La séance est ouverte à onze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement du Sénat.
Je profite de l’ouverture du débat budgétaire pour réagir, notamment, à la parution dans ce qu’il est convenu d’appeler « un journal du soir » d’un article dans lequel Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, fait un certain de nombre d’annonces.
Qui, en novembre 2011, alors que la gauche sénatoriale venait d’étriller ensemble, dans le respect de sa diversité, le budget libéral présenté par Nicolas Sarkozy, aurait pu imaginer qu’aujourd’hui le gouvernement de M. Valls, par la voix de Michel Sapin, se féliciterait du retour au pouvoir de la droite au Sénat…
… pour pouvoir discuter sereinement, voire amicalement – pourquoi pas ? –, de la loi de finances ?
Selon M. Sapin, en effet, « c’est plus facile de débattre avec un Sénat de droite animé de cet état d’esprit…
J’ai relu, avant de prendre la parole ce matin, le communiqué de presse publié à l’époque par François Marc, alors rapporteur général du budget, lequel vantait le travail commun des groupes de la majorité sénatoriale, en particulier pour donner plus de moyens aux collectivités territoriales.
Il est vrai, monsieur le secrétaire d’État – je vous le dis alors que M. Sapin n’est pas encore parmi nous –, que tout cela, c’était avant l’élection de M. Hollande à la présidence de la République, …
… c’était avant l’oubli des promesses de campagne, c’était avant la capitulation devant le traité budgétaire Merkel-Sarkozy, devenu depuis lors le vôtre, et qui soumet nos finances aux desiderata de l’Europe libérale !
Quand le Gouvernement admettra-t-il que ce qui révolte nos compatriotes, et singulièrement l’électorat qui a pu croire en lui, en la gauche, c’est ce renoncement aux valeurs affichées dans l’opposition pour, aussitôt au pouvoir, entrer dans le cadre fixé par les marchés ?
Oui, tout cela nous pose un problème. Le jour approche où le Gouvernement, où ses membres participant au débat budgétaire, reconnaîtront que, finalement, entre le social-libéralisme qu’ils défendent maintenant et le libéralisme social d’une certaine droite, il n’y a plus de différence.
Oui, monsieur le secrétaire d’État, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC sont fiers – et même très fiers – d’avoir porté haut, pendant trois ans au Sénat, l’étendard d’une politique de gauche.
Ce qui me paraît inacceptable dans cette nouvelle posture politique, c’est que, alors même que votre seule légitimité provient du rassemblement à gauche de 2012 – et cela vaut pour la plupart des sénateurs socialistes élus lors des derniers renouvellements sénatoriaux –, vous vantez aujourd’hui les mérites du retour de la droite au Sénat. Quel cynisme !
Quel mépris pour votre propre engagement !
Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous, par exemple, demander une seconde délibération afin d’imposer le texte du Gouvernement par la voie du vote bloqué, …
… et annihiler ce faisant les crédits votés par le Sénat, comme vous l’avez fait en 2012 et en 2013, en écartant au passage certains amendements de progrès votés par la gauche réunie ?
(Protestations sur les travées du groupe socialiste.) plutôt qu’avec ceux qui ont cru à la gauche
M. Jacques Chiron s’exclame.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
En tout cas, monsieur le secrétaire d’État, les masques tombent : vous nous avez accusés durant deux ans de pactiser avec la droite, alors que nous menions le débat à gauche et que nous rappelions à M. Hollande ses promesses. Aujourd’hui, mes chers collègues, les choses sont claires : vous préférez discuter avec l’UMP et l’UDI §
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d’abord, d’excuser l’absence momentanée de Michel Sapin, que l’intervention de Mme Assassi visait, à ce que j’ai cru comprendre, à interpeller.
Il participe en effet au conseil des ministres, qui a lieu exceptionnellement un jeudi du fait du déplacement du Président de la République en Nouvelle-Calédonie et en Australie.
Je ne ferai pas de commentaire particulier sur vos propos, madame la sénatrice, sinon que le Parlement, en l’occurrence le Sénat, est libre et maître de ses décisions.
Je n’ai pas parlé de cela ; j’ai évoqué les propos tenus par M. Sapin !
Puisque la Haute Assemblée a décidé de rejeter certains textes importants, le Gouvernement respecte ce choix.
Vous m’avez demandé si le Gouvernement réclamerait une deuxième délibération et un vote bloqué sur les dispositions que nous commençons à examiner ce matin. Je vous répondrai que, si le Gouvernement respecte les votes du Sénat, …
… vous me permettrez, madame la sénatrice, de vous demander de respecter les décisions du Gouvernement, qui seront prises le moment venu, en fonction de l’avancement des débats et de la nature des votes.
Le projet de loi de finances pour 2015 est une étape décisive dans la mise en œuvre des engagements qui ont été pris au printemps.
La situation est certes plus difficile, en France comme en Europe, mais nous avons un cap…
… et nous ne devons pas en dévier. Qu’il s’agisse d’économies de dépenses ou de baisses d’impôts sur les ménages, tout ce qui vous a été annoncé au printemps et depuis lors figure aujourd’hui dans le présent texte.
Pourtant, la conjoncture ne nous y aide pas. La zone euro traverse, vous le savez, une période de croissance faible, trop faible, alors même qu’elle n’a toujours pas retrouvé globalement le niveau d’activité qu’elle connaissait avant la crise, il y a six ans.
L’inflation a atteint ses plus bas niveaux historiques ; elle ne retrouvera qu’à l’horizon 2017 sa cible proche de 2 %.
Les décisions sans précédent prises par la Banque centrale européenne, la BCE, nous aideront, c’est indéniable. Mais son président, Mario Draghi, a reconnu lui-même que la politique monétaire ne peut pas tout, en tout cas pas tout de suite.
La principale question qui se pose à nous aujourd’hui, celle à laquelle nous devons répondre, c’est l’adaptation de nos politiques économiques à ce contexte. Nous devons éviter le scénario de l’enlisement dans une période de faible croissance et de faible inflation. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi de finances propose d’adapter le rythme de consolidation budgétaire, autrement dit de réduction des déficits publics, face à une faiblesse de la demande, qui pèse sur la croissance et l’inflation.
Ce projet de loi de finances trace donc une perspective de réduction de nos déficits publics à un rythme qui prend en compte le taux de croissance. La conséquence en est que le déficit baissera, en l’état des prévisions du projet de loi de finances, passant de 4, 4 % en 2014 à 4, 3 % en 2015, pour passer à nouveau sous le seuil de 3 % en 2017.
La prévision de déficit public pour 2015 va par ailleurs être prochainement revue à la baisse ; comme vous le savez, les discussions avec la Commission européenne nous ont conduits à réévaluer de 3, 6 milliards d’euros à la hausse notre ajustement structurel en 2015.
Ces 3, 6 milliards d’euros, …
… ce sont d’abord des réévaluations de certaines de nos prévisions. En effet, les règles de calcul européennes de l’ajustement structurel intègrent dans celui-ci l’évolution spontanée des dépenses et des recettes publiques. Nous disposons d’informations nouvelles depuis le dépôt du projet de loi de finances, en particulier sur la charge de la dette, et nous les prenons en compte, conformément au principe de sincérité budgétaire. Le Gouvernement vous proposera donc, mesdames, messieurs les sénateurs, un amendement à l’article d’équilibre pour intégrer ces réévaluations au projet de loi de finances.
Nous anticipons également l’impact de mesures dont vous discuterez prochainement : en particulier, un certain nombre de mesures du projet de loi de finances rectificative, déposé le 12 novembre dernier, ou certains amendements au projet de loi de finances adoptés à l’Assemblée nationale produiront du rendement en 2015, ce qui viendra diminuer le déficit public.
L’impact de ces mesures nouvelles sera intégré à l’article d’équilibre et à l’article liminaire. Toutefois, s’agissant des dispositions du projet de loi de finances rectificative, nous attendrons qu’elles aient été votées en première lecture.
Ces mesures vont donc améliorer le solde en 2015 ; mais elles ne doivent pas faire oublier que ce sont d’abord les 21 milliards d’euros d’économies sur l’ensemble des administrations publiques qui permettront de réduire notre déficit en 2015.
Vous avez d’ores et déjà examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui met en œuvre les économies dans le champ social. Avec ce projet de loi de finances, ce sont maintenant près de 8 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de l’État qui vous sont proposées pour 2015.
Lors du débat d’orientation des finances publiques, le Gouvernement s’était engagé à détailler les mesures permettant de documenter cet objectif d’économies. C’est cet engagement que nous tenons aujourd’hui, en détaillant les principales mesures qui conduiront à diminuer en valeur de 2 milliards d’euros les dépenses des ministères et les ressources affectées aux opérateurs en 2015 et, par conséquent, à réaliser au total de l’ordre de 8 milliards d’euros d’économies par rapport à la progression tendancielle des dépenses.
Marques de scepticisme sur les travées de l'UDI-UC.
Je vous donne ici les chiffres ajustés qui résultent du texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.
Sur les charges de personnel, l’économie attendue en 2015 s’élève à 1, 4 milliard d’euros. Elle résultera de plusieurs mesures.
D’abord, le gel du point d’indice sera maintenu.
Ensuite, il y aura une stabilité des effectifs, comme en 2013 et en 2014 ; les créations de postes dans les ministères prioritaires seront intégralement compensées par les réductions sur les autres ministères, voire légèrement au-delà, puisque nous prévoyons une baisse d’effectifs de 1 278 équivalents temps plein.
Enfin, il sera procédé à de nouvelles réductions des enveloppes catégorielles, c’est-à-dire des mesures spécifiques à certaines catégories de fonctionnaires, à 245 millions d’euros en 2015, contre plus de 500 millions d’euros par an entre 2007 et 2012. Au total, la progression de la masse salariale sera limitée à 0, 6 % seulement l’année prochaine, par le seul effet des progressions de carrière, soit une augmentation plus faible que la prévision d’inflation.
Au-delà de ces chiffres, une économie de 2, 1 milliards d’euros sera réalisée grâce aux mesures prises sur les dépenses de fonctionnement, ainsi que sur certaines dépenses d’investissement.
Sur le fonctionnement, les moyens sont déjà mobilisés, mais nous allons amplifier cet effort, tout d’abord par la mutualisation renforcée des fonctions support, notamment en matière d’achat, et la poursuite de la maîtrise des dépenses immobilières. Ainsi, plusieurs opérations de regroupement des implantations parisiennes des ministères progresseront fortement en 2015 ; par ailleurs, les produits des cessions immobilières dépasseront 500 millions d’euros.
Second axe, le développement de l’administration numérique, qui est déjà très avancé dans certains domaines, sera renforcé, par exemple dans les procédures fiscales ou douanières.
Nous souhaitons préserver l’investissement autant que le permettent nos objectifs d’économies. Certaines lignes budgétaires sont en baisse, et nous assumons une certaine sélectivité. Dans le même temps, nous mobiliserons les ressources nécessaires pour financer les investissements prioritaires. Ce sera par exemple le cas en matière de transport, avec l’affectation à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, d’une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE.
L’exécution du programme des investissements d’avenir sera poursuivie avec un rythme de décaissement identique à celui de 2014, le Gouvernement restant exigeant dans le choix des projets soutenus.
Enfin, 2015 sera la première année d’exécution de la nouvelle génération de contrats de plan État-région, à hauteur de 1, 8 milliard d’euros ; nous souhaitons finaliser ces contrats d’ici à la fin de l’année.
Les économies que nous proposons sur les interventions de l’État, ministère par ministère, suppriment l’accumulation de dispositifs. Il s’agit par exemple de mieux articuler les aides à l’agriculture avec la politique agricole commune, la PAC, de rationaliser les dépenses en faveur de l’outre-mer, qui bénéficie déjà de dépenses fiscales importantes, de réformer les aides aux entreprises ou encore de stabiliser en valeur les concours à l’audiovisuel public. C’est la première fois qu’un plan d’économies aussi ambitieux est réalisé sur les dépenses d’intervention de l’État.
