Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 18 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Crédits « transports routiers » - examen du rapport pour avis

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Ce budget est perturbé par la saga de l'écotaxe. Tout le monde a compris que la suspension sine die correspond en fait à un abandon, même si le Gouvernement ne l'assume pas, puisque la disposition figure toujours dans le code des douanes...

Cet abandon a deux conséquences. Premièrement, il implique le paiement d'une indemnité de résiliation, de 830 millions d'euros - dans le meilleur des cas. Le partenariat public-privé, que nous avons pu consulter dans le cadre de la commission d'enquête, comportait des formules très compliquées de calcul de l'indemnité de résiliation. Dans le protocole signé en juin, l'État reconnaît que le système fonctionne : il ne saurait y avoir de tergiversation sur ce point. C'est d'ailleurs ce qu'avait indiqué le conseil de l'État Capgemini devant la commission d'enquête. Il y a eu des retards, mais la mise à disposition a bien été prononcée le 20 mars 2014. Par ailleurs, le protocole définit un nouveau calcul de l'indemnité de résiliation, de nature forfaitaire. C'est lui qui détermine le chiffre de 830 millions d'euros en cas de résiliation prononcée avant le 1er novembre.

Le 29 octobre, Alain Vidalies n'a pas pu nous répondre sur les intentions de l'État dans ce domaine, mais il a pu le faire le 30 octobre, en annonçant la résiliation du contrat. À partir du moment où la taxe est abandonnée, on pouvait espérer une telle décision, qui est la moins onéreuse. Il s'agit bien d'une résiliation à l'amiable. Mais en cas de contestation, l'État devra payer plus de 830 millions d'euros. Pourtant, le Gouvernement fait des circonvolutions à ce sujet, alors qu'un contentieux changerait totalement le montant de l'indemnité.

Il n'y a pas de problème de constitutionnalité. Tout d'abord, et comme pour les radars, Écomouv' ne devait pas collecter la taxe. La société devrait fournir une technologie pour la facturer, mais cela s'arrêterait là. Ensuite, même s'il y avait un problème de constitutionnalité, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Ce ne serait pas à Écomouv' d'en payer les frais.

Le Gouvernement refuse d'inscrire les 830 millions d'euros d'indemnités dans la loi de finances pour 2015, comme dans la loi de finances rectificative pour 2014, ce qui a conduit la commission des finances à qualifier ce budget d'insincère. C'est la première fois depuis que je suis rapporteur spécial que j'ai appelé la commission à rejeter les crédits consacrés aux transports. La commission m'a suivie. Je n'ai jamais eu à faire cela jusqu'à présent, même dans l'opposition, car je ne fais pas de politique lorsque j'étudie ces crédits. D'après le protocole d'accord signé avec Écomouv', c'est l'AFITF qui doit payer cette indemnité. Dès lors, soit l'AFITF finance tout, et se retrouve privée de crédits pour les infrastructures de transports, soit cette indemnisation est prévue ailleurs, dans une loi de finances, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Deuxième conséquence de l'abandon de l'écotaxe, il faut trouver des ressources de substitution pour l'AFITF. L'affectation des 4 centimes des transporteurs et des 2 centimes pour les véhicules légers, soit un montant d'1,2 milliard d'euros au total, n'est pas pérenne. Elle laisse entière la question du financement de l'AFITF à partir de 2016.

À la commission des finances, comme à la Cour des comptes, la question de l'utilité de l'AFITF a été posée. Certains collègues y tiennent, car ils considèrent qu'elle permet de sanctuariser les crédits consacrés aux transports. Mais elle est aussi un facteur de complexité : l'État lui affecte des taxes, pour qu'elle reverse ensuite 60 % de son budget au budget de l'État. Son budget n'est pas disponible au moment de l'examen de la loi de finances, elle constitue donc une forme de débudgétisation des crédits, avec, en conséquence, une moindre portée de l'autorisation parlementaire... L'AFITF est une fiction, une boîte aux lettres. Même son conseil d'administration ne sait pas ce que l'agence va financer en 2015, car ce n'est pas lui qui décide. Depuis sa création, l'AFITF a engagé 34 milliards d'euros. Mais il lui reste 15,83 milliards à payer. La commission des finances recommande donc la plus grande prudence en matière d'engagements nouveaux, en particulier pour les plus lourds d'entre eux. Deux grands projets sont notamment prévus, le canal Seine-Nord, le tunnel ferroviaire Lyon-Turin, pour lesquels l'État a demandé des subventions à l'Europe. Je vous rappelle toutefois que la part française, pour chacun de ces projets, s'élève à 10 milliards d'euros environ. Je ne sais pas où nous allons les trouver. Nous devons être vigilants à ce sujet.

Tant que le Gouvernement n'aura pas proposé la suppression effective de l'écotaxe, ni inscrit l'indemnisation d'Écomouv' au budget, la commission des finances ne pourra considérer que ce budget est sincère et émettra un avis défavorable à son adoption.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion