Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’instar de M. Gattolin, j’estime que le projet de loi de finances pour 2015 ne traduit qu’une préoccupation : la baisse de la dépense publique.
Examiné à mi-chemin de la législature entamée en juin 2012, il paraît, de fait, se situer au milieu du gué, traduisant, pour l’essentiel de ses dispositions, une continuité avec les principaux textes précédemment discutés et promulgués, dont il tire les conséquences. Ainsi tend-il, dans un contexte relativement contraint, à repousser à une date ultérieure les mutations les plus significatives de notre système fiscal et des politiques publiques.
Plus encore que le projet de loi de programmation des finances publiques, dont nous avons débattu voilà peu, ce projet de loi de finances pour 2015 se situe dans le droit fil des engagements de notre pays au titre du traité budgétaire européen. Ces engagements, la France comme par la majorité des pays de la zone euro ont d’ailleurs eu quelque mal à les respecter, ce qui n’est pas vraiment pour nous surprendre. Bruxelles va donc demander à la France de faire davantage d’économies, allant encore au-delà des 50 milliards d’euros promis d’ici à 2017, ce qui revient à exiger toujours plus d’efforts à la population de notre pays.
Au vu des pouvoirs accrus de la Commission européenne, monsieur le secrétaire d’État, nous attendons, sur ce sujet, une réponse de la part du Gouvernement.
C’est que, à force de vouloir complaire à la Chancelière allemande et aux électeurs conservateurs et démocrates-chrétiens de son pays, lesquels redoutent l’inflation, les politiques économiques de l’ensemble des pays de la zone euro se retrouvent toutes fondées sur la même logique stupide d’austérité, de réduction des dépenses publiques, de défense coûte que coûte de la parité de l’euro vis-à-vis des autres devises. Comment, alors, s’étonner qu’elles conduisent partout au même résultat ?
Le projet de loi de finances pour 2015 fait ainsi apparaître un déficit de 75 milliards d’euros, ou peu s’en faut… Laissons d’emblée de côté les discussions avec l’équipe de M. Juncker sur le niveau de ce déficit : l’écart ne serait que de quelques milliards d’euros, des sommes peut-être utilement placées par Axa et le Crédit Lyonnais, entre autres, dans un établissement bancaire luxembourgeois ! Quoi qu'il en soit, ce qu’il faut retenir, c’est que nous continuons, année après année, de « soutenir » nos entreprises à coups de dizaines de milliards d’euros.
Qu’on y songe ! Le total des exonérations de cotisations sociales, générales ou ciblées, atteint près de 34 milliards d’euros, dont un peu plus de 3 milliards ne sont d’ailleurs pas compensés à la sécurité sociale !
Par ailleurs, 10 milliards d’euros sont attendus cette année au titre du CICE, qui n’a sans doute pas fini de nous étonner, vu qu’on en est encore à la période de montée en charge du dispositif.
Rappelons au passage que le budget pour 2015 prévoit près de 72 milliards d’euros de dépenses fiscales – à peu près le produit de l’impôt sur le revenu –, dont près de 19 milliards d’euros pour les dispositions communes à l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu, près de 18 milliards d’euros d’allégement de la TVA, près de 3 milliards d’euros de moins sur l’impôt sur les sociétés hors CICE, près de 4 milliards d’euros au titre des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques. À ces montants concernant des mesures destinées uniquement aux entreprises, s’ajoute une somme supérieure à 1, 1 milliard d’euros au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune.
Je ne reviens pas ici sur les effets de la disparition de la taxe professionnelle et de son remplacement par la cotisation foncière des entreprises, celle-ci procurant désormais le plus souvent aux collectivités une recette inférieure à celle que leur offraient la taxe d’habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties !
Et comment pourrions-nous oublier qu’un certain nombre de pertes de recettes procèdent de ce que l’on appelle les modalités particulières de calcul de l’impôt ? Derrière ce concept, parfaitement technocratique, se cachent effectivement des réductions considérables de recettes pour l’État.
L’abattement sur les dividendes ? Ce sont 1, 8 milliard d’euros perdus pour l’État et la collectivité ! La taxation à taux zéro des plus-values de cession de titres de participation ? Voilà 4, 33 milliards d’euros envolés ! Le régime des sociétés mères et filiales ? Encore 24 milliards d’euros évaporés en produits de participation ! Et c’est sans compter le régime d’intégration des groupes – 16, 4 milliards d’euros –, le remboursement de la TVA – 48, 5 milliards d’euros –, le remboursement des acomptes d’impôt sur les sociétés et le report en arrière des déficits – 14, 6 milliards d’euros.
Je pourrais continuer cette énumération, mes chers collègues, qui semble interminable tant notre droit fiscal s’est, au fil du temps, truffé de mesures dérogatoires, d’exceptions à la règle commune, de cas particuliers.
Qu’on se le dise, la France est un paradis fiscal pour les entreprises !
Dans le même temps, le fait de voir dans le quotient familial un avantage fiscal inconsidéré ne semble soulever aucune difficulté ! Nous avons découvert cette semaine que les retraités ayant eu l’idée saugrenue de vouloir « réussir » leur vie professionnelle – je pense notamment aux femmes qui ont souhaité concilier vie privée et vie sociale tout au long d’une carrière complète – et percevant 1 456 euros bruts par mois de pension étaient suffisamment « riches » pour s’acquitter de 6, 6 % de CSG !
Oui, le gouvernement Valls n’aime que l’entreprise ! Les preuves d’amour existent, et cette passion semble bien exclusive !