certaine rationalisation ?
Avec ce texte, nous entrons enfin dans le vif du sujet. Jusque-là, nous avions parlé de la taille du costume sans connaître les mesures du client...Vous avez évoqué la mobilité, qui concerne les routes et les transports en commun, la formation, qui inclut l'insertion et la formation professionnelle, ou l'éducation, qui concerne le collège, le lycée et l'enseignement professionnel. Pour être cohérents, il faudrait fusionner les départements et les régions ! Mais on n'a pas pris cette voie puisque l'on a créé de grandes régions en maintenant les départements. Dès lors, je ne vous suis plus.
Monsieur Rousset, j'aime vos positions sur le développement, l'innovation, l'orientation stratégique, mais pourquoi souhaitez-vous vous encombrer des compétences de proximité, comme la gestion des routes, des réseaux, des collèges et des lycées ? Pourquoi ne pas vous attacher aux fonctions nobles, en incluant la politique de l'emploi et la formation professionnelle ? Seriez-vous prêts à prendre en charge l'insertion sociale ?
Renforcer et doter les régions d'un bloc clair de compétences aussi vastes suppose des ressources. Vous avez évoqué la CVAE et le versement transport. Je vous rejoins aussi sur la nécessité de rationaliser. Au moment où l'on cherche à maîtriser les dépenses publiques, il est nécessaire de disposer d'un pilote dans l'avion et de clarifier les compétences des multiples intervenants. Vous avez évoqué aussi le lien avec les métropoles, car on ne peut décider sans concertation avec les territoires. Quelle est votre vision de la gouvernance, de la co-production des stratégies et de la répartition des moyens avec les territoires, les intercommunalités en particulier ? Le schéma territorial fait l'objet d'une concertation au sein de la conférence territoriale pour l'action publique, mais la concertation ne suffit pas. L'enjeu est d'articuler la définition d'un schéma rationnel et efficace au niveau régional, et sa mise en oeuvre au niveau des territoires, en lien direct avec l'ensemble des acteurs locaux. Il ne faut pas penser pour les territoires, mais avec les territoires. Comment parvenir à un co-pilotage et un suivi cohérents ?
Outre les départements et les régions, seules les métropoles signent les contrats de plan État-région et participent à la répartition des fonds européens. Les autres intercommunalités sont exclues, ainsi que les territoires. Or ces CPER définissent les crédits du développement économique. Si la région constitue l'échelon territorial pertinent, comment articuler les différents niveaux comme des poupées gigognes pour penser et agir ensemble ?
Effectivement, il aurait fallu définir les ressources et les compétences des régions avant de les fusionner. Comment évoquer en effet la puissance financière des régions si elles n'ont pas de ressources ? Cette réforme n'est pas faite pour les élus mais pour les citoyens. L'objet est de clarifier les compétences pour renforcer l'efficacité de chaque collectivité. Des blocs de compétence se dessinent : la commune, base de la démocratie de proximité, le département, gestionnaire de proximité, la région stratège. La région est chef de file économique mais les départements mènent une grande action en ce domaine. Je crains que les régions ne se focalisent sur les grandes entreprises. Il ne faut pas oublier les artisans et les PME. Ainsi, pour faciliter l'installation d'une petite entreprise dans mon intercommunalité, j'ai dû me tourner vers le département, la région ne m'a pas aidé.
La commission du développement durable est saisie de dix articles. Il existe trois schémas différents pour les déchets : déchets dangereux, déchets non dangereux et déchets du bâtiment ! Une simplification est nécessaire ; la région doit être chef de file mais agir en accord avec les territoires. Les articles 8 et 9 transfèrent aux régions les transports routiers non urbains, en les autorisant à déléguer ces services à d'autres collectivités ou EPCI. Mais les transports scolaires ne doivent-ils pas rester la compétence des départements ?
Autant fusionner dans ce cas les départements et les régions ! Il s'agit d'une question de proximité. Il en va de même pour la gestion des routes départementales. Les départements ont pris la suite avec succès des DDE de l'Etat. Est-il judicieux de transférer les routes départementales aux régions, pour qu'ensuite celles-ci les délèguent à nouveau aux départements ? Enfin quel est votre avis sur les aérodromes et les ports ?
Selon vous, l'emploi est l'affaire des régions. Que deviendront les maisons de l'emploi qui réunissent l'ensemble des partenaires locaux sous forme de convention ? Leur compétence d'ingénierie locale est reconnue. Il existe plusieurs centaines de maisons de l'emploi, qui couvrent des bassins d'emploi cohérents. Ne les oublions pas. L'État doit être cohérent et appliquer la loi Borloo de 2005.
Il n'est pas inenvisageable de transférer les savoir-faire acquis par les départements. Cela vaut pour les routes, cela vaut aussi pour les collèges ! La clarification serait bienvenue. Il suffirait de transférer les dotations de l'État aux régions et de prévoir un tuilage dans le temps. Rien n'empêche de conserver des services déconcentrés de la région au niveau départemental.
La vraie question est celle du mode d'élection des élus départementaux et régionaux. Je suis partisan du principe « un élu, un territoire », gage de proximité et de connaissance fine des territoires.
En revanche, l'incohérence apparaît parce que, comme l'État est désargenté, il transfère des compétences sans les financements associés. Les trous noirs se multiplieront, notamment en matière de culture, car chaque porteur de projet va solliciter les régions pour obtenir des subventions qu'elles ne pourront pas toujours accorder. Ne soyons pas schizophrènes. Les élus doivent faire des choix et éviter le saupoudrage, au nom de l'efficacité.
Quels moyens réclament les régions pour mener leurs politiques ? Les régions revendiquent la compétence économique, mais la plupart d'entre elles ont abandonné les règlements d'intervention au profit des appels à projet, qui ne sont guère favorables à la transparence. Ne faut-il pas rétablir les règlements d'intervention ? Êtes-vous favorable au guichet unique pour instruire les dossiers d'ordre économique ?
Je partage vos propos sur l'emploi. Quel est la collectivité la plus adaptée pour définir avec souplesse, réactivité et proximité une politique d'emploi en fonction des besoins des territoires ?
Les réseaux des lignes TER sont conçus séparément. Il n'est pas rare qu'une ligne s'arrête une fois atteinte la première ville de la région voisine. Il faut davantage de concertation pour tisser une toile d'araignée sur tout le territoire.
Enfin, je partage votre diagnostic sur l'absence de dialogue entre l'État et les régions. Mais pour aller plus loin, n'est-il pas nécessaire de revigorer le plan, afin de fixer un cap au niveau national et coordonner l'action des différentes régions ?
Quelles ressources précisément réclament les régions ? Une concurrence existe avec les métropoles, d'autant plus que nous leur avons récemment octroyé des compétences en matière de transports ou de développement économique.
Avec l'éloignement des institutions et la baisse du taux de participation aux élections, la légitimité démocratique des instances de proximité s'accroît. Les schémas prescriptifs ne seront légitimes que s'ils sont élaborés en concertation avec elles. Or le texte est muet sur ce point. Les communes ou les intercommunalités sont en effet les premiers interlocuteurs des entreprises. Quelle sera la durée de ces schémas ? Auront-ils un aspect évolutif ? Attention à ne pas consacrer la tutelle d'une collectivité sur une autre.
Après beaucoup de critiques, les choses se décantent : aux communes et intercommunalités, la proximité ; aux départements, la solidarité et la cohésion territoriale ; aux régions, le développement économique, les transports et la formation. Cette vision est largement partagée. Je rejoins d'ailleurs l'analyse de M. Bonhomme.
Les régions ont su travailler avec les départements. Pourquoi ne sauraient-elles pas travailler demain en bonne intelligence avec les métropoles ? Toutefois quelles garanties la loi pourrait-elle apporter pour éviter les chevauchements et les conflits entre les régions et les métropoles ?
Enfin l'ARF a-t-elle demandé au Gouvernement la décentralisation du service public de l'emploi ?
Cela vient de nous !
Le transfert des collèges aux régions remet en question la continuité des apprentissages entre le primaire et le collège à l'échelle des territoires. Cette question n'est pas dissociable de celle de l'organisation des écoles élémentaires sur les territoires. En particulier, comment penser les regroupements des écoles élémentaires sur les territoires ruraux ou l'irruption du numérique si l'on met à part les collèges ?
