Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 18 novembre 2014 à 14h30
Réforme du système de sécurité sociale des étudiants — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, je vais rappeler une fois de plus que, depuis 1948, les étudiants sont rattachés au régime obligatoire de base de la sécurité sociale et bénéficient des mêmes prestations que tout autre affilié du régime général.

Lors de leur inscription dans un établissement d’enseignement supérieur, ils doivent choisir leur centre de sécurité sociale. Il peut s’agir de la LMDE, la seule mutuelle compétente sur l’ensemble du territoire, ou de l’une des dix mutuelles régionales regroupées dans le réseau emeVia.

Depuis plusieurs années, ce système fait l’objet de critiques de la part des étudiants eux-mêmes, de leurs parents et des associations de consommateurs, mais aussi de la part de la Cour des comptes, qui, dans un rapport présenté l’an dernier, a trouvé à redire à ce dispositif aujourd’hui confronté à de profondes difficultés. Un constat similaire avait également été dressé par Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon, tous deux coauteurs d’un excellent rapport sénatorial sur la sécurité sociale et la santé des étudiants.

Un net contraste est apparu entre les résultats des observations de la Cour des comptes et ceux des enquêtes de satisfaction autoproduites par les mutuelles étudiantes. La LMDE, par exemple, faisait état en 2010 et 2011 de 88 % de personnes satisfaites, se classant ainsi parmi les plus appréciées des mutuelles, alors qu’elle ressort comme la plus mal notée dans l’enquête de la Cour des comptes. D’ailleurs, la surestimation de la satisfaction des étudiants dans les enquêtes réalisées par les mutuelles est générale.

L’insatisfaction réelle des étudiants a des causes objectives.

On peut noter des dysfonctionnements liés à la carte Vitale. Selon l’enquête de la Cour des comptes, seulement un quart des étudiants déclarent avoir bénéficié d’une carte Vitale en état de fonctionnement moins d’un mois après leur affiliation, quand 10 % n’en étaient toujours pas dotés neuf mois plus tard !

Les relations avec les affiliés paraissent également difficiles. Alors que le nombre d’appels téléphoniques entrants ne cesse de croître, le nombre d’appels traités se réduit. Les courriels ne représentent encore qu’une faible partie des échanges entre les mutuelles étudiantes et leurs affiliés. Quant au traitement des courriers, la Cour des comptes a relevé un certain nombre de pratiques en contradiction avec les principes de service public applicables à la LMDE !

S’agissant des coûts de gestion, la Cour des comptes a dressé un constat accablant, que j’avais eu l’occasion de mentionner, voilà un an, lors du débat consacré à la sécurité sociale des étudiants. D’après ses observations, les remises de gestion versées par la CNAMTS aux mutuelles étudiantes ont augmenté de plus de 8, 1 % entre 2006 et 2011. De même, après prise en compte de l’évolution des effectifs, les frais de gestion unitaire des mutuelles étudiantes ont progressé de 7, 2 % entre 2005 et 2011, contre une hausse de 5 % pour l’ensemble des caisses primaires. Par ailleurs, les mutuelles étudiantes paraissent significativement moins productives que les caisses primaires pour les remboursements par salarié.

L’UFC-Que Choisir note également qu’en 2011, les mutuelles étudiantes ont dépensé 93 millions d’euros en frais de gestion pour remplir leur mission de sécurité sociale. Cette somme représente près de 14 % du montant des prestations versées, soit trois fois plus que le niveau atteint par l’assurance maladie !

Le constat de la Cour des comptes est sans appel : au total, les coûts de gestion de l’assurance maladie obligatoire par les mutuelles étudiantes sont très supérieurs à ceux qui seraient supportés dans le cas d’une gestion directe par les CPAM.

En résumé, un mode de gestion très spécifique, une gouvernance peu satisfaisante, une qualité de service globalement très insuffisante et des coûts de gestion exorbitants ont conduit la Cour des comptes à formuler une recommandation visant à « reconsidérer le maintien de la gestion déléguée de l’assurance maladie des étudiants ».

C’est ce constat qui a conduit notre collègue Catherine Procaccia, dont je reconnais ici le pragmatisme, à proposer, dans la lignée de son rapport d’information, le texte examiné ce jour.

La proposition de loi tend à prévoir que les étudiants demeurent affiliés au régime de sécurité sociale de leurs parents. Mais cette affiliation est mise en place de manière indépendante, afin de régler les problèmes d’autonomie et de confidentialité que nous avons pu évoquer. C’est l’objet de l’article 1er, et cette solution me paraît tout à fait correcte et raisonnable. En outre, elle est d’application simple au regard de l’implication des parents : ces derniers sont encore derrière leurs enfants quand, à 18 ans, ceux-ci entament des études supérieures. Le maintien de l’affiliation au régime de sécurité sociale des parents est donc tout à fait normal.

L’article 2 vise à maintenir le versement, par les étudiants, hormis les étudiants boursiers, d’une cotisation forfaitaire au début de chaque année universitaire. Celle-ci constitue une participation au coût de fonctionnement de la sécurité sociale française. Catherine Procaccia nous présentera un amendement tendant à introduire une exception pour les étudiants salariés.

Les articles 3 et 4 ont pour objet de supprimer les mutuelles étudiantes.

Je signalerai en dernier lieu l’adoption, en commission des affaires sociales, de deux amendements significatifs.

Le premier, qui répond aux craintes importantes des personnels des mutuelles, a permis d’introduire un nouvel article pour éviter que la suppression des mutuelles étudiantes ne conduise au licenciement de leur personnel. En effet, les salariés travaillant actuellement dans ces mutuelles verront leur contrat de travail transféré automatiquement vers leur nouvel employeur.

Par ailleurs, la date d’entrée en vigueur de la loi a été repoussée au 1er septembre de la troisième année suivant la promulgation. Ce délai permettra de préparer au mieux l’échéance de rattachement des étudiants au régime de leurs parents.

Dans le contexte de crise économique que nous connaissons aujourd’hui, il me paraît nécessaire de reconsidérer un système devenu coûteux et inefficace. Cette proposition de loi tend, certes, à faire disparaître la spécificité des mutuelles étudiantes au titre du régime général, mais son adoption permettra d’améliorer le fonctionnement et de réduire les coûts par une simplification des procédures. C’est donc un texte d’importance, en cette époque où la simplification est tant mise en avant, ne déniant ni la possibilité d’une couverture complémentaire ni celle d’un travail de prévention.

Le système actuel a été critiqué sur toutes les travées, notamment pour sa complexité. L’une de nos collègues a d’ailleurs décrit de manière très percutante ce que peut être le parcours d’inscription d’un étudiant. Tout le monde s’accorde à dire que le dispositif ne fonctionne pas !

La proposition de loi que nous examinons apporte une solution claire, simple et juste. Bien sûr, on peut évoquer la spécificité du régime étudiant, mais, s’agissant des besoins particuliers de ce public jeune en matière de prévention, la situation des étudiants ne diffère guère de celle des jeunes qui commencent à travailler à l’âge de 18 ans.

C’est donc avec beaucoup de conviction que notre groupe votera ce texte. §

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