Les crédits de paiement pour 2015 de la mission « Enseignement scolaire » s'élèvent à 66,4 milliards d'euros, dont 65 milliards d'euros au profit des cinq programmes relevant du ministère de l'éducation nationale. L'enseignement scolaire demeure le premier budget de la nation et l'éducation nationale constitue un des rares ministères dont les crédits augmentent - de 2,4 % -, ce qui témoigne, dans un contexte de maîtrise des finances publiques, d'un effort important.
Compte tenu des amendements votés à l'Assemblée nationale, voici l'évolution des crédits par rapport à la loi de finances pour 2014. Les crédits de l'enseignement scolaire public du premier degré augmentent de 3 %, pour atteindre 19,8 milliards d'euros. Ceux de l'enseignement scolaire du second degré public progressent de 1,8 %, à 31 milliards d'euros. Le programme 230 « Vie de l'élève » voit ses crédits de paiement atteindre 4,8 milliards d'euros, en hausse de 9,5 %, grâce notamment à la montée en puissance des versements du fonds d'amorçage de la réforme des rythmes scolaires, budgétés à hauteur de 307 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 103 millions d'euros supplémentaires du fait de la reconduction de l'intégralité des aides pour 2015-2016. Les crédits de l'enseignement privé du premier et du second degré n'augmentent que de 1,1 %, pour atteindre 7,18 milliards d'euros. Le forfait d'externat est légèrement revalorisé par rapport à 2014, avec une hausse de quatre euros en moyenne par élève du second degré. Enfin, la baisse de 0,2 % des crédits du programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » est essentiellement imputable à des mesures de périmètre. À structure constante, ces crédits augmentent de 1,9 %.
La qualité d'un budget ne se mesure pas à l'aune du montant de ses crédits. Depuis près de vingt ans, je soutiens que l'inflation des moyens se révèle sans effet sur la situation de l'école.
En effet, alors que la dépense d'éducation, tous financeurs confondus, ne cesse d'augmenter pour atteindre en 2013 près de 127 milliards d'euros, soit 6 % de la richesse nationale, la France n'obtient que des résultats moyens dans les évaluations internationales : voyez les résultats des évaluations PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves). Plus encore, de tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France est celui où les résultats des élèves dépendent le plus de leur milieu d'origine.
L'éducation nationale ne parvient pas non plus à inculquer à tous les élèves les compétences et les savoirs fondamentaux que sont la lecture et l'arithmétique. Les évaluations à l'issue du primaire, de la classe de troisième ainsi que lors de la journée défense et citoyenneté font état d'une proportion importante d'élèves ne les maîtrisant pas ou trop peu. À la veille de leur entrée au collège, plus de 20 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences du socle en matière de lecture, proportion qui s'élève à 30 % pour les mathématiques. Enfin, chaque année, 140 000 jeunes Français sortent sans qualification du système scolaire.
Le projet de loi de finances pour 2015 n'apporte à ces problèmes qu'une réponse quantitative, en persistant dans sa démarche de recrutement à marche forcée : 9 421 postes seront créés dans l'éducation nationale en 2015, ce qui implique le recrutement de 24 735 enseignants dans l'enseignement public. Cette politique est financièrement risquée et insoutenable. En effet, la profession d'enseignant souffre d'un réel défaut d'attractivité. En 2013, il y avait moins de deux candidats présents par poste offert au concours du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (Capes) dans les matières qui recrutent le plus - mathématiques, anglais, lettres. La situation est identique pour les concours du premier degré. Les créations de poste réalisées étant bien en-deçà des prévisions, cette politique du chiffre conduit les jurys à abaisser le niveau d'exigence afin d'atteindre les objectifs fixés. En outre, les crédits consacrés aux heures supplémentaires effectives diminuent depuis 2012, ce qui témoigne d'un arbitrage en faveur de la création de nouveaux postes au détriment des heures supplémentaires, qui apportent pourtant un complément salarial appréciable aux enseignants.
C'est au contraire d'une véritable réforme qualitative dont notre système éducatif a aujourd'hui besoin. La refondation prétendue de l'école néglige plusieurs chantiers essentiels : d'abord, revaloriser le métier d'enseignant. La valeur de l'école est celle des personnes qui y enseignent. Nous ne pouvons espérer des progrès substantiels si nous n'attirons pas vers l'enseignement les éléments les plus brillants, alors même que nous savons l'importance de l'« effet » maître. Cela passe par une revalorisation des salaires, en particulier pour les enseignants du primaire, mais surtout par l'amélioration des conditions de travail et la mise en oeuvre d'une gestion des ressources humaines digne de ce nom. Or le Gouvernement n'apporte que des modifications superficielles au statut des enseignants, sans engager de réflexion globale sur leur métier. Il s'agit également d'améliorer la formation de nos enseignants. Si la refondation de l'école a le mérite de réintroduire une formation initiale, dont j'avais déploré la suppression, les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) font l'objet de nombreuses critiques : formations trop éloignées du métier et manquant de cohérence, cadrage national insuffisant. La formation continue des enseignants, elle, demeure quasiment absente.
De plus, l'allocation des moyens de notre système scolaire est défaillante. La dépense par élève à l'école élémentaire ne représente encore que deux tiers de la dépense par élève dans les collèges et les lycées et moitié moins que dans l'enseignement supérieur. C'est d'autant plus inacceptable que l'école primaire constitue la phase essentielle de la scolarité, où sont enseignés les apprentissages et les principes de la vie en société. C'est également là que se révèlent les difficultés d'apprentissage et où se creusent les inégalités sociales. La priorité au primaire affichée par le Gouvernement est une fiction, qui repose essentiellement sur la mise en oeuvre du dispositif « plus de maîtres que de classes », dont l'efficacité, au regard des expérimentations et des précédents à l'étranger, est plus que discutable. Consacrons plutôt les moyens supplémentaires à des initiatives ayant fait leurs preuves, à l'instar de la réduction du nombre d'élèves par classe, ou encore à la création d'un véritable statut de directeur d'école. L'effet d'entraînement du chef d'établissement est avéré ; le directeur d'école doit cesser d'être un primus inter pares pour devenir un véritable dirigeant.
