Intervention de Dominique Gillot

Réunion du 18 novembre 2014 à 14h30
Réforme du système de sécurité sociale des étudiants — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Dominique GillotDominique Gillot :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, nous abordons un sujet récurrent. Il s’agit de s’interroger sur l’intérêt de ce régime obligatoire étudiant, unique en Europe, créé en 1948.

Les problèmes dits « des mutuelles étudiantes » sont nombreux, connus et analysés. Quelle famille ayant eu ses enfants dans l’enseignement supérieur ne connaît pas les délais de remboursement interminables, l’absence de tiers payant faute de carte Vitale délivrée ? Qui ne déplore le spectacle des queues lors des inscriptions à la rentrée qui ont encore fait la une de la presse, lorsque deux acteurs de la mutualité étudiante en sont venus aux mains ? Pour autant, je le dis sans détour, le groupe politique auquel j’appartiens peut-il endosser le soupçon d’inertie qu’on entend porter sur lui ?

Le statu quo serait une impasse, cela a été dit par tous les intervenants. Nous devons en sortir, dans l’intérêt des étudiants, au nom de la transparence et de la responsabilité partagée.

Concernant la qualité de service, le constat critique est posé. L’excellent rapport sénatorial de nos collègues Kerdraon et Procaccia, le rapport de la Cour des comptes, l’enquête de l’UFC-Que Choisir affirment tous que le régime est décrié par son public. En témoigne aussi la pétition lancée par la FAGE, qui a récolté immédiatement 24 000 signatures pour demander une réforme en profondeur du régime de sécurité sociale des étudiants.

Les mutuelles étudiantes et l’Observatoire de la vie étudiante dressent le même constat : le renoncement aux soins chez les étudiants est en augmentation. Pourquoi cela ? Les mutuelles étudiantes ont pourtant une mission d’information, de prévention et d’éducation au parcours de soin. La raison financière serait-elle la cause principale de ce renoncement ? Pourtant, le Gouvernement a fait des efforts afin d’améliorer les conditions de vie des étudiants en investissant massivement dans les aides sociales directes. Cela devrait contribuer à l’accès aux soins des étudiants. Seraient-ce les délais d’attente pour être remboursé, l’absence de carte Vitale pendant plusieurs mois qui provoquent ces difficultés financières pour les étudiants, la complexité administrative qui les conduit à ne pas adhérer au parcours de soin voire à rejeter l’éducation pour la santé ?

Une politique de prévention spécifique en direction des jeunes est pourtant indispensable. Plus que des actions éparses, une réflexion stratégique doit définir des axes, déclinés sur les territoires, en fonction des spécificités des populations visées.

La loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche renforce la place des CROUS – centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – dans le cadre des politiques de sites. Je suis persuadée que les CROUS, les services de santé universitaire, les agences régionales de santé et les comités départementaux d’éducation pour la santé ont un rôle particulier à jouer afin de déployer et de coordonner des programmes de prévention et de promotion de la santé sur les campus. Les étudiants étant représentés dans les instances des CROUS et des universités, c’est à ce niveau qu’ils peuvent agir pour l’adéquation entre les besoins des usagers qu’ils représentent et l’action des établissements.

Le Président de la République ayant rappelé son attachement au service civique, ne peut-on imaginer des jeunes en service civique jouant un rôle de « médiateur de la santé », intégrés aux campus santé voulus par vous, madame la secrétaire d'État, et qui commencent à se mettre en place ? Ce serait permettre, dans le cadre d’une stratégie coordonnée avec le ministère de la santé, une définition et un renforcement de la prévention des jeunes par leurs pairs.

Enfin, la situation de la LMDE, l’un des acteurs principaux de la mutualité étudiante, oblige à repenser le système, dans un délai désormais fixé par l’autorité de contrôle, d’ici à juin 2015.

Les étudiants ont perdu la main sur l’outil, alors qu’un adossement à la MGEN devait renforcer leur autonomie en même temps qu’apurer les comptes et les délais de réponse. Toutefois, l’administratrice provisoire qui a été nommée n’a pas suivi les préconisations émises par le comité de surveillance. La trésorerie de la LMDE en est encore plus fragilisée, alors même que l’équilibre du modèle économique n’était pas encore trouvé.

Depuis des années, les salariés subissent des plans sociaux, des plans de restructuration, des critiques publiques qui tendent le climat social. S’il s’avère que les difficultés financières de la LMDE sont structurelles, des solutions doivent rapidement être envisagées pour ces salariés.

Alors, bien que souscrivant à l’exposé des motifs de la proposition de loi, je pense que le véhicule législatif qui nous est présenté ce soir n’est pas le bon. Un travail complet sur l’impact d’une réforme définitive doit être mené afin de ne pas plonger les étudiants dans une précarité sanitaire encore plus grande.

En juillet et en décembre 2013, le sujet des mutuelles étudiantes a été abordé dans cette même assemblée. Des engagements avaient été pris, mais force est de constater que la situation est de plus en plus critique pour les étudiants.

C’est pourquoi, aujourd’hui, alors que l’administratrice provisoire rendra ses conclusions d’ici au mois de juin 2015, je demande que le Gouvernement prenne la main sur ce dossier qui concerne la santé de centaines de milliers de jeunes et qui conditionne aussi leur comportement sanitaire, leur adhésion et leur confiance dans un système de santé auquel tout citoyen a droit.

Le Gouvernement doit réunir les acteurs et annoncer avant juin 2015 une réforme structurelle traduisant les orientations fixées par le Président de la République : « Priorité jeunesse », transparence et accès au droit commun pour tous.

C’est l’intérêt des étudiants, mais aussi des stagiaires, des alternants, des apprentis, qui doit être la boussole de la réforme attendue, madame la secrétaire d'État. §

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