En outre, l'instauration de schémas prescriptifs suppose la définition en amont d'une méthode de concertation et de co-production, sinon les blocages seront nombreux.
Le collège est unique, à la différence des lycées, qui ont un recrutement supra-départemental et ouvrent à l'enseignement général, agricole ou professionnel.
Vous êtes inquiets sur la méthodologie de concertation. Mais les régions n'ont pas vocation à rétablir une forme de jacobinisme régional ! La décentralisation au niveau régional constitue en soi un progrès, car la concertation sera mieux assurée par les régions que par les préfets. Par construction, en effet, un schéma national est moins sensible aux réalités locales. Je comprends que certains préfèrent s'appuyer sur le préfet plutôt que de renvoyer à un autre élu. Ils craignent l'instauration d'une tutelle d'une collectivité sur une autre. Mais cette tutelle existe déjà...
Pour satisfaire les besoins de l'intérêt général, il faut travailler ensemble. Comment déplorer les retards en matière de transition énergétique ou les manques de transports si l'on empêche les collectivités territoriales responsables de faire des schémas ? Les moindres décisions font l'objet d'une consultation surabondante. Le temps des débats est considérable, au risque de l'inaction. Songez à la création de réserves aquatiques dans certains départements : on en parle depuis vingt ans et rien n'a encore été décidé. Quant on ne revient pas sur les projets une fois décidés... Ne soyez pas inquiets !
Le transfert des collèges aux régions, après celui des lycées, fait sens. Les bâtisseurs et les équipementiers sont les mêmes ; il y a des mutualisations en matière de numérique ou de personnels. Surtout, il est urgent de sortir la France de l'état que décrit l'enquête PISA. L'ascenseur social est en panne. Le service d'orientation ne fonctionne pas. L'orientation, compétence confiée aux régions, commence au collège. Rien n'interdira, le cas échéant, les subdélégations aux départements.
Je démens catégoriquement que les régions ne s'intéressent qu'aux grandes entreprises ! En revanche, nous pouvons faciliter les dialogues entre les grands groupes et leurs sous-traitants, car malheureusement, notre économie est une économie de sous-traitance. Nous manquons d'entreprises de taille intermédiaire capables de structurer le territoire. Les groupes du CAC 40 discutent avec Bercy, non avec les régions. Nous devons aider les petites entreprises à grandir pour acquérir la taille critique. Quant aux artisans, nous travaillons avec eux. N'accueillent-il pas déjà 75 % des apprentis ?
Ce n'est pas pour cela que les régions leur prêtent une oreille attentive !
Il y a sans doute des insuffisances. Mais cela vaut pour chaque collectivité. Le vrai problème est que l'on ne sait pas qui fait quoi, ce n'est ni efficace ni démocratique. On ne sait plus à qui s'adresser. Clarifions les responsabilités ! Tout suivra.
Les intercommunalités ont un rôle en matière de développement économique, mais pas nécessairement le même que les régions. Les aides aux entreprises doivent relever des régions.
Bien sûr !
L'intervention des régions ne sera pas exclusive des autres, mais le texte apporte des clarifications. Les collectivités ne pourront plus instaurer leurs propres aides indépendamment des autres.
En France, nous avons « acheté » l'intercommunalité, avec les lois Pasqua, Voynet et Chevènement. Et plus l'intercommunalité était riche, plus cela a coûté cher par habitant. Les intercommunalités ont recruté massivement...
Vous me les signalerez... L'explosion des effectifs de la fonction publique territoriale vient de là ! On a confondu service public et emploi public. Plutôt que mutualiser les effectifs, on a procédé à des recrutements redondants avec les effectifs des communes. Il faut que les électeurs sachent qui fait quoi, c'est ça la démocratie.
Le rapport de Martin Malvy et Alain Lambert montre que le coût de l'action publique est cinq fois plus élevé que dans d'autres pays, car le temps de la décision est long et les enchevêtrements multiples. Il faut un guichet unique. La critique de l'action publique prospère car on ne sait pas qui est responsable. Il n'est plus possible de continuer à avoir un service public de l'emploi et de l'orientation aux résultats aussi déplorables, ni une action économique aussi défavorable aux PME. Il faut aider les PME et les PMI. Les grands groupes font de l'optimisation fiscale et sont accompagnés souvent exagérément par l'État, sans parler de la consanguinité qui existe parfois entre leurs dirigeants et la haute fonction publique...
Le transfert des routes départementales fait débat. Est-ce bien au conseil régional de veiller au déneigement des routes d'une commune de Corrèze ? Toutefois, son intervention pour développer l'intermodalité et le transport collectif est justifiée.
Les ressources ? Une entreprise allemande est cinq fois plus aidée et accompagnée qu'une entreprise française. Comment redresser notre industrie si on ne fait rien ?
Le lycée a partie liée avec l'enseignement professionnel, mais l'orientation commence au collège.
L'État doit édicter les normes, fixer la fiscalité, définir les grands programmes, soutenir les filières, mais le soutien aux PME et TPE, c'est l'affaire des régions. De même l'ADEME doit disposer d'une instance nationale d'orientation, mais des services locaux sont-ils obligatoires ? Il faut éviter les doublons avec les régions... La BPI a une structure nationale, alors que nous souhaitions des banques régionales d'investissement sur les fonds propres. Autant la BPI fonctionne bien sur les prêts, dans le prolongement d'OSEO, autant, pour les fonds propres, tout remonte à Paris. Que de perte de temps ! Il y a un manque de régionalisation.
Enfin, les aéroports sont des éléments structurants du territoire. Ne reproduisons pas l'erreur que nous avons commise avec les autoroutes en les cédant à des groupes privés qui confisqueront le profit de manière scandaleuse.
À l'exception de l'Île-de-France, grâce à la loi Pasqua, aucune région ne possède de schéma prescriptif. Celui-ci fait l'objet d'une concertation permanente, lors de son élaboration et lors de ses révisions. La région pilote la concertation. Nous tenons très largement compte des préconisations des uns et des autres. Nous avons par exemple largement modifié notre projet pour tenir compte des remarques de la Seine-et-Marne, qui représente la moitié de la superficie de la région : M. Hyest en sait quelque chose ! Lors de la révision, nous avions installé un grand panneau, avec des pastilles pour chaque projet où chaque élu pouvait intervenir. Cela a duré cinq jours et cinq nuits... Donc schéma prescriptif ne rime pas avec jacobinisme régional. À quoi bon, d'ailleurs, vouloir imposer un schéma ? Il ne serait pas appliqué ! Le schéma prescriptif est un bel outil, qu'il faut étendre à toutes les régions.
En outre, les collectivités territoriales peuvent travailler ensemble sous forme de conventions. En Île-de-France, nous doublons le contrat de plan État-région d'un contrat avec chaque département. Nous y consacrons 200 millions pour chaque département. Notre effort est modulé en fonction de la richesse des départements, en accord avec les conseils généraux. Nous passons aussi des conventions avec des intercommunalités.
Les routes ne nous passionnent pas, mais les départements les ont bien gérées. À tel point que nous n'avons pas d'inquiétudes sur le financement, à la différence des lycées, que nous avons repris dans un mauvais état, avec des crédits transférés très insuffisants. Désormais, pour les grands projets de transport en commun, on doit veiller à l'intermodalité et à la cohérence entre les schémas et le réseau routier. Par exemple le réseau routier doit accompagner la construction des nouvelles gares du Grand Paris. Il est logique de tout faire ensemble.
Enfin, gérer les lycées et les collèges, c'est le même métier. On peut aller plus loin en réalisant des synergies sur les personnels, l'équipement, l'informatique. Avec 472 lycées et 850 collèges en Île-de-France, comment ne pas pouvoir peser lors de la conclusion des marchés pour faire des économies ? Je regrette d'ailleurs qu'une centaine de collèges parisiens restent en dehors...
Merci.
La réunion est levée à 13 h 10
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
La réunion est ouverte à 16 heures
La commission entend ensuite M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), et M. Jean-Louis Puissegur, membre du Bureau de l'AMF et président de l'Association des maires de Haute-Garonne.
Nous avons le plaisir d'entendre MM. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), et Jean-Louis Puissegur, membre du Bureau de l'AMF et président de l'Association des Maires de Haute-Garonne.
Merci de nous accueillir. J'exprimerai la position du bureau de l'AMF sur le projet de loi NOTRe. Nous aurions préféré une loi-cadre, déclinée ensuite dans d'autres textes, à l'approche qui a été retenue, fragmentée entre la loi du 27 janvier 2014 dite Mapam et le présent texte. Nous regrettons en outre l'absence d'étude des impacts financiers de ce projet de loi. Une telle évaluation faisait également défaut à la loi Mapam, muette sur les nouveaux coûts supportés par les intercommunalités du fait, par exemple, de la nouvelle compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Nous ignorons ce que sera le produit de la taxe prévue. Enfin, notre bureau unanime a appelé à la création d'une instance de concertation et de dialogue entre l'État et les associations de collectivités en amont du processus législatif. Le Sénat pourrait être ce lieu de concertation avec l'ADF, l'ARF et l'AMF ; j'ai d'ailleurs écrit au président Larcher en ce sens.
Prenons garde à ne pas créer de nouvelles tutelles en décentralisant verticalement. Les communes et intercommunalités en seraient les premières victimes. À cet égard, les schémas prescriptifs ne sont pas acceptables. Il faut certes, sur un territoire et pour une compétence donnée, une direction. Mais nous sommes des partenaires, non des sous-traitants ! Privilégions la co-élaboration. Prenez le cas de la petite enfance : les schémas sont départementaux, alors que la responsabilité des crèches et des haltes garderies est communale, et que le financement provient des communes, des parents, des caisses d'allocations familiales et, très marginalement, des départements...
Laissons les compétences de proximité au bloc local. Le discours de Manuel Valls au Sénat ouvre la porte à la départementalisation des tâches d'ingénierie : nous n'y souscrivons pas ! L'instruction des permis de construire, par exemple, est une compétence de proximité. Le retrait de l'État a provoqué dans nos territoires la création de bureaux d'études, qui agissent à l'échelon le plus efficace. La remontée au département n'apporte rien du point de vue de l'efficacité. De même pour l'ingénierie technique, au niveau d'un bassin de vie, au moyen de syndicats émanant des communes et parfois intégrés dans le périmètre des intercommunalités. La proximité est gage d'efficacité. Dernier exemple : confier le transport scolaire à de grandes régions ne permet pas d'exercer finement l'exercice de cette compétence.
Rendons l'action publique plus efficace. D'abord, le projet de loi NOTRe bat en brèche l'intérêt communautaire, qui consiste à s'adapter au territoire en partageant les compétences selon la géographie, la démographie, l'expérience et le niveau d'équipement de chacun. Mon intercommunalité gère par exemple les bandes de roulement, tandis que l'éclairage public et l'entretien des trottoirs est resté de la compétence communale : pour reboucher des nids de poule, il est moins coûteux d'appeler le cantonnier local que de faire intervenir des équipes de la ville-centre.
Ensuite, l'AMF plaide depuis des années pour la mutualisation des services. J'ai mis en place en 2002 une direction transversale des services entre ma ville et l'intercommunalité dont elle est membre : la chambre régionale des comptes a trouvé l'initiative intelligente et efficace, mais l'a déclarée illégale ! Elle l'était en effet, jusqu'à la loi du 13 août 2004, quoique celle-ci n'ait pas empêché la saisine par la Commission européenne de la Cour de justice de l'Union européenne. La loi du 16 décembre 2010 puis la loi Mapam ont clarifié les choses. Reste que la mutualisation doit être libre. Tout dépend du territoire. Un ensemble de petites communes regroupées dans une intercommunalité doit pouvoir opter pour une mutualisation descendante, de la seconde vers les premières ; elle peut être ascendante lorsque l'intercommunalité regroupe une ville-centre et des petites communes. La pérennité des communes, dans un contexte de baisse des dotations de l'État, réside dans l'efficacité de l'action publique. Dans tous les cas, l'approche impersonnelle est à proscrire.
Enfin, la commune nouvelle, forme la plus aboutie de la mutualisation, est un autre outil d'efficacité. Elle garantit la sécurité, la solidarité, la proximité et la transparence démocratique. Bref, une économie de temps et d'argent.
Une évaluation financière plus détaillée du projet de loi NOTRe est nécessaire. La loi Mapam a coûté 147 millions d'euros en ce qui concerne la création des métropoles ; l'abaissement du seuil des communautés urbaines, 41 millions d'euros ; soit un total de 188 millions d'euros, pris sur l'enveloppe normée. Cela se conçoit si des bénéfices sont à escompter ultérieurement. Mais cela mérite d'être examiné...
Un mot enfin sur le seuil des 20 000 habitants pour les intercommunalités. Sortons de cette conception monolithique de la République. Dans certains territoires ruraux, il est difficile d'atteindre un ensemble de 20 000 habitants, sauf à ignorer les distances et les coûts induits. En zone urbaine en revanche, 20 000 habitants, c'est peu. Sortons des logiques arithmétiques ; faisons confiance à l'intelligence collective des élus locaux pour placer le curseur au bon endroit.
Maire d'une commune de 930 habitants à proximité des Pyrénées, j'évoquerai les problèmes de la ruralité.
Les élus des zones rurales ne comprennent pas le chaînage des lois relatives à l'organisation de la République - mais les communes urbaines le comprennent-elles mieux ? Ils se font en outre du souci s'agissant des ressources financières. Les communes rurales sont, il est vrai, habituées à la disette, compte tenu de la faiblesse de leur base fiscale et de l'absence de cotisation foncière des entreprises sur leurs territoires.
La question du regroupement des régions touche peu les élus de terrain. L'évolution des conseils généraux est en revanche un vrai sujet, car ce sont nos premiers partenaires institutionnels. Dans mon département, les aides à l'investissement des communes ont légèrement diminué, mais elles ont toujours été comprises entre 50 et 70 % des montants engagés, tous projets confondus. Seul bémol : cet arrosage des cantons était purement politique, et manquait parfois de discernement dans l'attribution des subventions - le pourcentage était identique pour une salle des fêtes en marbre et une salle des fêtes en bois.
La Haute-Garonne a la particularité de compter une ville d'un million d'habitants, et des communes rurales qui en rassemblent 200 000. Sans Toulouse, nous ressemblerions à l'Ariège ou au Gers voisins. Les communes de ces départements, qui reçoivent peu d'aides, jalousent celles de Haute-Garonne, lesquelles entendent conserver - égoïstement ? - leurs ressources.
Un mot également sur l'appareil productif de ce territoire. Ma commune de 1 400 hectares avait, après la Seconde Guerre Mondiale, soixante petites exploitations de quatre unités de travail humain chacune, soit un total de 240 emplois productifs. Des emplois guère enviables, dira-t-on ; pourtant, les agriculteurs vivaient à l'époque mieux que les ouvriers. Aujourd'hui, ne restent que huit exploitations à cinq emplois chacune, soit une disparition de 200 emplois productifs ; demain, il n'en restera plus. Ces emplois perdus, rien ne les a remplacés. S'il fallait diriger de nouvelles ressources financières vers les communes rurales, c'est sous forme d'aides à l'appareil productif qu'il faudrait le faire, et non de financement de tel ou tel équipement. La forêt, la valorisation directe, sont des pistes. Mais dans les zones agricoles et d'élevage - dans la filière viande en particulier - les résultats ne sont pas là.
L'exportation intellectuelle est un autre problème. Je suis président d'un syndicat intercommunal à vocation multiple de 30.000 habitants et de 20 millions d'euros de budget. Les jeunes ayant un potentiel intellectuel certain, parce qu'ils souhaitent rester au pays, s'engagent comme chauffeurs de poids lourds ou d'engins de chantier. Ils prennent ainsi la place de ceux qui ne sont pas capables d'occuper de meilleurs emplois. Résultat : les laissés-pour-compte sont nombreux, qui alternent petits contrats aidés et périodes de chômage.
En zone rurale, les élus locaux appréhendent mal l'intercommunalité. Le maire et les adjoints y voient l'occasion d'élargir leurs compétences, mais ils peinent à transmettre le message à leurs conseils municipaux. Au reste, les intercommunalités ne sont parfois que des décompressions des budgets des villes-centre. La domination politique de celles-ci sur les élus locaux des communes périphériques est une réalité. L'intercommunalité n'est pas la réponse à tout. Associer 20 ou 25 communes pauvres ne fait pas une intercommunalité riche. Certaines intercommunalités se sont même lancées dans des dépenses inconsidérées - elles ont freiné leur élan, cependant, depuis que les dotations ont diminué au profit de la fiscalité directe.
