Merci de nous recevoir. Nous représentons les agents publics, mais aussi les salariés, partenaires sociaux et assurés sociaux. Tous ont une attente très forte. Les agents estiment majoritairement que l'action publique n'est plus ce qu'elle a été, n'est pas ce qu'elle pourrait être, ni ce qu'elle devrait être. Tous expriment une forte attente de sens et de qualité de service rendu. Ils rejoignent en cela les usagers, citoyens et salariés des entreprises qui comptent, pour le développement économique de leurs territoires, sur une action publique lisible et démocratique. Voilà l'enjeu premier de cette réforme, la condition de la cohésion sociale et du consentement à l'impôt.
Le redécoupage territorial est à notre sens un faux débat, dont l'aspect politique a quelque peu décrédibilisé ceux qui l'ont animé, en faisant passer les intérêts particuliers avant l'intérêt général.
La réforme ne doit pas se faire contre l'État. Nous sommes plutôt dans une dynamique de construction positive, non pas en opposant les pans de l'action publique les uns aux autres, mais en trouvant une cohérence entre eux. Bref, il faut dépasser les logiques de chapelles. Ce qui peut conduire à remettre en question les rôles respectifs des régions et des services de l'État. Prenons le temps de réfléchir à la nouvelle organisation que nous ciblons, et de détailler le processus permettant d'y arriver.
Du reste, la question de la transition entre l'ancienne organisation territoriale et la nouvelle est peu abordée. Or il y a un risque de superposer des complexités, de brouiller le message envoyé à nos concitoyens. Sur tous ces points, écoutons les agents publics, professionnels concernés au premier chef.
La question de l'équilibre des territoires est importante. Mais que prendre en compte ? Le PIB ? L'équité régionale ou infrarégionale ? Se retrouver loin du centre de décision de sa région peut être un problème. Réfléchissons aux inégalités entre territoires urbains et territoires ruraux, et aux outils de péréquation. Rediscutons du sens de l'action publique avec les citoyens. Le débat public a été quelque peu instrumentalisé : qui parle au nom de qui ? Les tentatives de mariage forcé entre territoires ont fait émerger un certain rejet de l'autre. La qualité du débat public comptera dans la réussite de la réforme.
Les métropoles soulèvent un certain nombre de questions. Quel équilibre trouver dans les régions à plusieurs métropoles ? Comment les régions dépourvues de métropole survivront-elles ? Comment les choses se passeront-elles hors des métropoles ? Certaines compétences restent partagées entre les régions et les métropoles : qui décidera ? Comment faire émerger l'intérêt général ? Les choses, en la matière, ne sont pas si claires.
Pacte d'avenir pour la Bretagne, Pacte Lorraine : l'État, les collectivités, les partenaires sociaux ont commencé à travailler ensemble et sont déjà parvenus à prendre des décisions intelligentes et consensuelles. Nous devrons nous en inspirer, et faire en sorte que la réforme ne casse pas cette dynamique.
Les transferts de compétences sont à envisager à un double point de vue : l'efficacité de l'action publique, d'une part ; la mise en oeuvre par les agents, d'autre part. Nous devrons nous donner des moyens financiers et entreprendre le dialogue social indispensable pour réussir la transition. Ces transferts auront aussi un impact sur le secteur privé, sur les conventions collectives des entreprises de transport ou sur la capacité des entreprises à répondre à des marchés publics dont le périmètre se sera agrandi. Anticipons : réalisons des études d'impact, mettons l'accent sur la responsabilité sociale de la commande publique.
L'action sociale des départements est un filet de protection majeur en période de crise : préservons-le. Du reste, séparer totalement l'économique et le social, n'est-ce pas réduire notre capacité à agir ? Attention également aux politiques structurantes pour la cohésion sociale, et qui feront l'objet de schémas prescriptifs : petite enfance, prise en charge du vieillissement... Nous ne pourrons faire l'impasse sur les questions financières et fiscales. Ayons le courage d'une véritable réforme de la fiscalité locale, qui ne se limite pas à du rafistolage.
Les regroupements d'acteurs publics ne conduiront pas mécaniquement à des structures plus efficaces. Regrouper pour faire des économies, peut-être, mais encore faut-il le faire intelligemment. Cela impose d'intégrer tous les partenaires sociaux à la réflexion. C'est pour l'heure une grande faiblesse de la réforme. Son aspect européen ne peut non plus être éludé. Il faudra réorganiser le recours aux fonds européens comme le Feder, et réfléchir globalement au financement de l'économie et du social.
N'oublions pas que chaque territoire est différent, et soumis à des contraintes qui lui sont propres : territoires regroupés, non regroupés, territoires d'outre-mer... Examinons les processus de transfert de compétences en en tenant compte.