La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.
La séance est reprise.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- d’une part, la convention entre l’État et BPI-Groupe relative au programme d’investissements d’avenir, actions « Développement de l’économie numérique », « Soutien aux usages, services et contenu numériques innovants – Volet subventions et avances remboursables », « Usages et technologies du numérique » ;
- d’autre part, l’avenant n° 3 à la convention du 27 juillet 2010 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Recherche hospitalo-universitaire en santé ».
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission des affaires économiques. L’avenant n° 3 a en outre été transmis à la commission des affaires sociales.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l’article 7 ter.
Le III de l’article 278 sexies du code général des impôts est ainsi rétabli :
« III. – 1° Les livraisons à soi–même de travaux portant sur les locaux mentionnés aux 2, 5, 6 et 8 du I du présent article, lorsque ces travaux consistent en une extension ou rendent l’immeuble à l’état neuf, au sens du 2° du 2 du I de l’article 257, sous réserve de la prise en compte de ces opérations d’extension ou de remise à neuf dans les conventions mentionnées aux 2, 5, 6 et 8 du I du présent article ;
« 2° Les livraisons à soi-même de travaux de rénovation, d’amélioration, de transformation ou d’aménagement réalisés dans le cadre de l’une des opérations suivantes, lorsque l’acquéreur bénéficie pour cette opération d’un prêt accordé pour la construction, l’acquisition ou l’amélioration de logements locatifs aidés ou d’une subvention de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et a conclu avec l’État une convention en application des 3° à 5° de l’article L. 351-2 du code de la construction et de l’habitation :
« a) Acquisition de logements et d’immeubles destinés à l’habitation, suivie de travaux d’amélioration ;
« b) Acquisition de locaux ou d’immeubles non affectés à l’habitation, suivie de leur transformation ou aménagement en logements ;
« c) Travaux d’amélioration exécutés sur des immeubles ou des logements cédés à bail emphytéotique par l’État, des collectivités territoriales ou leurs groupements ; ».
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I–113 rectifié est présenté par Mme Lienemann, MM. Dilain et Vandierendonck, Mme Guillemot et M. Raoul.
L'amendement n° I–386 est présenté par M. Dallier, Mmes Canayer et Cayeux, MM. César, Charon et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Estrosi Sassone, M. Grand, Mme Hummel et MM. D. Laurent, Lefèvre, Mandelli, Morisset et D. Robert.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
… – L’article 284 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du II, après les mots : « au II », sont insérés les mots : « et au 1° du III » ;
2° Au III, après le mot : « prévus », sont insérés les mots : « au 2° du III et ».
… – À l’article 278 sexies A du même code, après les mots : « en application », sont insérés les mots : « du III ou ».
… – Après le mot : « mentionnés », la fin du b du 1° du 3 du I de l’article 257 du même code est ainsi rédigée : « au 2° du III et au IV de l’article 278 sexies, ainsi qu’à l’article 278 sexies A ».
L’amendement n° I–113 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° I–386.
Il s’agit d’un amendement de coordination tendant à préciser les règles en matière de TVA applicable aux travaux de rénovation ou d’amélioration réalisés dans les logements sociaux.
A priori, son adoption ne coûterait rien de plus. Je veux simplement insister de nouveau sur l’intérêt de ces dispositions, notamment dans le cadre des opérations d’acquisition-amélioration. On nous demande de construire du logement social, mais ce n’est pas toujours évident. En effet, il faut en général d’abord trouver le terrain, mais on peut aussi, lorsque l’occasion se présente, faire acquérir en bloc des immeubles libres sur le marché par des bailleurs sociaux dans le cadre d’une opération acquisition-amélioration. Le taux de TVA réduit est fort utile dans ce cas-là.
Il s’agit d’un amendement de cohérence qui nous paraît, a priori, pertinent. Néanmoins, n’étant pas en mesure d’en apprécier toute la portée, nous avons souhaité recueillir l’avis du Gouvernement sur cette question.
C’est un pur amendement de coordination rédactionnelle qui n’emporte aucune conséquence juridique ou financière, ni positive ni négative, qui ne modifie pas l’état du droit, mais il est bienvenu pour améliorer la rédaction de la loi. Le Gouvernement y est donc favorable.
L'amendement est adopté.
L'article 7 ter est adopté.
L'amendement n° I–247, présenté par MM. Mézard, Collin et Requier, Mme Laborde, MM. Bertrand et Fortassin, Mme Malherbe et MM. Castelli et Esnol, est ainsi libellé :
Après l'article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième ligne de la deuxième colonne du tableau constituant le deuxième alinéa de l’article 575 A du code général des impôts, le taux : « 64, 7 » est remplacé par le taux : « 66, 7 ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Cet amendement, que nous avons déjà proposé lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, a pour objet d’augmenter de deux points, de 64, 7 % à 66, 7%, le taux normal des droits de consommation sur le tabac applicable aux cigarettes.
