Intervention de Annie David

Réunion du 14 novembre 2014 à 15h15
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Article 51

Photo de Annie DavidAnnie David :

Avant de présenter cet amendement, si nous voulons que le débat puisse avoir lieu sereinement, il me semble que quelques explications préalables s’imposent sur cet article 51, qui concerne le don du sang.

En effet, le sang humain est une ressource rare, qui permet de soigner plus de 1 million de patients par an en moyenne en France, et ce grâce au geste de 1, 7 million de donneurs bénévoles.

Le sang humain permet de produire deux catégories de produits à finalité thérapeutique : les produits sanguins labiles et les médicaments dérivés du sang.

Le présent article vise à donner au plasma thérapeutique le statut de médicament, ce qui, nous semble-t-il, ouvre la voie à sa commercialisation. Or, jusqu’à maintenant, et en dépit d’une directive européenne, la France continuait de considérer le plasma thérapeutique comme un produit sanguin labile. Condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne, elle accorde désormais, par la voie de cet article, le statut de médicament au plasma thérapeutique.

C’est pourquoi, à nos yeux, la mise en œuvre de l’article 51 comporte trois principaux risques : un risque éthique, un risque sécuritaire et, surtout, un risque concernant l’autosuffisance.

Par ailleurs, cet article prévoit que l’Établissement français du sang, l’EFS, conserve et distribue du plasma d’origine non éthique, ce qui est contraire à ses missions.

Cette ouverture à la concurrence est lourde de conséquences pour l’EFS, qui devra se réorganiser et recentrer son activité sur d’autres procédés. De même, la collecte de plasma bénévole en France va diminuer malgré un accroissement des besoins nationaux et internationaux, et la présence territoriale de l’EFS s’en trouvera remise en cause.

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, et bien conscients que nous ne pouvons pas supprimer cet article, puisqu’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne impose son application, nous avons décidé de déposer cet amendement, qui vise à introduire un minimum d’exigences éthiques dans cet article.

D’abord, il nous semble que les associations de donneurs de sang doivent être associées à la réflexion menée par le Gouvernement, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.

Surtout, l’éthique et la maîtrise du risque doivent guider le Gouvernement dans la transposition de la directive européenne mentionnée. Selon nous, il n’est en effet pas concevable que l’EFS, dont l’une des missions est de « veiller au strict respect des principes éthiques par l’ensemble de la chaîne transfusionnelle », soit mis dans l’obligation de conserver et de distribuer un produit non éthique, qui plus est fabriqué par des laboratoires étrangers.

Nous connaissons bien, en France, les conséquences dramatiques qui peuvent résulter des errements en matière de politique du sang. Nous avons créé l’EFS et le LFB, le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, pour ne pas répéter les erreurs de 1993 ; n’affaiblissons pas ces établissements.

Il s’agit donc non pas de supprimer cet article, mais de le compléter par un alinéa qui permettrait de faire entrer en vigueur en quelque sorte une charte éthique. Je vous rappelle d’ailleurs qu’une telle charte a déjà été instaurée, sur l’initiative du député Olivier Véran, par la loi du 24 février 2014 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la santé, dite loi « DADU santé », afin d’identifier clairement les médicaments dérivés du sang issu de plasma non rémunéré. Cette charte a été défendue au Sénat par notre ancien collègue Jacky Le Menn.

L’adoption de cet amendement nous permettrait donc de voter cet article.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion