La discussion du projet de loi de finances pour 2015 commence au Sénat après de longs échanges – ils ne sont pas terminés – avec la Commission européenne, qui ont fait l’actualité des dernières semaines. Les règles européennes de gouvernance des finances publiques établies après la crise de la zone euro, de même que l’image et la crédibilité de la France auprès de ses partenaires européens, ressortent affaiblies de cet épisode.
L’exécutif peut se targuer d’une « mise en scène » devant la Commission européenne, pour reprendre les mots du ministre des finances et des comptes publics, mais la question des moyens à mettre en œuvre pour respecter nos engagements sera de nouveau posée dans quelques jours lorsque la Commission européenne rendra son avis sur le projet de budget de la France. Je vois mal comment il pourrait ne pas être sévère !
En effet, ce projet de budget ne respecte aucun de nos engagements ; ayant déjà évoqué ces aspects dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, je me contenterai de quelques rappels.
Après avoir obtenu un report du retour du déficit public sous les 3 % du PIB de 2015 à 2017, le Gouvernement renonce à cet objectif sans motif valable. Notre but à moyen terme, qui était un déficit structurel inférieur à 0, 4 % en 2019, est lui aussi reporté, ce qui signifie que près de la moitié de l’effort sera réalisé pendant la prochaine législature.
Par ailleurs, ce projet de budget ne met pas non plus en œuvre l’ajustement structurel demandé par le Conseil européen pour les années 2014 et 2015.
Les échanges avec la Commission européenne ont conduit le Gouvernement à s’engager sur un programme – M. le secrétaire d’État y a fait allusion – de 3, 6 milliards d’euros supplémentaires. Je n’ai pas, à ce stade, obtenu le détail de cet engagement. J’ai interrogé en commission Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Mais Christian Eckert vient de nous indiquer que des amendements avaient été déposés au Sénat. Nous en prendrons connaissance.
De ce point de vue, le projet de loi de finances pour 2015 marque une inflexion nette, sinon une pause, dans le redressement de nos finances publiques. En dépit d’une hypothèse de croissance de 1 %, dont le caractère optimiste a été confirmé devant la commission des finances du Sénat par le Haut Conseil des finances publiques – les dernières prévisions de la Commission européenne étant de 0, 7 % en raison d’une croissance faible –, le déficit de l’État et de l’ensemble des administrations publiques serait quasi identique à celui de 2013. Cela montre le peu de chemin parcouru, surtout en considération de l’effort accompli par les autres pays de la zone euro.
Je ne citerai qu’un seul exemple, dont on a beaucoup parlé, celui de l’Espagne. Le déficit public espagnol reste certes supérieur à celui de la France, puisqu’il est proche de 5, 5 % du PIB, mais souvenons-nous qu’il s’élevait à plus de 9 % en 2011 ! Tous nos partenaires ont consenti un effort considérable, et notre pays est aujourd'hui le troisième de la zone euro pour l’importance de son déficit.
Alors que nous avons basculé dans la deuxième moitié de la législature, voilà quelques jours, il paraît nécessaire de mettre en perspective ce projet de budget et de le juger à l’aune de la politique budgétaire et fiscale défendue par le Gouvernement depuis deux ans et demi.
En premier lieu – je ne m’y étendrai pas longuement –, cette première partie de législature est marquée par l’incapacité de l’exécutif à tenir les engagements qu’il a pris à l’égard des institutions et de nos partenaires européens.
En second lieu, elle est marquée par l’incapacité à tenir les engagements pris devant les Français, notamment en matière de fiscalité. Il y a d’abord eu l’annonce de grands chantiers, qu’il s’agisse de la remise à plat de la fiscalité ou de la montée en puissance de la fiscalité écologique. À l’arrivée, ces grands chantiers ont accouché d’une souris au regard des ambitions initiales et des débats qu’ils ont suscités. La fiscalité écologique est désormais assimilée à une « écologie punitive ». Quant à la remise à plat de la fiscalité, elle aura seulement permis de constater l’incapacité du Gouvernement à engager une vraie réforme et à mettre en scène une programmation des évolutions de la fiscalité des ménages et des entreprises.
Pourtant, le besoin de lisibilité et de stabilité était considérable, à la suite des « errements » du début de la législature, marqué par un alourdissement considérable de la fiscalité et des revirements incessants.