Il s’agit pour nous non pas de pénaliser les consommateurs, mais de mettre à contribution les fabricants de tabac, dont les bénéfices sont colossaux et qui versent, en comparaison, des impôts d’un montant bien faible. Ces grandes entreprises multinationales ont notamment recours à d’habiles montages d’optimisation fiscale pour réduire substantiellement leur impôt, même si elles n’ont pas l’apanage de ces pratiques.
À l’occasion du lancement du plan antitabac, la ministre de la santé, Mme Marisol Touraine, a estimé le coût social annuel des conséquences du tabagisme à 47 milliards d’euros pour notre pays, alors que la vente de tabac ne rapporte que 12, 3 milliards d’euros par an, selon l’estimation de la Cour des comptes.
Par cet amendement, nous souhaitons donc accroître légèrement la participation de l’industrie du tabac à la prise en charge des conséquences du tabagisme et au redressement de nos comptes publics.
La commission est réservée, car l’adoption de cet amendement reviendrait à augmenter la fiscalité sur les cigarettes, en portant le taux de 64, 7 % à 66, 7 %, sans toucher aux autres produits du tabac. Dans ces conditions, ne risque-t-on pas d’assister à un transfert des habitudes de consommation vers les cigarillos et le tabac à rouler, par exemple ?
Par ailleurs, la fiscalité du tabac a été réformée en profondeur. Un certain nombre de dispositions figuraient d’ailleurs dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
En outre, prenons garde à ne pas déstabiliser complètement un marché avec le développement du commerce transfrontalier ou hors marché contrôlé, c’est-à-dire via internet ou d’autres circuits. À cet égard, je crois savoir que les douanes ont pour priorité de stopper le développement du marché du tabac hors du réseau des buralistes.
Tout en reconnaissant l’importance du problème de santé publique, je crains que cette augmentation de la fiscalité ne contribue à déséquilibrer le marché, en particulier dans les zones frontalières, et à développer la contrebande.
C’est un sujet compliqué.
Monsieur Requier, vous avez dit que l’adoption de votre amendement permettrait de faire participer davantage les fabricants et producteurs de produits cigarettiers. Je n’en suis pas si sûr.
Le Parlement fixe le niveau de la fiscalité, et, contrairement à une idée reçue, le Gouvernement ne fixe pas les prix du tabac. En effet, il se contente de publier les prix, qui sont dépendants de plusieurs paramètres : le premier est la fiscalité, bien entendu, le second étant les prix pratiqués par les fabricants.
Nous devons faire preuve de beaucoup de pédagogie et de prudence avant d’entamer une réforme de notre politique en la matière, que, pour ma part, j’estime nécessaire. Permettez-moi d’en dire quelques mots.
L’un des problèmes, qui met d’ailleurs beaucoup de gens dans la rue, y compris devant le domicile personnel des ministres… §
J’ai personnellement été visé, mais cela a également été le cas de ma collègue ministre de la santé, hier.
À la limite, c’est anecdotique, quand les bornes ne sont pas dépassées.
Il existe un réseau de distributeurs, qui est le seul réseau légal, mais nous savons tous qu’il y a beaucoup d’autres formes d’approvisionnement : la contrebande, la contrefaçon, l’achat à l’étranger et sur internet.
Comme M. le rapporteur général l’a souligné, nous prenons avec les douanes le maximum de dispositions pour empêcher les achats à l’étranger, en tout cas les importations illégales. Je me suis moi-même rendu à la frontière franco-luxembourgeoise, mais j’ai peu de mérite car c’est chez moi. §Je n’ai par conséquent pas fait un grand déplacement.
J’ai donc assisté avec les douanes à des opérations de contrôle. C’était aussi un moyen de donner de la publicité à des nouvelles mesures que nous avons prises, notamment dans une circulaire récente ayant pour objet de réduire la quantité que l’on peut importer lorsqu’il ne s’agit pas de sa consommation personnelle.
Nous avons en outre l’intention de vous soumettre prochainement une disposition législative pour inverser la question de l’achat sur internet. Aujourd’hui, il est interdit de vendre du tabac sur internet en France, mais il n’est pas interdit d’en acheter. Or il y a bien évidemment des Français qui achètent sur des sites à l’étranger. Nous allons donc vous proposer, et j’espère que le Parlement nous suivra, d’interdire l’achat de tabac sur internet.
