La position de la confédération Force ouvrière et de l'ensemble de ses fédérations et unions départementales est la même depuis 2012 : nous sommes catégoriquement opposés à la réforme territoriale et à une logique de République des territoires. Le bloc constitutionnel que forment l'État, les régions, les départements et les communes est progressivement remplacé par une association Europe-régions-intercommunalités-grosses communes. Ni le président de la République, ni un président de conseil régional n'ont, seuls, mandat pour redécouper un territoire. Le référendum local par lequel les Alsaciens ont refusé la fusion de leurs départements en une collectivité unique sera abrogé par la réforme : c'est un scandale du point de vue de la démocratie.
Après dix années de retrait des services publics de proximité et de désertification, cette réforme annonce un abandon encore plus grand des territoires par la puissance publique. Les élus locaux, conseillers généraux, maires et conseillers municipaux sont les derniers représentants de la puissance publique à proximité du citoyen. Refuser de passer d'un élu pour 104 habitants à un élu pour 2 000 habitants est d'autant plus important que nous n'avons plus de services publics de proximité. Faire des intercommunalités à plus de 20 000 habitants aggraverait le phénomène et ouvrirait la porte à tous les poujadismes, à tous les extrémismes et à tous les communautarismes.
Nous sommes attachés au maintien de régions à taille humaine et anti-communautaristes. La procédure retenue ne nous convient guère, mais l'attribution aux régions de capacité d'adaptation réglementaire nous inquiète davantage encore : il est hors de question de se réveiller demain ou après-demain avec un Smic alsacien et un autre breton. Ce serait l'anéantissement de l'égalité de droit républicaine. Or c'est bien ce vers quoi nous allons : les élus favorables à la collectivité alsacienne unique arguaient de l'absence de salaire minimum en Suisse et en Allemagne et du besoin d'accroître la compétitivité de leur - admirable possessif - territoire !
Au vu de tous les textes de transfert de missions de l'État vers les collectivités, votés ou en préparation - formation professionnelle, santé, transition énergétique -, nous serons très attentifs à ce que le mandat des conseils départementaux pour 2015-2020 ne soit pas celui de la disparition totale des missions départementales. La réforme de l'administration territoriale de l'État (Réate) a transformé le préfet de département en sous-préfet de région, au point que d'aucuns se demandent s'il existe encore un représentant de l'État au niveau départemental. Constitutionnellement, la suppression des conseils départementaux entraînerait celle des départements. Plus de préfets, plus de conseils généraux : la disparition institutionnelle serait scellée.
Nous revendiquons avec fierté le principe d'un élu pour 104 habitants. Dans certains départements, il faudrait regrouper plus de 200 communes pour parvenir à 20 000 habitants, chèvres et vaches comprises. C'est une aberration totale !
Le personnel des collectivités n'aura jamais connu un tel mouvement de mobilité forcée, géographique ou fonctionnelle. En 2005, nous avons négocié un cadre national pour le transfert des agents de l'État aux conseils régionaux ou généraux. Les mobilités à venir sont incertaines au niveau local et dépourvues d'encadrement au niveau national. Les conférences territoriales de l'action publique pourront de surcroît faire évoluer les missions des collectivités tous les trois ou six ans... Ce mouvement brownien de l'ensemble du personnel privera celui-ci de toute garantie de respect de ses droits fondamentaux. Cette évolution, je doute que le Parlement l'accepterait pour le secteur privé. Et pour cause : elle est inadmissible.
Si cet abandon devait malgré tout être validé, le minimum serait qu'un cadre national protège tous les agents publics - contractuels ou agents sous statut pour ceux qui ont la chance d'en avoir un - des mobilités géographiques non consenties, comme de toute dégradation de son contrat ou de son statut. Mon organisation m'a donné à l'unanimité mandat pour employer des mots forts : cette réforme est antirépublicaine.