Les opérateurs et agences de l’État seront mis à contribution pour un montant de 1, 9 milliard d’euros, dont 1, 1 milliard de réductions des taxes affectées. Vous connaissez la progression des dépenses des agences au cours de ces dix dernières années. Ces agences sont capables, dans la plupart des cas, de dégager des marges dans leur fonctionnement et leurs interventions ; des trésoreries excédentaires ont parfois même été accumulées, sur la base de recettes fiscales dynamiques perçues. Ce type de situation ne saurait perdurer dans le contexte budgétaire actuel. De nombreux opérateurs seront mis à contribution : les chambres de commerce et d’industrie, les chambres d’agriculture, les agences de l’eau, mais aussi le Centre national pour le développement du sport et certaines autorités administratives indépendantes.
Au total, les dépenses des ministères et les affectations de recettes plafonnées diminueront de près de 2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Il s’agit d’une baisse en valeur. En tenant compte du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne, qui augmente, la baisse est de 1, 2 milliard d’euros, alors que ces charges auraient progressé spontanément de 6 milliards d’euros.
Le Gouvernement propose également de réaliser des économies sur les dépenses des collectivités territoriales, à travers une diminution de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, de 3, 7 milliards d’euros, chiffre ramené à 3, 5 milliards d’euros à l’issue du vote de l’Assemblée nationale, l’écart étant compensé par un effort accru sur les dépenses de l’État.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Cette baisse se poursuivra en 2016 et en 2017, pour un total de 11 milliards d’euros.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce montant de 11 milliards d’euros a été arrêté en vertu d’un principe de proportionnalité dans la dépense publique de chacun des secteurs concernés, c’est-à-dire l’État, les collectivités territoriales et la protection sociale dans son ensemble.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.
Par ailleurs, la répartition des économies a été organisée de manière uniforme sur trois ans. Je sais que les collectivités territoriales auraient souhaité un étalement différent.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Néanmoins, j’observe que nous prévoyons 21 milliards d’euros d’économies en 2015 ; en d’autres termes, nous avons choisi d’accentuer l’effort sur la première année. Ce n’est pas le cas pour les collectivités territoriales : si nous avions respecté les mêmes proportions, nous aurions diminué la DGF de 1 milliard d’euros supplémentaires en 2015.
Vives protestations sur les travées de l'UMP.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Apparemment, le changement de majorité vous rend plus punchy !
Exclamations amusées sur les mêmes travées.
Je rappelle que les dotations de l’État ne représentent en moyenne que 28 % de l’ensemble des recettes des collectivités territoriales, …
… même si cette proportion varie selon les collectivités. Par exemple, les régions sont plus dépendantes des dotations de l’État, notamment depuis certaines réformes menées par nos prédécesseurs.
Ainsi, 60 % de leurs recettes sont issues de la fiscalité locale. Si l’on totalise l’ensemble des recettes des collectivités locales, l’effort demandé en 2015 représentera 1, 9 % de leurs recettes réelles de fonctionnement et 1, 6 % de leurs recettes totales.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il s’agit d’un effort, mais, contrairement à ce que l’on entend parfois, le traitement infligé, si j’ose dire, aux collectivités n’est pas plus dur que celui qui est réservé à l’État.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Nous anticipons en effet une progression des dépenses locales sur le triennal, à un rythme semblable à celui des recettes. La dépense locale va donc continuer à augmenter en valeur dans les années qui viennent, alors que, comme je l’ai indiqué, les dépenses des ministères devraient diminuer de près de 2 milliards d’euros dès 2015.
Pour terminer sur ce point, je nous invite et vous invite à mener un travail approfondi sur la réforme de la DGF, dont chacun mesure ici la complexité, l’illisibilité et l’injustice.
Nous souhaitons être en mesure de vous proposer à la fin de l’année 2015 une réforme globale de cette dotation, réforme que chacun appelle de ses vœux mais que personne n’a jamais eu le temps ou le courage de mener à son terme.
Ce sont ces mesures d’économies qui permettent de financer les priorités du Gouvernement, en faveur de la jeunesse, de l’investissement ou de la transition énergétique. Je rappelle notamment le renforcement du crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique, dont le taux passe à 30 % et dont les conditions de recours sont assouplies. L’effort atteindra ainsi 700 millions d’euros.
Ces économies nous permettent également de baisser les prélèvements obligatoires. J’en viens donc au volet fiscal du projet de loi de finances.
Le crédit d’impôt compétitivité emploi, ou CICE, et le pacte de responsabilité, dont les dispositions sont portées par d’autres textes, doivent renforcer notre tissu productif, en dégageant de nouvelles ressources pour investir, embaucher ou former les salariés.
Dans le même temps, nous poursuivrons la baisse de l’impôt sur le revenu pour les ménages à revenus modestes et moyens, comme nous nous y étions engagés dès le printemps.
L’article 2 du projet de loi de finances prévoit ainsi une réforme du bas de barème de l’impôt sur le revenu, avec la suppression de la première tranche, pour un allégement de 3, 2 milliards d’euros au total. Couplée à la réduction d’impôt adoptée cet été en loi de finances rectificative, cette réforme d’ensemble bénéficiera à 9 millions de foyers fiscaux à revenus modestes ou moyens, et à eux seulement, puisqu’un décalage concomitant de l’entrée dans les tranches supérieures établira, pour les hauts revenus, les mêmes taux d’imposition en 2015 qu’en 2014.
En outre, le barème d’ensemble de l’impôt sur le revenu sera revalorisé, comme il l’a déjà été en 2014.
Pour ne donner qu’un exemple, un couple d’actifs avec deux enfants qui perçoit des salaires nets s’élevant au total à 3 160 euros par mois verra son impôt sur le revenu passer de 744 euros en 2014 à zéro en 2015.
Au total, compte tenu des mesures tant en dépenses qu’en recettes, le projet de loi de finances prévoyait lors de son dépôt un déficit de l’État de 75, 7 milliards d’euros en 2015, en diminution de 12, 5 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée de 88, 2 milliards d’euros pour 2014.
Les amendements adoptés à l’Assemblée nationale ont conduit en première délibération à une dégradation du solde de l’ordre de 800 millions d’euros. Le Gouvernement, comme il l’avait annoncé au début du débat, a proposé de la gager par une diminution des crédits des ministères, diminution qui a été adoptée en seconde délibération. Le texte qui vous est soumis fait toutefois ressortir un déficit à 75, 8 milliards d’euros. Cette légère dégradation du solde est transitoire et résulte de la prise en compte en première lecture de dépenses qui auront une contrepartie en recettes supplémentaires, lesquelles, pour des raisons de procédure, ne pourront être ajustées qu’ultérieurement au cours de la navette parlementaire.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands équilibres budgétaires qui vous sont proposés dans ce projet de loi de finances : des économies sans précédent sur les dépenses des ministères en particulier et sur l’ensemble de la dépense publique en général ; des baisses de prélèvements qui profitent aux classes moyennes et aux ménages modestes, ainsi qu’aux entreprises.
Nous entamons donc la discussion de ce projet de loi de finances. Je me réjouis par avance des débats qui nous occuperont dans les jours, les nuits et les semaines à venir.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, est-il plus facile pour le Gouvernement de discuter avec la nouvelle majorité sénatoriale ou la commission des finances souffre-t-elle du syndrome de Stockholm ? Toujours est-il que cette dernière se réjouit – ce sera peut-être notre seul point d’accord, monsieur le secrétaire d’État – du débat qui s’annonce après trois années de frustration, ainsi que de pouvoir formuler des propositions. Il me semble d’ailleurs que cette satisfaction est partagée peu ou prou sur toutes les travées. Enfin, le Sénat examinera la deuxième partie du budget de l’État à la suite de la première partie, ce qui permettra à notre assemblée de montrer sa différence. C’est donc une période intéressante qui s’ouvre devant nous.
La discussion du projet de loi de finances pour 2015 commence au Sénat après de longs échanges – ils ne sont pas terminés – avec la Commission européenne, qui ont fait l’actualité des dernières semaines. Les règles européennes de gouvernance des finances publiques établies après la crise de la zone euro, de même que l’image et la crédibilité de la France auprès de ses partenaires européens, ressortent affaiblies de cet épisode.
L’exécutif peut se targuer d’une « mise en scène » devant la Commission européenne, pour reprendre les mots du ministre des finances et des comptes publics, mais la question des moyens à mettre en œuvre pour respecter nos engagements sera de nouveau posée dans quelques jours lorsque la Commission européenne rendra son avis sur le projet de budget de la France. Je vois mal comment il pourrait ne pas être sévère !
En effet, ce projet de budget ne respecte aucun de nos engagements ; ayant déjà évoqué ces aspects dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, je me contenterai de quelques rappels.
Après avoir obtenu un report du retour du déficit public sous les 3 % du PIB de 2015 à 2017, le Gouvernement renonce à cet objectif sans motif valable. Notre but à moyen terme, qui était un déficit structurel inférieur à 0, 4 % en 2019, est lui aussi reporté, ce qui signifie que près de la moitié de l’effort sera réalisé pendant la prochaine législature.
Par ailleurs, ce projet de budget ne met pas non plus en œuvre l’ajustement structurel demandé par le Conseil européen pour les années 2014 et 2015.
Les échanges avec la Commission européenne ont conduit le Gouvernement à s’engager sur un programme – M. le secrétaire d’État y a fait allusion – de 3, 6 milliards d’euros supplémentaires. Je n’ai pas, à ce stade, obtenu le détail de cet engagement. J’ai interrogé en commission Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Mais Christian Eckert vient de nous indiquer que des amendements avaient été déposés au Sénat. Nous en prendrons connaissance.
De ce point de vue, le projet de loi de finances pour 2015 marque une inflexion nette, sinon une pause, dans le redressement de nos finances publiques. En dépit d’une hypothèse de croissance de 1 %, dont le caractère optimiste a été confirmé devant la commission des finances du Sénat par le Haut Conseil des finances publiques – les dernières prévisions de la Commission européenne étant de 0, 7 % en raison d’une croissance faible –, le déficit de l’État et de l’ensemble des administrations publiques serait quasi identique à celui de 2013. Cela montre le peu de chemin parcouru, surtout en considération de l’effort accompli par les autres pays de la zone euro.
Je ne citerai qu’un seul exemple, dont on a beaucoup parlé, celui de l’Espagne. Le déficit public espagnol reste certes supérieur à celui de la France, puisqu’il est proche de 5, 5 % du PIB, mais souvenons-nous qu’il s’élevait à plus de 9 % en 2011 ! Tous nos partenaires ont consenti un effort considérable, et notre pays est aujourd'hui le troisième de la zone euro pour l’importance de son déficit.
Alors que nous avons basculé dans la deuxième moitié de la législature, voilà quelques jours, il paraît nécessaire de mettre en perspective ce projet de budget et de le juger à l’aune de la politique budgétaire et fiscale défendue par le Gouvernement depuis deux ans et demi.
En premier lieu – je ne m’y étendrai pas longuement –, cette première partie de législature est marquée par l’incapacité de l’exécutif à tenir les engagements qu’il a pris à l’égard des institutions et de nos partenaires européens.
En second lieu, elle est marquée par l’incapacité à tenir les engagements pris devant les Français, notamment en matière de fiscalité. Il y a d’abord eu l’annonce de grands chantiers, qu’il s’agisse de la remise à plat de la fiscalité ou de la montée en puissance de la fiscalité écologique. À l’arrivée, ces grands chantiers ont accouché d’une souris au regard des ambitions initiales et des débats qu’ils ont suscités. La fiscalité écologique est désormais assimilée à une « écologie punitive ». Quant à la remise à plat de la fiscalité, elle aura seulement permis de constater l’incapacité du Gouvernement à engager une vraie réforme et à mettre en scène une programmation des évolutions de la fiscalité des ménages et des entreprises.
Pourtant, le besoin de lisibilité et de stabilité était considérable, à la suite des « errements » du début de la législature, marqué par un alourdissement considérable de la fiscalité et des revirements incessants.
Je ne prendrai qu’un exemple, assez édifiant, celui de la fiscalité immobilière au cours des deux dernières années.
Vous êtes mal placé pour en parler !
Multiplication des mesures ciblées qui créent des incitations de sens contraire parfois d’une année sur l’autre ;…
… dispositifs mis en œuvre sur la base d’instructions fiscales avant même l’examen des textes par le Parlement ; révision de dispositifs à peine entrés en vigueur – le dispositif « Pinel » succédant au « Duflot », issu la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », etc. : bref, les revirements sont incessants !
Au regard de la situation du bâtiment et des travaux publics, qui subissent la baisse considérable des permis de construire, dont les conséquences sont considérables sur l’accès au logement, l’emploi et la croissance, il serait utile de s’interroger sur l’efficacité de cette politique sans cap et sur l’effet déroutant, sinon anxiogène, d’annonces temporaires, improvisées et inconstantes. La commission des finances du Sénat s’attellera possiblement à cette tâche tout au long de l’année prochaine.
Au lieu de la grande réforme annoncée – prélèvement à la source, fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG, etc. –, nous assistons à un bricolage fiscal permanent qui n’a pas fait avancer le système de prélèvements obligatoires vers plus d’efficacité, d’équité ou de lisibilité.
Les changements ont rendu ce système totalement opaque et plus complexe qu’il ne l’était déjà !
De surcroît, nous avons atteint un niveau d’exaspération fiscale sans précédent, exaspération attisée peut-être par une communication gouvernementale parfois déroutante – je ne m’étendrai pas sur le sujet.
S’il est un exemple marquant de l’inconséquence du Gouvernement, c’est sans doute l’écotaxe
M. Alain Richard applaudit.
Le dispositif a été remanié à la hâte au début de l’été et transformé en « péage de transit » ; il a ensuite été suspendu sine die, sur l’initiative personnelle de la ministre de l’écologie et, semble-t-il, sans concertation interministérielle préalable ni réflexion sur les conséquences budgétaires d’un tel choix.
Je ne parle même pas du financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Le contrat a finalement été dénoncé la veille du 1er novembre parce que le dépassement de cette date aurait entraîné un surcoût. Il semble que le Gouvernement espère désormais gagner du temps en préférant recourir à des arguties juridiques sur la constitutionnalité du contrat plutôt que d’assumer les conséquences financières de sa décision.
Cette méthode pose un problème : celui de la bonne foi contractuelle de l’État, mais également celui de la sincérité budgétaire. §C’est pourquoi la commission des finances a rejeté les crédits de la mission.
Le résultat, c’est une fiscalité écologique réduite pour l’essentiel à une simple augmentation des taxes sur le gazole, probablement inefficace tant écologiquement que budgétairement puisque les poids lourds étrangers – c’était l’un des objets de l’écotaxe – peuvent faire le plein avant d’entrer en France puis traverser le pays sans acquitter un seul centime de taxe. Par ailleurs, la recette est affectée pour une année seulement à l’AFITF.
Les conséquences de l’abandon de l’écotaxe, ce sont des personnels et des équipements sans mission ni perspectives claires. Ce sont aussi des dispositions toujours juridiquement en vigueur dans le code des douanes, monsieur le secrétaire d’État. C’est enfin une indemnisation d’Écomouv’ qui n’est pas budgétée, le Gouvernement la considérant encore comme incertaine !
Il s’agit d’un signal négatif de plus en direction des investisseurs étrangers, dans un contexte déjà difficile pour notre pays.
Une étude a montré récemment que l’image de la France auprès des investisseurs étrangers se dégrade. Les changements incessants de politiques contribuent à ce phénomène. Les investisseurs ont besoin avant tout d’un cadre réglementaire souple et performant. Même s’ils ont également des attentes en termes de flexibilité du travail, ils veulent une fiscalité à la fois simple, lisible et stable.
Dès lors, les mesures prises en dehors de toute logique économique, qu’il s’agisse de la taxe à 75 %, des dispositions relatives aux cessions d’entreprises, …
… de la création d’un compte de prévention de la pénibilité ou des pressions récurrentes pour réduire les effets du crédit d’impôt recherche ou du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, constituent des signaux particulièrement malvenus à l’égard des investisseurs étrangers.
Au début du quinquennat, le Gouvernement avait indiqué que son mandat serait « organisé en deux temps », avec d’abord des réformes structurelles pour redresser les finances, puis une politique de « redistribution ». En pratique, le premier temps aura surtout été celui d’un matraquage fiscal désordonné. Je rappelle que le produit de l’impôt sur le revenu a augmenté de 35 % depuis 2011 !
Sourires sur les travées de l'UMP.
Le tout, sans réforme fiscale ambitieuse. Suppression des heures supplémentaires, taxation des revenus du capital, etc. Le résultat de cette politique se constate aisément : une moins-value de recettes fiscales de 11 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale, qui, au-delà de la conjoncture, traduit le « ras-le-bol fiscal » des Français que l’ancien ministre de l’économie soulignait dès août 2013. Depuis lors, après avoir annoncé sans doute peut-être prématurément une pause fiscale, le Gouvernement a indiqué qu’il n’y aurait pas, à partir de l’année prochaine, d’impôt supplémentaire au-delà de ce qui était annoncé. Cependant les Français savent pertinemment que cet engagement ne sera pas tenu !
J’en veux pour preuve la traduction qu’en a faite le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, synthétisant la communication gouvernementale : il n’y aura pas de nouvelle augmentation d’impôts en 2015, mais tout est encore possible jusqu’au 31 décembre 2014 ! Nous le verrons, notamment avec le projet de loi de finances rectificative…
Comment voulez-vous que nos compatriotes, échaudés par les promesses non tenues, croient à toutes ces annonces ? Combien de fois avons-nous entendu dire que « neuf Français sur dix seraient épargnés par les hausses d’impôts », que « les impôts n’augmenteraient plus » ou qu’« ils baisseraient à partir de cette année », engagements chaque fois contredits et reportés ?
Sans même rappeler les effets des augmentations de fiscalité intervenues auparavant, le projet de loi de finances prévoit bien une hausse de la taxation du gazole, une hausse de diverses taxes pour financer l’aide juridictionnelle et une hausse de la contribution à l’audiovisuel public. Le projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoit, pour sa part, un florilège de petites augmentations pour financer en particulier les 3, 6 milliards d’euros supplémentaires évoqués par M. le secrétaire d’État : possibilité de surtaxer les résidences secondaires, relèvement de la taxe de séjour et de la taxe d’aéroport, nouvelles taxes spécifiques à l’Île-de-France, hausses d’impôts pour les banques et les assurances, non-déductibilité d’un certain nombre de contributions. Voilà qui vient écorner les engagements de stabilité fiscale pris dans le cadre des assises de la fiscalité !
Il convient d’ajouter à cela la baisse des dotations aux collectivités territoriales – nous en parlerons très largement tout au long du débat – dont le Gouvernement lui-même prévoit qu’elle entraînera mécaniquement une hausse de la fiscalité locale. Entre la diminution des dotations et l’accroissement des marges de manœuvre de la fiscalité locale, on fera peser sur les collectivités territoriales l’impopularité de hausses d’impôts qu’elles seront contraintes de mettre en œuvre.
Ces revirements incessants et cette absence de cap ont malheureusement un effet tout à fait dépressif sur le moral des ménages et sur celui des entreprises. J’en veux pour preuve le taux d’épargne des Français, qui a encore augmenté et est passé de 15, 1 % en 2013 à 15, 9 % en 2014, ce qui trahit un manque de confiance, voire une défiance de leur part à l’égard des politiques fiscales, qui pèse sur l’emploi et la croissance.
C’est d’autant plus le cas que les Français ont une conscience aigüe de la dette qui pèse sur leurs épaules et sur celles de leurs enfants. Ce ne sont pas simplement les 2 000 milliards d’euros de dette que nous atteignons, ce sont les 188 milliards d’euros que la France va devoir solliciter sur les marchés.
Dans ce contexte, comment repousser encore l’ajustement budgétaire ? Comment faire en sorte que nos concitoyens consomment et n’augmentent pas encore leur épargne pour faire face aux dépenses qu’ils devront assumer demain ? N’est-il pas temps de mettre en œuvre une politique qui nous permette de ne pas reporter indéfiniment nos dettes en nous appuyant sur la faiblesse historique des taux d’intérêt ?
J’en viens maintenant aux économies. C’est un fait – reconnaissons-le –, la dépense de l’État est, en apparence, assez bien maîtrisée. Mais à quel prix ? Au prix, sans doute, de petits arrangements avec les normes – comme on pourra le constater lors de l’examen d’un certain nombre de budgets manifestement peu sincères – ou au prix d’une mise en tension croissante d’un certain nombre de gestionnaires publics dont on prélève les fonds de roulement.
Le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons dans quelques semaines montre, lui aussi, des dérapages sur les dépenses les plus dynamiques. Nous savons qu’un certain nombre de programmes sont insuffisamment dotés et qu’ils ne font l’objet d’aucune réforme d’ampleur. Il s’agit des dépenses de rémunération et de « guichet » qui représentent près d’un milliard d’euros d’ouvertures de crédits.
Au lieu de mettre en œuvre des réformes structurelles permettant de maîtriser la dérive continuelle des coûts d’intervention et de réduire les effectifs de la fonction publique, l’État réalise la plupart de ses économies en réduisant les moyens des administrations publiques, réductions justifiées par un habillage conceptuel : on parle d’« optimisation », de « mutualisation », de « gains de productivité ».
En réalité, vous avez décalé les dates d’indexation de certaines prestations, de façon à gagner quelques moyens, et effectué des prélèvements sur les fonds de roulement d’organismes chargés de missions de service public. Mais ces opérations – nous le savons tous – ne peuvent se produire qu’une fois, ce sont des fusils à un coup.
Pour le reste, vous avez désindexé, de manière timide, certaines prestations, mais sans agir sur les autres déterminants de la dépense, qu’il s’agisse de leurs montants ou, pour les prestations sociales, des critères d’attribution.
La méthode du Gouvernement consiste en de nombreuses mesures disséminées, qui sont d’ailleurs, pour certaines d’entre elles, d’ampleur très limitée, mais sans abandon ni remise en question des missions de l’État. Le Gouvernement ne veut pas donner l’impression qu’il pratique l’austérité. Mais comment communiquer sur un budget qui, en définitive, ne permet aucune décision ou presque et qui ne vise qu’à habiller une pénurie de moyens ?
Je ne nie pas, monsieur le secrétaire d’État, les efforts accomplis en matière de modernisation de l’administration et, en particulier, les avancées en matière de simplification, mais je doute que cela permette de documenter des économies de l’ampleur de celles que vous annoncez.
Du reste, quelques indices semblent le montrer. Je pense notamment – et nous avons eu l’occasion de nous en expliquer – à la réserve de précaution, au taux de mise en réserve des crédits, qui s’établit à 8 % dans le projet de loi de finances pour 2015. Elle pourrait encore augmenter l’année prochaine, si j’en juge par le souhait du Gouvernement de ne pas plafonner ou de ne pas encadrer le taux de mise en réserve, comme l’avait proposé le Sénat dans la loi de programmation. Nous avions en effet proposé une sorte de tunnel qui permettait d’encadrer à la hausse le taux de mise en réserve.
Je constate également la difficulté de boucler les fins de gestion ainsi que l’accroissement du volume des charges reporté sur l’exercice suivant.
Dans une large mesure, les budgets que vous n’avez pas pris en budgétisation sont reportés en exécution. Il revient alors aux gestionnaires de chaque ministère, y compris sur le terrain, de résoudre les contradictions du politique.
Enfin, il faut souligner – c’est sans doute ce qui nous distingue le plus – la faible documentation des réformes structurelles. Il n’y a pas de réformes structurelles.
M. Michel Bouvard applaudit.
Au final, vos 50 milliards d’euros d’économies sur la période 2015-2017 conservent, pour nous, une très large part de mystère. D’ailleurs, sur le montant de 21 milliards d’euros prévu en 2015, la Commission européenne estime que 2 milliards d’euros ne sont pas suffisamment documentés pour être pris en compte.
