Vous êtes, madame la secrétaire d’État, en train d’appliquer le même principe à l’échelon national, en modulant le montant de toutes les prestations selon le revenu.
Le seuil de revenu est fixé aujourd’hui à 6 000 euros mensuels. On sait bien que ce sera moins l’année prochaine, puis encore moins l’année suivante, et que les classes moyennes – les plus nombreuses et donc les plus « productives » en termes d’économies sur la branche famille – seront assez rapidement, à l’avenir, touchées par la mise sous condition de ressources des allocations familiales.
Je voudrais en outre insister sur les inégalités que créent ces dispositifs imparfaits. Je ne critiquerai pas les caisses d’allocations familiales, qui font ce qu’elles peuvent pour essayer de cerner la situation des familles en appliquant quelque 250 critères et des seuils, mais, en procédant de la sorte, on crée forcément des injustices, des inégalités, et un sentiment d’iniquité entre familles aux situations tout à fait comparables.
Rendre les impôts plus cohérents, plus justes : c’était un engagement présidentiel, inspiré par M. Piketty. La fusion de l’impôt sur le revenu, de la CSG et de certaines prestations avait été promise, pour assurer plus d’égalité et de lisibilité.
Or, aujourd’hui, bien loin des principes intégrateurs d’une fiscalité bien conçue, nous sommes en train de « bricoler » pour dégager des économies sur la branche famille, quitte à créer des inégalités. Au risque de vous surprendre, madame la secrétaire d’État, je voudrais vous dire que, pour ma part, je préférerais que soit analysée la possibilité d’intégrer les allocations familiales dans cet impôt plutôt bien construit qu’est l’impôt sur le revenu !
Par ailleurs, je ne vois absolument pas ce que les enfants pauvres, que vous avez évoqués, ont à faire dans ce débat ! Le travail que j’ai mené sur les adolescents des quartiers sensibles montre qu’ils surconsomment certains médicaments. J’ai écrit cinq fois à ce sujet à la Direction générale de la santé et à Mme la ministre, qui ne m’a jamais répondu. Alors que les enfants des quartiers sensibles, chers à M. Dilain, sont mis sous camisole médicamenteuse, le Gouvernement reste dans l’inaction ; il en va de même pour les enfants pauvres, qui n’ont, je le redis, rien à faire dans ce débat !
Je partage complètement les préoccupations de Claude Dilain sur l’iniquité en matière de chômage, de conditions de vie, de chances de profiter de l’ascenseur républicain dans les quartiers fragiles, mais je ne suis pas sûre que la mise sous condition de ressources des allocations familiales ait vocation à remédier à ces inégalités…
Enfin, madame la secrétaire d'État, j’identifie, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, deux bombes à retardement : la déstructuration du congé parental et la remise en cause de l’universalité des allocations familiales. Avec ces deux dispositifs – s’agit-il de projets idéologiques ou de recettes de poche ? –, vous remettez en cause des principes qui fondent la politique familiale de la France ; je le regrette !