Les élus sont plus familiers du périmètre des pays ou des schémas de cohérence territoriale (Scot). Parler d'économie dans le cadre d'un Scot, ou de tourisme dans un pays, est plus facile. L'instruction des permis de construire est plus aisée à l'échelle d'un pays.
Les élus ont une sorte de rejet du pouvoir politique dominant. Les conseils municipaux ont changé. Ce ne sont plus les conseils d'il y a vingt ou trente ans. Ils comptent à présent beaucoup de jeunes désireux de s'investir, bénévolement. Il faut en tenir compte, c'est un plaidoyer pour la commune plus que pour l'intercommunalité...
Le conseil général soutient l'investissement : il serait bon que la métropole lui consacre une part de ses ressources financières. M. Moudenc - ou M. Cohen hier - y consent, mais il ne faut pas attendre qu'il prenne de lui-même une telle initiative. À quelle échelle travailler avec la métropole ? À l'échelle régionale ou dans les départements ? Égoïstement, je défendrais bien la péréquation au sein de la Haute-Garonne, mais c'est au niveau régional qu'il faut l'envisager. Or M. Jean-Michel Baylet, qui a une centrale nucléaire sur son territoire, ne veut pas en entendre parler ! Chaque département veut garder ses ressources...
La voirie suppose entre 10 000 et 20 000 euros d'investissement tous les dix ans. Le conseil général aidait les communes de moins de 400 habitants à hauteur de 70 %, les autres à 50 %. Les maires ne savent pas comment faire à présent. Certains chemins ruraux seront sans doute remis dans l'état où ils étaient avant d'être goudronnés...
Je vois dans les communes nouvelles un phénomène périurbain. Comment les implanter en zone rurale, où les élus sont très attachés à leur commune ? J'ai en tête le mauvais exemple d'une intercommunalité rurale financièrement exsangue du fait d'investissements trop lourds, dont le président voit désormais dans la création d'une commune nouvelle le moyen de sortir du marasme...
Le seuil des 20 000 habitants soulève une profonde inquiétude chez les élus ruraux. C'est un problème de temps. Laissons-les réfléchir, sans leur imposer d'échéances ou d'objectifs. Les territoires sont tous différents. Dans certains secteurs de Haute-Garonne, les élus se sont mis à discuter hors la contrainte de l'État ou de la préfecture. Il faut laisser du temps au temps.
Nous avons toujours plaisir à entendre M. Pélissard. Certains sénateurs sont dans le même cas que vous, monsieur Puissegur, y compris en Ile-de-France...
Je n'ai pas compris : êtes-vous favorables au maintien du département ? Attention à ne pas renforcer excessivement les intercommunalités, dites-vous. Nous avons déjà eu du mal à bâtir la carte... Il faut saluer le rôle déterminant de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) dans cette entreprise. La carte actuelle n'est pas parfaitement cohérente ; il faut la faire évoluer, mais sans aller trop vite.
Je comprends votre réticence à l'égard des schémas prescriptifs. Mais confier une compétence à une collectivité implique, avec toute la concertation nécessaire, que celle-ci ait un pouvoir de décision ! Je vous rejoins sur la compétence de petite enfance, dont le transfert est à l'origine de l'augmentation d'une part importante du personnel communal. Sur l'ingénierie, soyons pragmatiques. Certains départements ont mis des services techniques à la disposition des communes. Le pire serait de créer de nouveaux services. Sans mutualisation, nous n'arriverons à rien. De même en matière d'urbanisme : l'instruction des permis de construire, que certains proposent de confier au niveau intercommunal, doit demeurer une compétence communale. Mais pour l'exercer, il faut des techniciens : le meilleur modèle reste celui des services partagés. Dans tous les cas, laissons de la souplesse aux territoires ; pour encourager la mutualisation, point n'est besoin de légiférer. Encourageons-la financièrement. Dès la loi Marcellin du 31 décembre 1970 qui créait les districts, des intercommunalités se sont créées par intérêt fiscal bien compris. Les choses ont été corrigées par la suite.
J'invite MM. Pélissard et Puissegur à répondre à la brûlante première question de M. Hyest, avant que nous reprenions le fil des questions.
Je vous donne ma position personnelle, qui n'est pas passée au crible du bureau de l'AMF. Je le dis avec la même sincérité que celle que j'ai eue à l'égard du président de la République : j'aurais été favorable à la suppression du département si l'on avait conservé des régions à taille humaine. Nous aurions alors pu répartir les compétences entre l'État, les régions, et les intercommunalités : politiques de guichet, services d'incendie et de secours pour le premier, développement économique pour les secondes, actions de proximité pour les dernières. Mais passer à des régions de taille XXL impose de conserver des espaces de proximité. Une nuance : nous ne pouvons conserver des départements dotés de la clause de compétence générale, ressuscitée dans le discours du président de la République du 5 octobre 2012. Il faut que chacun sache ce qu'il fait.
Que se passe-t-il lorsqu'une grande métropole concentre 80 % de la population d'un département ? La question ne se pose pas seulement à Toulouse.
Les maires de mon département veulent garder les départements par intérêt financier ; du point de vue de la démocratie locale, ils sont contre. Cette suppression ne nous gênerait pas. Mais nous avions, en matière d'ingénierie par exemple, un État performant, neutre, et compétent ; je préfère de très loin qu'il soit remplacé par une organisation intercommunale que par un pouvoir politique « politicien ». Les communes veulent se gérer elles-mêmes, et refusent cette chape de plomb. J'aurais bien vu, pour ma part, une articulation entre communes, pays ou Scot, d'une part, et régions, d'autre part, pour peu qu'elles ne soient pas trop grandes. D'accord pour supprimer le département, et même les intercommunalités, si l'on dispose de pays ou de Scot qui travaillent ensemble et de communes fortes comme échelon de base.
Le Sénat n'a jamais été contre l'instauration d'une instance de dialogue entre l'État et les trois associations nationales de collectivités territoriales. J'ai même plaidé pour que les députés comme les sénateurs y soient associés. Mais la question du cumul des mandats est venue percuter ce débat et lui substituer ces questions existentielles : que fait-on du Sénat ? Que fait-on des départements ? Du coup, nous sommes passés à côté de l'essentiel : notre besoin d'une instance de dialogue. Reste qu'un simple décret suffit pour créer une telle instance - nous l'avons dit à Mme Lebranchu hier en commission des lois.
Le monde intercommunal atteint un degré de fragmentation dangereux. J'ai d'ailleurs appelé les intercommunalités, au congrès de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), à se regrouper sans attendre, pour assurer une représentation unifiée du bloc communal qu'ils entendent défendre.
S'agissant de l'intérêt communautaire, on peut dire tout et son contraire : soit qu'il faut garantir la subsidiarité - que nous défendons ici depuis longtemps -, soit qu'il revient aux intercommunalités de choisir les compétences qui les intéressent. Or voyez ce qui se passe en matière économique : tout le monde se bat pour les filières, les pôles de compétitivité, la French Tech... Mais l'artisanat et le petit commerce, personne n'en veut !
Comment s'assurer que la subsidiarité ne sera pas un moyen pour les grandes intercommunalités de se défausser des projets qui ne les intéressent guère ?
Merci de nous avoir exposé votre point de vue sur cette réforme. Je partage largement votre avis : il aurait fallu passer par une loi-cadre et estimer l'impact financier.
L'Assemblée des Départements de France et l'ARF nous ont laissé entendre que les transports scolaires et les collèges pourraient revenir aux régions. N'est-ce pas un niveau trop éloigné de la commune, qui gère les écoles primaires ? Certains départements veulent reprendre la compétence exercée par les syndicats d'énergie, qui font beaucoup pour les communes. Qu'en pensez-vous ? La mutualisation, nous en faisons depuis longtemps, comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir : qu'est-ce d'autre qu'une communauté de communes ? Des déchetteries, des équipements de sports, et de nombreux autres domaines, sont mutualisés. Les créations de postes sont critiquées par la Cour de comptes : c'est que ce niveau de collectivités a pris des compétences et reçu des obligations... Si les dotations sont réparties en fonction du degré de mutualisation, celle-ci restera-t-elle vraiment facultative ?