La réduction de notre déficit public suit un rythme plus lent que dans la plupart des pays de la zone euro : je l’ai dit tout à l’heure, par son ampleur, nous sommes en troisième position et son niveau, de 4, 4 % en 2014, est sensiblement supérieur à la moyenne de la zone euro, qui s’établit à 2, 6 %.
Les récentes prévisions d’automne de la Commission montrent que nous serons la « lanterne rouge » de la zone en 2016, avec un déficit de 4, 7 % du PIB.
Certes, la méthodologie de ces projections conduit à ne retenir que les économies déjà décidées et non celles qui sont prévues. Pour autant, cela montre bien l’absence de garantie, à ce stade, quant à l’atteinte des objectifs d’économies et de solde lorsque d’autres pays ont adopté les mesures qui doivent produire leurs effets au cours des prochaines années.
Les économies sont réalisées d’une année sur l’autre dans une logique de bouclage budgétaire de fin d’année qui conduit le Gouvernement à remettre annuellement l’ouvrage sur le métier, quand des réformes de structure auraient permis de dégager des économies pérennes et d’élever notre niveau de croissance.
En outre, l’absence d’économies structurelles ne permet pas de dégager des marges suffisantes pour financer les priorités du Gouvernement. Elle conduit à envisager des manipulations budgétaires contestables ; nous aurons l’occasion d’en parler, en particulier lors de l’examen du budget de la mission « Défense ».
La garantie de ces moyens – nous y reviendrons – est d’autant plus essentielle que le contexte international appelle, de notre part, une plus grande vigilance. Nous sommes présents sur plusieurs théâtres d’opérations extérieures.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances.L’armée est fortement sollicitée, qu’il s’agisse de ses hommes ou de ses matériels. Or on constate une sorte de détournement des crédits du programme d’investissement d’avenir de leur vocation initiale. Nous constatons également des manipulations budgétaires sur le compte d’affectation spéciale « Fréquences ». Nous aurons l’occasion de revenir sur cette créativité budgétaire.
Applaudissements
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas la créativité budgétaire que nous applaudissons !
C’est l’orateur ! sur certaines travées de l'UMP.
… mais elle est en tout cas très inquiétante, car on va créer des sociétés de projets, anticiper des recettes du compte d’affectation spéciale « Fréquences », qui, nous le savons, monsieur le secrétaire d’État, n’interviendront pas en 2015. Les hypothèses irréalistes retenues dans la loi de programmation militaire ne seront donc pas respectées.
En tout état de cause, le Gouvernement semble s’engager – ainsi que vous l’avez dit à l’occasion de la loi de programmation et répété tout à l'heure, monsieur le secrétaire d’État – à réaliser 50 milliards d’euros d’économies – ni plus ni moins –, quelles que soient par ailleurs les décisions prises en matière de prélèvements obligatoires.
Le Gouvernement s’engage également – vous l’avez précisé – à ne pas augmenter les impôts et à respecter la trajectoire afin de revenir au taux de 3 % de déficit en 2017 et d’atteindre notre objectif de moyen terme.
Mais, à regarder les multiples objectifs que l’on s’est fixés – ne pas augmenter les impôts, revenir à 3 % de déficit, réaliser 50 milliards d’euros d’économies –, chacun comprendra qu’il y a dans cette équation un pari très audacieux, un pari sur un rebond qui serait à la fois exceptionnel et inattendu de la croissance. Malheureusement, lorsque l’on écoute le gouverneur de la Banque de France, le président du Haut Conseil des finances publiques ou encore la Commission européenne, on ne constate pas ce rebond de la croissance. Ou alors, comme le considèrent aujourd’hui la plupart des économistes, il sera, dans la pratique, extrêmement difficile de passer sous le seuil de 3 % en 2017 sans augmenter les impôts ou recourir à des économies structurelles.
À vrai dire, personne ne sait, à ce stade, quelle est la variable d’ajustement, mais chacun a une idée de ce qui se passera.
En tout état de cause, à l’arrivée, l’Union européenne et nos partenaires ont du mal à croire aux engagements de la France en matière d’économies. Nos concitoyens ne croient pas plus aux engagements pris en matière fiscale et ont tous un doute sérieux quant à la capacité du Gouvernement de fournir les efforts nécessaires pour les tenir.
Le nouveau commissaire européen aux affaires économiques, Pierre Moscovici, indiquait récemment ceci : « Il n’y a pas de réponse simple et unique aux difficultés auxquelles l’Europe est confrontée. Nous devons travailler sur trois fronts : des politiques budgétaires crédibles, des réformes structurelles ambitieuses, et la relance de l’investissement, à la fois public et privé. »
À l’aune de ces trois fronts, nous ne voyons pas, dans le projet de loi de finances pour 2015, de réponse appropriée.
Je crois avoir largement évoqué la crédibilité limitée de notre politique budgétaire par ses hypothèses optimistes, par ses économies incertaines, par la trajectoire non respectée et fortement revue à la baisse. Donc, pas de réponse du côté de la politique budgétaire !
S’agissant des réformes structurelles, je n’en vois pas la marque dans le projet de loi de finances pour 2015.
Enfin, s’agissant de l’investissement public, j’ai peur, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’il ne soit la variable d’ajustement des budgets des collectivités territoriales, …
… pour faire face à la fois à la baisse de leurs dotations et à des transferts de charges croissants, comme l’a d’ailleurs montré le récent rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. C’est bien entendu un sujet sur lequel nous aurons très largement l’occasion de revenir au cours de nos débats.
Cet ajustement par l’investissement est également, au-delà des collectivités, malheureusement à l’œuvre dans le budget de l’État. L’investissement privé, quant à lui, diminue continuellement et devrait de nouveau baisser en 2015, compte tenu des perspectives de croissance très faibles, mais aussi de la diminution des taux de marge, ce qui d'ailleurs nous conduit à nous interroger sur les effets du CICE.
Le diagnostic est assez bien établi : il faut redéfinir le périmètre des interventions de l’État, maîtriser le dynamisme des dépenses sociales, assouplir le marché du travail, réformer notre système scolaire et de formation professionnelle, évaluer l’efficacité des grandes politiques – je pense au logement. Bref, il faut faire des réformes de structure.
Nous allons vous proposer des pistes, et là, vous ne serez pas déçus puisque nous n’allons pas – pour des raisons à la fois juridiques et de calendrier, les institutions de la Ve République en matière budgétaire étant ce qu’elles sont – vous proposer un « contre-budget ». La discussion qui s’ouvre aujourd'hui sera, pour notre majorité, l’occasion de marquer nos différences, tant sur les collectivités que sur la fiscalité des entreprises ou la fiscalité des ménages et des familles. Ce sera également l’occasion de montrer notre capacité à faire des économies réelles sur les crédits des missions.
Nous reviendrons sur les collectivités, mais je vous annonce tout de suite que nous ne sommes pas hostiles à une diminution des concours financiers des collectivités. Nous avons tenu compte, dans leur diminution, des charges nouvelles qui leur étaient imposées. La commission des finances a ainsi proposé un amendement visant à réduire la baisse des dotations aux collectivités du montant que l’État impose en permanence au titre des dépenses nouvelles ou des normes nouvelles.
Mme Françoise Gatel ainsi que MM. Michel Bouvard et Daniel Chasseing applaudissent.
Nous proposerons également, au titre de la première partie de ce projet de loi de finances, des mesures très concrètes en faveur des familles. Celles-ci nous semblent, du fait des abaissements successifs du quotient familial et de la politique en matière d’allocations familiales, avoir été le plus touchées par la politique fiscale du Gouvernement.
Nous proposerons – j’ai parlé à l’instant de la faiblesse de l’investissement tant public que privé – des mesures en faveur de l’investissement des PME.
Nous souhaitons que la seconde partie permette, au-delà de la compensation de ces mesures, d’améliorer le solde budgétaire, car il ne s’agit pas de le dégrader, et de faire émerger un vrai débat sur les économies substantielles que nous pourrons réaliser sur des dispositifs d’intervention ainsi qu’en matière de fonction publique.
En tout cas, monsieur le président, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, après trois années de ce que l’on peut qualifier de frustration – partagée sur la plupart des travées de cette assemblée et non pas seulement sur celles de la nouvelle majorité sénatoriale –, je me réjouis que le Sénat puisse examiner l’intégralité du projet de loi de finances.
Nos débats permettront à la fois, je l’espère, d’illustrer la spécificité de notre assemblée et d’éclairer les choix difficiles qui permettront à notre pays de regagner sa crédibilité et de montrer sa confiance en l’avenir.
J’indique que la commission des finances du Sénat a donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi de finances pour 2015, corrigé par les amendements qu’elle a acceptés.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes au premier jour de l’examen d’un nouveau projet de loi de finances, le premier des vingt jours que la Constitution attribue au Sénat pour l’examen des budgets.
Cette année, je souhaite que, pendant ces vingt jours, nous puissions débattre du budget proposé par le Gouvernement dans sa totalité, en ne nous arrêtant pas à la première partie et aux mesures fiscales. Nous sommes nombreux, me semble-t-il, à partager ce souhait.
La loi de finances mobilise le Parlement comme aucun autre texte, même si elle n’est plus le seul texte qui détermine notre stratégie en matière de finances publiques.
Nous appartenons, en effet, à une zone monétaire et nos règles de gouvernance budgétaire ont évolué en conséquence – peut-être pas assez d’ailleurs, puisque notre monnaie commune ne s’accompagne toujours pas d’une politique budgétaire commune.
Désormais, c’est sur le programme de stabilité que nous sommes jugés par nos pairs. Et c’est une annexe au projet de loi de finances – le rapport économique, social et financier – qui tient lieu de « projet de plan budgétaire » transmis pour observations, avant le 15 octobre, à la Commission européenne et à l’Eurogroupe.
Dorénavant, les mesures d’infléchissement de notre trajectoire budgétaire pour l’année à venir résultent à la fois de la loi de finances, de la loi de financement de la sécurité sociale et même, de plus en plus souvent, du collectif budgétaire de fin d’année. Ce sera encore le cas cette année puisque des mesures supplémentaires de 3, 6 milliards d’euros annoncées par le ministre Michel Sapin y trouveront leur traduction.
Je veux saluer ici, monsieur le secrétaire d'État, l’engagement que vous avez pris de tirer, dès la discussion du projet de loi de finances pour 2015 au Sénat, les conséquences de ces annonces sur ce texte.
M. Philippe Dallier s’exclame.
Quelles que soient les évolutions de notre calendrier et de nos procédures budgétaires, le projet de loi de finances de l’année est le moment où toutes les discussions que nous avons eues précédemment, toutes les trajectoires exprimées en termes structurels et toutes les mesures calculées en points de produit intérieur brut, voire de produit intérieur brut potentiel, deviennent concrètes.
C’est le moment démocratique où le Parlement consent à l’impôt, vote des mesures fiscales et alloue les crédits aux administrations. Plus la gouvernance budgétaire de la zone euro sera intégrée et plus ce moment démocratique sera essentiel.
Le projet de loi de finances de l’année fait d’ailleurs le lien entre les engagements pris au niveau européen et leur déclinaison dans les lois financières annuelles. C’est le sens de l’article liminaire que nous votons depuis l’année dernière.
Que traduit cette année l’article liminaire ? En ramenant le déficit des administrations publiques de 4, 4 % du PIB en 2014 à 4, 3 % en 2015, il illustre le choix du Gouvernement d’adapter le rythme d’évolution des déficits à la conjoncture, car la politique économique dans toutes ses dimensions, y compris celle des finances publiques, ne doit avoir qu’un seul objectif : l’amélioration durable des conditions de vie de nos concitoyens par la création de richesse et la réduction du chômage.
La politique économique du Gouvernement est d’ailleurs tout entière tournée vers l’encouragement à la création d’emploi et la lutte contre le chômage. Le point commun de l’ensemble des dispositifs destinés à donner de l’oxygène aux entreprises, c’est qu’ils tendent à baisser le coût du travail et incitent à embaucher.
C’est le cas du CICE, des allègements de charges du pacte de responsabilité et de solidarité, de la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S. Toutes ces mesures contribuent à soutenir la création d’emplois marchands.
