J’en veux pour preuve la traduction qu’en a faite le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, synthétisant la communication gouvernementale : il n’y aura pas de nouvelle augmentation d’impôts en 2015, mais tout est encore possible jusqu’au 31 décembre 2014 ! Nous le verrons, notamment avec le projet de loi de finances rectificative…
Comment voulez-vous que nos compatriotes, échaudés par les promesses non tenues, croient à toutes ces annonces ? Combien de fois avons-nous entendu dire que « neuf Français sur dix seraient épargnés par les hausses d’impôts », que « les impôts n’augmenteraient plus » ou qu’« ils baisseraient à partir de cette année », engagements chaque fois contredits et reportés ?
Sans même rappeler les effets des augmentations de fiscalité intervenues auparavant, le projet de loi de finances prévoit bien une hausse de la taxation du gazole, une hausse de diverses taxes pour financer l’aide juridictionnelle et une hausse de la contribution à l’audiovisuel public. Le projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoit, pour sa part, un florilège de petites augmentations pour financer en particulier les 3, 6 milliards d’euros supplémentaires évoqués par M. le secrétaire d’État : possibilité de surtaxer les résidences secondaires, relèvement de la taxe de séjour et de la taxe d’aéroport, nouvelles taxes spécifiques à l’Île-de-France, hausses d’impôts pour les banques et les assurances, non-déductibilité d’un certain nombre de contributions. Voilà qui vient écorner les engagements de stabilité fiscale pris dans le cadre des assises de la fiscalité !
Il convient d’ajouter à cela la baisse des dotations aux collectivités territoriales – nous en parlerons très largement tout au long du débat – dont le Gouvernement lui-même prévoit qu’elle entraînera mécaniquement une hausse de la fiscalité locale. Entre la diminution des dotations et l’accroissement des marges de manœuvre de la fiscalité locale, on fera peser sur les collectivités territoriales l’impopularité de hausses d’impôts qu’elles seront contraintes de mettre en œuvre.
Ces revirements incessants et cette absence de cap ont malheureusement un effet tout à fait dépressif sur le moral des ménages et sur celui des entreprises. J’en veux pour preuve le taux d’épargne des Français, qui a encore augmenté et est passé de 15, 1 % en 2013 à 15, 9 % en 2014, ce qui trahit un manque de confiance, voire une défiance de leur part à l’égard des politiques fiscales, qui pèse sur l’emploi et la croissance.
C’est d’autant plus le cas que les Français ont une conscience aigüe de la dette qui pèse sur leurs épaules et sur celles de leurs enfants. Ce ne sont pas simplement les 2 000 milliards d’euros de dette que nous atteignons, ce sont les 188 milliards d’euros que la France va devoir solliciter sur les marchés.
Dans ce contexte, comment repousser encore l’ajustement budgétaire ? Comment faire en sorte que nos concitoyens consomment et n’augmentent pas encore leur épargne pour faire face aux dépenses qu’ils devront assumer demain ? N’est-il pas temps de mettre en œuvre une politique qui nous permette de ne pas reporter indéfiniment nos dettes en nous appuyant sur la faiblesse historique des taux d’intérêt ?
J’en viens maintenant aux économies. C’est un fait – reconnaissons-le –, la dépense de l’État est, en apparence, assez bien maîtrisée. Mais à quel prix ? Au prix, sans doute, de petits arrangements avec les normes – comme on pourra le constater lors de l’examen d’un certain nombre de budgets manifestement peu sincères – ou au prix d’une mise en tension croissante d’un certain nombre de gestionnaires publics dont on prélève les fonds de roulement.
Le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons dans quelques semaines montre, lui aussi, des dérapages sur les dépenses les plus dynamiques. Nous savons qu’un certain nombre de programmes sont insuffisamment dotés et qu’ils ne font l’objet d’aucune réforme d’ampleur. Il s’agit des dépenses de rémunération et de « guichet » qui représentent près d’un milliard d’euros d’ouvertures de crédits.
Au lieu de mettre en œuvre des réformes structurelles permettant de maîtriser la dérive continuelle des coûts d’intervention et de réduire les effectifs de la fonction publique, l’État réalise la plupart de ses économies en réduisant les moyens des administrations publiques, réductions justifiées par un habillage conceptuel : on parle d’« optimisation », de « mutualisation », de « gains de productivité ».
En réalité, vous avez décalé les dates d’indexation de certaines prestations, de façon à gagner quelques moyens, et effectué des prélèvements sur les fonds de roulement d’organismes chargés de missions de service public. Mais ces opérations – nous le savons tous – ne peuvent se produire qu’une fois, ce sont des fusils à un coup.
Pour le reste, vous avez désindexé, de manière timide, certaines prestations, mais sans agir sur les autres déterminants de la dépense, qu’il s’agisse de leurs montants ou, pour les prestations sociales, des critères d’attribution.
La méthode du Gouvernement consiste en de nombreuses mesures disséminées, qui sont d’ailleurs, pour certaines d’entre elles, d’ampleur très limitée, mais sans abandon ni remise en question des missions de l’État. Le Gouvernement ne veut pas donner l’impression qu’il pratique l’austérité. Mais comment communiquer sur un budget qui, en définitive, ne permet aucune décision ou presque et qui ne vise qu’à habiller une pénurie de moyens ?
Je ne nie pas, monsieur le secrétaire d’État, les efforts accomplis en matière de modernisation de l’administration et, en particulier, les avancées en matière de simplification, mais je doute que cela permette de documenter des économies de l’ampleur de celles que vous annoncez.
Du reste, quelques indices semblent le montrer. Je pense notamment – et nous avons eu l’occasion de nous en expliquer – à la réserve de précaution, au taux de mise en réserve des crédits, qui s’établit à 8 % dans le projet de loi de finances pour 2015. Elle pourrait encore augmenter l’année prochaine, si j’en juge par le souhait du Gouvernement de ne pas plafonner ou de ne pas encadrer le taux de mise en réserve, comme l’avait proposé le Sénat dans la loi de programmation. Nous avions en effet proposé une sorte de tunnel qui permettait d’encadrer à la hausse le taux de mise en réserve.
Je constate également la difficulté de boucler les fins de gestion ainsi que l’accroissement du volume des charges reporté sur l’exercice suivant.
Dans une large mesure, les budgets que vous n’avez pas pris en budgétisation sont reportés en exécution. Il revient alors aux gestionnaires de chaque ministère, y compris sur le terrain, de résoudre les contradictions du politique.
Enfin, il faut souligner – c’est sans doute ce qui nous distingue le plus – la faible documentation des réformes structurelles. Il n’y a pas de réformes structurelles.