Intervention de Jean-Yves Roux

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 18 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Crédits « transports routiers » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Yves RouxJean-Yves Roux :

Je commencerai par une présentation détaillée des crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés aux transports routiers, puis je reviendrai sur l'actualité récente relative à la taxe poids lourds et j'évoquerai les perspectives de financement des infrastructures de transport pour l'avenir.

Dans le cadre de cet avis budgétaire, nous examinons en fait quatre séries de dispositions :

- une partie des crédits inscrits au programme budgétaire 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ;

- les montants des fonds de concours attendus en 2015 pour les transports routiers, parmi lesquels figurent, au premier rang, les crédits de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ;

- le compte d'affectation spéciale « aides à l'acquisition des véhicules propres », qui finance le dispositif du bonus-malus automobile ;

- le compte d'affectation spéciale « contrôle de la circulation et du stationnement routier », qui retrace les dépenses financées à partir du produit des amendes sanctionnant les infractions au code de la route.

Les crédits du programme 203 consacrés au transport routier et les fonds de concours associés servent à financer le développement des infrastructures routières, leur entretien et leur exploitation, des actions de soutien et de régulation de l'ensemble des transports terrestres, ainsi que des dépenses d'études, de prospective et de logistique de la DGITM pour l'ensemble de la politique des transports.

Le développement des infrastructures routières a la particularité d'être exclusivement financé par des fonds de concours versés par l'AFITF et par les collectivités territoriales. Ces fonds de concours sont aujourd'hui évalués à 1,3 milliard d'euros en crédits de paiement, dont 875 millions provenant de l'AFITF et 377 des collectivités territoriales. Il ne s'agit néanmoins que de prévisions, le budget de l'AFITF n'étant pas encore définitivement arrêté. J'y reviendrai.

Pour l'entretien et l'exploitation du réseau routier national, une enveloppe de 338 millions d'euros de crédits provenant de l'État est prévue, soit un montant identique à celui adopté en loi de finances initiale pour 2014, à périmètre constant. Cette enveloppe devrait être complétée par 240 millions d'euros de fonds de concours provenant de l'AFITF.

Enfin, 54 millions d'euros sont prévus pour les actions de soutien et de régulation du secteur des transports terrestres, un montant quasiment stable par rapport à 2014, et 18 millions seront destinés aux dépenses de prospective et de logistique de la DGITM, en diminution de 3,7 % par rapport à 2014.

Le compte d'affectation spéciale consacré au bonus-malus automobile, doté de 242 millions d'euros, évolue. Le Gouvernement a en effet annoncé un recentrage du bonus automobile sur les véhicules les plus propres, avec la suppression du montant - symbolique - accordé aux véhicules thermiques (150 euros) et la diminution du bonus versé aux véhicules full hybrides de 3300 euros à 1 500 euros. Les bonus, d'un montant plus élevé, en faveur des véhicules électriques (6 300 euros) et hybrides rechargeables (4 000 euros) sont préservés. Ce recentrage sera effectué par la voie réglementaire.

Le Gouvernement envisage aussi l'instauration d'une prime à la conversion des véhicules les plus polluants en véhicules propres - aussi appelée superbonus ou prime à la casse - sous certaines conditions. Cette mesure ne figure pas dans le projet de loi de finances. Nous aurons l'occasion de l'étudier dans le cadre du projet de loi de transition énergétique, à l'article 13.

Pour ma part, je salue ces deux évolutions. Le recentrage du bonus automobile sur les véhicules les plus vertueux répond en effet à la nécessité d'assurer l'équilibre budgétaire du dispositif, et permet le financement de la seconde mesure, le superbonus. Celui-ci présente l'avantage de toucher le parc automobile diesel en circulation depuis de nombreuses années. Or nous savons tous que ce parc est le plus nocif pour l'environnement.