L’action du Gouvernement porte aussi sur ceux qui ont du mal à s’insérer dans le marché du travail ou qui risquent de s’en éloigner durablement. C’est le sens des moyens déployés en faveur des contrats aidés dans le secteur marchand et non marchand, des contrats d’avenir ou encore de la « garantie jeunes », et de l’aide incitative aux entreprises qui embauchent un apprenti. C’est aussi le sens du service civique, qui va prendre de l’ampleur. C’est enfin le sens de la réforme annoncée de la prime pour l’emploi.
Pour créer des emplois et soutenir le pouvoir d’achat, nous avons besoin de croissance et donc d’une politique de finances publiques compatible avec le redémarrage de cette dernière.
Depuis mai 2012, le Président de la République et les gouvernements successifs défendent auprès de nos partenaires européens l’idée d’une relance de la demande et de l’investissement en Europe. La semaine dernière, le G20 de Brisbane a fait de la croissance sa première priorité. En Europe, chacun y va de son idée pour donner du contenu à la proposition du président de la Commission européenne de « susciter » 300 milliards d’euros d’investissements, publics ou privés.
Les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas. C’est le moment d’en profiter pour lancer les investissements qui amélioreront notre croissance future.
La relance de l’investissement est un projet politique fort pour l’Europe et il faudra faire attention à ne pas s’arrêter aux effets d’annonce.
Je me reconnais pleinement dans l’analyse qu’a développée hier, à cette tribune, le ministre des finances lors du débat sur la relance économique de la zone euro.
Néanmoins, je m’inquiète des échos qui nous parviennent selon lesquels les 300 milliards d’euros pourraient n’être que 30 milliards d’euros de crédits européens redéployés, dont on escompterait un effet de levier de 1 à 10. Par conséquent, je soutiens l’action du Gouvernement pour que ce projet n’accouche pas d’une souris.
En tout état de cause, en France, le Gouvernement et ceux qui le soutiennent au Parlement élaborent les outils qui soutiendront la relance de l’investissement.
Je prendrai deux exemples. Le Commissariat général à l’investissement est désormais chargé d’évaluer l’efficacité socioéconomique des grands projets d’investissement pour que nous soyons sélectifs et efficaces. Comme on peut craindre que les banques ne prennent de moins en moins de risques du fait des règles prudentielles qui leur sont imposées, la puissance publique doit jouer son rôle de soutien aux initiatives privées : c’est le sens de l’action de la Banque publique d’investissement.
C’est donc ainsi que je lis la stratégie budgétaire du Gouvernement telle qu’elle résulte de la loi de programmation que nous avons examinée le 6 novembre dernier et telle qu’elle est déclinée dans ce projet de loi de finances : préservation de la croissance et articulation de la politique de finances publiques avec l’ensemble de notre politique économique ; maîtrise du déficit effectif ; poursuite de la réduction de notre déficit structurel, en particulier en tenant le cap de la réduction des dépenses publiques.
Ce cap est tenu dans le projet de loi de finances.
Les dépenses des ministères, c’est-à-dire le budget général hors dette et pensions, passent de 204, 2 milliards d’euros à 203, 5 milliards d’euros, soit une baisse en valeur. Le nouveau budget triennal prévoit que ce montant s’établira à 202, 7 milliards d’euros en 2017. Malgré la dynamique des dépenses de l’État, l’objectif est de compenser par des économies le coût de l’évolution spontanée des dépenses.
Il en va de même pour les effectifs : les créations de postes dans les domaines prioritaires que sont l’école, la police et la justice sont gagées par des suppressions dans les autres secteurs.
En tenant compte de l’ensemble des dépenses – celles du budget général, y compris les pensions et la charge de la dette, et les prélèvements sur recettes –, la prévision pour 2015 s’établit à 367, 9 milliards d’euros. C’est moins que la prévision d’exécution 2014, moins que la prévision initiale pour 2014, moins que l’exécution 2013. Quel que soit le point de référence, le constat est le même : les dépenses de l’État stricto sensu baissent.
Sur la période couverte par la loi de programmation, les dépenses de l’État et de ses opérateurs continueront de progresser, mais à un rythme inférieur à celui des autres catégories d’administrations publiques.
L’État prend donc toute sa part de l’effort collectif et le choix de répartir le quantum d’économies demandées à chaque catégorie d’administration publique en fonction de la part de chacune – État, sécurité sociale et collectivités locales – dans l’ensemble des dépenses publiques me paraît équitable. Je n’en dis pas plus pour ne pas préempter la discussion de l’article 9 sur les finances locales, qui nous occupera sans doute longuement.
Si les dépenses de l’État baissent, qu’en est-il de l’effet des mesures nouvelles portant sur les prélèvements obligatoires, c’est-à-dire des mesures votées par le Parlement ?
L’impact combiné des mesures de ce projet de loi de finances, c’est une baisse des prélèvements obligatoires de 2, 3 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter l’effet de l’entrée en vigueur de mesures votées précédemment.
Les deux mesures qui auront le plus fort impact en 2015 illustrent la politique du Gouvernement consistant à combiner redistribution des revenus et compétitivité des entreprises : la baisse de l’impôt sur le revenu en faveur des personnes à revenus modestes et moyens pour 3, 2 milliards d’euros et la montée en puissance du CICE pour 3, 5 milliards d’euros supplémentaires par rapport à son coût de 2014.
Je veux souligner la portée de la mesure proposée en faveur des ménages : 6, 1 millions de foyers fiscaux en bénéficieront et 1 million de foyers fiscaux deviendront non imposés à l’impôt sur le revenu en 2015.
Je voudrais poursuivre en contestant l’idée selon laquelle il ne serait pas possible de changer les choses en période de consolidation des comptes publics. Au contraire, ce projet de loi de finances – c’est ce que je retiens de l’examen des différentes missions par notre commission – montre que le Gouvernement agit et réforme.
S’agissant des entreprises et de la compétitivité, j’ai évoqué le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité. Nous les compléterons par des mesures renforçant l’attractivité de notre territoire pour les investisseurs internationaux, notamment, si j’ai bien entendu les ministres de l’économie et des affaires étrangères, par une charte de non-rétroactivité fiscale.
Lorsque l’on évoque la compétitivité, il faut ajouter aux aides aux entreprises les efforts en faveur de la recherche et des opérateurs de l’État dans ce domaine.
Il faut également évoquer le vaste chantier de simplification et de dématérialisation des procédures, qui profite aux usagers, mais aussi au contribuable. Par exemple, la dématérialisation de l’envoi de millions d’actes courants et standardisés de l’administration fiscale fera économiser 200 millions d’euros.
Il faut insister sur l’importance de l’action du Gouvernement dans le domaine de la simplification, car, derrière la multiplicité des mesures prises et leur caractère en apparence technique, c’est à une véritable et profonde transformation de notre paysage administratif – nous devons nous-mêmes l’intégrer pour l’expliquer davantage ! – et de l’environnement des entreprises que l’on assiste.
Le secteur du logement est une priorité absolue : le Gouvernement en tire les conséquences et propose, au travers d’un nombre important d’articles de ce projet de loi de finances, …
… un plan de relance de la construction pour libérer du foncier et favoriser la construction de logements locatifs intermédiaires, la rénovation énergétique et l’accession à la propriété, notamment dans les quartiers en difficulté grâce à l’instauration du taux de TVA réduit dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Les transports sont un autre sujet crucial. Par-delà ce que notre rapporteur spécial appelle la « saga de l’écotaxe », comment ne pas voir l’essentiel ? Ce budget maintient les crédits de l’AFITF
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.
Le Gouvernement s’attache aussi à la préservation des intérêts patrimoniaux et financiers de l’État : sa gestion active des participations permet dans ce budget de dégager 4 milliards d’euros pour le désendettement, tout en conservant une influence majeure dans les grandes entreprises dont l’État est actionnaire.
Toujours pour préparer l’avenir, ce projet de loi de finances dégage des moyens en faveur de la jeunesse, de l’éducation, des universités et de la recherche.
Le service civique monte en puissance, des financements européens ont été obtenus et des moyens supplémentaires ont été ajoutés par l’Assemblée nationale, conformément au souhait du Président de la République d’aller un peu plus vite dans le déploiement de ce dispositif.
L’enseignement scolaire est le premier budget et il augmente de 2 %. Les postes annoncés sont créés – hier encore, lors de la réunion de la commission, un de nos collègues s’est réjoui que les rentrées scolaires se passent correctement dans son département – et la moitié d’entre eux bénéficiera au premier degré, là où les difficultés se cristallisent. L’accompagnement des élèves handicapés se professionnalise, ce dont je me réjouis, et bénéficie d’effectifs supplémentaires.
Dans l’enseignement supérieur, 1 000 postes supplémentaires sont financés et la réforme des bourses permettra à 77 500 étudiants de plus de bénéficier d’une aide d’environ 1 000 euros en plus de l’exonération de droits d’inscription et de cotisations sociales.
La priorité à la jeunesse se traduit encore par la montée en puissance de la « garantie jeunes », que j’ai déjà évoquée, et par l’augmentation du nombre d’emplois d’avenir.
Je conclurai en évoquant la mission « Solidarité », qui connaît une augmentation significative, portée par la revalorisation du RSA de 10 % sur la durée du quinquennat.
Il m’a semblé important de me livrer à ce panorama de plusieurs des volets de ce projet de loi de finances, car, on le voit, le Gouvernement fait des choix, prend des décisions, propose des mesures concrètes pour mettre en œuvre ses priorités, dans le cadre d’une stratégie économique cohérente, combinant redressement des comptes et soutien à la croissance.
C’est pourquoi, malgré le bon climat que nous avons tous contribué à créer à la commission des finances depuis un mois et demi, notre excellent rapporteur général n’étant pas en reste sur ce plan, je m’opposerai aux amendements de la majorité sénatoriale qui relèveraient d’une autre logique que celle qui sous-tend le texte, tel qu’il nous est arrivé de l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE. – Exclamations sur les travées de l’UMP.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention ne doit dépasser dix minutes. Les présidents de séance successifs y veilleront !
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Vincent Delahaye.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la lecture du projet de loi de finances pour 2015 m’a à la fois laissé une vraie impression de déjà-vu et fait l’effet d’un arrêt sur image, puisque l’on nous annonce, pour 2015, un déficit de 4, 3 %, à peu de chose près égal à celui de 2014 – 4, 4 % –, lequel était à peine différent de celui de 2013, à savoir 4, 1 %.
Ce qui est sûr, monsieur le secrétaire d'État, c’est que, à partir du début du mois d’octobre, toutes nos dépenses publiques sont financées avec des emprunts sur les générations futures. Nous sommes « scotchés », depuis 2012, à des taux de croissance proches de zéro. En cela, l’année 2015 ne sera pas bien différente.
Comme chaque année, vous affichez un optimisme de façade. Ainsi, le présent projet de loi de finances table sur une croissance de 1 %, alors que le consensus s’établit plutôt, aujourd'hui, autour de 0, 7 %. Voilà quelque temps, j’avais proposé que l’on retranche 0, 5 % du taux de croissance estimé au moment où on l’on établit la loi de finances, c'est-à-dire au mois d’août, dans un souci de prudence et afin de se ménager de bonnes surprises. §
Comme chaque année, les recettes prévues sont visiblement surévaluées. Elles l’étaient de 15 milliards d’euros en 2013 et le seront d’au moins 11 milliards d’euros en 2014. Et, aujourd’hui, on nous annonce, malgré la conjoncture atone et une inflation quasi nulle, que le rendement de la TVA va progresser de près de 5 milliards d’euros. Est-ce ainsi que M. le secrétaire d’État satisfait au principe de sincérité budgétaire ? J’espère, au moins, qu’il croit à ses chiffres. Pour ma part, je n’y crois absolument pas.
Vos efforts pour endiguer le déficit sont aussi décevants que les années précédentes. On cherche en vain de vraies réformes structurelles.
