Cet article s’inscrit tout à fait dans la logique imposée aux établissements de santé depuis l’adoption de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST ». Nous avons donc déposé trois amendements pour tenter de l’inverser ; et notre vote sur cet article dépendra du sort qui leur sera réservé.
Sous couvert de vouloir inciter à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, on met en place, en réalité, un système de bonus-malus en matière de financement, et ce en fonction des résultats des établissements. Ce dispositif peut également laisser entendre que des incitations financières ou des sanctions sont nécessaires pour que les établissements respectent les protocoles de réduction des risques, par exemple.
Je doute qu’il y ait de mauvaises pratiques volontaires, qui entraîneraient par conséquent des complications et des surcoûts. Je doute donc de l’efficacité d’un tel mécanisme, tout simplement parce que ce n’est pas en sanctionnant ou en récompensant un établissement qu’il y aura moins de risques. Nous avons d’ailleurs eu ce débat à plusieurs reprises lors de notre séance d’hier.
Malheureusement, lorsqu’une complication surgit, c’est davantage faute de personnel, de moyens ou d’équipement. Aucun bonus-malus ne résoudra donc ce problème. On prend les choses en aval alors qu’il faudrait les prendre en amont !
Par ailleurs, ce dispositif a fait l’objet d’une expérimentation. Pouvez-vous, madame la ministre, nous faire part des principaux enseignements qui en sont tirés ?
Améliorer la sécurité et la qualité des soins, nous y sommes évidemment favorables ; mais ce n’est pas en se lançant dans une course à la performance que nous y parviendrons, me semble-t-il. Nous dénonçons depuis la loi HPST une vision comptable de la santé et des soins. Nous regrettons de devoir à nouveau le faire ici, preuve que cette logique n’est toujours pas inversée.
Nous regrettons également de ne pas en savoir plus sur les modalités de mise en œuvre de ce dispositif. L’article prévoit qu’un arrêté précisera les indicateurs qualitatifs qui seront retenus, les critères pour déterminer le montant de la dotation, ainsi que les critères d’éligibilité des établissements.
De même, nous déplorons le rôle de gendarme qui va être accordé aux agences régionales de santé, les ARS, dotées de pouvoirs toujours plus importants, et sans contre-pouvoir. Ce point fera l’objet d’un autre de nos amendements.
Au reste, j’appelle votre attention, madame la ministre, comme l’a fait Jacqueline Fraysse à l’Assemblée nationale, sur les constats de Brigitte Dormont, économiste de la santé. Dans son article intitulé Le paiement à la performance : contraire à l’éthique ou au service de la santé publique ?, elle revient sur les travaux du prix Nobel d’économie, Jean Tirole, pour qui le paiement à la performance peut avoir des effets négatifs.
D’une part, en effet, il peut nuire aux motivations des médecins, lesquels, fort heureusement, n’ont pas attendu les recommandations ministérielles pour faire correctement leur travail, et sont donc susceptibles de considérer les primes reçues comme une sorte de corruption de leur idéal.
D’autre part, la définition trop stricte de certaines obligations peut inciter les médecins à concentrer leurs efforts sur les activités valorisées par les indicateurs au détriment de celles qui ne le sont pas.
Tels sont les risques et points négatifs que nous souhaitions mettre en avant. Nous espérons qu’ils seront évacués par l’adoption des amendements que nous avons déposés sur cet article.