Franchement, à la lecture de revues immobilières en tous genres, je suis tenté de dire que vous éprouvez, madame Lienemann, une saine colère. J’irai même plus loin : vous parlez de 10 000 euros au mètre carré, mais je vois parfois des annonces surréalistes à des prix bien supérieurs encore. On se demande qui peut bien acheter ces biens, et dans quelles conditions.
Néanmoins, le sujet est encore plus accablant. Certes, il existe, à Paris et en proche couronne ouest, un immobilier « de luxe », pour lequel les prix frisent les 15 000 euros du mètre carré. Pourtant, c’est le prix moyen qui m’inquiète le plus. Que quelques centaines de personnes puissent payer 12 000 euros ou 15 000 euros le mètre carré, tant mieux pour elles ! Mais il est intolérable que les classes moyennes n’arrivent plus à acheter à Paris ou en proche couronne ouest.
La fiscalité, c’est vrai, est insupportable. Il existe toutefois une autre explication à cette situation. Une série de rapports réalisés par la région d’Île-de-France et par la Ville de Paris depuis cinq ou six ans nous informent en effet que près de 3 millions de mètres carrés appartenant soit à l’État, soit à la SNCF, soit à la RATP, soit à différents opérateurs, ne sont pas utilisés et pourraient être mis à la disposition des collectivités, pour construire.
En la matière, gauche et droite confondues, tous les gouvernements se sont montrés très généreux en paroles, mais très avares dès qu’il s’agissait d’actes concrets. On a réalisé un miracle en récupérant les terrains de la caserne de Reuilly pour faire des constructions. Mais c’est à peu près tout ce qu’on a récupéré en cinq ans !
Quand vous faites remarquer à la SNCF qu’elle n’utilise pas tel terrain, elle vous répond qu’elle ne cédera rien au-dessous du prix du marché. Quand vous dites à la RATP qu’elle ne fait aucun usage d’un terrain, elle rétorque que, pour l’équilibre de ses comptes, elle doit le vendre aussi cher que s’il s’agissait d’un marché privé.
Ainsi, tout le monde se plaint que l’on n’arrive pas à construire à Paris et dans la proche couronne francilienne, mais les acteurs publics et les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, ne font aucun effort !
À l’heure actuelle, à Paris, seuls les grands acteurs publics ont des terrains disponibles, vides. En proche couronne, en particulier à l’ouest, c’est presque la même chose. Si on veut faire du logement, il faudra, un jour, faire en sorte qu’ils vendent leurs terrains à un prix non pas bradé, mais raisonnable.