La réussite de tous passe encore par la valorisation de toutes les intelligences et de toutes les compétences. Le développement de l'enseignement professionnel et de l'apprentissage me tient à coeur. Je déplore que la politique menée consiste à retarder le plus possible l'orientation des élèves au profit du maintien dans la voie générale : le dispositif d'initiation aux métiers en alternance a été tellement contraint qu'il est devenu inopérant, quand les options de découverte professionnelle ont été supprimées. La règlementation sur l'utilisation des machines dangereuses pénalise le développement de l'apprentissage ainsi que les offres de stages de l'enseignement professionnel.
Enfin, je demeure attentif au sort de la médecine scolaire, qui favorise la réussite des élèves et réduit les inégalités sanitaires. Or celle-ci se dégrade : 263 postes étaient vacants en octobre dernier. Avec plus de 12 millions d'enfants scolarisés, les 1 100 médecins scolaires ont un secteur moyen de 11 000 élèves, parfois beaucoup plus. Alors que la moyenne d'âge du corps est relativement élevée - 53 ans en 2010 -, une grande partie des postes offerts au concours demeurent vacants du fait des conditions de rémunération et de travail insuffisamment attractives.
La pénurie de médecins scolaires pénalise au premier chef les enfants les plus défavorisés et participe du maintien d'importantes inégalités de réussite scolaire. Le ministère doit engager une réflexion sur l'attractivité du métier, la hiérarchisation de ses missions et poursuivre l'accueil d'internes. Enfin, diverses tâches devraient être dévolues à la médecine de ville ou du travail, à l'instar de la délivrance des certificats médicaux exigés pour les élèves en stage en entreprise.
Un aspect très positif de ce budget : la poursuite des efforts en faveur de la scolarisation des enfants handicapés. Les crédits en faveur de l'accompagnement du handicap augmentent ainsi de 6,6 %, permettant de poursuivre la dé-précarisation des accompagnants d'élèves en situation de handicap et de financer le recrutement de 350 accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) supplémentaires à la rentrée 2015.
Enfin, des gisements d'économies demeurent inexploités, notamment en ce qui concerne les projets immobiliers et informatiques du ministère, dont la gestion défaillante est à l'origine de retards et de surcoûts gigantesques. Les trois grands projets informatiques du ministère, SIRHEN, OCEAN-CYCLADES et GFC, engendrent un surcoût de plus de 225 millions d'euros, dont 210 millions pour le seul logiciel SIRHEN, dont le coût n'était à l'origine que de 80 millions d'euros ! Il en va de même pour les subventions aux associations, dont la hausse de 10 millions d'euros est dissimulée par le ministère par la prise en charge des conseillers départementaux de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) sur des crédits de personnel.
Bref, nous demeurons confinés dans une logique de dépense alors qu'il nous faut entrer dans une logique d'investissement, et l'éducation est le meilleur que la Nation puisse faire. Cette logique d'investissement implique que soit revue en profondeur la gouvernance du système éducatif, dont la réforme des rythmes scolaires témoigne du caractère dépassé. Sortons de la culture de la circulaire - multiplication des instructions hiérarchiques de plus en plus longues et détaillées mais de moins en moins suivies et comprises par les acteurs de terrain - au profit de la culture du contrat, fondée sur la concertation et la responsabilisation de tous les acteurs. Expérimentons et évaluons systématiquement les politiques éducatives. Cette mission pourrait revenir au conseil national d'évaluation du système scolaire, dont la crédibilité dépendra des moyens qui lui sont affectés comme de ses garanties d'indépendance.
Enfin, un mot sur l'article 55 du projet de loi de finances pour 2015 rattaché à la mission « Enseignement scolaire ». Il prévoyait, dans sa version initiale, la reconduction de la seule part majorée du fonds d'amorçage pour la réforme des rythmes scolaires. Si le Gouvernement a accepté de proroger l'intégralité des aides du fonds jusqu'en 2015-2016, cette reconduction est soumise à l'élaboration d'un projet éducatif territorial (PEDT). Cependant, le surcoût à la charge des communes du fait de la mise en oeuvre de cette réforme - estimé entre 600 millions et un milliard d'euros par l'AMF - n'est qu'insuffisamment compensé par le fonds d'amorçage, dont le montant des aides s'élève à 373 millions d'euros pour 2014-2015 et autant pour 2015-2016.
L'État doit tirer toutes les responsabilités de cette réforme imposée d'autorité, sans concertation et dans la précipitation. Le fonds d'amorçage doit être pérennisé et ses aides doivent couvrir l'intégralité des surcoûts.
J'ai ainsi décidé de vous proposer plusieurs amendements. Le premier organise un transfert de 140 millions d'euros de crédits de paiement vers le programme « Vie de l'élève » afin d'abonder le fonds d'amorçage pour la réforme des rythmes scolaires. Ces crédits proviennent de l'annulation des créations de postes d'enseignants stagiaires et du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans l'enseignement public du second degré, à hauteur de 87 millions d'euros de crédits de personnel, de l'annulation de 3 millions d'euros de crédits de personnel de l'enseignement privé, afin de limiter le recrutement d'enseignants du second degré,...