Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 19 novembre 2014 à 14h30
Débat sur l'action de la france pour la relance économique de la zone euro

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur l’action de la France pour la relance économique de la zone euro s’inscrit dans un contexte de crise économique doublée d’une crise des dettes souveraines qui touche notamment la dette de la France.

Notre responsabilité, collective, est de renouer avec la croissance, la compétitivité et l’emploi. Pour cela, nous devons avoir le courage d’assainir nos finances publiques et de mener à bien les réformes structurelles dont notre pays a besoin.

La France reste la cinquième puissance économique du monde ; elle est scrutée, copiée, enviée. Pourtant, elle dérape, et ses indicateurs économiques sont à la traîne.

Dans un récent avis du Conseil économique, social et environnemental, Isabelle de Kerviller écrit ceci : « Notre pays présente un environnement de qualité pour l’activité économique en raison de sa place au cœur de l’Europe, de ses infrastructures, de ses services publics, de sa démographie et du niveau de qualification de sa main-d’œuvre. Par contre, la formation, l’attention que la France accorde à son industrie et la situation de ses finances publiques constituent des sujets de préoccupations. »

Sans doute, vendredi dernier, les chiffres de l’INSEE ont fait apparaître une croissance du PIB de la France de 0, 3 % au troisième trimestre, un résultat pour une fois meilleur à celui de l’Allemagne qui n’est que de 0, 1 %. C’est plutôt une bonne nouvelle, mais je me garderai bien de tout excès de triomphalisme.

En effet, à regarder ces données de plus près, on constate une progression des exportations moins forte que celle des importations, ainsi qu’un recul de 0, 6 % de l’investissement. Encore une fois, c’est la consommation qui sauve la croissance. Quant au taux de chômage de notre pays, il avoisine les 10, 4 % de la population active.

À cet égard, un récent rapport de la Commission européenne désigne les trois pays de la zone euro qui, depuis 2007, ont détruit le plus grand nombre d’emplois industriels : la France en fait partie, tandis que, au cours de la même période, l’Allemagne a su créer 60 000 emplois de cette nature. En 2013, l’industrie représentait 21, 8 % de la valeur ajoutée outre-Rhin, contre seulement 10, 2 % dans l’Hexagone.

Or il reste vrai que, sans un socle industriel large et puissant, il est difficile pour un pays de se maintenir à un rang économique honorable. Comme l’écrit Jean-Louis Levet dans son livre Pas d’avenir sans industrie, « l’industrie, c’est le moteur de la croissance. Certes, la croissance ne fait pas automatiquement le bonheur... Pour autant, elle en constitue un moyen indispensable. »

Plusieurs obstacles doivent être levés pour permettre à la France de renouer avec la croissance. J’insisterai sur quatre leviers d’action : diminuer la dépense publique, adapter le fonctionnement du marché du travail, réformer la fiscalité et respecter nos engagements européens.

Pour ce qui concerne la diminution de la dépense publique, le Gouvernement a annoncé 21 milliards d’euros d’économies en 2015 et un objectif de 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017. La discussion du projet de loi de finances pour 2015, qui doit s’ouvrir demain devant notre assemblée, nous permettra d’aborder plus longuement cette question ; aussi n’en dirai-je pas davantage cet après-midi.

Nous devons aussi adapter le fonctionnement de notre marché du travail. Tout à l’heure, s’exprimant devant la commission des affaires économiques, le prix Nobel Jean Tirole a expliqué que l’Europe du Nord avait compris la nécessité de protéger les salariés et non, comme nous le faisons en France, les emplois. Je crois que nous devons avoir le courage de réformer dans cet esprit le code du travail, qui est ancien, compliqué et auquel on ajoute des dispositions supplémentaires sans jamais en supprimer.

L’enjeu de la réforme de la fiscalité se pose à l’échelon de la zone euro.

La fiscalité française est néfaste à la croissance. Ainsi, le taux des prélèvements obligatoires en France est parmi les plus élevés au monde : de 45 % du PIB en 2012, il devait atteindre 46 % l’année suivante, selon les prévisions. En outre, le poids des prélèvements sur le travail, qui s’établissait à 23, 4 % du PIB en 2012, est le plus important des grands pays européens.

Le poids de la fiscalité freine la capacité des entreprises à investir et à exporter. Imaginez, mes chers collègues, que, hors cotisations sociales, les impôts sur la production prélevés sur les entreprises françaises sont supérieurs de 65 milliards d’euros à ceux qui sont prélevés sur les entreprises allemandes, selon un rapport de l’OCDE de 2014 !

Enfin, nous devons respecter nos engagements européens. Afin de consolider la zone euro, les pays membres doivent trouver un terrain d’accord. En particulier, il est indispensable de sauver le couple franco-allemand, qui reste la clé de la relance de la zone euro.

À politique inchangée, la France accusera, en 2016, le déficit le plus élevé de toute la zone euro. À la vérité, le Gouvernement s’est trompé. Il a voulu réduire le déficit public en augmentant les impôts pour faire baisser le chômage. Résultat : on a cassé la croissance, sans diminuer le déficit. Certes, le résumé est un peu rapide, mais il exprime bien la réalité aujourd’hui.

Je ne vois pas comment la zone euro pourrait avancer si la France, qui fait partie de ses plus grands pays, ne respecte pas ses engagements.

J’ajoute que nous ne pouvons pas continuer à produire toujours davantage de règles et de normes qui alourdissent et freinent l’action économique ; cette remarque vaut pour le droit du travail, la fiscalité et la sphère environnementale.

Mes chers collègues, l’Europe est une chance pour notre pays et pour notre économie. De cette volonté politique, la zone euro est la traduction la plus avancée ; la France doit continuer de jouer un rôle majeur dans sa construction. Si nous voulons que les populations s’approprient ce projet, nous devons aller plus loin dans les domaines social, fiscal, environnemental et normatif, en mettant en œuvre, sur le modèle de la politique de l’euro, une véritable politique de suppression des distorsions entre les pays.

Au lendemain de la réussite historique de la mission Rosetta, l’heure n’est pas à la désespérance ni au pessimisme.

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