Le dispositif que nous proposons devrait nous permettre, en liaison avec non seulement les douanes, bien sûr, mais aussi les sociétés de livraison de colis, avec lesquelles nous avons déjà entamé des discussions, de repérer dans les centres de tri, en fonction de la provenance des colis, les personnes qui vendent et celles qui achètent. Si vous en êtes d’accord, cet acte d’achat par internet deviendrait une infraction pénale.
Bien sûr, notre action s’inscrit dans le cadre d’une politique de santé. Mme Marisol Touraine a eu l’occasion de présenter son plan de lutte contre le tabagisme avec, notamment, mais ce n’est pas la seule disposition, l’obligation de proposer des paquets neutres. C’est surtout cette disposition qui fait débat auprès des buralistes, comme l’actualité vous l’a montré, puisque ces derniers ont ajouté le Sénat aux domiciles des ministres comme cible de leur mécontentement.
Il s’agit d’une disposition importante qui fait controverse, mais dont Mme la ministre de la santé pense qu’elle est de nature à freiner la consommation chez les jeunes.
Enfin, pour en terminer sur ce sujet inflammable, si j’ose dire, je tiens à souligner que le mécanisme actuel de formation du niveau de fiscalité est absolument opaque, tant et si bien que j’ai moi-même – je l’avoue bien modestement – du mal à l’intégrer dans ma réflexion. Cependant, je pense que les sénateurs ont plus de capacités intellectuelles que moi
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
J’ai donc demandé à nos administrations de nous faire des propositions pour simplifier ce système et améliorer sa lisibilité. Certes, il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte : il faut à la fois éviter le dumping et la pratique des prix d’appel, puisque, comme vous le savez, les producteurs, qui sont multinationaux la plupart du temps, n’hésitent pas, pour pénétrer un marché, à pratiquer des prix différenciés suivant la nature des produits. Or, même si la vente à perte est interdite, elle est très difficile à démontrer. Bref, n’y voyez pas un aveu d’impuissance de ma part, mais ce sujet est très compliqué, avec des pratiques qui sont parfois à la limite de l’entente entre les producteurs.
Cette question fera, je pense, l’objet de propositions du Gouvernement non pas dans un avenir lointain mais dans quelque temps pour atteindre l’objectif que tout le monde souhaite, c’est-à-dire la réduction de la consommation, notamment chez les jeunes.
De nombreux amendements circulent, et nous avons eu une longue discussion à l’Assemblée nationale voilà une dizaine de jours sur ce sujet, qui va revenir dans nos débats.
Je vous fais part avec précision de la position actuelle du Gouvernement en vue de préserver le monopole de la vente du tabac au réseau.
La question européenne est également importante, car la France est le pays, sur le continent européen – donc, abstraction faite de la Grande-Bretagne –, qui pratique les prix les plus chers, avec des différences très importantes par rapport à d’autres pays comme le Luxembourg, l’Espagne et la Belgique. Il est vrai que les zones frontalières sont une vraie préoccupation.
J’ajoute, pour que votre information soit complète, que nous avons un contrat d’avenir avec le réseau des buralistes qui nous conduit à accompagner les mutations d’une profession qui se diversifie, et c’est heureux. Cela permet à ces buralistes, entre les jeux et autres activités à l’instar du Compte-Nickel qu’ils sont en train de promouvoir, de trouver d’autres ressources leur permettant de conserver un socle suffisant d’activités pour la pérennité de commerces utiles dans le cadre de l’aménagement du territoire et de la présence, notamment, en zones rurales.
Telles sont les préoccupations du Gouvernement. Dans cette attente, monsieur le sénateur, cet amendement isolé – cela n’enlève rien à son mérite – est un peu prématuré et fera l’objet d’autres propositions du même type, puisque la question des cigares, cigarillos et autres produits sera réexaminée, soit aujourd’hui, soit lors de la poursuite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Par conséquent, si cet amendement est maintenu à ce stade, le Gouvernement émet un avis défavorable. L’objectif est partagé, mais la méthode n’est pas forcément la meilleure.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I–55 rectifié, présenté par M. B. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la deuxième ligne de la dernière colonne du tableau constituant le deuxième alinéa de l’article 575 A du code général des impôts, le taux : « 15 » est remplacé par le taux : « 12, 2 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I–136, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1° bis de l’article 1051 du code général des impôts, l’année : « 2013 » est remplacé par l’année : « 2016 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Il s’agit des conséquences de la réforme des agréments d’organismes qui agissent en faveur du logement des personnes défavorisées. Certes, il a été opportun de vérifier que ces agréments correspondent à la capacité financière des organismes à maintenir un parc qu’ils avaient créé et dont la grande utilité est reconnue, car une partie d’entre eux ne disposent pas de la surface financière pour y parvenir. En conséquence, ils doivent revendre leur patrimoine, mais fort heureusement, seulement à des offices d’HLM ou à des organismes associatifs bénéficiant du nouvel agrément pour le droit au logement.