Le compte d'affectation spéciale « contrôle de la circulation et du stationnement routiers », représente 1,4 milliard d'euros. Son architecture devra évoluer en 2016 pour tenir compte de l'entrée en vigueur de la dépénalisation des infractions au stationnement payant, adoptée dans la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (loi MAPAM) à l'initiative de Jean-Jacques Filleul. En effet, le compte ne sera plus abondé par le produit des amendes pénales qui sanctionnent aujourd'hui ces infractions. Je crois savoir qu'un groupe de travail dédié à la mise en oeuvre de cette réforme ambitieuse, présidé par le préfet Jean-Michel Bérard, étudie déjà cette évolution, ce qui est positif.

J'en viens maintenant au sujet de la taxe poids lourds, qui a un impact direct sur ce budget.

Le 30 octobre dernier, le secrétaire d'État aux transports, Alain Vidalies, a annoncé la résiliation du contrat signé avec Écomouv' pour la collecte de la taxe poids lourds, confirmant ainsi l'abandon de ce dispositif, qui avait été suspendu quelques jours plus tôt.

Cette décision soulève plusieurs interrogations - dont certaines ont déjà trouvé des réponses. Quelles sont les conséquences immédiates de la résiliation, je veux parler de l'indemnisation d'Écomouv', de l'avenir des personnels, du devenir des matériels... ? Comment va être compensé le manque à gagner pour l'AFITF, à court terme comme à moyen-long terme ? Le principe de l'« utilisateur-payeur » est-il définitivement abandonné ?

Pour mémoire, l'écotaxe avait été suspendue une première fois par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, le 29 octobre 2013, à la suite des mouvements de contestation que vous connaissez. Le Sénat et l'Assemblée nationale s'étaient alors emparés du sujet. La commission d'enquête du Sénat a confirmé la légalité de la procédure de passation du contrat, tout en soulignant les retards pris par la société Écomouv' dans la livraison du dispositif. La mission d'information de l'Assemblée nationale a, elle, formulé des propositions pour permettre une mise en oeuvre effective de la taxe.

Le 20 juin 2014, l'État a signé un protocole d'accord avec la société Écomouv', pour solder les différends existants au sujet des retards et des surcoûts, mais aussi exiger une révision à la baisse du montant des indemnités de résiliation en cas d'abandon de la taxe avant le 1er novembre 2014. Cette clause traduit la part de responsabilité d'Écomouv' dans les difficultés auxquelles a été confronté le Gouvernement au moment de l'entrée en vigueur de la taxe.

En parallèle, dans la loi de finances rectificative d'août 2014, le Parlement a entériné la transformation de l'« écotaxe » en un « péage de transit poids lourds » aux contours plus limités - en particulier, le réseau taxable a été réduit de 15 000 kilomètres à 4 000 kilomètres.

En prononçant la résiliation du contrat avant le 1er novembre, l'État a réduit à 839 millions le montant maximal de l'indemnité de résiliation, au lieu de 950 millions.

Une négociation est en cours avec Écomouv' pour déterminer les modalités précises de la résiliation et régler la question de l'avenir des différentes composantes du dispositif technologique, qui pourront être réutilisées à d'autres fins. La perspective d'un contentieux n'est toutefois pas totalement exclue pour l'instant.

Le secrétaire d'État aux transports nous a garanti, lors de son audition devant la commission, que cette indemnisation ne serait pas prélevée sur le budget de l'AFITF.

En ce qui concerne les salariés d'Écomouv', la ministre Ségolène Royal a affirmé qu'ils continueraient à être payés pendant un an. La situation des salariés des douanes affectés à Metz est aussi en cours d'examen.

Qu'en est-il pour les conséquences à plus long terme ? Comme vous le savez, l'écotaxe devait servir à abonder le budget de l'AFITF. Ce budget, qui avoisinait les 2,2 milliards d'euros par an, a été réduit en 2014 à 1,8 milliard d'euros, un budget alors qualifié de « crise » par son président, Philippe Duron. Durant cette année, l'AFITF a dû se contenter de payer les crédits déjà engagés, en limitant au maximum les nouveaux engagements. Elle a aujourd'hui accumulé une dette de 774 millions d'euros vis-à-vis de RFF.

