La soutenabilité de notre système de retraite par répartition, qui dépend étroitement de la croissance économique, n’est nullement garantie aux horizons 2020, 2030 et au-delà, compte tenu de la gravité de la crise que traverse notre pays, dont les effets à long terme sur la croissance potentielle sont difficiles à évaluer.
Certes, la durée de cotisation a été augmentée dans la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, mais ce texte n’était pas à la hauteur des enjeux, car il n’a pas prévu le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite entamé par la loi du 9 novembre 2010 au-delà du 1er janvier 2017.
L’effet très favorable sur les finances de la branche vieillesse d’un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, surtout à moyen et à long terme, n’est pourtant plus à démontrer.
C’est pourquoi le présent amendement tend à prévoir le relèvement graduel de cet âge légal au-delà du 1er janvier 2017 et à le fixer à 64 ans au 1er janvier 2024 pour la génération née en 1960.
En vertu des dispositions de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, la poursuite du relèvement de l'âge légal de départ à la retraite entraînera mécaniquement celle du relèvement de l'âge de la retraite à taux plein sans décote, qui lui est supérieur de cinq ans. Ce dernier, qui sera porté à 67 ans au 1er janvier 2017, sera donc de 69 ans au 1er janvier 2024.
La commission a voulu présenter cet amendement car, en examinant les chiffres de l’évolution de notre régime de retraite, on voit bien que l’équilibre ne sera pas atteint en 2017 ni au-delà.
L’équilibre ne sera pas au rendez-vous non seulement en raison de l’importance de la crise économique, mais aussi parce que, dans les chiffres qui nous sont présentés – 1, 7 milliard d’euros de déficit en 2014 et un peu plus de 1 milliard d’euros en 2015 –, on ne prend pas en compte le déficit du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, qui s’élève aujourd’hui à 2, 9 milliards d’euros, et qui se maintiendra à peu près à ce niveau : même à l’horizon 2018 ou 2019, il s’établira à près de 2 milliards d’euros. Autrement dit, le FSV, qui est porté par la CADES, est en fait un trompe-l’œil.
C’est pourquoi nous vous soumettons, mes chers collègues, cette proposition, qui, je le reconnais, est extrêmement dure socialement, mais qui est la seule possible. En effet, quand on regarde la courbe d’évolution du déficit, on voit bien que, depuis 2010, c’est le report de l’âge légal de départ à la retraite qui a permis les améliorations les plus significatives : ainsi, alors que le déficit dépassait les 11 milliards d’euros en 2010, il est tombé cette année à 1, 7 milliard d’euros. Bien sûr, d’autres mesures ont eu aussi des effets positifs, dont le report de la revalorisation des pensions de six mois prévu par la loi du 20 janvier 2014 et l’augmentation de 0, 3 % des cotisations tant des salariés que des employeurs.
Oui, et je m’adresse à mes collègues de la gauche, cette proposition est très dure, mais je n’aurais pas osé la présenter si deux dispositifs ne permettaient pas d’adoucir le système : le départ à la retraite anticipée pour les carrières longues qui date de 2003 et qui a été très largement amélioré en 2012, ainsi que le compte personnel de prévention de la pénibilité. Je me tourne à présent vers mes collègues de la droite : je sais que vous n’êtes pas de cet avis, mais je considère, pour ma part, que la réelle prise en compte de la pénibilité une très bonne chose. Certes, le mécanisme doit encore être amélioré, car les employeurs estiment le compte pénibilité, en l’état, inapplicable, en raison des difficultés qu’ils rencontrent.
Ainsi, si notre amendement est adopté, l’âge légal de départ à la retraite sera reporté à 64 ans en 2024, mais les personnes qui ont travaillé dur et qui ont eu des carrières longues pourront toujours prendre leur retraite à 62 ans et bénéficier du taux plein à 67 ans.
Je vous demande, mes chers collègues, d’adopter un comportement républicain, car notre régime de retraite par répartition, auquel nous sommes tous attachés, risque de connaître de graves difficultés et son avenir est incertain. C’est pourquoi, il faut, d’un côté, que la majorité sénatoriale tende la main à la gauche car le compte pénibilité constitue une réelle avancée, et, de l’autre côté, que l’opposition sénatoriale comprenne qu’on rendra un grand service à la France si on arrive à pérenniser notre système de retraite.
Madame la secrétaire d’État, la mesure que je propose est très confortable pour vous, car son adoption rendra la préparation du budget plus facile à l’avenir : certes, elle est forcément impopulaire, mais c’est le Sénat qui en portera la responsabilité.