Certains avantages fiscaux, somme toute assez modestes, ont été accordés, puisque le régime d’imposition spécifique qui s’applique à ces transferts de biens entre organismes de logement social ou organismes agréés est l’application d’un droit fixe de 125 euros au lieu de la taxation proportionnelle de 5, 09 %. Or la date limite de ce dispositif était prévue au 31 décembre 2013, et manifestement, un délai plus long serait nécessaire pour réaliser correctement ces transferts et des plans de patrimoines cohérents – il ne faut pas vendre à n’importe qui si la gestion est difficile.
Par conséquent, nous proposons de reporter la date limite au 31 décembre 2016.
La commission s’orientait vers une demande de retrait de cet amendement, non qu’elle considère que ce n’est pas un sujet, mais elle s’interroge sur l’intérêt de réinstaurer un dispositif qui s’est éteint le 31 décembre 2013 et qui avait été à l’origine mis en place pour permettre, au moment de la réforme du régime des agréments des organismes agissant en faveur du logement des personnes défavorisées, aux sociétés nouvellement non agréées d’organiser, le cas échéant, la cession de leur parc de logements dans les meilleures conditions. Ce régime devait durer deux ans. Il a ensuite été prolongé deux nouvelles années et s’est éteint, je le disais, le 31 décembre 2013.
Certes, les coûts de ce dispositif ne sont pas considérables et, même en l’absence de chiffrage précis, ils sont par nature modiques. La commission n’a pas perçu l’intérêt de rétablir ce qui est tombé en extinction. Mais peut-être M. le secrétaire d’État va-t-il invoquer un argument qui nous convaincra. §
Comme l’a dit M. le rapporteur général, ce dispositif a été mis en place pour deux ans et devait s’éteindre en 2011. Il a été instauré concomitamment avec la nécessité d’un agrément pour les organismes effectuant ce type de transaction et a été, nous a-t-on dit, prolongé de deux ans pour laisser le temps nécessaire à la conduite des opérations visées.
En l’occurrence, vous nous proposez de prolonger encore le délai de trois ans. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.
Après, je ne sais quels problèmes se poseront. De fait, l’extinction se produira puisque les organismes qui ne sont pas agréés ne pourront pas obtenir d’agrément.
On nous dit que les associations auraient dû faire en deux ans. Quand l’État n’est pas « foutu » de vendre en cinq ans toute une série de ces terrains publics, je ne m’étonne pas que des associations qui s’occupent des personnes en difficultés aient du mal à trouver les bonnes méthodes pour faire rapidement tout cela.
Quoi qu’il en soit, ce point ne paraît pas fondamental, mais ce sont les associations qui gèrent et croyez-moi, si on ne les avait pas, on serait fort mal placés ! Comme l’a dit M. Boulard ce matin, ce sont souvent ces associations qui accueillent ces personnes.
Honnêtement, l’adoption de cet amendement ne va pas ruiner l’État, car les sommes en jeu sont minimes, mais elles permettraient de remettre tout dans le droit commun dans des délais raisonnables : 2016 est encore une échéance correcte.
La commission et le Gouvernement sont contre cet amendement. Pour ma part, j’appelle mes collègues, qui peuvent se trouver confrontés à des difficultés de cette nature, à un peu de pragmatisme.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7 ter.
L'amendement n° I–248, présenté par MM. Collin, Requier, Mézard, Castelli, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Collombat, Arnell et Hue, est ainsi libellé :
Après l’article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du II des articles 1613 ter et 1613 quater du code général des impôts, le montant : « 7, 45 € » est remplacé par le montant : « 9 € ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Permettez-moi de vous retracer l’historique de cet amendement.
Lors de l’examen du PLFSS à l’Assemblée nationale, un amendement de nos collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste visait à augmenter de 7, 45 euros à 10 euros par hectolitre la contribution perçue sur les boissons contenant des sucres ajoutés.
Lors de la discussion en séance publique, M. le secrétaire d’État comme le M. le rapporteur avaient indiqué ne pas être opposé à cette modification, sous réserve qu’elle s’applique également aux boissons contenant des édulcorants et que la hausse soit un peu moins importante. Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez ajouté : « La navette parlementaire permettra probablement de l’améliorer ».
