Franchement, il ne me semble pas que l’on puisse dire d’une mesure qui vise à favoriser l’amortissement qu’elle est précisément ciblée sur l’investissement…
Je sens bien le procès d’intention que vous faites au Gouvernement avec votre référence au rapport Gallois, monsieur le rapporteur général. Il faut que nous nous disions la vérité : dans la situation de déficit que nous connaissions à la fin de l’année 2012, il était inenvisageable d’alléger les cotisations sociales comme le préconisait le rapport Gallois. Tout l’intérêt du dispositif de crédit d’impôt était donc de permettre aux entreprises d’intégrer le crédit d’impôt dans leurs comptes dès 2013, alors que le coût budgétaire pour l’État était reporté à 2014. C’est l’unique raison pour laquelle nous avons adopté cette mesure. Il ne vous a d’ailleurs pas échappé que le nom de ce crédit d’impôt avait changé : du crédit d’impôt pour la compétitivité, CIC, on est passé au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, CICE.
Permettez-moi de reprendre l’un des exemples que vous avez cités, celui de La Poste – je ne parlerai pas de la grande distribution, nous aurons l’occasion de le faire plus tard. Si vous rencontrez son président actuel ou son prédécesseur, ils vous diront que, sans le CICE, La Poste serait aujourd’hui très largement déficitaire et serait donc conduite à des suppressions d’emplois et, probablement, à des fermetures de bureaux, ce que personne ne souhaite ici. Je n’ose pas le dire trop fort, car il s’agit en quelque sorte d’une aide déguisée en faveur d’un secteur auquel nous sommes tous très attachés, que l’on peut assimiler à un service public. On pourrait multiplier les exemples !
Mme Primas a dit que le CICE ne monterait pas en puissance en 2015. Je souhaite lui rappeler que le coût prévu du CICE était de 12 milliards d’euros pour 2014, et non de 13 milliards d’euros. Aujourd’hui, alors que l’année n’est pas encore terminée, l’estimation est à 10, 8 milliards d’euros : nous ne sommes donc pas très éloignés de l’objectif, d’autant que, vous le savez, les entreprises peuvent réclamer leur crédit d’impôt dans un délai de trois ans, comme pour tout impôt. Or nous savons pertinemment que certaines entreprises font le choix de cumuler deux années.
Il faut donc tuer l’idée que les entreprises n’ont pas recours au CICE. Certes, on peut toujours débattre de l’efficacité de ce dispositif par rapport à d’autres. Peut-être eût-il été plus directement productif de procéder à un allégement des cotisations sociales, mais, je le répète, nous n’en avions pas les moyens. Rappelez-vous la situation de nos déficits, nos engagements vis-à-vis de Bruxelles, l’augmentation de la fiscalité, qui avait d’ailleurs été engagée avant 2012.
Nous avons réussi peu ou prou à maintenir les déficits dans des fourchettes qui nous évitent d’avoir à nous acquitter d’amendes ou à encourir des sanctions de la part de la Commission européenne, tout en nous permettant d’obtenir sur les marchés financiers des taux d’intérêt relativement favorables. N’oubliez pas que la notation d’un État sert aussi de référence aux taux consentis à ses entreprises. Si la France était tenue, comme d’autres pays, d’emprunter à des taux de 3 % ou 4 %, la note des entreprises françaises serait automatiquement dégradée. Cela s’est d’ailleurs produit : lorsque la note de la France a été abaissée, avant et après notre arrivée aux responsabilités, celle des entreprises, y compris celles qui récoltent des fonds sur les marchés comme la Caisse des dépôts et consignations, l’a été mécaniquement, car c’est une règle des agences de notation.
Tous ces commentaires ont pour objet de nous resituer dans le contexte.
En 2015, la situation du déficit aura été améliorée – là encore, certains trouveront que le redressement est trop ou pas assez rapide, selon leur analyse – et le Gouvernement propose, dans le cadre du pacte de solidarité, de franchir une étape supplémentaire avec un allégement des cotisations sociales de plus de 2, 5 milliards d’euros, tout en continuant à majorer mécaniquement le CICE de moitié, puisque son taux passera de 4 % à 6 %. Voilà la politique du Gouvernement ! Elle peut certes être insatisfaisante et nécessiter des coups d’accélérateur, mais la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a...
La proposition contenue dans ces amendements ne fait pas partie de nos priorités, et nous ne nous estimons pas capables de la mettre en œuvre. En effet, même si cette mesure ne fait que retarder, en termes comptables et de trésorerie, le paiement de leurs charges par les entreprises, elle pose une difficulté supplémentaire pour notre gestion budgétaire.
Le Gouvernement maintient donc son avis défavorable.