La transformation de l'« écotaxe » en « péage de transit poids lourds » devait déjà entraîner un manque à gagner pour l'AFITF. Le Gouvernement l'a compensé en proposant, à l'article 20 du projet de loi de finances pour 2015, un relèvement de 2 centimes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au gazole.

Pour compenser l'abandon du péage de transit poids lourds, le Gouvernement a fait adopter un amendement à l'Assemblée nationale, au même article 20, pour augmenter de 4 centimes la même taxe pour les transporteurs routiers de marchandises, qui bénéficient d'un niveau de taxation inférieur aux autres véhicules.

Au total, 1,139 milliard d'euros du produit de la TICPE sera affecté à l'AFITF pour l'année 2015. L'agence bénéficiera ainsi d'environ 2 milliards d'euros de recettes, soit 300 millions de plus qu'en 2014.

Je me félicite de la solution qui a été retenue, pour trois raisons. Comme je viens de le dire, elle garantit à l'AFITF des moyens raisonnables pour l'année 2015, ce qui est très positif compte tenu du contexte.

Ensuite, elle réduit l'écart de taxation entre les carburants en faveur du gazole, de 18 centimes d'euros par litre à 16 centimes d'euros par litre, ce qui correspond à l'écart de taxation moyen observé au sein de l'UE à 15. La mise en oeuvre de cette mesure, qui avait été préconisée par le comité pour la fiscalité écologique, est aujourd'hui facilitée par la baisse du prix des carburants.

Enfin, elle renchérit le coût du transport de marchandises par la route, ce qui était l'un des objectifs de l'écotaxe. Cette taxation a toutefois l'inconvénient de moins toucher les camions étrangers, puisque ces derniers conservent la possibilité de faire leur plein dans les pays voisins.

Pour autant, la question de l'après-2015 n'est pas encore réglée, tant en ce qui concerne les recettes de l'AFITF que la mise en oeuvre effective du principe de l'« utilisateur-payeur ».

Comme nous l'a indiqué Alain Vidalies, il n'est pas certain que cette hausse de la fiscalité du gazole soit pérennisée au-delà de 2015. Un groupe de travail a été créé pour réfléchir à la façon la plus adéquate de faire participer les transporteurs routiers, y compris étrangers, à l'entretien des infrastructures routières. Le secrétaire d'État a en effet confirmé sa volonté de mettre en oeuvre le principe du pollueur-payeur pour le financement des infrastructures. Il importe désormais que ce groupe de travail aboutisse à des solutions concrètes, susceptibles d'être rapidement mises en oeuvre.

Il est par ailleurs indispensable que l'État reprenne la main sur les sociétés d'autoroutes, dont la rentabilité exceptionnelle a été mise en lumière dans le récent avis de l'Autorité de la concurrence. Le groupe de travail constitué au sein de notre commission sur ce sujet fera sans doute des propositions.

Des pistes de financement alternatives sont donc en cours d'élaboration, ce dont il faut se réjouir, car le Gouvernement maintient le cap qu'il a fixé en matière de développement et d'amélioration des infrastructures de transport. Il a maintenu son engagement en faveur du scénario 2 de la commission Mobilité 21, qui est le scénario le plus ambitieux pour l'amélioration de nos infrastructures de transport. Le financement des contrats de plan État-régions devrait aussi être assuré. L'état de nos infrastructures exige que des crédits significatifs leur soient consacrés.

L'examen de ce budget montre que les crédits consacrés à la route sont globalement préservés, même si l'on peut toujours souhaiter un effort supplémentaire pour l'entretien des routes... Le nouveau directeur général des infrastructures, des transports et de la mer, que j'ai rencontré, m'a assuré de sa vigilance à cet égard. Je vous propose donc d'émettre un avis favorable.

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