En outre, vous aviez précisé à l’Assemblée que vous étiez « attaché au fait que toutes les dispositions fiscales et financières soient rassemblées dans les lois financières », et d’ajouter que « cette taxe existe déjà » et qu’« il ne s’agit pas de créer un nouvel impôt ».
Notre groupe déposa donc, à l’occasion de l’examen du PLFSS par le Sénat, un amendement limitant l’augmentation de la contribution à 9 euros – au lieu de 10 euros – par hectolitre et en l’appliquant également aux boissons contenant des édulcorants, s’accordant aux remarques du ministre et du rapporteur à l’Assemblée nationale.
Contre toute attente, notre amendement reçut un avis défavorable et fut rejeté. En quelque sorte, il a fait « pschitt » !
Sourires . – M. Roger Karoutchi applaudit.
Les effets des boissons contenant du sucre ajouté sur la santé sont connus, …
… notamment sur l’obésité et sur le diabète. Quant aux boissons dites « light » contenant des édulcorants, tel l’aspartame, plusieurs études récentes remettent en cause son innocuité.
En augmentant très faiblement cette taxe, nous ambitionnons de faire participer les industriels à la lutte contre l’obésité. §
Le groupe du RDSE propose, dans sa logique, d’augmenter la taxe non seulement sur les boissons sucrées, mais également sur celles qui contiennent des édulcorants, dans l’esprit de l’amendement qu’il avait présenté.
L’objectif visé, si j’ai bien compris, est la santé publique. Évidemment, nous avons examiné les effets éventuels de l’augmentation de la taxe de 7, 15 euros à 9 euros par hectolitre. Quand on ramène cette augmentation à une canette de soda d’une marque connue, on s’aperçoit qu’elle est de l’ordre de 1 centime d’euro.
Ces rentrées fiscales seraient appréciables en ce moment, mais je ne suis pas certain qu’avec 1 centime d’euro par canette le comportement des acteurs changerait. En revanche, la question du taux de sucre dans les boissons est une vraie question. Elle se résout plutôt, à mes yeux, grâce à une négociation avec les industriels dans le cadre du programme national de santé publique, de façon à faire baisser le taux de sucre dans les boissons, plutôt que par un système de taxation qui serait relativement marginale sur chaque boisson.
C’est la raison pour laquelle la commission n’a pas été très enthousiaste à l’idée de cet amendement. Néanmoins, dans la mesure où elle reconnaît le problème de santé publique, à titre d’appel, elle s’en remet à la sagesse du Sénat.
Nous sommes devant un problème connu : une mesure fiscale peut-elle – je ne dis pas « doit-elle » – inciter à des changements de comportement. Je pense personnellement qu’il ne faut pas se priver de faire de certaines mesures fiscales des mesures qui incitent à des changements de comportement, mais je conçois que ce point de vue ne soit pas partagé.
Monsieur le sénateur, vous présentez cette mesure comme visant à répondre à une problématique de santé publique. Or l’objectif visé n’est pas atteint car l’ampleur de cette mesure ne sera à mon avis pas dissuasive sur le secteur. Cette différence de 1 centime d’euro, voire peut-être moins, par produit se concentrera d’ailleurs sur certains producteurs – je ne citerai pas de noms –, dont plusieurs ne sont pas à plaindre mais dont d’autres ont des marchés plus étroits.
C’est pourquoi le Gouvernement, également par souci de stabilité, ne souhaite pas aller dans ce sens et émet un avis défavorable sur cet amendement.
Il faut reconnaître au groupe RDSE une certaine continuité dans sa réflexion financière. Je l’en félicite, même si cet amendement va peut-être faire pschitt, pour reprendre l’expression de M. Requier.
À la vérité, il y a déjà sept ou huit ans que les ministres de la santé, tous gouvernements confondus, travaillent à réduire la consommation, notamment par les jeunes, de boissons trop sucrées ou contenant des édulcorants. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que les outils fiscaux soient les seuls propres à réduire cette consommation.
En revanche, je suis d’accord avec le groupe RDSE sur la nécessité de ne plus jouer à l’aveugle à l’égard de ce type de boissons, sans quoi nous devrons faire face à des problèmes de santé publique de plus en plus graves, qui se posent déjà, de façon très nette, dans les pays anglo-saxons et qui commencent à se poser dans d’autres pays, dont le nôtre. Ce n’est donc pas seulement une question de quelques millions d’euros qu’une taxe pourrait rapporter ; il s’agit de prévenir un problème de santé publique qui, à terme, pourrait coûter beaucoup plus cher.
