Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 22 novembre 2014 à 10h00
Loi de finances pour 2015 — Articles additionnels après l'article 6 septies, amendement 192

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances :

Je vais y venir, chère collègue.

L’amendement n° I-192 tend à supprimer un certain nombre de réductions : l’exonération Dutreil, les dispositifs ISF-PME. Je précise à cet égard que cela concerne également, et le groupe CRC devrait y être sensible, les exonérations dont peuvent bénéficier les titres coopératifs.

Si l’on veut que les actionnaires minoritaires achèvent de se délocaliser, il faut supprimer le pacte Dutreil ! En effet, il s’agit d’une mesure incitant à rester en France, puisqu’elle est conditionnée à un engagement de conservation.

Nous examinerons tout à l’heure un certain nombre d’amendements relatifs au soutien aux PME. Le diagnostic est connu : les PME sont sous-capitalisées et ont du mal à investir, faute de capitaux propres. Le dispositif ISF-PME, qui permet de déduire de l’ISF le montant des investissements dans les PME, permet d’aider ces dernières. Si ce dispositif a entraîné des abus par le passé, il est aujourd'hui bien encadré.

De même, le dispositif de soutien aux fondations sans but lucratif est lui aussi est bien encadré. Il s’applique aux fondations reconnues d’utilité publique.

Sans être un chaud partisan de l’ISF, je pense que ces différentes niches ou exonérations, qu’il s’agisse du pacte Dutreil ou des déductions pour investissements dans les PME ou pour soutien aux fondations reconnues d’utilité publique, permettent d’en atténuer les effets.

La commission ne peut donc qu’être défavorable à l’amendement n° I-192.

L’amendement n° I-193 vise quant à lui à rétablir l’ancien barème de l’ISF et le taux maximal de 1, 8 %, ce qui alourdirait considérablement l’ISF. Le barème actuel est déjà totalement déconnecté de la réalité et des rendements des différents placements aujourd'hui, qu’il s’agisse du livret A ou de l’OAT à dix ans. Le barème de 1, 5 % est déjà lourd, comparativement à l’IGF de 1982.

L’inflation et les placements n’ont aujourd'hui rien à voir avec ce qu’ils étaient à cette époque. Un taux maximal de 1, 5 % avec une inflation à 15 %, ce n’est pas la même chose qu’un taux de 1, 5 % avec une inflation légèrement supérieure à 1 %. Alourdir l’ISF en portant à 1, 8 % le taux maximal renforcerait le caractère confiscatoire de l’impôt. On ne peut pas alourdir l’impôt de solidarité sur la fortune, dont le rendement a d’ailleurs augmenté – il s’élève à plus de 5 milliards d’euros cette année –, car une telle mesure provoquerait des dommages collatéraux importants.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° I-193.

L’amendement n° I-194 est un texte de poids ! Il vise à revenir sur un principe non pas fondateur, mais qui a toujours été en vigueur, à savoir l’exonération des biens professionnels. Dès l’origine, dès 1982, les biens professionnels ont été exonérés de l’IGF ou de l’ISF, et ce pour des raisons évidentes.

Si tel n’était pas le cas, il faudrait complètement changer de système et mettre en place une autre forme de fiscalité. L’assiette pourrait être extrêmement large, tous les biens sans exception étant taxés, y compris les biens professionnels, mais le barème devrait alors être extrêmement réduit. À défaut, nous provoquerions instantanément la délocalisation des entreprises françaises. Ce serait néfaste pour l’investissement et pour l’attractivité économique de notre pays.

Je pense que l’on ne peut pas revenir sur ce principe fondateur de l’IGF, puis de l’ISF aujourd'hui. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° I-194.

L’amendement n° I-195 rectifié tend à limiter le montant de l’abattement sur la résidence principale. Cet abattement de 30 % a été instauré pour plusieurs raisons.

Il s’agissait tout d’abord de tenir compte de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui admet des abattements compte tenu de la situation réelle des biens.

Un bien occupé en résidence principale n’est pas un bien liquide. Il faut prendre en compte l’occupation, qui justifie un abattement, communément admis en matière de droits d’enregistrement et d’ISF. Un tel bien ne produit pas non plus de revenus, contrairement à un bien locatif classique, qui est normalement loué et suscite un revenu, ce dernier permettant d’ailleurs de payer l’impôt. Par définition, la résidence principale n’est pas, elle, productrice de revenus.

Par ailleurs, les chiffres montrent une augmentation considérable du produit de l’impôt qui est due en partie, s’agissant des résidences principales, à la hausse des prix de l’immobilier.

Sans même évoquer le cas des producteurs de pommes de terre de l’île de Ré, certaines personnes sont aujourd'hui confrontées à une augmentation de la valeur de leur appartement. Or elles n’y sont pour rien. Elles n’ont pas l’intention de le vendre et ne le peuvent pas, car c’est leur résidence principale, qu’elles ont achetée ou dont elles ont hérité. Elles sont donc soumises à cet impôt du seul fait d’être propriétaires et font face à une augmentation très forte de la fiscalité. L’abattement se justifie donc pleinement.

Il serait bien sûr extrêmement difficile de revenir sur cet abattement. Certes, les prix de l’immobilier ont augmenté, notamment dans les zones tendues, mais les propriétaires subissent plus cet état de fait qu’ils n’en bénéficient.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est évidemment défavorable à l’amendement n° I-195 rectifié.

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