Nous avons entendu François Hollande dire que la boîte à outils était sur la table et qu’il n’y avait plus qu’à attendre qu’elle produise ses effets. Le problème est que l’on ne voit toujours rien venir… Dans le même temps, on nous assure que le choc de simplification a déjà produit 2, 4 milliards d’économies et l'on nous promet qu’il en produira encore 8 milliards d’euros. En réalité, on nous avance ces chiffres sans apporter la moindre preuve.
La vérité, c’est que cette boîte à outils ne produit aucun effet. Tout bouge autour de nous à grande vitesse, le monde est en profond changement et nous, nous restons immobiles, sûrs de notre boîte à outils et de ses effets, sûrs de nous contre tous, contre l’évidence et contre les faits.
Il faudrait réformer en profondeur ; au lieu de cela, monsieur le secrétaire d'État, vous ne faites qu’effleurer le sujet. Vous dépensez votre énergie à inventer des mesures en trompe-l’œil, pour épater la galerie. Une telle politique relève de l’affichage.
Quand le Gouvernement chiffre à près de 8 milliards d’euros les efforts sur les dépenses de l’État, c’est de l’affichage. Nous savons tous que ces efforts ne rapporteront, en fait, que 1, 8 milliard d’euros, la différence étant constituée par l’écart entre une hausse imaginaire, supputée, dite « tendancielle », et les dépenses réelles.
Pour ne prendre qu’un exemple, vous affichez 1, 4 milliard d’euros d’économies sur les dépenses de personnel, quand celles-ci augmenteront, en réalité, de 100 millions d’euros. Comment les Français peuvent-ils comprendre de tels tours de passe-passe ?
Quand vous vous gargarisez des performances sur le solde structurel pour mieux masquer vos échecs sur le solde effectif, c’est encore de l’affichage. Vous avez retenu jusque-là des taux de croissance potentiels irréalistes. À cet égard, je me réjouis que l’on abaisse enfin ce taux à 1 %, ce qui réduit sensiblement l’ajustement structurel qui en résultera cette année.
Je crains, malgré tout, que la théorie des cycles économiques sous-jacente à la distinction entre solde effectif et solde structurel ne soit devenue totalement inadaptée à la situation actuelle. Vous continuez encore de vendre du virtuel !
Quand vous accusez de mauvaise gestion les collectivités territoriales pour mieux leur ponctionner, pendant trois années consécutives, 3, 7 milliards d’euros non pas « tendanciels », mais sonnants et trébuchants, et pour mieux masquer vos propres insuffisances budgétaires, c’est toujours de l’affichage ! Recevoir des leçons d’un État qui présente un budget en déséquilibre de 75 milliards d’euros, c’est-à-dire l’équivalent d’un quart de ses recettes, pourrait prêter à sourire si la colère ne l’emportait pas.
Quand vous ponctionnez 3, 7 milliards d’euros sur les collectivités après leur avoir déjà prélevé 1, 5 milliard l’an dernier, tout en promettant 7 milliards d’euros pour 2016 et 2017, c’est aussi de l’affichage. L’État sait qu’il reporte sur les collectivités le sale boulot des augmentations d’impôts.
Au final, vous trompez les Français, mais c’est toujours à eux de payer. Vous croyez les leurrer par ces tours de passe-passe, mais ils ne sont plus dupes. Il serait temps que vous vous en rendiez compte ! Les électeurs vous sanctionneront peut-être, mais les faits vous rattraperont sûrement et le pays continuera inexorablement sa chute. Arrêtons donc de duper les Français.
En 2012, le Premier ministre de l’époque affirmait que seuls les riches paieraient. Ensuite, nous a-t-il dit, c’était à neuf Français sur dix de le faire ! Aux protestations des Français, vous avez pu apprécier à quel point le chef du Gouvernement était loin de la réalité… Puis ce fut la promesse d’un Grand Soir fiscal, et l'on ne vit rien venir. Puis le chef de l’État entonna le refrain de la pause fiscale, tout aussi peu ressentie par les Français. Enfin, tout dernièrement, le Président de la République a annoncé qu’il n’y aurait plus d’impôts supplémentaires sur qui que ce soit à partir de 2015, ce qui en a surpris plus d’un. Il faut dire qu’avec les seuls impôts votés les années précédentes – et leurs effets décalés –, ce sont plus de 3 milliards d’euros supplémentaires qui seront ponctionnés sur les Français, ne serait-ce que du fait de la taxe carbone.
Dès lors, pas besoin de voter de nouveaux impôts ! Pourtant, on observe encore, cette année, une augmentation de la redevance audiovisuelle, une hausse du gazole ainsi qu’une hausse des cotisations retraite. La plupart des Français continueront de payer plus en 2015.
J’en veux pour preuve votre prévision de recettes sur l’impôt sur le revenu, qui augmente de 600 millions d’euros, monsieur le secrétaire d'État, alors que la suppression de la première tranche devrait les faire diminuer de 3, 2 milliards d’euros. Au total, ce sont donc 3, 8 milliards d’euros qui pèseront sur les Français qui ne bénéficieront pas de la suppression de la première tranche !
De deux choses l’une : soit vos chiffres sur les recettes à attendre de l’impôt sur le revenu sont faux, soit le Président de la République ment. J’ai tendance un penser que c’est et l’un, et l’autre ! Au lieu de dire qu’il n’y aura plus d’impôts supplémentaires pour qui que ce soit à partir de 2015, le chef de l’État pourrait sans doute dire qu’il y aura plus d’impôts et de taxes sur tous les Français à partir de 2015 !
Je le répète, arrêtons de duper les Français.
Vous trompez les Français en communiquant sur la stabilité des effectifs dans la fonction publique, quand tout le monde sait bien que l’exécution du budget se traduira plus sûrement par une réduction des effectifs de près de 10 000 équivalents temps plein et qu’il faudrait aller beaucoup plus loin pour résorber notre déficit.
Vous trompez les Français quand, en un jour, vous faites semblant de trouver sous le tapis 3, 6 milliards d’euros supplémentaires pour satisfaire l’Union européenne.
Vous trompez les entreprises quand, après les avoir chargées de 30 à 40 milliards d’euros, vous leur demandez le lendemain de se réjouir au motif que vous allez leur reverser 20 milliards d’euros sous la forme de crédit d’impôt.
Vous trompez les Français en faisant porter sur le seul budget de la défense les trois quarts des réductions des effectifs dans la fonction publique, sous prétexte que la Grande Muette portera encore bien son nom.
En agissant ainsi, vous mettez en danger l’avenir de notre armée. Vous trompez les Français en feignant de croire encore aux 2 milliards d'euros de recettes exceptionnelles pour équilibrer le budget de la défense, sachant qu’au final il faudra bien raboter sur les investissements, mesure indolore dans l’instant, mais dangereuse pour l’avenir.
Vous trompez les Français quand, pour sortir de cette situation, vous inventez en catastrophe une usine à gaz, comprenant la création de sociétés qui rachèteraient le matériel de l’armée pour le lui louer.
Vous organisez toutes les combinaisons pour sauver les apparences, mais la facture nous sautera immanquablement à la figure un jour, si ce n’est d’ici peu : d’ici à ce que la prochaine génération hérite d’une France surendettée, d’une France fragilisée, d’une France où les investissements auront été sacrifiés.
Oui, en trompant les Français, en vous trompant vous-même, c’est l’avenir que vous mettez en danger. Ce sont les futures générations que vous sacrifiez !
Notre dette a dépassé le seuil symbolique des 2 000 milliards d’euros cette année, et elle va droit vers un second seuil symbolique, celui de 100% du PIB. Bien sûr, les taux sont historiquement bas, mais cette dette, détenue à 60 % par l’étranger, pourrait, à la moindre remontée des taux, nous mettre d’un coup en grande difficulté.
S’il vous plaît, prenez les Français pour des adultes et parlez-leur enfin un langage de vérité. Surtout, réformez vraiment en profondeur ! Engagez de vraies réformes ! Baissez les effectifs de l’État ! Entreprenez une vraie réforme territoriale ! Entamez cette réforme fiscale mille fois annoncée et jamais réalisée ! Évitez les usines à gaz du type du CICE ! Augmentez la TVA ! Pourquoi pas ? En ces temps de faible inflation, l’augmentation de cette taxe est possible. Au reste, ce serait une façon de faire payer aux produits d’importation les baisses de charges, sur lesquelles vous pourriez aller plus loin.
Gagnez en sincérité en affichant, dès le départ, des budgets réels ! Je pense notamment aux OPEX, pour ce qui concerne le budget de la défense. Et, plutôt que de geler 8 % des crédits, gelez-en 5 % et supprimez d’emblée 3 % des crédits de chaque mission. En somme, préférez le langage de vérité aux faux-semblants. Ayez ce courage et cette audace !
Aujourd'hui, le courage et l’audace manquent. Raymond Aron, dont j’ai toujours admiré la lucidité, disait : « Quand les hommes ne choisissent pas, les événements choisissent pour eux. » J’ai malheureusement l’impression que c’est ce qui se passe aujourd’hui. On ne sait pas où les événements vont nous entraîner.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai mon propos par un bref constat, d’ordre général. En effet, hormis les baisses de crédits des missions et la diminution des dotations aux collectivités territoriales, ce projet de loi de finances, au fond, ne comporte pas de grandes mesures phare. On pourrait, bien sûr, penser à la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, mais ce n’est, en réalité, qu’une nouvelle monture d’une mesure que nous avions déjà discutée en juillet dernier, avant qu’elle ne soit censurée par le Conseil constitutionnel.
S’il ne présente pas de mesures emblématiques, ce projet de loi n’en est pas moins empreint d’une ligne politique claire, cohérente – il faut reconnaître au Gouvernement ce mérite – : accroître les marges des entreprises par la diminution de leurs impôts et de leurs cotisations et tenter, dans le même temps, de réduire le déficit par la baisse des dépenses publiques.
Cette baisse des dépenses publiques, on le sait, a des conséquences inquiétantes, d'abord pour nos concitoyens, qui vont voir une partie de leurs prestations sociales, de leur retraite, de leurs allocations familiales ou de leur indemnisation du chômage remise en cause.
Les conséquences de cette baisse seront également inquiétantes pour notre économie, du fait du repli de l’investissement public, celui tant de l’État que des collectivités territoriales, soumises, pour cette année et les suivantes, à une cure d’amaigrissement drastique.
Cela est d’autant plus inquiétant que, si l’on en croit les derniers chiffres de l’INSEE, relatifs au troisième trimestre 2014, la croissance, maigre, mais bel et bien réelle, que la France a pu accumuler pendant cette période est essentiellement tirée par la commande publique. En effet, l’investissement privé, dont on aurait pourtant pu espérer, depuis la création du CICE voilà deux ans, qu’il vienne se substituer partiellement à l’investissement public est, lui aussi, en recul.
On le sait, les effets récessifs de cette politique, systématiquement sous-évalués, ne permettent pas à la France de respecter la trajectoire budgétaire à laquelle elle s’était engagée devant la Commission européenne. Pour 2014, on s’achemine même vers une augmentation de 0, 1 point du déficit, lequel s’établirait à 4, 4 % du PIB.
Le Gouvernement a choisi, pour compenser le non-respect de ses engagements, de donner à la Commission européenne des gages accrus de libéralisation du marché du travail, laquelle vient encore fragiliser un peu plus les salariés, alors que le caractère endémique du chômage leur impose déjà un rapport de forces extrêmement défavorable avec les employeurs.
Tous ces sacrifices sociaux et économiques servent à financer le pacte de responsabilité et de solidarité, nous dit-on. En effet, si l’on additionne les 41 milliards d’euros attribués aux entreprises et les 5 milliards d’euros de compensations consenties aux ménages, on n’est plus très loin des fameux 50 milliards d’euros d’économies que le Gouvernement impose à nos finances publiques.
Cette dépense a trouvé sa justification dans une supposée création d’emplois : des centaines de milliers d’emplois, d’après le Gouvernement ; des millions, selon le patronat. Alors que les mesures sont désormais en œuvre, plus personne ne se risque à avancer un chiffre. On nous a même expliqué, assez récemment, que la relation de cause à effet n’était pas aussi simple… Et pour cause !