Or il faut bien le reconnaître, pour le moment, l’opinion publique, les gouvernants et le Parlement considèrent ce problème comme tout à fait secondaire. À tort, car le jour où ce problème de santé publique se posera dans notre pays avec l’ampleur qu’on lui voit aux États-Unis ou au Canada, il nous coûtera des centaines de millions, voire des milliards d’euros !
L’amendement n° I–248 a le mérite de soulever un problème de santé publique, plus précisément celui que pose la consommation de boissons non alcoolisées contenant une grande quantité de sucre.
Certes, il ne s’agit pas seulement de dégager un rendement, dont M. le rapporteur général a fait remarquer qu’il serait infime, il s’agit également de protéger la santé publique. Reste que cet objectif commande surtout de lutter contre les addictions, en particulier contre la consommation d’alcool qui est un véritable fléau, notamment chez les jeunes.
Je respecte tout à fait le souci des auteurs de cet amendement de réduire la consommation de boissons non alcoolisées contenant du sucre en grande quantité, mais je crois qu’il convient surtout de lutter contre l’alcoolisation, qui s’accompagne parfois de la consommation d’alcools très dangereux. Ceux d’entre nous qui sont maires savent bien quels problèmes se posent à cet égard, par exemple lors des fêtes patronales.
Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que protéger la santé publique est une tâche immense, mais cruciale !
M. Jean-Claude Requier. J’ai un peu de mal à comprendre les arguments qui ont été avancés.
Exclamations amusées.
En effet, on s’oppose d’abord à notre amendement parce qu’il prévoit une augmentation de taxe trop forte, et puis, quand nous en présentons un nouveau qui prévoit une augmentation moindre, on nous objecte qu’elle n’est pas assez dissuasive… Dites-moi donc où est la voie moyenne, parce que je ne m’y retrouve pas très bien !
Exclamations et rires . – Mme Sophie Primas et M. Roger Karoutchi applaudissent.
Nous avons déposé cet amendement pour protéger la santé publique. Personnellement, des sodas, je n’en bois pas
Rires et applaudissements.
M. Roger Karoutchi applaudit.
Monsieur Requier, je ne me souviens pas vous avoir objecté que vous proposiez une augmentation trop forte.
Je parle de l’amendement présenté par nos collègues de l’Assemblée nationale.
Il est certain, monsieur le sénateur, que la consommation d’un certain nombre de produits, parmi lesquels les boissons trop sucrées, pose un vrai problème de santé publique. Peut-on le résoudre par une augmentation de taxe qui représentera un centime d’euro sur le prix d’achat ?
Je ne le pense pas. Selon moi, deux méthodes sont envisageables : prendre des mesures législatives interdisant certaines pratiques, par exemple en fixant des taux de sucre maximaux, ou instaurer une taxation qui soit véritablement dissuasive. Sans doute, on peut relever la taxe, mais il faut le faire suffisamment pour qu’elle soit dissuasive. Or je maintiens que l’augmentation proposée par les auteurs de l’amendement n° I–248, homéopathique, ne contribuera en rien à résoudre le problème de santé publique.
Sans compter que l’effet d’une augmentation serait concentré sur certains producteurs, que nous connaissons tous, qui pourraient faire du chantage à l’emploi et mener des campagnes de presse. Vous me répondrez que nous n’avons pas à tenir compte de telles pressions. Il est vrai, mais il faut que le jeu en vaille la chandelle ! En l’occurrence, on n’est pas dans cette situation. C’est mon point de vue, et je le partage, comme disait un humoriste. §
Que l’on ne se méprenne pas sur la position de la commission des finances : nous pourrions être sensibles à la recette que nous perdrions si nous n’adoptions pas l’amendement n° I–248, mais nous considérons aussi le problème de santé publique.
À cet égard, je vous rappelle que, dans le cadre du programme national pour l’alimentation, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt a signé avec le Syndicat national des boissons rafraîchissantes un accord visant à réduire graduellement les taux de sucre ; de la même façon, un certain nombre de discussions se tiennent avec l’industrie alimentaire en vue de réduire les taux de sel dans le pain ou dans les plats cuisinés.
À mon avis, c’est par de telles négociations sur les recettes – non pas fiscales, mais alimentaires ! – que nous devons tâcher de résoudre le problème de santé publique. Si nous voulions agir par la voie fiscale, il faudrait fixer un taux très dissuasif. Une augmentation d’un centime d’euro par canette, non seulement ne changerait rien au comportement des consommateurs, mais risquerait, comme M. le secrétaire d’État vient de le signaler, d’induire d’autres comportements.
Pour améliorer la santé publique, poursuivre les négociations avec les industriels afin de réduire les taux de sucre et de sel sera plus efficace qu’instaurer une foultitude de taxes dont les effets, très limités, ne modifieront pas les comportements des consommateurs.
