Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’accès aux soins des étudiants, et plus largement des jeunes, est un sujet dont nous devons nous préoccuper de façon urgente.
En effet, 17, 4 % des étudiants déclarent avoir renoncé à des soins pour des raisons financières au cours des six derniers mois, selon une étude réalisée par le réseau emeVia et le CSA à la fin de 2013. D’autres études donnent même des chiffres allant jusqu’à 35 %. Ces chiffres ne font que s’aggraver. Un jeune sur six et 19 % des étudiants n’ont pas de complémentaire, contre 5 % pour le reste de la population.
Tout cela témoigne bien d’un problème qui, loin de concerner un nombre minime de jeunes, est de grande ampleur.
Nous partageons les conclusions du rapport rédigé par Mme Procaccia et M. Kerdraon en 2013 sur la sécurité sociale et la santé des étudiants : le système de couverture santé des étudiants ne fonctionne plus.
Attentes interminables pour recevoir sa carte Vitale ou pour entrer en contact avec un conseiller, longueur des procédures de remboursement, difficulté à faire valoir son droit au tiers payant chez certains professionnels de santé qui redoutent de ne pas être remboursés par les mutuelles ou dans des délais trop longs, flou du statut même des organismes de sécurité sociale étudiants : tout cela contribue à accroître les difficultés des étudiants à accéder aux soins. Et c’est sans compter les problèmes de gestion financière des organismes mutualistes étudiants, qui dépensent notamment une proportion à mes yeux démesurée de leur budget pour la publicité, au détriment de tout le système de santé des étudiants.
Ces derniers sont victimes de la complexité du système actuel, qui n’a pas été prévu pour traiter autant de dossiers et qui doit gérer 1 700 000 jeunes, lesquels changent régulièrement de statut et doivent se réaffilier tous les ans.
Les changements de statut tout au long de la scolarité dans l’enseignement supérieur sont nombreux. Ils sont même multipliés par l’allongement de la durée des études, par la nécessité de faire des stages ou d’être en apprentissage ou encore par le besoin de travailler pour financer ses études devant la montée de la précarité dans de nombreuses familles. Cela concerne, selon de récentes études de l’Observatoire national de la vie étudiante, près de 40 % des étudiants ! Avec l’augmentation du coût de la vie étudiante, cette proportion risque encore d’augmenter.
Ces changements de statut impliquent autant de changements d’affiliation, qui créent davantage de complexité et renforcent l’illisibilité du système actuel.
La simplification des procédures administratives figure donc clairement parmi les réponses à apporter au plus vite pour que ces changements de statut soient réduits au maximum et que tous les étudiants aient facilement accès aux soins et à la santé.
Si nous rejoignons le constat de Mme Procaccia sur la nécessité de réformer promptement le système, nous ne sommes cependant pas partisans de la principale mesure inscrite dans sa proposition de loi, l’affiliation des étudiants au régime de leurs parents, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, ce système ne réduit que partiellement la complexité du système, en raison de l’existence de nombreux régimes spéciaux, auxquels peuvent être affiliés les parents. Nous sommes en revanche favorables à ce que soit menée une réflexion sur l’affiliation de tous les étudiants au régime général dès leur entrée dans l’enseignement supérieur. Une telle affiliation engendrerait d’importantes économies de gestion et éviterait une rupture des droits au moment du transfert d’un régime à un autre. La transition entre la situation d’étudiant et l’accès à la vie active serait également grandement fluidifiée.
Ensuite, nous sommes pour que l’on donne aux étudiants, ainsi qu’à tous les jeunes d’ailleurs, la plus grande autonomie possible dans la gestion de leur santé, comme dans le reste de leur vie. Nous voulons les considérer comme des individus indépendants, responsables, et non comme les enfants de leurs parents.
L’affiliation au régime général de tous les étudiants dès leur entrée dans l’enseignement supérieur tendrait à affirmer cette autonomie en leur permettant d’être les responsables de leur propre santé, sans risque d’intrusion de la part des parents.
Enfin, nous souhaitons qu’une réforme d’une telle ampleur soit préparée en gardant bien en tête toutes les conséquences de la disparition de la délégation de gestion de la couverture santé aux mutuelles étudiantes.
La proposition de loi dont nous discutons ne répond pas à la question du nécessaire renouvellement des mutuelles étudiantes en France. Nous sommes partisans du maintien et du développement de l’économie sociale et solidaire. Au-delà de la couverture maladie générale, il faut réfléchir sérieusement au redéploiement des mutuelles étudiantes dans une logique coopérative et de solidarité. Nous risquons, sinon, de glisser vers des dérives assurantielles qui correspondent, nous le savons bien, à une logique tout à fait différente et dont pourraient pâtir les étudiants, en particulier ceux qui sont dans les situations sociales les plus difficiles.
Comme vous l’avez indiqué, madame la rapporteur, se pose en outre la question de la transition : comment déverser 1, 7 million de dossiers vers un régime général de sécurité sociale déjà très engorgé ? Cela ne peut pas se faire à coût constant. Il est nécessaire de bien anticiper cette transition pour ne pas avoir besoin de refaire une nouvelle réforme très rapidement et ne pas créer une situation finalement pire pour les étudiants que la situation actuelle. À cet égard, les orateurs précédents ont d’ailleurs indiqué des pistes. En tout cas, cela mérite réflexion.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, même si nous partageons le constat qui a conduit Mme Procaccia à nous soumettre cette proposition de loi et son souci de trouver vite une solution à cet important problème, nous ne pouvons pas voter ce texte en l’état. §