En réalité, il est absurde de considérer que c’est l’entreprise qui crée unilatéralement des emplois. Sans même parler du fait que la puissance publique peut, elle aussi, créer de vrais emplois, une entreprise, comme l’avoue désormais M. Pierre Gattaz, embauche uniquement si elle a un carnet de commandes. Grande découverte ! L’offre et la demande sont, à l’évidence, inextricablement liées.
Ce pacte de responsabilité représente en fait un immense effet d’aubaine pour de nombreux groupes ; je pense en particulier au secteur de la grande distribution, dont les activités, par définition, ne sont pas, ou pas encore, délocalisables. J’espère d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, que la représentation nationale pourra disposer en temps voulu de la répartition précise, par secteurs d’activité, du volume de baisses de cotisations et de crédit d’impôt consentis dans le cadre du pacte de responsabilité.
Cette stratégie de compétitivité, et donc de compétition, par la baisse du prix du travail est sans issue. Jamais nous ne pourrons concurrencer sur ce plan les pays en voie de développement ! Quant à nos plus proches voisins, nous avons avec eux partie liée : l’Allemagne l’expérimente à ses dépens, et voit sa situation économique commencer à sérieusement se dégrader, malgré toutes les vertus dont elle s’est parée...
Enfin, par son uniformité et sa focalisation sur le prix du travail, cette stratégie fait une dramatique impasse sur ce qu’il est convenu d’appeler la compétitivité hors coûts, c’est-à-dire le positionnement stratégique de nos produits.
Il nous faut aujourd'hui prendre conscience de notre communauté de destin. Avec notre planète, d’abord : sa préservation conditionne la qualité de notre vie, quand il ne s’agit pas, tout simplement, de notre survie. Avec l’ensemble des peuples, ensuite : les drames humanitaires récurrents à Calais et à Lampedusa, ou, plus récemment, la propagation du virus Ebola devraient nous convaincre, sans même qu’il soit besoin d’invoquer les grands principes humanistes, de l’illusion, de l’aveuglement qu’il y a à penser que les économies dites développées pourraient se préserver indéfiniment une forme de prospérité isolée de la misère du monde.
Dans ce contexte, s’en remettre pour toute stratégie à la compétition est un contresens, spécialement dans le cadre de l’Europe politique. Nous ne sortirons pas de la crise en nous livrant à une compétition sociale avec l’Allemagne, pas plus qu’en nous adonnant à une compétition fiscale avec le Luxembourg !
À cet égard, je voudrais revenir sur la position défendue, pas plus tard qu’hier, par le premier ministre luxembourgeois M. Xavier Bettel, dont le nom n’est guère connu, mais dont les propos valent leur « pesant de cacahuètes » ! En plein scandale LuxLeaks, M. Bettel a en effet expliqué qu’il s’opposerait à toute harmonisation fiscale au sein de l’Europe. Il a même demandé aux services fiscaux des pays voisins d’arrêter la « chasse aux sorcières » contre les travailleurs frontaliers. Ces propos, à un moment où l’on veut faire avancer l’Europe, sont proprement scandaleux !
Cela justifierait, monsieur le secrétaire d’État, le lancement d’une offensive politique d’envergure de la part de la France, notamment en direction de l’Allemagne, pour que l’Europe avance enfin sur cette question de l’harmonisation des taux d’imposition s’appliquant aux bases mobiles. Si l’on veut éviter que le contrôle exercé par la Commission sur les déficits nationaux se résume à une vaine coercition, il devient urgent d’afficher des avancées substantielles en matière d’harmonisation fiscale et de coordination macroéconomique des États.
Si la coopération, plutôt que la compétition, à l’échelle européenne, est une condition nécessaire de la sortie de crise, elle ne suffira pas. II nous faut impérativement trouver la voie d’une économie politique, opérant des choix démocratiques quant aux objectifs de long terme et aux filières à soutenir.
Alors que l’on nous explique, encore aujourd’hui, que le nucléaire doit être soutenu parce qu’il produirait une électricité bon marché, sachez, monsieur le secrétaire d’État, que nous n’accepterons pas une recapitalisation d’Areva par des fonds publics sans, au minimum, une consultation du Parlement.
Cette économie politique se devrait d’être respectueuse de l’environnement. Il me faut reconnaître que le processus est amorcé. La création de la contribution climat-énergie, puis la mise en chantier de la transition énergétique, qui trouve une première traduction dans ce projet de loi de finances avec la mise en place du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, nous poussent dans la bonne direction.
Toutefois, le retard de la France en matière de fiscalité écologique est tel que nous ne pouvons pas nous satisfaire de ces premiers pas, d’autant que, dans le même temps, le budget de l’écologie recule une nouvelle fois. Il affiche, cette année, une baisse de 6 %, soit de plus de 400 millions d’euros. Depuis 2010, la réduction cumulée des crédits atteint 1, 65 milliard d’euros et plus de 1 600 emplois ont été supprimés. En matière de vertu budgétaire, s’il y a un ministère que l’on devrait féliciter, c’est bien celui de l’écologie !
En outre, la taxe poids lourds, qui représentait à son échelle un véritable changement de paradigme, est définitivement écartée, avec, de surcroît, un coût de dédit qui se chiffre en milliards d’euros.
Lancer résolument la France dans la voie d’une économie coopérative et écologique est donc un investissement. Cela nécessite un soutien public important, aussi bien de la demande que de l’offre. Mais c’est un investissement rentable : non seulement les activités écologiques sont globalement plus intensives en emplois que les autres, dans la mesure où elles prélèvent moins de ressources, mais elles constituent un gisement gigantesque d’économies. Les importations d’énergies fossiles nous coûtent aujourd’hui autour de 70 milliards d’euros par an et les coûts sanitaires liés à la pollution de l’air représenteraient 20 à 30 milliards d’euros par an.
En attendant, monsieur le secrétaire d’État, nous pouvons également vous proposer quelques milliards d’euros d’économies à court terme…
Je pense à la suppression de la composante aérienne de la dissuasion nucléaire militaire, qui ne changerait rien à la doctrine de la France, ou à la suppression de la déductibilité des contributions bancaires au fonds de résolution européen.
Pour toutes ces raisons, et pour d’autres que nous développerons au cours des débats, les écologistes ne voteront pas ce projet de loi de finances.
Murmures ironiques sur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’instar de M. Gattolin, j’estime que le projet de loi de finances pour 2015 ne traduit qu’une préoccupation : la baisse de la dépense publique.
Examiné à mi-chemin de la législature entamée en juin 2012, il paraît, de fait, se situer au milieu du gué, traduisant, pour l’essentiel de ses dispositions, une continuité avec les principaux textes précédemment discutés et promulgués, dont il tire les conséquences. Ainsi tend-il, dans un contexte relativement contraint, à repousser à une date ultérieure les mutations les plus significatives de notre système fiscal et des politiques publiques.
Plus encore que le projet de loi de programmation des finances publiques, dont nous avons débattu voilà peu, ce projet de loi de finances pour 2015 se situe dans le droit fil des engagements de notre pays au titre du traité budgétaire européen. Ces engagements, la France comme par la majorité des pays de la zone euro ont d’ailleurs eu quelque mal à les respecter, ce qui n’est pas vraiment pour nous surprendre. Bruxelles va donc demander à la France de faire davantage d’économies, allant encore au-delà des 50 milliards d’euros promis d’ici à 2017, ce qui revient à exiger toujours plus d’efforts à la population de notre pays.
Au vu des pouvoirs accrus de la Commission européenne, monsieur le secrétaire d’État, nous attendons, sur ce sujet, une réponse de la part du Gouvernement.
C’est que, à force de vouloir complaire à la Chancelière allemande et aux électeurs conservateurs et démocrates-chrétiens de son pays, lesquels redoutent l’inflation, les politiques économiques de l’ensemble des pays de la zone euro se retrouvent toutes fondées sur la même logique stupide d’austérité, de réduction des dépenses publiques, de défense coûte que coûte de la parité de l’euro vis-à-vis des autres devises. Comment, alors, s’étonner qu’elles conduisent partout au même résultat ?
Le projet de loi de finances pour 2015 fait ainsi apparaître un déficit de 75 milliards d’euros, ou peu s’en faut… Laissons d’emblée de côté les discussions avec l’équipe de M. Juncker sur le niveau de ce déficit : l’écart ne serait que de quelques milliards d’euros, des sommes peut-être utilement placées par Axa et le Crédit Lyonnais, entre autres, dans un établissement bancaire luxembourgeois ! Quoi qu'il en soit, ce qu’il faut retenir, c’est que nous continuons, année après année, de « soutenir » nos entreprises à coups de dizaines de milliards d’euros.
Qu’on y songe ! Le total des exonérations de cotisations sociales, générales ou ciblées, atteint près de 34 milliards d’euros, dont un peu plus de 3 milliards ne sont d’ailleurs pas compensés à la sécurité sociale !
Par ailleurs, 10 milliards d’euros sont attendus cette année au titre du CICE, qui n’a sans doute pas fini de nous étonner, vu qu’on en est encore à la période de montée en charge du dispositif.
Rappelons au passage que le budget pour 2015 prévoit près de 72 milliards d’euros de dépenses fiscales – à peu près le produit de l’impôt sur le revenu –, dont près de 19 milliards d’euros pour les dispositions communes à l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu, près de 18 milliards d’euros d’allégement de la TVA, près de 3 milliards d’euros de moins sur l’impôt sur les sociétés hors CICE, près de 4 milliards d’euros au titre des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques. À ces montants concernant des mesures destinées uniquement aux entreprises, s’ajoute une somme supérieure à 1, 1 milliard d’euros au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune.
Je ne reviens pas ici sur les effets de la disparition de la taxe professionnelle et de son remplacement par la cotisation foncière des entreprises, celle-ci procurant désormais le plus souvent aux collectivités une recette inférieure à celle que leur offraient la taxe d’habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties !
Et comment pourrions-nous oublier qu’un certain nombre de pertes de recettes procèdent de ce que l’on appelle les modalités particulières de calcul de l’impôt ? Derrière ce concept, parfaitement technocratique, se cachent effectivement des réductions considérables de recettes pour l’État.
L’abattement sur les dividendes ? Ce sont 1, 8 milliard d’euros perdus pour l’État et la collectivité ! La taxation à taux zéro des plus-values de cession de titres de participation ? Voilà 4, 33 milliards d’euros envolés ! Le régime des sociétés mères et filiales ? Encore 24 milliards d’euros évaporés en produits de participation ! Et c’est sans compter le régime d’intégration des groupes – 16, 4 milliards d’euros –, le remboursement de la TVA – 48, 5 milliards d’euros –, le remboursement des acomptes d’impôt sur les sociétés et le report en arrière des déficits – 14, 6 milliards d’euros.
Je pourrais continuer cette énumération, mes chers collègues, qui semble interminable tant notre droit fiscal s’est, au fil du temps, truffé de mesures dérogatoires, d’exceptions à la règle commune, de cas particuliers.
Qu’on se le dise, la France est un paradis fiscal pour les entreprises !
Dans le même temps, le fait de voir dans le quotient familial un avantage fiscal inconsidéré ne semble soulever aucune difficulté ! Nous avons découvert cette semaine que les retraités ayant eu l’idée saugrenue de vouloir « réussir » leur vie professionnelle – je pense notamment aux femmes qui ont souhaité concilier vie privée et vie sociale tout au long d’une carrière complète – et percevant 1 456 euros bruts par mois de pension étaient suffisamment « riches » pour s’acquitter de 6, 6 % de CSG !
Oui, le gouvernement Valls n’aime que l’entreprise ! Les preuves d’amour existent, et cette passion semble bien exclusive !
En l’occurrence, ils me paraissent se conjuguer !
