Monsieur le secrétaire d'État, je partage l’opinion que vous avez exprimée tout à l'heure : il faut distinguer de manière beaucoup plus précise dépenses fiscales et niches fiscales.
L’impôt sur les sociétés est un impôt très largement corrigé par de multiples dispositifs, tous plus coûteux les uns que les autres et grâce auxquels certaines entreprises paient un montant particulièrement faible d’impôt au regard de leur chiffre d’affaires et de leur résultat net.
En 2015, l’impôt sur les sociétés devrait dégager – cela a été rappelé hier soir – une recette nette de 33, 1 milliards d'euros, largement entamée par le crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE. Le fascicule bleu « Évaluation des voies et moyens » nous indique que le régime d’intégration des groupes et le régime des sociétés mère-fille constituent des modalités particulières de calcul de l’impôt, qui ont coûté 42, 4 milliards d'euros de recettes fiscales en 2013.
La question du taux facial de l’impôt sur les sociétés, agitée comme un épouvantail, est une fausse question, me semble-t-il. Un impôt qui perd plus de 100 milliards d'euros de rendement et ne rapporte que 33 milliards d'euros, ce n’est plus l’impôt de départ.
Les deux mesures que nous proposons sont donc fort simples : relèvement du seuil d’intégration des entreprises dans le périmètre fiscal des groupes, d’un côté, et relèvement du seuil de non-déductibilité des intérêts et des charges financières, de l’autre.
Les rapports léonins qui peuvent exister entre des entreprises différentes et qui passent aussi, parfois, par le crédit interentreprises ont des effets que nous ne pouvons méconnaître. Les commissions d’enquête menées sur notre initiative sur l’évasion et la fraude fiscale ont notamment mis en exergue à la fois le phénomène des prix de transfert – l’essentiel du commerce international étant plus une somme d’échanges internes aux groupes industriels et commerciaux que des échanges entre pays souverains – et celui du crédit interentreprises.
Dans de nombreux cas, pour des raisons conjuguées liées à la conquête de parts de marché et à l’optimisation fiscale, une entreprise « tête de groupe » préfère percevoir sur une filiale ou un « client » étranger des intérêts financiers qui viennent compenser ses propres charges financières, plutôt que de solliciter le versement de dividendes pour « retour sur investissement ».
Le cas le plus connu, dans ce cadre, est évidemment celui des entreprises achetées au moyen d’un LBO, où les acquéreurs, venus les mains vides ou presque, font peser l’effort financier sur l’entreprise rachetée et se contentent donc de percevoir le remboursement de leurs propres charges financières. Ces procédures sont à l’origine de pertes fiscales importantes pour les comptes publics, sans parler, bien évidemment, des conséquences sur l’emploi, généralement assez meurtrières.
Ces deux propositions avaient fait l’objet d’un large débat en 2011, et je rappellerai que Mme Nicole Bricq, à l’époque rapporteur général de la commission des finances, et un certain nombre de nos collègues s’étaient déclarés en faveur de cette clarification nécessaire de la répartition des charges déductibles du résultat entre l’une ou l’autre des entreprises.