Monsieur le Président, mes chers collègues, il me revient effectivement de vous présenter, pour la première fois, les crédits du programme 190 relatifs à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables, inscrits dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2015.
Ce programme 190 comprend six actions : la recherche dans le domaine de l'énergie ; la recherche dans le domaine des risques ; la recherche dans le domaine des transports, de la construction et de l'aménagement ; la recherche partenariale dans les domaines du développement et de l'aménagement durables ; la recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile ; enfin, les charges nucléaires de long terme des installations du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Les crédits que le projet de loi de finances pour 2015 envisage d'allouer à ce programme, soit 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, sont en légère hausse par rapport à ceux ouverts par la loi de finances pour 2014.
Ces crédits ont vocation à financer six opérateurs de l'État : l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ; l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) ; l'Institut de radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN) ; l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ; le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ; l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).
Le périmètre du programme est marqué cette année par la suppression de la subvention versée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
L'Ademe recevait jusqu'ici une subvention pour charges de service public au titre du programme 181 « Prévention des risques » et du programme 190. La subvention accordée au titre du programme 181 a été supprimée en 2014. Celle du programme 190 l'est cette année. L'agence, qui est depuis 2010 opérateur des investissements d'avenir, ne bénéficiera donc plus d'aucune subvention budgétaire et sera, pour l'essentiel, financée par une fraction des produits de la taxe générale sur les activités polluantes - TGAP.
Les six opérateurs qui perçoivent toujours des crédits au titre du programme 190 sont, dans l'ensemble, relativement épargnés dans le projet de loi de finances pour 2015 par les contraintes liées au contexte budgétaire. Si deux d'entre eux voient leur dotation budgétaire diminuer, trois ont une dotation quasiment stable par rapport à l'année 2014, et l'un d'eux - le CEA - profite même d'une augmentation de la subvention pour charges de service public qui lui est versée au titre du programme 190.
Je m'intéresserai tout d'abord aux deux opérateurs dont les crédits alloués au titre du programme 190 sont en baisse : l'IRSN et l'INERIS.
L'IRSN, expert public pour les risques nucléaires et radiologiques, contribue à la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à la sûreté et à la sécurité nucléaires, ainsi qu'à la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets des rayonnements ionisants. Les crédits que le projet de loi de finances pour 2015 lui attribue, soit 178 millions d'euros, sont en baisse de 4 % par rapport à 2014. Cette baisse significative, alors que les demandes d'expertises de l'institut devraient croître ces prochaines années, avec par exemple la mise en service du réacteur de recherche Jules Horowitz, la préparation du démantèlement de la centrale de Fessenheim et l'analyse des demandes de prolongation d'exploitation d'autres réacteurs, devrait conduire l'IRSN à retarder ou étaler certains programmes de recherche.
Il est toutefois permis d'espérer que cette baisse de dotation sera compensée par un accroissement du produit de la contribution acquittée par les exploitants d'installations nucléaires de base, ce qui assurera à l'institut un maintien global de ses moyens.
L'INERIS, quant à lui, a pour mission de réaliser ou de faire réaliser des études et des recherches permettant de prévenir les risques que les activités économiques font peser sur la santé, la sécurité des personnes et des biens, et sur l'environnement. Les crédits ouverts dans le cadre du programme 190, d'un montant de 6,7 millions d'euros, sont plus particulièrement destinés à permettre à cet institut de réaliser des recherches sur l'évaluation et la prévention des risques technologiques et des pollutions causés par les substances et produits chimiques, l'après-mine, les stockages souterrains et les risques naturels. L'INERIS devra faire face en 2015 à une réduction de 1,8 % du montant de sa dotation budgétaire globale par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Cette diminution est plus marquée s'agissant des crédits alloués au titre du programme 190, en baisse de 3 %. Il faut toutefois souligner que ce niveau de baisse n'atteint pas celui opéré entre 2013 et 2014 (- 17 %).
Trois opérateurs ont, ensuite, un niveau de dotation budgétaire quasiment stable par rapport au projet de loi de finances pour 2014 : l'IFPEN, l'IFSTTAR et l'Anses.
Après avoir subi une diminution constante de sa dotation depuis 2002, l'IFPEN, établissement public industriel et commercial de recherche, d'innovation et de formation intervenant dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement, disposera en 2015 d'une subvention pour charges de service public de 141 millions d'euros.
L'IFSTTAR, établissement public à caractère scientifique et technologique, a pour mission de réaliser des recherches dans les domaines du génie et des matériaux de construction, des risques naturels, de la mobilité, des systèmes et des moyens de transports et des infrastructures. La dotation budgétaire qui lui est attribuée, soit 88 millions d'euros, est quasiment stable par rapport à celle fixée par la loi de finances initiale pour 2014.
L'Anses, établissement public à caractère administratif, est chargée de missions de veille, de recherche, d'expertise et de référence sur la sécurité sanitaire des aliments, de l'environnement et du travail, ainsi que sur la protection de la santé, sur le bien-être des animaux et sur la santé des végétaux. Cette agence voit, elle aussi, sa dotation se maintenir par rapport à 2014. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit de lui allouer 94 millions d'euros de subventions pour charges de service public, dont 1,6 million au titre du programme 190.
Enfin, le CEA, établissement public industriel et commercial à la fois impliqué dans le domaine du nucléaire et dans celui des nouvelles technologies de l'énergie, profite d'une hausse substantielle du montant de ses crédits au titre du programme 190 (+ 7,3 % pour atteindre environ 880 millions d'euros).
Je crois donc que nous pouvons nous féliciter de la stabilité générale du budget alloué à la recherche en matière de développement durable.
Ce maintien d'un niveau suffisant de crédits est d'autant plus important que le programme 190 contribue au financement de plusieurs projets accompagnant le défi de la transition écologique et énergétique.
