Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les interventions de mes collègues le prouvent, c’est bien à la chambre haute qu’il revient de le rappeler : la promesse d’égalité républicaine au fondement de notre communauté politique s’adresse à tous les territoires. Et ce n’est pas un hasard si c’est notre excellent collègue Alain Bertrand qui vous a remis, madame la ministre, un rapport proposant de remettre cette promesse d’égalité au centre de la politique destinée à faire reculer le désert français.
Intitulé Hyper-ruralité, un pacte national en 6 mesures et 4 recommandations pour « restaurer l’égalité républicaine », ce document très complet répertorie les principaux défis qui attendent nos territoires.
J’en ai retenu l’accent mis sur un concept que tout le monde a en tête, mais qui n’est pas encore suffisamment pris en compte dans l’élaboration des politiques à destination des territoires, celui d’hinterland. L’hyper-ruralité est l’hinterland des métropoles et des zones plus densément peuplées.
À vrai dire, je n’aime en rien ce terme. Ces territoires sont les pourvoyeurs de produits, de services et de biens sans lesquels les espaces ne pourraient pas être fonctionnels. Ils proposent aux citadins une offre culturelle, de tourisme et de loisirs, ainsi que des produits alimentaires de qualité, condition de leur épanouissement personnel et professionnel. La contribution de cet hinterland au développement national serait d’ailleurs sans doute mieux évaluée, madame la ministre, s’il était fait plus systématiquement référence aux nouveaux indicateurs de prospérité, les NIP.
Il y a cependant un écueil à éviter, et le rapport d’Alain Bertrand le signale clairement : nous ne pouvons nous contenter de penser les ruralités et leurs performances en fonction de l’atout et des richesses qu’elles constituent pour d’autres territoires. Elles sont des réalités de notre pays qu’il faut faire vivre et évoluer parce que cela répond à la définition de ce que sont notre communauté et notre projet politique.
Pour honorer la promesse d’égalité républicaine au fondement de notre pacte social, nous devons aider les territoires ruraux et hyper-ruraux à tirer profit des opportunités offertes, notamment, par la révolution numérique, comme le font les collectivités les mieux connectées et équipées. C’est là que se trouve aujourd'hui leur planche de salut.
Je m’attarderai donc sur la mesure n° 2 prônée par Alain Bertrand dans son rapport, et relative à l’engagement de non-décroissance du signal républicain. Le niveau « indispensable » de service public à la population, notamment en matière de santé, de technologies de l’information et de la communication, de transports, doit être défini et inclus dans les futurs schémas départementaux d’accessibilité des services au public.
Le Gouvernement ne s’y est pas trompé puisqu’il a défini en février 2013 le plan France Très Haut Débit, qui succède au programme national très haut débit lancé en 2010. Son objectif est une couverture intégrale du territoire en très haut débit d’ici à 2022.
Concernant les zones les moins denses et hors AMII, appel à manifestations d’intentions d’investissement, l’État apportera 3 milliards d’euros pour aider les collectivités territoriales à déployer les réseaux fixes à très haut débit. Il mettra également à leur disposition une enveloppe de prêts de 20 milliards d’euros à des taux attractifs.
En droite ligne avec cette logique, je veux rappeler ici les propositions du rapport Camani-Verdier remis le 21 octobre 2014 à Mme la secrétaire d’État Axelle Lemaire. Elles plaident en effet pour un service universel plus efficace et des politiques publiques adaptées aux enjeux contemporains.
Il s’agit d’engager une négociation État-opérateurs-collectivités locales pour permettre la résorption des zones blanches de la téléphonie mobile, dans le cadre de la relance du programme zones blanches. Cette négociation devrait porter également sur les critères de couverture des zones blanches, qui doivent permettre d’assurer localement une couverture globalement satisfaisante.
Nous évoquons ici les infrastructures permettant aux territoires ruraux et hyper-ruraux d’accéder au numérique. Mais il ne faut pas passer à côté de la question des usages, qui est également centrale. Elle renvoie aux problématiques de la connectivité, des compétences numériques et de l’équipement informatique des particuliers, des exploitations agricoles, des TPE et des PME.
Il convient d’accompagner les particuliers et les acteurs économiques qui partent avec un handicap en termes non pas de matière grise, d’ingéniosité ou de compétences, mais de ressources initialement mobilisables pour la réalisation de leurs projets personnels, professionnels et commerciaux.
Les mondes ruraux sont des territoires qui accueillent des TPE, des PME et des exploitations agricoles ayant besoin de valoriser leur activité et de commercialiser leurs produits sur internet. À titre d’exemple, les résultats issus de la consultation nationale Les entreprises et internet indiquaient en 2012 que seulement 35 % des entreprises étaient déjà équipées en site vitrine, et 16 % d’entre elles en site commerce.
Il existe un vrai déficit de formation des professionnels susceptibles d’élaborer de tels sites, alors même que les compétences spécifiques pour permettre de déléguer leur création sont moins faciles à trouver et à utiliser dans le monde rural, sans parler du coût.
Au-delà même de la formation, la question des coûts concerne de façon plus basique la possibilité, pour les particuliers et les professionnels des territoires ruraux et hyper-ruraux, de bénéficier d’un équipement et d’un accès à internet satisfaisants.
C’est l’occasion pour moi de revenir encore une fois au rapport Camani-Verdier, qui plaide pour le développement de la maîtrise des usages des outils numériques. En la matière, les auteurs mettent en évidence tout l’intérêt d’un réseau national de la médiation numérique. Il pourrait être mis en place dans le cadre d’une fédération nationale de la médiation numérique, ou FNMN, qui permettrait notamment des actions de médiation numérique telles que des d’ateliers d’initiation et de découverte du numérique, afin de faciliter l’inclusion, en accompagnant les exclus du numérique et les publics les plus éloignés des usages de l’internet sur toutes les parties du territoire, et donc tout particulièrement sur les territoires ruraux et hyper-ruraux.
Ces derniers devront d’ailleurs faire l’objet d’une attention toute particulière au sein de la loi numérique à venir.
En tout état de cause, de l’ampleur du budget consenti à un équipement adéquat des territoires ruraux et hyper-ruraux en infrastructures du numérique aux initiatives susceptibles d’être lancées en faveur des usages qui doivent s’y développer, le Gouvernement a acté la nécessité de permettre à ces espaces de bénéficier de toutes les opportunités offertes par la révolution numérique.
Nous qui sommes aussi les représentants de ces territoires ne manquerons pas de les accompagner dans ce mouvement.