Mme Sophie Primas applaudit.
L'amendement n'est pas adopté.
I. –
Supprimé
II. – La deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Le 6° de l’article L. 2331–4 est abrogé ;
2° La section 7 du chapitre III du titre III du livre III est abrogée ;
3° La section 15 du même chapitre III est abrogée ;
4°
« Chapitre VI
« Gestion des eaux pluviales urbaines
« Art. L. 2226–1 . – La gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaines.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
III. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les articles 564 sexies, 613 ter à 613 duodecies et 1609 nonies F sont abrogés ;
2° Le II de l’article 1698 D est ainsi rédigé :
« II. – Le I s’applique au paiement de la cotisation de solidarité prévue à l’article 564 quinquies et des taxes prévues aux articles 1618 septies et 1619. » ;
3°
4°
IV. – L’article L. 231–9 du code minier est abrogé.
L’amendement n° I–230, présenté par M. Cadic, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam, Goy-Chavent, Iriti, MM. Duvernois, Mandelli et Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rétablir le I dans la rédaction suivante :
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Le 8. du I et le 5. du II de l’article 266 sexies ainsi que le 8. de l’article 266 septies sont abrogés ;
2° Les vingt-septième à trente et unième lignes du tableau du B du 1. de l’article 266 nonies sont supprimées ;
3° Le 7. de l’article 266 nonies et l’article 266 terdecies sont abrogés. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Cet amendement vise à rétablir la suppression, initialement prévue par le Gouvernement, de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, pesant sur les installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.
En effet, si le rendement de cette taxe s’élève à 25 millions d’euros, son coût de gestion est supérieur, ce qui anéantit le gain pour l’État. Par ailleurs, cette taxe complexe n’atteint pas son but : comme elle est forfaitaire, les ICPE ne sont pas incitées à améliorer leurs procédés du point de vue du respect de l’environnement. Enfin, la perte de recettes de 25 millions d’euros ne grève pas le budget global de l’ADEME, qui bénéficie d’environ 450 millions d’euros grâce au maintien des autres modules de la TGAP.
D’un côté, l’adoption de cet amendement ferait perdre à l’ADEME une recette qui s’élevait à 25 millions d’euros il y a deux ans et qui est estimée à 29 millions d’euros pour l’année prochaine ; j’entends déjà les protestations que cette mesure susciterait chez certains.
De l’autre, la suppression de cette fraction de TGAP irait dans le sens d’une moindre complexité. Du reste, le Gouvernement l’avait initialement proposée, de même que la suppression d’un certain nombre d’autres micro-taxes. De fait, la taxe annuelle perçue sur les ICPE présente un caractère faiblement incitatif pour un coût de recouvrement et un degré de complexité élevés. Dans le cadre de la simplification de notre droit fiscal et de la réduction des coûts de recouvrement, sa suppression peut donc sembler opportune, de même que celles de certaines autres micro-taxes.
La commission des finances est partagée entre ces deux objectifs : maintenir une recette ou simplifier notre système fiscal par la suppression d’une taxe complexe. Elle s’en remet à la sagesse de notre assemblée.
Le présent amendement vise à rétablir la suppression de la TGAP pesant sur les ICPE, que le Gouvernement avait initialement prévue mais que les députés ont repoussée.
Le Gouvernement souhaite maintenir l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale ; il est donc défavorable à cet amendement, dont l’adoption entraînerait une perte de recettes de 25 millions d’euros.
Nous sommes d’accord avec le Gouvernement. Certes, la somme de 25 millions d’euros que l’adoption de cet amendement ferait perdre à l’ADEME peut sembler peu significative, mais je vous rappelle que la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 lui a déjà retiré quelques dizaines de millions d’euros d’investissements d’avenir, qui ont été transférés de l’écologie vers la défense, au moment où nous avons des mesures de transition énergétique à mettre en place.
Je suis le premier à admettre qu’on peut discuter de la gouvernance et de l’organisation de l’ADEME. C’est un fait qu’aucun des projets prévus dans le cadre du programme d’investissements d’avenir n’a été réalisé. Il faut dire qu’il a fallu composer avec une forte instabilité ministérielle : quatre ministres de l’écologie ou de l’environnement en deux ans, ce n’est pas la meilleure façon de mener des projets au long cours. §
Si, en plus, on réduit encore le budget de cette structure permanente – qui, d’ailleurs, a une vision très décroissante de son activité, parce que je ne suis pas sûr qu’elle mène tous les projets qu’elle devrait mener –, on ne s’en sortira plus.