Les auditions que j'ai réalisées m'ont permis de percevoir tout leur intérêt.
Je souhaiterais notamment évoquer le projet, actuellement mené par l'IFPEN, de développement d'un « véhicule pour tous » ne consommant que 2 litres de carburant aux 100 kilomètres. La technologie mise au point par cet institut devrait pouvoir être commercialisée dès 2022. Une véritable prouesse dont on comprend tout l'enjeu, alors que les transports sont à l'origine de 27 % des émissions de gaz à effet de serre en France.
L'IFSTTAR oeuvre lui aussi à l'essor de transports durables. L'un de ses projets porte sur la conception d'une « route de 5ème génération ». Plusieurs démonstrateurs ont été mis au point par l'institut, permettant d'ores et déjà de tester, sur certains territoires, des « échantillons » de routes devenues capables de gérer des informations grâce aux systèmes de transport intelligent, de diagnostiquer leurs points de faiblesse, de résister aux aléas climatiques, d'informer sur leur état de service, sur le trafic ou les risques pour l'usager... Cette route de 5ème génération sera à terme capable de récupérer de l'énergie pour alimenter ses propres équipements, voire les véhicules ; elle pourrait même être en mesure d'absorber du CO2 ! On comprend aisément tous les bénéfices que de telles infrastructures permettraient d'obtenir.
Je voudrais également évoquer un autre projet auquel participe l'IFSTTAR, en faveur cette fois du concept de ville intelligente.
En 2050, les villes devraient accueillir 75 % de la population mondiale. Cette urbanisation grandissante menace à la fois la population et l'environnement.
Or le cadre de vie des populations urbaines se dégrade sous l'effet de nuisances variées (pollution, bruit, saturation des réseaux...) tandis que les attentes en matière de qualité de vie et de services augmentent.
Il est en outre établi que les territoires urbains contribuent de manière déterminante à l'effet de serre et à la consommation d'énergie fossile.
Une reconception de la ville est donc nécessaire et souhaitable. L'IFSTTAR participe à cette réflexion au travers du projet « Sense City » qui se concrétise par la création d'une « mini-ville » climatique dans un vaste hall de 400 m² unique en Europe. Ce hall sera capable d'accueillir des maquettes à échelle réelle ou réduite des principales composantes de la ville, telles que les bâtiments, les infrastructures, les réseaux de distribution et le sous-sol. Il sera le moyen de tester des micro et nano-capteurs inventés pour instrumenter et piloter une ville moderne, plus durable et plus humaine. En outre, les aménagements de l'espace urbain et les scenarii météorologiques envisagés (canicule, vague de froid, pluie et air pollués) permettront d'étudier la qualité environnementale des villes, la qualité sanitaire et l'efficacité énergétique des bâtiments et des quartiers, ainsi que la qualité et la durabilité des infrastructures et des réseaux urbains.
La mise en service de cette mini-ville, située à Marne la Vallée, est prévue pour fin 2015.
Enfin, j'insisterai sur le fait que les crédits du programme 190 sont nécessaires au développement des systèmes industriels nucléaires du futur et à l'expérimentation de biocarburants - ou agrocarburants - de 2ème génération.
Le CEA, dont une partie des ressources provient du programme 190, est ainsi chargé de mener pour la France des recherches sur les réacteurs nucléaires de 4ème génération, capables d'utiliser directement l'uranium naturel ou appauvri et de produire 50 à 100 fois plus d'électricité avec la même quantité de minerai que les réacteurs nucléaires actuels, en ne produisant quasiment pas de gaz à effet de serre. Son effort se concentre principalement sur les technologies de réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, au travers, notamment, du projet de développement du réacteur de démonstration ASTRID. Les options innovantes étudiées pour ce projet portent sur la mise au point d'un coeur performant à sûreté améliorée, sur une résistance renforcée aux accidents graves et sur une conversion d'énergie optimisée minimisant le risque apporté par le sodium. La première phase de l'avant-projet sommaire concernant ASTRID s'est terminée à la fin de l'année 2012. La deuxième phase devrait se terminer fin 2015. Une phase d'avant-projet détaillé est prévue ensuite jusqu'à fin 2019 pour permettre, en fonction des décisions qui seront prises à ce moment-là, le début de la construction du démonstrateur industriel.
Parallèlement, parce que les recherches pour les systèmes nucléaires actuels et futurs nécessitent des outils de simulation spécifiques, le CEA développe un parc d'installations expérimentales.
La construction, dans ma région, à Cadarache, du réacteur Jules Horowitz (RJH) en est une illustration. Alors que les réacteurs de recherche en Europe datent des années 1960, le RJH constituera, à terme, une installation unique dédiée aux études, sous irradiation, des combustibles et des matériaux pour les différentes générations de réacteurs nucléaires.
Le CEA ne mène pas uniquement des recherches en matière nucléaire. Il participe par exemple au projet Syndièse qui vise à transformer des végétaux en un gaz, qui est ensuite converti en carburant : biodiesel pour moteurs de véhicules routiers ou maritimes, biokérosène pour l'aviation. Je souhaiterais une fois encore insister sur l'intérêt que présente ce projet, les biocarburants de 2ème génération étant susceptibles de constituer une réponse aux défis énergétiques de la France à l'horizon 2020.
En conclusion, mes chers collègues, et vous l'aurez compris à travers ces quelques exemples, les crédits du programme 190 sont indispensables pour permettre aux opérateurs de l'État, dont l'excellence n'est plus à démontrer, de mener à bien des projets de recherche déterminants pour franchir le cap de la transition écologique et énergétique.
Ces crédits étant globalement préservés dans un contexte financier contraint, je vous proposerai de donner un avis favorable à leur adoption.