Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 14 novembre 2014 à 21h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Article 60

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

L’article 60 fixe les objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pour 2015.

Nous souhaitons ici aborder l’énorme manque à gagner, évalué entre 587 millions et 1, 1 milliard d’euros, qu’entraînent pour cette branche la sous-évaluation et la sous-déclaration des maladies professionnelles.

Ainsi que l’a clairement souligné le rapport Diricq en 2011, plusieurs facteurs concourent à ce phénomène. D’abord, les accidents du travail doivent être déclarés par l’employeur à la caisse de sécurité sociale compétente, tandis que les maladies professionnelles doivent l’être par la victime.

La réticence de certains employeurs à déclarer les accidents du travail peut s’expliquer par leur souci d’éviter une hausse de leurs cotisations AT-MP.

Le rapport Diricq note également des comportements de dissimulation induits par la volonté de ne pas afficher des taux de sinistralité élevés ou en hausse : non-déclaration d’accident, pression sur les salariés, accompagnement du salarié chez le médecin par une personne de l’entreprise et prise en charge des soins par cette dernière, pression sur les médecins de ville pour qu’ils n’accordent pas d’arrêts de travail au motif que le salarié se verra proposer un poste aménagé, etc.

Quant à la sous-déclaration des maladies professionnelles, elle résulte, pour une large part, du manque d’information des victimes, qui ne connaissent pas toujours la nocivité des produits qu’elles manipulent ni leurs droits au regard de la sécurité sociale. Un salarié peut également s’abstenir de déclarer une maladie professionnelle par crainte de perdre son emploi, ce qui est assez fréquent. La complexité des démarches de reconnaissance et le caractère forfaitaire de la réparation offerte par la branche AT-MP peuvent enfin conduire certaines victimes à estimer qu’il est préférable sur le plan financier d’emprunter une autre voie d’indemnisation.

Par ailleurs, il faut souligner l’insuffisance de la formation, et même de l’information des médecins de ville comme des praticiens hospitaliers, ainsi que le manque criant, bien connu, de médecins du travail.

Enfin, une maladie est reconnue d’origine professionnelle si elle figure dans un tableau fixé par décret en Conseil d’État ou si le salarié est reconnu atteint d’une maladie professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l’avis s’impose à la caisse de sécurité sociale. Cependant, cette procédure peut ne pas être exempte de défaillances. On parle de 10 000 à 40 000 cancers professionnels, d’origine professionnelle donc, dont une petite partie seulement est reconnue. Et que dire des problèmes de surdité ou des maladies musculo-squelettiques ?

Il faut tout de même savoir que 20 % des dépenses de santé seraient imputables à des causes professionnelles !

Au lieu donc d’exonérer de cotisations sociales tous azimuts les entreprises, nous pensons qu’il faudrait, au contraire, les responsabiliser et mettre en place les outils pour lutter contre ces phénomènes qui n’incitent pas à la prévention et « plombent » les comptes de la sécurité sociale.

Pour terminer, je voudrais vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur une mesure concrète qui pourrait facilement être mise en œuvre dès lors qu’une volonté politique serait exprimée en ce sens.

Lorsque plusieurs salariés déclarent une même maladie alors qu’ils occupent le même poste de travail, il faudrait à tout le moins s’interroger sur la nocivité dudit poste et pousser l’entreprise à le faire évoluer pour éliminer le risque. C’est une mesure de bon sens qui n’est que rarement mise en pratique. L’assurance maladie a pourtant déjà tout en main pour le faire : elle collecte et enregistre depuis des années la liste des postes pathogènes. Toutefois, elle ne les rend pas publics et ne fait rien pour constituer ce qui pourrait être une sorte de cadastre des risques avérés.

Faisons bouger ces pratiques, à l’exemple de la région PACA dans le plan régional santé-environnement 2009-2013. Les membres de mon groupe considèrent que ce serait un bon moyen de mettre un terme à des dégâts humains et financiers qui n’ont que trop duré.

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