Ce projet de de budget pour 2015 obéit donc aux mêmes principes que ceux qui l’ont précédé : stagnation du pouvoir d’achat des agents du secteur public, réduction et contraction des effectifs budgétaires, le tout, d’ailleurs, dans le cadre d’une gestion courante des carrières semblant recourir, de plus en plus, à toutes les « ficelles » susceptibles de réduire la dépense – y compris le retard dans la rémunération des fonctionnaires ayant bénéficié d’un avancement d’échelon –, réduction des dotations et concours aux collectivités locales, réduction des dépenses publiques, même si certaines, comme les dépenses liées aux opérations militaires extérieures, semblent toujours aussi mal « calibrées »…
L’objectif principal consiste à réduire le déficit et, par voie de conséquence, la dette, représentative du cumul des déficits. Le site du ministère des finances et des comptes publics, lui-même, nous rappelle qu’avant 2002, la France portait une dette publique de 930 milliards d’euros et que celle-ci a doublé depuis lors.
J’invite ici ceux de nos collègues qui croient encore à la nécessité de rembourser la dette à passer un peu moins de deux heures à revoir la comédie historique de Christian-Jaque, François I er, dans laquelle le personnage principal, joué par Fernandel, raconte comment la France a, à l’époque, inventé la « dette perpétuelle ». §
Justement, à propos de la dette, je voudrais citer ici un chiffre particulièrement significatif : alors qu’elle atteint aujourd'hui 2 000 milliards d’euros, les intérêts de la dette versés depuis 1973 représentent à eux seuls un total de 1 600 milliards d’euros. Tout est dit !
Parler de la dette aujourd’hui procède donc, en grande partie, de l’enfumage idéologique, du viatique nécessaire pour mieux faire accepter des sacrifices au peuple de ce pays.
Comment parle-t-on de la dette ?
On met en exergue son montant global, mélangeant allègrement une dette d’État, produit de déficits budgétaires cumulés, et une dette locale qui ne porte que sur des dépenses d’équipement financées par emprunt.
On oublie évidemment de rappeler que, face à cette dette, c'est-à-dire un passif, il y a un actif, c'est-à-dire l’ensemble des biens, mais aussi l’image que notre pays a acquise pour partie grâce à cet endettement.
Les comparaisons étant souvent faciles, comment ne pas remarquer qu’un ménage s’endette généralement pour acheter un bien immobilier, un véhicule automobile, des meubles, et qu’il ne viendrait jamais à l’idée de personne de considérer ces acquisitions comme nulles et non avenues.
Eh bien, pour l’État, c’est pareil ! À la grande époque gaullo-pompidolienne, quand nous étions encore aux temps bénis du plein-emploi, de la décentralisation planifiée d’en haut, de l’ordre moral et de l’indépendance de notre défense par rapport à l’OTAN, …
… il y avait une dette publique et l’on émettait des obligations et des bons du Trésor, ne serait-ce que pour donner un peu d’activité aux marchés financiers d’alors.
Avec cette dette, la France s’équipait. Oh ! pas toujours avec la prévoyance qui s’impose aujourd’hui quand il s’agit de protéger des environnements menacés, de tenir compte un peu plus des hommes et des femmes qui vivent dans tel ou tel territoire… Toujours est-il que la France s’équipait !
Et la croissance, également portée par ces investissements publics, produisait ensuite les fruits qui permettaient de faire face au service de la dette et à son amortissement.
Je vais donc écourter mon propos, monsieur le président.
Je rappellerai simplement à M. le secrétaire d’État et à M. le rapporteur général de la commission des finances que, tant que nous traînerons moins d’un point de croissance sur l’année, même avec des taux à long terme de 1, 75 %, le poids et le volume de notre dette continueront de croître, quand bien même cela n’a aucun sens de comparer cette dette avec le produit intérieur brut marchand.
Ce double endettement, c’est d’abord celui de l’immédiat. Celui que nous devons supporter pour solder le déficit et les multiples cadeaux fiscaux et sociaux listés plus haut et consentis au nom de la « restauration des marges » des entreprises.
Le second endettement, nous sommes en train de le fabriquer pour l’avenir. Non, ce n’est pas celui de la dette que nous allons « laisser à nos enfants » - c’est d’ailleurs là une image aussi stupide que bien des mensonges racontés sur le sujet !
Pour conclure, je dirai que, avec une population aussi massivement prolétarisée, il n’y a pas de concurrence libre et non faussée. Monsieur le secrétaire d’État, il faut de l’audace, il faut tourner le dos aux augures de l’austérité et de la rigueur. Il y va du sort de la France et de l’Europe que d’abandonner enfin ces visions budgétaires et économiques étriquées. Sinon, outre le fait que l’idée même de l’Europe deviendra insupportable à beaucoup de gens, c’est la France elle-même qui se mettra en danger.
Mme Marie-France Beaufils applaudit.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sans vouloir anticiper le vote souverain de notre assemblée sur la première partie du projet de loi de finances pour 2015, je me réjouis par avance de la possibilité annoncée d’examiner le budget jusqu’à son terme, après deux exercices consécutifs où nos débats ont été écourtés.
Nous aurons donc, cette année, l’occasion de discuter de nouveau des dépenses qui, à côté des mesures fiscales, reflètent, elles aussi, les grandes priorités du Gouvernement ; c’est essentiel.
Hélas, une fois encore, le contexte macroéconomique ne prête guère à l’optimisme malgré le léger rebond constaté lors de ce dernier trimestre. Comme vous le savez, mes chers collègues, la croissance est toujours très faible. Les prévisions les plus optimistes tablent sur 1 % en 2015, et c’est ce chiffre que vous avez retenu, monsieur le secrétaire d'État, pour bâtir votre budget, avec tous les aléas que ce choix comporte dans un contexte de ralentissement mondial.
La principale inquiétude tient au problème de la désinflation, qui s’est installée depuis quelques mois. Si elle a des effets positifs sur la compétitivité-coût de la zone euro et sur le pouvoir d’achat des ménages, elle comporte aussi des risques parce qu’elle contient potentiellement les germes de l’étape suivante, la déflation. Or, nous le savons, celle-ci mène tout droit à la récession, avec des conséquences désastreuses sur la dette, dont le coût s’envolerait.
Malgré tout cela, je veux rester optimiste pour deux raisons.
Tout d’abord, la Banque centrale européenne a pris un certain nombre de décisions salutaires qu’il convient de souligner. Parmi celles-ci, l’abaissement, à deux reprises, du taux d’intérêt des opérations principales de refinancement est une sage mesure de politique monétaire de nature à contenir le risque de déflation.
Ensuite, je veux croire aux effets attendus de la politique économique et budgétaire menée depuis deux ans, et que ma famille politique soutient. Le Gouvernement a mis en œuvre plusieurs dispositifs dont la plupart ont recueilli l’approbation d’une large majorité des membres du RDSE. Je pense en particulier à la loi relative à la sécurisation de l’emploi, au CICE, ou encore au pacte de responsabilité et de solidarité.
Certes, les résultats ne sont pas encore très probants, mais, pour prendre l’exemple du CICE, nous avons eu, il y a quelques semaines, au Sénat, un débat démontrant que ce dispositif, malgré quelques imperfections, avait été finalement bien accueilli par les entreprises. Peut-être faudra-t-il cependant réfléchir, monsieur le secrétaire d'État, à la façon d’orienter encore davantage ce crédit d’impôt vers l’investissement, puisque c’est, je le rappelle, son objectif premier.
Dans ce contexte, la poursuite des réformes est, bien sûr, plus que jamais nécessaire, mais celles-ci doivent être conduites au regard de l’impératif de redressement des comptes publics. Il ne peut y avoir, en effet, de débat sur ce point, sauf à faire preuve d’un manque évident de sens des responsabilités.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, il existe désormais un consensus pour considérer la dette publique comme un handicap majeur à une reprise économique significative et surtout durable.
Le projet de loi de finances pour 2015 s’attache à répondre à la nécessité de préserver notre modèle social, tout en soutenant notre appareil productif.
Nous connaissons, mes chers collègues, les grands équilibres retenus : sur les 50 milliards d’euros d’économies prévues à l’horizon 2017, ce sont 21 milliards d’euros d’économies qui seront réalisées en 2015 par l’État et ses agences, par les collectivités locales, mais aussi par les administrations et la sécurité sociale. Cet effort très important permettra de ramener le solde effectif pour 2015 à moins de 4, 3 % du PIB, et le solde structurel à 2, 2 % du PIB.
Bien sûr, comme nous l’avons déjà constaté dans le cadre du débat sur la programmation des finances publiques, cet effort est inférieur à l’ajustement structurel prévu de 0, 8 % dans le programme de stabilité d’avril 2014. Nous avons aussi fait le deuil d’un déficit ramené à 3 % du PIB en 2015.
Pour autant, les contraintes de la procédure instituée par le Two Pack n’ont pas drastiquement remis en cause le projet de loi de finances pour 2015, et je crois sincèrement, monsieur le secrétaire d'État, que vous avez donné les gages nécessaires à la Commission européenne. L’engagement d’une économie supplémentaire de 3, 6 milliards d’euros en fait d'ailleurs partie.
Naturellement, d’aucuns trouvent que ce n’est pas suffisant. Certains, notamment dans l’opposition, annoncent un plan de 120 milliards d’euros d’économies. Mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait plus tôt ? La réalité d’hier, c’est un déficit public de 148 milliards d’euros en 2010 ; celle d’aujourd’hui, c’est un déficit réduit de moitié !
On peut donc le reconnaître, monsieur le secrétaire d’État, la trajectoire des finances publiques va dans le bon sens. Notre commission des finances souhaite aller encore plus loin dans la réduction des dépenses. Cependant, soyons honnêtes, une trop grande brutalité dans l’effort risquerait de fragiliser les leviers nécessaires à la reprise, leviers dont l’action est soutenue dans le présent projet de loi de finances. Il faut donc tenir le manche avec sang-froid, doigté et savoir-faire : nous vous faisons confiance, monsieur le secrétaire d'État.
Les articles consacrés au plan de relance du logement sont également bienvenus. Le dispositif sur l’investissement locatif sur le marché du neuf, l’allégement de la fiscalité applicable aux plus-values de cessions des terrains à bâtir ou encore la mesure d’exonération des donations sur les terrains à bâtir : tout cela devrait soutenir le secteur de la construction, un secteur riche en emplois et donc fondamental pour la croissance. Avec les membres de mon groupe, nous avons déposé quelques amendements à ce sujet pour aller encore plus loin et soutenir plus fortement encore ce secteur clé sur le chemin de la croissance.
À cet égard, je voudrais toutefois émettre un bémol. On ne peut pas, d’un côté, afficher un plan de relance de la construction ambitieux et, de l’autre, faire reposer une grande partie de l’effort de réduction des dépenses publiques sur les collectivités locales, qui sont un vecteur majeur du soutien du secteur du bâtiment et des travaux publics.
Nous avons longuement débattu en commission du sort réservé aux collectivités locales, et nous en débattrons encore. Nous sommes nombreux à penser qu’il convient de desserrer l’étau. Le RDSE sera en tout cas très vigilant sur cette question. Nous défendrons des amendements adoucissant l’effort de 3, 7 milliards d’euros demandé aux collectivités locales.
Nous ferons également des propositions pour soulager les chambres de commerce et d’industrie et les chambres d’agriculture, qui sont ponctionnées très durement, au risque de vider les deux réseaux de leurs emplois et ainsi d’affaiblir leur soutien, pourtant indispensable, à l’économie.
Voilà, mes chers collègues, les quelques observations que je souhaitais formuler à ce stade de nos débats. Mon collègue et ami Jean-Claude Requier aura l’occasion, dans la suite de la discussion générale, de poursuivre mon propos, au nom du RDSE.
Nous nous tenons prêts à aborder la longue discussion des articles et des amendements de la première partie qui se profile et au terme de laquelle, comme toujours, le RDSE prendra toutes ses responsabilités.
M. Daniel Raoul applaudit.
J’informe nos collègues de la commission des finances que nous nous réunirons à quatorze heures quarante-cinq pour étudier la motion, qui vient d’être déposée, tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances pour 2015.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
Nous les reprendrons à quinze heures pour des questions cribles sur le thème : « Quel financement pour les transports collectifs en France ? »
Je rappelle que cette séance de questions cribles thématiques sera diffusée sur France 3 et sur Public Sénat.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.