C'est inquiétant. Que deviendra notre liberté ?
Nous devons sortir d'une logique purement quantitative en supprimant le seuil de 20 000 habitants pour les communautés de communes. Privilégions l'humain en adoptant une logique qualitative ! Pourquoi ne pas laisser chaque département, par l'intermédiaire de son conseil général ou de la CDCI, décider du seuil - actuellement de 5 000 habitants ?
Conditionner la dotation au coefficient d'intégration fiscale (CIF), est-ce respecter la libre administration des collectivités territoriales ?
Merci pour votre présentation. L'erreur a été de redécouper les régions avant de réfléchir à la répartition des compétences. On envisage à présent de confier la distribution de l'électricité et de l'eau potable, effectuée par les syndicats, aux départements qu'on voulait supprimer il y a peu ! La difficulté est de financer le fonctionnement de ces structures - car ce sont elles qui intéressent...
Comment les grandes régions pourront-elles gérer les transports scolaires ? Conseiller général du Doubs jusqu'à mon élection comme sénateur, j'ai bien vu comme cette gestion était complexe à l'échelle d'un seul département. Nous devons nous affranchir du seuil de 20 000 habitants : arrêtons de raisonner en nombre d'habitants et pensons territoire, demandons-nous plutôt avec quelles communes nous voulons travailler.
Demandons-nous surtout comment les habitants vivent et de quoi ils ont besoin !
Exactement. Il faut rendre de la liberté aux élus et leur faire confiance. Les communes de moins de 1 500 habitants ont le plus grand mal à élaborer un PLU. Je connais un cas où il a fallu plus de dix ans pour y parvenir. Les PLUi épuiseront des générations de maires !
La loi du 16 décembre 2010 prévoyait un réexamen de la carte intercommunale après un certain délai. Le texte actuel l'impose avant le 31 décembre 2015 : bien trop tôt ! La plupart des intercommunalités issues de la loi de 2010 ne se sont installées qu'en 2013 ou en 2014. Leurs exécutifs ont souvent été mis en place en avril dernier seulement. Engager un processus de réexamen aussi rapidement les déstabiliserait. Enfin, la volonté d'un changement d'échelle des intercommunalités se traduira en milieu rural par un élargissement considérable des périmètres. Cet éloignement et l'obligation d'accroître le nombre de compétences transférées à des intercommunalités agrandies ne risquent-elles pas de faire perdre de la substance aux communes ?
La loi du 29 février 2012 a prévu le cas des intercommunalités les plus récentes. Pour autant, 2016 est trop tôt, j'en suis bien d'accord : il faut leur laisser plusieurs années de plus. Que le schéma de développement économique soit prescriptif, soit... s'il est élaboré de manière concertée entre la région et le bloc local. Peu importe qui, du département ou de l'intercommunalité, est le maître d'ouvrage de l'ingénierie : l'important est qu'elle soit de qualité et que l'adhésion des communes repose sur le volontariat.
À partir d'une certaine taille, une intercommunalité peut très bien instruire les demandes de permis de construire : c'est toujours au maire qu'il reviendra de signer le permis. Le coefficient d'intégration fiscale a prouvé son utilité pour évaluer la mutualisation, mais il ne porte que sur les recettes. L'inspection générale de l'administration et l'inspection générale des finances réfléchissent à un coefficient de mutualisation qui porterait sur les dépenses. Pourquoi pas ? Cela me paraît intelligent. Mais il faudra choisir entre les deux car il semble difficile de les articuler sans engendrer des effets pervers.
Je me suis efforcé depuis des années de mettre en oeuvre un processus de rapprochement des associations. Les présidents des associations des communautés urbaines, des grandes villes, des villes moyennes, des petites villes et des maires ruraux sont membres associés du bureau de l'AMF. Le président de l'AMF est bien conscient qu'un rapprochement, voire une fusion, s'impose. L'AMF serait l'association généraliste, autour de laquelle graviteraient des structures spécialisées comme les associations d'élus de la montagne, du littoral, de banlieue...
L'intercommunal ne doit englober que ce qu'il est pertinent de lui confier. Cela exige une finesse d'analyse. Il faut laisser aux communes la gestion des magasins de proximité, des petits projets culturels d'animation et d'entretien du lien social... La répartition doit être faite au trébuchet.
Confier les transports scolaires aux régions serait inadapté. Pour les établissements scolaires, si un collège va de pair avec un lycée, par exemple dans le cadre d'une cité scolaire comme j'en connais dans le Haut-Jura, sa gestion peut être confiée à la région. Inversement, une intercommunalité pourrait recevoir de la région, par une convention, la compétence sur un collège.
Dans le cas d'une cité scolaire, pourquoi ne pas confier le tout - s'il faut une compétence unique - au département plutôt qu'à la région ?
L'aire d'attractivité d'un lycée dépasse celle de l'intercommunalité.
La moitié des 25 cités scolaires des Hauts-de-Seine sont gérées par le département et l'autre moitié par la région. Il est logique qu'un lycée professionnel, qui recrute ses élèves dans le département mais aussi au-delà, soit géré par la région. Il ne le serait pas moins que collèges et lycées soient gérés par la même entité...
Il faut s'adapter à chaque territoire et sortir d'un jacobinisme uniformisateur.
Les syndicats d'énergie doivent rester aux communes, qui les financent grâce à la taxe intérieure sur la consommation finale d'énergie, et qui sont leurs clients. La mutualisation revêt plusieurs aspects : mutualisation des agents, des équipements, entre communes, entre communes et intercommunalité... Si une mutualisation s'opère entre une intercommunalité et toutes ses communes, autant transférer la compétence. La mutualisation des équipements et des agents a été organisée par les lois du 13 août 2004, du 16 décembre 2010 et du 27 janvier 2014. Elle va dans le bon sens. Manquent encore les outils de gestion de personnels permettant de rassembler l'ensemble des effectifs.
Les pistes évoquées pour supprimer le seuil de 20 000 habitants sont intéressantes. La CDCI qui, par sa composition et son pouvoir, peut imposer ses options au préfet, pourrait être un bon juge de paix. Conditionner la dotation au CIF altère en effet le principe de libre administration, mais ce n'est pas anormal : comment pourrions-nous exiger de l'État des dotations, même en diminution, sans condition ?
Je regrette moi aussi le découplage entre découpage territorial et répartition des compétences. Nous devons rapidement définir des compétences spéciales, faute de quoi la situation sera ingérable. Le seuil des 20 000 habitants doit être remplacé par la définition d'un bassin de vie cohérent.
Il faut, oui, reporter la date butoir du 1er janvier 2016. Heureusement, la loi du 29 février 2012 prévoit des garde-fous et des dispositions « balais » pour l'année 2015, afin de procéder aux ajustements qui s'imposent.
Connaissez-vous le coût induit par la mise en place prochaine des métropoles de Paris, de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence, même si, s'agissant de cette dernière, 113 des 119 communes concernées y sont opposées ? Les communes n'ont pas été consultées sur les métropoles. Le seront-elles sur le schéma prescriptif régional ?
M. Pélissard défend comme nous la simplification et la clarté. Or confier la gestion de tous les établissements d'enseignement secondaire à la région, n'est-ce pas aller vers davantage de simplicité et de cohérence ? Un tel rapprochement n'a rien d'impossible. Quels problèmes poserait-il ?
En 2015, 62,6 millions d'euros seront prélevés pour les métropoles sur l'enveloppe normée de la DGF ; et en 2016, 124,6 millions d'euros, dont 5,9 millions pour la métropole Aix-Marseille-Provence.
Le schéma régional de développement économique doit être élaboré en concertation avec les communes et les EPCI. Les communes rurales ne pourront être toutes présentes en direct, mais elles seront représentées par l'AMF.
Une cité scolaire associant collège et lycée doit être gérée par la région. Un collège indépendant peut être confié par convention à une intercommunalité, d'autant qu'il existe des passerelles entre le primaire et le collège. En revanche, un lycée, qui est en lien avec le système de formation professionnelle et les universités, a vocation à rester à la région.
