Intervention de Francis Delattre

Réunion du 14 novembre 2014 à 21h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Article 61 A

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre, rapporteur pour avis :

Il y en a d’autres que la gauche a prises, à commencer par la réforme du quotient familial.

Madame Lienemann, nous sommes au moins d'accord sur un point : la justice passe par la fiscalité. Nous avons entendu un grand discours sur la fiscalité lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre de l’époque. On nous annonçait une réforme fiscale passant notamment par la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Le sujet est complexe, mais nous aurions pu travailler dessus.

En revanche, la mise sous condition de revenus des allocations familiales n’avait pas été annoncée. D'ailleurs, le Gouvernement y tenait si peu qu’elle ne figurait pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale déposé à l’Assemblée nationale. Le projet de loi comportait quatre « mesurettes » censées rapporter 800 millions d'euros par an. Elles ont disparu au profit d’une mesure qui est, il faut bien le dire, idéologique. Quand on regarde le dispositif dans le détail, on voit que ce sont encore les couches moyennes et moyennes supérieures qui sont touchées.

Il est vrai que, jusqu’en 2008-2009, la branche famille était équilibrée, et que ses ressources ont diminué depuis. Cette évolution est totalement liée au contexte économique. Il n’en reste pas moins que 80 % des dépenses de la branche famille sont financées par des cotisations sociales ; ce n’est pas le cas des autres branches. La présente mesure ne nous paraît donc pas très juste.

Elle ne nous paraît pas non plus très adroite, tant d’un point de vue social que d’un point de vue économique. En plus de ce qu’a dit Marie-Noëlle Lienemann, il faut souligner que les familles consomment. Nous savons bien que l’argent qu’elles reçoivent n’est pas thésaurisé. Or la croissance a deux moteurs : la consommation et l’investissement.

J’ai rappelé que l’article 61 A avait été introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale. Concrètement, les allocations familiales seront divisées par deux pour un foyer avec deux enfants dont les revenus sont supérieurs à 6 000 euros mensuels, et divisées par quatre pour un foyer avec deux enfants dont les revenus sont supérieurs à 8 000 euros mensuels.

La mesure affectera plus de 600 000 familles. Là encore, nous sommes loin du projet du candidat Hollande. Voici ce qui était écrit : « Je rendrai le quotient familial plus juste en baissant le plafond pour les ménages les plus aisés, ce qui concernera moins de 5 % des foyers fiscaux. » Nous sommes loin du compte, avec aujourd’hui 600 000 familles concernées !

Nous sommes totalement opposés à cette réforme ; d’où cet amendement tendant à la suppression de l’article. Je suis heureux que la commission des finances nous ait suivis sur ce point. Notre collègue Caroline Cayeux va insister, au nom de la commission des affaires sociales, sur le caractère universel des allocations et sur les valeurs qui sous-tendent cette universalité, valeurs que nous partageons.

Nous tenons également à souligner que la mise sous condition de ressources des allocations familiales va créer une discrimination entre les enfants et, plus généralement, entre les familles, alors qu’il faudrait resserrer les liens entre Français plutôt que de contribuer à les diviser.

Notre politique familiale prend un tournant insupportable. Elle devient une politique de redistribution, alors qu’elle était une politique de soutien aux familles, largement reconnue pour ses excellents résultats. Si l’on peut encore espérer que notre contexte politique et économique très compliqué se retourne un jour, nous le devons peut-être à notre démographie. C’est tout de même incroyable : nous avons un atout, et on réunit tous les ingrédients pour qu’il n’en soit plus un dans quelques années !

Pour toutes ces raisons, techniques ou politiques, la commission des finances souhaite la suppression de l’article 61 A.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion