Quelles que soient les évolutions de notre calendrier et de nos procédures budgétaires, le projet de loi de finances de l’année est le moment où toutes les discussions que nous avons eues précédemment, toutes les trajectoires exprimées en termes structurels et toutes les mesures calculées en points de produit intérieur brut, voire de produit intérieur brut potentiel, deviennent concrètes.
C’est le moment démocratique où le Parlement consent à l’impôt, vote des mesures fiscales et alloue les crédits aux administrations. Plus la gouvernance budgétaire de la zone euro sera intégrée et plus ce moment démocratique sera essentiel.
Le projet de loi de finances de l’année fait d’ailleurs le lien entre les engagements pris au niveau européen et leur déclinaison dans les lois financières annuelles. C’est le sens de l’article liminaire que nous votons depuis l’année dernière.
Que traduit cette année l’article liminaire ? En ramenant le déficit des administrations publiques de 4, 4 % du PIB en 2014 à 4, 3 % en 2015, il illustre le choix du Gouvernement d’adapter le rythme d’évolution des déficits à la conjoncture, car la politique économique dans toutes ses dimensions, y compris celle des finances publiques, ne doit avoir qu’un seul objectif : l’amélioration durable des conditions de vie de nos concitoyens par la création de richesse et la réduction du chômage.
La politique économique du Gouvernement est d’ailleurs tout entière tournée vers l’encouragement à la création d’emploi et la lutte contre le chômage. Le point commun de l’ensemble des dispositifs destinés à donner de l’oxygène aux entreprises, c’est qu’ils tendent à baisser le coût du travail et incitent à embaucher.
C’est le cas du CICE, des allègements de charges du pacte de responsabilité et de solidarité, de la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S. Toutes ces mesures contribuent à soutenir la création d’emplois marchands.
L’action du Gouvernement porte aussi sur ceux qui ont du mal à s’insérer dans le marché du travail ou qui risquent de s’en éloigner durablement. C’est le sens des moyens déployés en faveur des contrats aidés dans le secteur marchand et non marchand, des contrats d’avenir ou encore de la « garantie jeunes », et de l’aide incitative aux entreprises qui embauchent un apprenti. C’est aussi le sens du service civique, qui va prendre de l’ampleur. C’est enfin le sens de la réforme annoncée de la prime pour l’emploi.
Pour créer des emplois et soutenir le pouvoir d’achat, nous avons besoin de croissance et donc d’une politique de finances publiques compatible avec le redémarrage de cette dernière.
Depuis mai 2012, le Président de la République et les gouvernements successifs défendent auprès de nos partenaires européens l’idée d’une relance de la demande et de l’investissement en Europe. La semaine dernière, le G20 de Brisbane a fait de la croissance sa première priorité. En Europe, chacun y va de son idée pour donner du contenu à la proposition du président de la Commission européenne de « susciter » 300 milliards d’euros d’investissements, publics ou privés.
Les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas. C’est le moment d’en profiter pour lancer les investissements qui amélioreront notre croissance future.
La relance de l’investissement est un projet politique fort pour l’Europe et il faudra faire attention à ne pas s’arrêter aux effets d’annonce.
Je me reconnais pleinement dans l’analyse qu’a développée hier, à cette tribune, le ministre des finances lors du débat sur la relance économique de la zone euro.
Néanmoins, je m’inquiète des échos qui nous parviennent selon lesquels les 300 milliards d’euros pourraient n’être que 30 milliards d’euros de crédits européens redéployés, dont on escompterait un effet de levier de 1 à 10. Par conséquent, je soutiens l’action du Gouvernement pour que ce projet n’accouche pas d’une souris.
En tout état de cause, en France, le Gouvernement et ceux qui le soutiennent au Parlement élaborent les outils qui soutiendront la relance de l’investissement.
Je prendrai deux exemples. Le Commissariat général à l’investissement est désormais chargé d’évaluer l’efficacité socioéconomique des grands projets d’investissement pour que nous soyons sélectifs et efficaces. Comme on peut craindre que les banques ne prennent de moins en moins de risques du fait des règles prudentielles qui leur sont imposées, la puissance publique doit jouer son rôle de soutien aux initiatives privées : c’est le sens de l’action de la Banque publique d’investissement.
C’est donc ainsi que je lis la stratégie budgétaire du Gouvernement telle qu’elle résulte de la loi de programmation que nous avons examinée le 6 novembre dernier et telle qu’elle est déclinée dans ce projet de loi de finances : préservation de la croissance et articulation de la politique de finances publiques avec l’ensemble de notre politique économique ; maîtrise du déficit effectif ; poursuite de la réduction de notre déficit structurel, en particulier en tenant le cap de la réduction des dépenses publiques.