Merci pour votre écoute. La commune nouvelle permettra de faire des communes fortes dans des intercommunalités de projet - sauf à ce que l'intercommunalité elle-même se transforme en commune nouvelle... Tâchons de laisser l'année 2015 toute entière aux communes nouvelles pour émerger : elles ne seront exemptées que pendant trois ans de la baisse de la DGF ou de la majoration des gels de 5 %. La réforme des collectivités territoriales viendra aussi des communes.
Merci. Les communes nouvelles suscitent un large accord. Le sentiment se répand, surtout dans le monde rural, que l'intercommunalité atteint ses limites. Beaucoup d'élus en viennent à s'intéresser à l'idée d'une fusion avec des communes voisines. Votre proposition de loi sur les communes nouvelles reçoit une écoute attentive au Sénat.
La réunion est suspendue à 17 h 35
La réunion reprend à 18 heures
Enfin, la commission entend M. Marc Fesneau, président de la commission « Institutions et pouvoirs locaux », et M. Alain Berthéas, vice-président de la commission « Développement économique et emploi » de l'Assemblée des communautés de France (AdCF).
L'ensemble des élus des EPCI est convaincu qu'il est nécessaire d'évoluer en matière d'organisation territoriale.
Cependant, des questions continuent à se poser, notamment en matière de répartition des compétences.
Avant de parler de « millefeuille institutionnel », commençons donc à réfléchir aux besoins en compétences et à ceux de l'ensemble des habitants de nos territoires.
J'insisterai sur les relations entre EPCI et régions car il est question de confier à celles-ci un rôle de chef de file dans certains domaines. Il est nécessaire de clarifier cet aspect ainsi que la règle du jeu des relations entre ces deux niveaux territoriaux. En outre, il est nécessaire de préciser la notion de schémas prescriptifs, d'éviter l'émergence d'une multiplicité de ces schémas et de prévoir une co-construction de ceux-ci, afin d'éviter le pur et simple remplacement d'une norme nationale par une norme régionale. Dans la mise en oeuvre de cette réforme, il sera ainsi nécessaire de fixer les prérogatives de chaque institution dans le cadre des schémas prescriptifs. Les schémas doivent être territorialisés afin de pouvoir mesurer l'impact de leurs prescriptions.
Personne ne conteste le rôle de chef de file de la région en matière économique. En revanche, il faut travailler en profondeur afin d'aboutir à un rapprochement entre les acteurs institutionnels et les acteurs industriels ou économiques de manière à construire une vision économique du territoire.
Les métropoles, puis les régions et enfin les compétences : le calendrier législatif aurait peut-être dû être différent... Nous ne savons pas ce qu'est un processus de « co-construction » ; nous ne disposons pas encore de mécanismes pour effectuer une telle co-construction. Faut-il encadrer juridiquement de tels mécanismes ? En tout état de cause, il faut éviter une tutelle des régions sur les EPCI.
Concernant les départements, nous sommes favorables à leur recentrage sur la solidarité, mais laquelle ? Autant la solidarité entre les personnes est incontournable, autant la solidarité territoriale sera difficile à mettre en oeuvre compte-tenu de l'état actuel des finances départementales. Par ailleurs, si le département constitue un espace légitime pour l'ingénierie, il n'est pas souhaitable d'en faire une règle. Dans ce domaine en effet, la coopération doit pouvoir rester communale, intercommunale, voire inter-intercommunale.
Par ailleurs, dès lors que le département constitue une interface entre les régions et le territoire, nous pensons qu'il pourrait être le lieu où s'organise la relation entre les différents EPCI.
Je ne sais pas ce qu'est un territoire rural. Presqu'aucun territoire n'est indemne de toute influence urbaine. Il me paraît périlleux de tenter de délimiter un périmètre qui serait purement rural et une institution qui serait spécifiquement chargée de ce périmètre.
Concernant la création de communes nouvelles, il me semble que certains territoires se mettent en mouvement. 21 % des adhérents de l'AdCF se posent la question. Le dispositif proposé par M. Pélissard est intéressant à cet égard mais il est peut-être nécessaire de simplifier encore le mécanisme de fusion et de s'interroger sur ce qui se passera après 2020 et la fin du dispositif transitoire. Enfin, il ne faut pas s'appuyer uniquement sur une « carotte » financière.
En ce qui concerne l'existence d'un seuil pour la fusion des EPCI, nous y sommes favorables. Un seuil de 20 000 habitants paraît raisonnable en matière d'ingénierie et d'organisation territoriale. La densité ou le nombre de communes peut également constituer un élément à prendre en compte. Il faudrait en tout cas fixer définitivement un tel seuil afin de ne pas paralyser l'action locale, et prévoir des mécanismes de souplesse afin d'éviter que des EPCI ne soient obligés de faire marche arrière dans certains domaines où ils sont déjà intégrés. Dans mon intercommunalité qui organise depuis quelques années la compétence scolaire, une fusion des intercommunalités entrainerait la perte de celle-ci. Il serait pourtant regrettable que le processus de fusion entraine une sortie de compétences pour l'intercommunalité.
En effet, car le texte prévoit d'agrandir les intercommunalités mais aussi de renforcer leur intégration. Afin de conserver les compétences des intercommunalités qui s'agrandiraient, il serait toujours possible de créer une commune nouvelle au sein de celles-ci.
Il est vrai. Néanmoins, je ne suis pas sûr que cette mesure soit acceptée dans un territoire comme le mien. Pour mettre en perspective le seuil des 20 000 habitants proposé par le texte, sachez que sur le territoire de mon intercommunalité, il y a la plus petite commune du Loir-et-Cher avec 31 habitants. J'adopte toutefois une position ouverte. Je crois que le texte va dans le sens que l'on souhaite, c'est-à-dire vers de plus grandes compétences pour l'intercommunalité.
En termes de gouvernance, nous sommes aussi attentifs aux règles de compensation. Il serait dangereux qu'elles soient adoptées à l'unanimité plutôt qu'à une majorité qualifiée. Il ne faudrait pas qu'une seule personne puisse bloquer la clé de répartition. C'est d'autant plus pertinent que les conseils communautaires seront plus grands, avec plus de conseillers, et qu'il ne faudrait pas pénaliser leur action.
Par ailleurs, je souhaite insister sur les dispositions de l'article 33 du projet de loi, qui prévoient une mise à contribution des collectivités territoriales concernant les conséquences financières des condamnations de l'État français par l'Union européenne, lorsque les manquements relèveraient des domaines de compétences des collectivités territoriales. Je ne peux que m'interroger sur l'applicabilité d'un tel dispositif. À quel degré une collectivité territoriale est responsable, par exemple, de la qualité d'un cours d'eau ? À 20, 22 ou 25 % ? Cela va engendrer des contentieux sur la qualité de l'eau, de l'air ou dans des domaines dans lesquels l'État a tardé à agir.
C'est délicieusement rédigé. « Les autorités compétentes de l'État proposent une répartition des sommes dues entre les collectivités territoriales ou leurs groupements déduction faite, le cas échéant, de la part incombant à l'État. »
L'Assemblée des communautés de France semble avoir largement inspiré la plume du gouvernement. Je trouve en effet que vous êtes assez favorable à l'ensemble de ces mesures.
Je ne suis pas d'accord avec votre argumentation sur les maigres moyens des départements. Il appartient à l'État de compenser suffisamment l'aide sociale versée par les conseils généraux.
Par ailleurs, je suis opposé à toutes les tentatives de faire du département, au mieux, un sénat des collectivités territoriales. C'est inconstitutionnel. Une collectivité, c'est un territoire, une assemblée élue et des compétences précises, d'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Je relève que vous êtes favorable au seuil des 20 000 habitants tout en relevant les difficultés pour changer le seuil. Je reconnais que ce seuil est tout à fait envisageable sur certains territoires. Néanmoins, dans certains départements ruraux, le seuil de 20 000 habitants conduira à n'avoir que 3 ou 4 intercommunalités de dimensions considérables sur le département.
Pour mémoire, le seuil de 5 000 habitants était déjà contesté. De nombreuses dérogations ont été mises en place pour les territoires de montagne et l'outre-mer. La carte a été douloureuse et compliquée à établir. Il faut garder de la souplesse. On peut même s'interroger si le seuil implique des fusions ou des démembrements des intercommunalités existantes pour correspondre aux bassins de vie ?
