Intervention de Jacqueline Donnedu

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 novembre 2014 : 2ème réunion
Nouvelle organisation territoriale de la république — Audition de confédérations syndicales

Jacqueline Donnedu, membre du Conseil économique, social et environnemental :

représentante de la CGT, membre du Conseil économique, social et environnemental. - Merci de nous recevoir. La CGT a déjà exprimé au niveau confédéral son désaccord avec les finalités de cette réforme, qui reprend le sens et les contenus d'un certain nombre de réformes successives. Nous pourrons vous faire parvenir nos propositions en matière sociale, économique, environnementale et démocratique : elles répondent aux défis d'aujourd'hui et de demain.

La restructuration de la puissance publique s'accélère, entraînant un bouleversement du vivre-ensemble et du faire-société. Le présent texte prolonge une logique d'organisation du territoire autour de quelques grands pôles d'excellence et du couple métropole-région - où doivent se concentrer les activités économiques et la production de richesses - au service d'une finalité supposée universelle quoique mal définie : la compétitivité. Pôles de compétitivité, autonomie des universités, loi hôpital patients santé territoires - bientôt prolongée par une autre -, création des métropoles, transition énergétique - qui se résume à ouvrir la maîtrise de la production d'énergie au secteur marchand... Le big bang institutionnel se profile, avec la création des métropoles, le redécoupage des régions, la remise en cause des conseils généraux, le renforcement des intercommunalités, la redéfinition des missions et des prérogatives respectives de l'État et des collectivités territoriales, la réorganisation des administrations centrales et des services déconcentrés... Tout cela participe d'une vision élitiste de l'organisation territoriale qui attise des volontés régionalistes et remet en cause l'unité républicaine, l'égalité territoriale et la cohésion sociale.

Les réformes devraient avoir pour objectif de corriger les inégalités sociales et territoriales, de renforcer les services publics, de promouvoir un aménagement équilibré des territoires, le progrès social et le développement économique. Au lieu de cela, ses résultats sont la paupérisation, la précarisation du salariat, l'explosion du chômage, l'intensification de la pauvreté, le rétrécissement des services publics, le recul du potentiel industriel, le renforcement des inégalités et la mise en concurrence des territoires et des femmes et des hommes qui y vivent et y travaillent.

Simultanément, la réforme de l'État remet en cause les fonctions de régulation économique et de redistribution sociale du service public. L'État s'est désengagé de bon nombre de ses prérogatives, a abandonné ses leviers d'intervention économique et n'a plus, faute de personnel en nombre suffisant, les moyens d'assumer certaines de ses missions, en particulier de contrôle. Nous avons moins d'État, et l'État s'est placé au service des intérêts financiers en établissant un environnement législatif, réglementaire, fiscal et social propice à l'essor marchand et à la financiarisation de l'économie. Les exonérations sociales et fiscales, les mesures de simplification, les milliards d'euros d'aides nouvelles accordées aux entreprises au moyen du pacte de responsabilité - que le gouvernement finance par une amputation équivalente des dépenses publiques - en sont quelques illustrations.

La réforme est préparée dans une opacité bien peu démocratique. Les consultations engagées par le Gouvernement depuis le début de l'automne ne sont pas à la hauteur des enjeux. Vous-mêmes, vous auriez pu solliciter l'avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui aurait pu s'appuyer, pour émettre des préconisations qui fassent consensus, sur les débats des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser). Enfin, la reconquête de la confiance de nos concitoyens ne peut faire abstraction d'une consultation des organisations syndicales.

Ce projet de loi ne renforce pas la démocratie sociale dans les territoires. Les conseils de développement sont insuffisants et leur composition doit être revue. Qu'est-il prévu pour l'avenir des Ceser ? Certes, des réformes sont souhaitables. Mais lesquelles ? Quels seront les leviers de l'État pour conduire une véritable politique industrielle, ou une véritable politique écologique des transports ? C'est pourtant l'État qui est censé fixer les objectifs stratégiques déclinés par les collectivités territoriales. Il ne suffit pas de distribuer des aides financières aux entreprises... La CGT réclame d'ailleurs une évaluation et un contrôle systématiques de toute aide publique versée à une entreprise.

Les décisions prises actuellement auront des conséquences négatives sur la qualité du service public, sur l'investissement public et donc, sur l'économie et l'emploi. Les réformes engagées ont pour vocation d'inscrire les territoires dans la compétition économique mondiale pour appliquer le dogme de la baisse du coût du travail sans s'attaquer à celui du capital. Elles auront pour conséquence une baisse inédite des dépenses sociales et publiques et l'ouverture au secteur marchand de nouveaux espaces. Pourtant, c'est l'intérêt général qui devrait être la clé de voûte de la refonte de l'action publique. Celui-ci réclame une vigoureuse réindustrialisation, porteuse d'une nouvelle croissance assise sur le travail, la consolidation et le renforcement des services publics, un aménagement équilibré et solidaire des territoires, la mise en place d'une démocratie sociale effective et une réforme fiscale incluant la fiscalité locale.

La réorganisation territoriale doit répondre de manière durable aux besoins sociaux, économiques et environnementaux. Pour cela, il faut mettre l'accent sur la coopération et la mutualisation au lieu d'inciter à la mise en concurrence qui aboutira à la balkanisation des territoires, entre espaces urbains drainant les richesses et les financements publics et espaces ruraux voués à la désertification. Une telle politique requiert un État stratège garant de l'intérêt général et de l'effectivité des droits fondamentaux.

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