Merci de nous recevoir. La CFTC a déjà eu l'occasion, notamment lors de la grande conférence sociale de juillet dernier, de donner un avis favorable au principe de la réforme territoriale. Notre pays a besoin de clarifier les compétences de ses territoires pour une meilleure administration, lisible par les citoyens et les 1,8 million d'agents territoriaux chargés de la faire fonctionner. Mais à quel prix ? Nous sommes nombreux à ne pas y voir clair, et la présentation en trois tronçons législatifs successifs ne nous aide pas. Mme Lebranchu était favorable à une seule loi.
Le mille-feuille reste peu lisible, et n'a pas profité du choc de simplification - nous saluons à ce propos les récentes déclarations du président du Sénat M. Gérard Larcher en faveur de la clarification des compétences. Le mauvais exemple de la métropole lyonnaise renforce nos craintes : la loi devait préciser le régime des agents, mais à quelques semaines de la mise en oeuvre du nouveau dispositif, les agents du conseil général du Rhône ne savent toujours pas quel sera leur avenir. Alors que ces changements ont des conséquences directes sur la vie familiale, la mobilité fonctionnelle, l'organisation du temps de travail, le droit syndical, les avantages sociaux - parfois durement négociés - M. Gérard Collomb a indiqué qu'il n'avait « pas les moyens de préserver le régime antérieur des agents » - dont le coût a été évalué à 20 millions d'euros pour la métropole.
Les agents territoriaux sont à 75 % des cadres de catégorie C, dont la rémunération est souvent très proche du Smic, les fonctionnaires n'étant pas tous privilégiés. Certains perdront, selon leurs calculs, presque un mois de traitement. Est-ce la réforme que vous nous proposez ? La mise en oeuvre du premier volet de la réforme territoriale tourne au fiasco. Marseille Métropole demain, le Grand Paris et ses sous-territoires après-demain, préparent de nouvelles usines à gaz. Pour les régions, nous craignons le pire.
Nous ne rentrerons pas dans le débat politique entre élus locaux, car c'est votre prérogative. Nous pensons plutôt aux agents publics qui font tourner les services publics. Combien seront concernés à terme par les différents volets de la réforme ? Sans doute des centaines de milliers, dont un quart ou un tiers de contractuels. Or ils n'y sont pas associés ! Et comment pourraient-ils l'être lorsque les informations d'un jour sont démenties le lendemain, que le puzzle est monté, démonté, remonté autrement, et que la complexité des régimes juridiques s'accroît ? Nous applaudissons à la fusion de collectivités pour un meilleur service rendu à la population, mais quid des doublons de postes, quid des cadres dont les fonctions d'encadrement croîtront, quid des agents mis au placard et des risques psycho-sociaux qui vont avec ? La mutualisation des services implique certes la diminution des effectifs, mais selon quel protocole procéder à cette saignée ? Il aurait été préférable de se poser toutes ces questions plus tôt...
Les mobilités peuvent certes être un accélérateur de carrière pour ceux qui sauront saisir les opportunités, mais les agents de catégorie C - largement majoritaires - privilégient leur lieu de vie et leurs choix familiaux : quel accompagnement, quel plan de formation, quelles compensations à la mobilité a-t-on prévu pour eux ? Certains articles du texte seraient de nature à nous rassurer, mais l'expérience en la matière n'incite pas à la confiance... Car non seulement les agents publics sont depuis plusieurs années la première variable d'ajustement - les études montrent que leur pouvoir d'achat est en berne - mais ils vont se voir imposer des changements à l'impact très lourd sur leur carrière et leur vie.
Pour ces raisons, nous appelons les parlementaires à intégrer dans la loi les mesures d'accompagnement social indispensables à la mutation nécessaire de nos territoires, dont les agents publics territoriaux vont être les premiers à subir le choc alors qu'ils devront en même temps en être les moteurs.