Ce cap est tenu dans le projet de loi de finances.
Les dépenses des ministères, c’est-à-dire le budget général hors dette et pensions, passent de 204, 2 milliards d’euros à 203, 5 milliards d’euros, soit une baisse en valeur. Le nouveau budget triennal prévoit que ce montant s’établira à 202, 7 milliards d’euros en 2017. Malgré la dynamique des dépenses de l’État, l’objectif est de compenser par des économies le coût de l’évolution spontanée des dépenses.
Il en va de même pour les effectifs : les créations de postes dans les domaines prioritaires que sont l’école, la police et la justice sont gagées par des suppressions dans les autres secteurs.
En tenant compte de l’ensemble des dépenses – celles du budget général, y compris les pensions et la charge de la dette, et les prélèvements sur recettes –, la prévision pour 2015 s’établit à 367, 9 milliards d’euros. C’est moins que la prévision d’exécution 2014, moins que la prévision initiale pour 2014, moins que l’exécution 2013. Quel que soit le point de référence, le constat est le même : les dépenses de l’État stricto sensu baissent.
Sur la période couverte par la loi de programmation, les dépenses de l’État et de ses opérateurs continueront de progresser, mais à un rythme inférieur à celui des autres catégories d’administrations publiques.
L’État prend donc toute sa part de l’effort collectif et le choix de répartir le quantum d’économies demandées à chaque catégorie d’administration publique en fonction de la part de chacune – État, sécurité sociale et collectivités locales – dans l’ensemble des dépenses publiques me paraît équitable. Je n’en dis pas plus pour ne pas préempter la discussion de l’article 9 sur les finances locales, qui nous occupera sans doute longuement.
Si les dépenses de l’État baissent, qu’en est-il de l’effet des mesures nouvelles portant sur les prélèvements obligatoires, c’est-à-dire des mesures votées par le Parlement ?
L’impact combiné des mesures de ce projet de loi de finances, c’est une baisse des prélèvements obligatoires de 2, 3 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter l’effet de l’entrée en vigueur de mesures votées précédemment.
Les deux mesures qui auront le plus fort impact en 2015 illustrent la politique du Gouvernement consistant à combiner redistribution des revenus et compétitivité des entreprises : la baisse de l’impôt sur le revenu en faveur des personnes à revenus modestes et moyens pour 3, 2 milliards d’euros et la montée en puissance du CICE pour 3, 5 milliards d’euros supplémentaires par rapport à son coût de 2014.
Je veux souligner la portée de la mesure proposée en faveur des ménages : 6, 1 millions de foyers fiscaux en bénéficieront et 1 million de foyers fiscaux deviendront non imposés à l’impôt sur le revenu en 2015.
Je voudrais poursuivre en contestant l’idée selon laquelle il ne serait pas possible de changer les choses en période de consolidation des comptes publics. Au contraire, ce projet de loi de finances – c’est ce que je retiens de l’examen des différentes missions par notre commission – montre que le Gouvernement agit et réforme.
S’agissant des entreprises et de la compétitivité, j’ai évoqué le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité. Nous les compléterons par des mesures renforçant l’attractivité de notre territoire pour les investisseurs internationaux, notamment, si j’ai bien entendu les ministres de l’économie et des affaires étrangères, par une charte de non-rétroactivité fiscale.
Lorsque l’on évoque la compétitivité, il faut ajouter aux aides aux entreprises les efforts en faveur de la recherche et des opérateurs de l’État dans ce domaine.
Il faut également évoquer le vaste chantier de simplification et de dématérialisation des procédures, qui profite aux usagers, mais aussi au contribuable. Par exemple, la dématérialisation de l’envoi de millions d’actes courants et standardisés de l’administration fiscale fera économiser 200 millions d’euros.
Il faut insister sur l’importance de l’action du Gouvernement dans le domaine de la simplification, car, derrière la multiplicité des mesures prises et leur caractère en apparence technique, c’est à une véritable et profonde transformation de notre paysage administratif – nous devons nous-mêmes l’intégrer pour l’expliquer davantage ! – et de l’environnement des entreprises que l’on assiste.
Le secteur du logement est une priorité absolue : le Gouvernement en tire les conséquences et propose, au travers d’un nombre important d’articles de ce projet de loi de finances, …