Il serait intéressant de faire la liste des missions effectivement transférées par l'État aux régions depuis l'acte II de la décentralisation en 2004. Ces transferts interviennent parfois discrètement, de manière perlée, par des amendements ou des cavaliers législatifs qui ne donnent lieu à aucune concertation, à la faveur de lois thématiques. C'est ainsi que la territorialisation de certaines politiques publiques - l'école, l'énergie, la santé - progresse sans le moindre débat. Le projet de loi dont nous discutons crée un droit d'adaptation normatif ou réglementaire pour les treize régions, dont les exécutifs pourront adapter les règles nationales « à leur territoire ». Souhaitons-nous que treize barons puissent adapter à leur guise, sur « leur territoire », les règles de la République ? Nous sommes viscéralement attachés à l'égalité des droits, tout particulièrement en matière sociale. Nous ne sommes pas jacobins, mais Républicains, oui ! Nous défendons une décentralisation obligatoire : un conseil général ne doit pas « pouvoir décider » de gérer le RSA, ou les routes, selon sa fantaisie. L'État peut décentraliser certaines missions, à condition qu'il s'assure qu'aucune adaptation ou privatisation n'est possible. Nous sommes totalement opposés à une décentralisation de la politique de l'emploi.
Nous avons abordé la réforme du RSA avec le Gouvernement pour la première fois en février dernier lors des assises de la fiscalité. Nous sommes tous d'accord avec les conclusions du rapport Lefebvre : une fusion entre le RSA et la PPE est de fait impossible, car elle susciterait des difficultés sans nombre. Pourtant, on nous a annoncé cette semaine que la décision était prise ! On fusionne d'abord (au mépris du consensus dégagé) et on avise ensuite... Cette décision est à l'image de cette réforme territoriale. À quoi sert la concertation ?
De 2005 à 2008, l'État a garanti un cadre national. Nous ne remettons pas en question la libre administration des collectivités territoriales, mais souhaitons que l'État fournisse un cadre national à la fonction publique territoriale, dont nous défendons la spécificité et où nous souhaitons voir se multiplier les titularisations. Toute mobilité doit respecter le statut. Nous risquons d'avoir treize APA différentes dans treize zones régionales, gérées tantôt par les intercommunalités, tantôt par les métropoles, tantôt par les conseils généraux. Il ne s'agit plus d'une réforme territoriale mais d'une déformation de l'État, qui met en péril l'égalité.