Un certain nombre de communautés sont organisées selon un découpage historique qui ne correspond plus aux réalités de la vie des habitants. Faut-il faire un redécoupage pour tenir compte de ces réalités ou s'en tenir au découpage actuel ? Il y a en tous cas des incohérences dans la carte actuelle des intercommunalités.
Je suppose que vous préconisez une évolution de la carte intercommunale par la loi, avec la même méthode que celle des commissions départementales de la coopération intercommunale mise en place par la loi du 16 décembre 2010. Ce texte prévoyait notamment un droit d'opposition des élus aux initiatives préfectorales intempestives.
J'ai eu la chance d'échanger avec vous lors du dernier congrès de l'AdCF.
Je pars du constat fait par le Sénat, tous bords confondus, avec le rapport de MM. Krattinger et Raffarin. Dans le panorama de l'intercommunalité établi par ce rapport, il y a dix régimes fiscaux différents, avec des degrés d'intégration très contrastés.
On dit que le département joue un rôle en matière de solidarité : c'est aujourd'hui une réalité. La mission de solidarité territoriale est souvent indispensable. Cela n'empêche pas d'armer les intercommunalités pour y participer, mais on ne peut pas se passer du département. Les départements gardent un rôle irremplaçable, et bien au-delà de 2020.
En mars dernier, on n'a pas voté pour l'élection de tous les délégués intercommunaux au suffrage universel direct, car le fléchage, lors des élections municipales, n'était applicable qu'aux communes de 1.000 habitants et plus, régies par le scrutin de liste proportionnel. Ne faisons donc pas semblant de croire que les intercommunalités sont des collectivités territoriales.
Il ne faut pas opposer départements et intercommunalités, mais il faut mettre de l'ordre dans le « qui fait quoi ». Nous sommes empoisonnés par l'idéologie du millefeuille. Il ne faut pas oublier qu'il existe aussi de nombreux organismes issus du démembrement des collectivités.
Le Gouvernement a le courage de s'attaquer au problème de la rationalisation de l'organisation territoriale dans une logique d'égalité. La problématique, c'est d'armer les intercommunalités, mais pas de faire l'impasse sur le département, car on en a besoin ! Si on veut aller plus loin, on peut toujours les supprimer, mais aucune structure n'est prête aujourd'hui à reprendre les compétences du département, sauf ponctuellement au cas par cas, pour certaines d'entre elles.
Un EPCI, ce n'est pas une collectivité territoriale !
On s'énerve sur les conseils généraux, alors qu'ils existent au moins jusqu'en 2020 et, en réalité, ad vitam aeternam.
Les départements doivent aider les territoires, tous les territoires. Si on reste sur l'idée que la justification du département, collectivité territoriale dotée de compétences effectives, c'est la proximité et la ruralité, si on est toujours dans la défense exclusive de la ruralité...
le département doit aussi aider les zones urbaines et péri-urbaines, les agglomérations...
Je n'aime pas l'idée de la tutelle d'une collectivité sur une autre, par exemple la tutelle de la région dans le domaine économique avec un schéma prescriptif. Je n'aime pas non plus cette idée en matière de solidarité territoriale - je ne sais pas ce que c'est d'ailleurs - c'est-à-dire la tutelle du département sur les communes et les intercommunalités. Les communes sont des collectivités territoriales.
Que les départements subsistent, très bien, mais la question a de toute façon été close par le Premier ministre.
Nous parlons de l'avenir des départements car on a proposé leur suppression...
L'association des grandes villes de France a lancé à l'Assemblée nationale une organisation parlementaire pour défendre l'urbain. Pour l'image du Sénat, je ne voudrais pas qu'on se cantonne à la défense des ruraux, ce serait une catastrophe pour le bicamérisme.
C'est idiot de dire qu'il faut des départements uniquement dans les zones rurales !
Arrêtons d'opposer le monde rural et le monde urbain : chacun a besoin de l'autre. Pendant les campagnes électorales, la ruralité est parfois utilisée avec des visées électoralistes. Mais rural et urbain sont liés et c'est d'ailleurs pour cela que le Gouvernement a évolué sur la question : au départ, les départements devaient être supprimés à l'horizon 2020, puis il a été décidé de conserver les départements ruraux. Devant la difficulté de définir objectivement ces derniers, le Gouvernement a porté à cinquante le nombre de département maintenus. Finalement, le choix a été de conserver tous les départements, sauf lorsqu'il existera une métropole sur leur territoire. Les départements vont donc perdurer sur 95 % du territoire, leurs compétences dans le domaine social et leur rôle de cohésion territoriale venant en aide et en soutien aux communes et aux intercommunalités.
Les choses sont donc clarifiées et il est inutile de rouvrir ce vieux débat, l'objectif unique qui doit être poursuivi doit être le service aux citoyens.
J'ai noté dans vos propos un soutien marqué au projet de loi, ce qui n'a pas été le cas de toutes les associations nationales d'élus. Je pense que l'avenir est aux regroupements de communes : le mouvement est enclenché, rien ne pourra l'arrêter. Les intercommunalités auront des compétences de plus en plus larges. D'ici quelques années, les élus des intercommunalités seront désignés au suffrage universel direct. C'est une tendance naturelle : les citoyens souhaiteront de plus en plus choisir les élus de leur intercommunalité.
Concernant vos propositions sur les intercommunalités, je souhaiterai revenir sur le seuil de 20 000 habitants qui sera désormais nécessaire pour constituer une communauté de communes, seuil qui est souvent critiqué. Avez-vous effectué un sondage auprès de vos adhérents et auprès des intercommunalités sur la pertinence de ce seuil ?
Sans un seuil précisément fixé, il sera très difficile d'opérer des regroupements mais si on veut un seuil, il faut bien le calibrer. Quel est le seuil adéquat ? L'alternative est de créer des incitations financières aux regroupements mais en la matière, il n'existe plus beaucoup de marges de manoeuvre.
Il en existe d'autant moins que ces incitations seraient financées aux dépens des autres collectivités.
Sans un seuil, il n'y aura pas de regroupements. Bien sûr, le seuil de 20 000 habitants pourrait être modulé pour l'outre-mer et pour les zones de montagne.
Enfin, quelque chose m'a frappé : vous êtes les seuls, parmi les associations nationales d'élus, à ne pas avoir parlé du nerf de la guerre que sont les moyens financiers. C'est une bonne chose d'obtenir des compétences mais encore faut-il avoir les moyens financiers de les exercer, sinon elles resteront lettre morte. On a entendu les régions, les départements, très inquiets de l'état de leurs finances. Les communautés de communes et les communautés d'agglomération sont-elles inquiètes à ce sujet ? Créer de grandes intercommunalités, leurs donner plus de compétences, plus de pouvoirs, va nécessiter plus de capacités financières. Les intercommunalités disposent-elles de ces capacités aujourd'hui ? Pourront-elles les avoir par les mutualisations et par les transferts de moyens ? Quelle est votre analyse des contraintes financières qui pèsent actuellement et qui pèseront demain sur les intercommunalités ?
Je ne suis pas du tout d'accord avec l'idée qu'il ne faille pas regarder d'une manière différente le monde rural et les villes. Il ne s'agit pas de les opposer, cela n'aurait pas de sens, mais il s'agit de prendre en compte leurs différences, qui sont réelles. Je viens d'un département très rural, et dire qu'il n'existe pas de différences entre les habitants de la campagne et ceux des villes, c'est nier une réalité. J'ai vécu une partie de ma vie en ville comme professionnel du droit puis j'ai vécu dans le monde rural, en tant que maire d'une petite commune - elle-même résultant d'une fusion - au sein d'un petit canton de 6 000 habitants. J'ai présidé une communauté de communes qui a exercé dès 1994 la compétence scolaire sur son territoire. J'ai été pionnier dans mon département sur ce sujet car j'ai senti qu'il existait dans les campagnes des écarts d'opportunités entre les populations. Je me suis dit que l'école permettrait de donner une chance équivalente à tous les enfants. Dire qu'il n'y a pas de différences profondes entre le monde rural et les villes, c'est méconnaître une réalité ! Monsieur Kaltenbach, je vous invite à venir dans mon département pour le constater.
J'ai dit qu'il ne fallait pas les opposer, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème.
Ne pas les opposer sous-entend qu'il n'existe pas de problème, alors qu'il y a un vrai problème, plus grave qu'on ne pense.
Vous connaissez mieux les villes mais je connais mieux la campagne. Les personnes que nous entendons aujourd'hui mettent le doigt sur des problèmes fondamentaux, mais il est très difficile de trouver une solution : ni le Gouvernement, ni personne n'a de solution équilibrée et satisfaisante. La proximité me paraît être un élément d'équité. Dès qu'on crée de grosses collectivités, les habitants se sentent abandonnés. Vous pouvez estimer que c'est un sentiment subjectif mais il est profond. Avec un seuil de 20 000 habitants qui correspondra à 40 ou 50 communes de 200 habitants, vous créerez de la distance. Avoir en tête que la proximité est un facteur d'équité est essentiel : la ruralité souffre, à tort peut-être, d'un sentiment profond d'injustice.
La diversité, c'est la liberté : l'uniformité n'est ni comprise ni acceptée. Pourquoi ce seuil de 20 000 habitants ? Qui le propose ?
Avec M. Germinal Peiro, un député socialiste très investi dans le monde rural, nous avons étudié pendant une année, dans le cadre de la commission d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, la politique d'aménagement du territoire en milieu rural. Il en ressort qu'il n'existe aucun modèle uniforme de la ruralité. Des études très sophistiquées ont été menées et il en ressort que ce n'est pas la taille des collectivités qui compte, mais les talents des personnes, les projets de territoires, la qualité des hommes et des femmes qui mènent ces projets. Un seuil de 20 000 habitants ne veut rien dire : ce n'est ni une bonne, ni d'ailleurs une mauvaise idée, mais je n'ai vu nulle part une telle proposition. Je me rappelle avoir participé à plusieurs réformes statutaires de collectivités d'outre-mer avec MM. Pierre Mazeaud et Jean-Jacques Hyest, quand il était député. À une époque, tous les statuts d'outre-mer étaient identiques. Leurs élus nous ont sollicités en nous demandant qu'on élabore des statuts qui répondent à leurs besoins. L'idée était de donner un outil permettant de valoriser les territoires, pour des gens de qualité inégale, car il n'y a pas que de bons élus. Il faut garder en tête ces idées.
Aujourd'hui, l'unité de la France n'est plus menacée et il n'est pas nécessaire d'avoir une pensée uniforme. Les seuils pourraient donc varier fortement sur tout le territoire. Dans le cas de la Somme, qui compte 500 communes de moins de 500 habitants, 15 communes de plus de 3 500 habitants à 600 000 habitants, je voudrais rappeler qu'il existe un très grand nombre de petites communes extrêmement dispersées et que, dans chacune de ces communes, il existe une église, une mairie, un local communal qui sert de salle des fêtes, une voirie, etc. Or une communauté de communes ne va jamais exercer toutes les compétences communales. La communauté de communes de la région d'Oisemont va-t-elle par exemple prendre en charge les 32 églises des XVe et XVIe siècles de ses communes-membres, alors que le département ne sera plus là pour aider ?
Il serait intéressant, d'autant que le Gouvernement annonce une rencontre avec le monde rural, que nos invités - qui disposent des outils pour le faire -, recensent le nombre de SCoT mis en oeuvre par des intercommunalités où l'espace agricole est regardé comme autre chose qu'une variable d'ajustement, le nombre de SCoT où la politique de développement économique incorpore la dimension agricole, enfin, les SCoT qui luttent contre l'étalement urbain. Car, la ruralité c'est « tendance », tout le monde s'émeut, mais qui fait quoi ?
Monsieur Bignon, il est vrai que s'exprime parfois, entre le rural et l'urbain, un sentiment de défiance. La ruralité vit l'urbain comme une menace et l'urbain, quant à lui, se plaint des mécanismes de compensation financière en faveur des territoires ruraux qui n'accueillent pourtant pas la plus grande part de la population.
Nous devons toutefois nous employer à lutter contre cette opposition entre l'urbain et le rural. Souvent, ces territoires partagent des problèmes communs même s'ils s'expriment différemment. La démographie médicale en est un exemple. En outre, une grande majorité de ruraux vivent le jour dans la ville parce qu'ils y travaillent ou que leurs enfants y étudient.
Tout à fait. Comme je l'ai dit précédemment, qu'il s'agisse du rural ou de l'urbain, il y a une grande diversité de situations.
L'Assemblée des Communautés de France a toujours veillé à ne pas opposer les territoires urbains et les territoires ruraux. Seulement, il y a un paradoxe : plus on parle de la ruralité, moins on s'en occupe. Ces territoires s'appauvrissent et se sentent abandonnés, ce qui les expose à la tentation d'un vote extrémiste.
Nous défendons une conception positive de la ruralité : ces territoires peuvent se projeter vers l'avenir. Il est possible d'y réimplanter des activités.
Monsieur Hyest, nous ne souhaitons pas la mort des départements.
Dire que le département est la collectivité des solidarités sociales et territoriales ne soulève pas l'objection. Toutefois, ne nous illusionnons pas : si, aujourd'hui, les communes craignent pour la pérennité de certains de leurs équipements, c'est bien parce que le département ne peut plus contribuer à leur financement.
La question n'est pas de découvrir aux départements une nouvelle compétence de soutien aux communes : ils l'ont déjà. Dénoncer les difficultés de financement que rencontrent les départements est une chose, en conclure qu'ils auraient renoncé à agir en faveur des communes en est une autre. Dans la Manche, le conseil général apporte 15 millions d'euros à travers les contrats de territoires, espérant ainsi susciter un effet de levier.
Pour l'avenir, le problème est de savoir comment assurer la pérennité de cet investissement des départements auprès des communes et des intercommunalités.
Monsieur Bignon, plus qu'un seuil arbitraire, ce qui confère une véritable légitimité à une fusion ou un regroupement de communes, c'est le projet de territoire. Une approche réaliste des intercommunalités conduit à lier leur taille aux besoins qui s'expriment dans le territoire. C'est vrai aussi pour les régions : les plus grandes ne sont pas forcément les plus pertinentes. Leur taille doit être adaptée aux réalités territoriales. Dans une grande région telle que celle qui résultera de la fusion entre l'Auvergne et Rhône-Alpes, comment les petites intercommunalités seront-elles prises en compte ? Un équilibre doit être trouvé.
Monsieur Kaltenbach, la question du financement est effectivement cruciale. Mais cela est vrai pour tous les niveaux de collectivités. À cet égard, la réduction de la DGF pose problème.
Monsieur Vandierendonck, je vous enverrai le SCoT Sud-Loire. Vous pourrez constater que les préoccupations que vous avez soulevées sur les besoins en habitat, foncier agricole, emploi et transport sont prises en compte.
La région et le département ont-ils contribué à l'élaboration de ce SCoT ?
Bien entendu, nous avons ainsi tenu compte des réalités et des influences des territoires voisins du nôtre, y compris grâce à un inter-SCoT.
Les prescriptions du SCoT sont plus facilement respectées lorsqu'il a été ainsi élaboré par la concertation.
Ceci pourrait d'ailleurs inspirer les politiques de co-construction que nous avons précédemment évoquées.
Monsieur Bignon, nombre des difficultés des communes que vous évoquiez sont aujourd'hui réglées par les intercommunalités, qu'il s'agisse, par exemple, de la voirie ou de la mutualisation du personnel. Ces intercommunalités permettent même parfois aux communes de retrouver les compétences qu'elles n'étaient plus en mesure d'exercer.
S'agissant du seuil de 20 000 habitants pour la constitution des regroupements intercommunaux, il permet de donner un cap mais il n'est pas applicable à tous les territoires.
Il y a parfois un problème de gouvernance : qui décide lorsque l'ensemble est trop vaste et les conseillers communautaires trop nombreux ?
Je vous l'accorde.
Monsieur Hyest, je ne pense pas, en défendant certains aspects de ce projet, être plus dans la ligne de ce Gouvernement que dans celles des précédents. La promotion de l'intercommunalité est un objectif partagé depuis longtemps.
Mes propos visaient ceux qui souhaitent remplacer les départements par une fédération d'intercommunalités.
Enfin, je pense effectivement que la question financière est très importante. J'observe, d'une part, que, s'il s'agit de freiner la dépense, les investissements seront les premiers à en pâtir et que, d'autre part, les conséquences des restrictions budgétaires sur les mécanismes de péréquation financière sont susceptibles de remettre en cause le processus coopératif.