S’attaquer aux micro-taxes, je le veux bien, mais lesquelles ? Comme par hasard, ce sont souvent des taxes écologiques. Ces taxes, on nous explique d’abord que, pour ne pas trop peser sur l’activité, elles ne doivent pas être trop élevées ; pour qu’elles soient acceptées, nous dit-on, commençons petit. Seulement, on nous objecte ensuite qu’elles sont vraiment trop petites, surtout quand on ne les a pas fait croître, pour avoir la moindre utilité ! §À un moment, il faut avoir une logique budgétaire et s’y tenir.
Nous partageons tout à fait le point de vue de M. le secrétaire d’État. Aussi, nous voterons contre cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, je profite de la discussion de cet amendement pour attirer votre attention sur un problème au sujet duquel nous avons souvent interrogé le ministère de l’environnement, ainsi que le vôtre : l’inégalité entre les cimenteries, qui sont soumises à la TGAP, et les carrières de calcaire, qui n’y sont pas soumises.
Si les carrières sont utiles, elles causent des traumatismes durables aux paysages et nuisent à l’attractivité des communes où elles sont implantées. Aussi bien, dans le cas où la TGAP sur les ICPE serait maintenue, il serait intéressant qu’une partie de son produit, même modique, soit reversée aux communes qui accueillent des carrières. Je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir vous pencher sur ce problème important pour les communes en question.
Dans mes activités régionales, il m’est arrivé de dire ce que je pensais des méthodes et de la gestion de l’ADEME, et parfois même – pardon de le dire – de ses interventions. Assez souvent, on se demande franchement comment cela fonctionne ! Il s’agit à mon avis d’un problème global : tant qu’à faire, remettons sur la table le fonctionnement de l’ADEME, sa gouvernance et ses ressources.
En revanche, retirer 25 millions d’euros à cette agence sans transformer sa gouvernance, je n’y suis pas favorable. Je ne voterai donc pas l’amendement n° I–230.
Par ailleurs, comme vient de le souligner ma collègue Sophie Primas, il se pose un problème plus général de responsabilité publique : il faut savoir qui autorise quoi. Les collectivités locales ont perdu le pouvoir sur les carrières et sur certaines autres activités ; ce pouvoir a été transféré à la puissance publique, qui instaure des prélèvements au profit de l’ADEME, dont les modalités d’intervention sont souvent extrêmement compliquées.
Je répète qu’il faut remettre à plat l’ensemble du fonctionnement et de la gestion de l’ADEME avant de réfléchir à ses moyens de financement. Procéder dans l’ordre inverse ne me paraît pas opportun.
Je ne voterai pas cet amendement, car ce n’est pas le moment de se priver de ressources. J’entends bien qu’il ne faille pas créer de taxes supplémentaires, mais conservons du moins les moyens de financement qui existent aujourd’hui.
Si des problèmes de coût de gestion d’une taxe se posent, simplifions le recouvrement de cette taxe pour en améliorer la productivité.
L’Assemblée nationale a rejeté, sur l’initiative de Mme Valérie Rabault, la suppression, proposée par le Gouvernement, de la TGAP pesant sur les ICPE. Cette suppression peut paraître un peu contradictoire avec le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui est en cours de discussion au Parlement. De plus, nous pensons que le produit de cette taxe, qui est de 25 millions d’euros, n’est pas anecdotique. Nous voterons donc contre l’amendement n° I–230.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I–76 est présenté par M. Boulard.
L'amendement n° I–410 rectifié est présenté par M. Germain, Mme M. André, MM. F. Marc, Berson, Boulard, Carcenac, Chiron, Eblé, Lalande, Patient, Patriat, Raoul, Raynal, Vincent, Yung, D. Bailly et Cazeau, Mme Claireaux, M. Daudigny, Mme Guillemot, M. Jeansannetas, Mme Perol-Dumont, M. Vaugrenard, Mme Monier, MM. Mazuir, Montaugé et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2 à 10.
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour présenter l’amendement n° I–76.
L’amendement n° I–76 déposé à l’article 8 vise à rétablir deux petites taxes qui ont été supprimées par l’Assemblée nationale, la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines et la taxe de trottoirs.
On s’est beaucoup gaussé de la modestie du produit de ces taxes. J’attire tout de même l’attention – et M. le secrétaire d’État, qui est un élu du Nord, n’y sera pas insensible – sur le fait que la communauté d'agglomération de Douai perçoive, au titre de la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, 450 000 euros de recettes. Même des taxes de faible montant, lorsqu’elles sont recouvrées par telle ou telle collectivité peuvent, pour ces collectivités, avoir de l’importance !
Au-delà de cela, je vous demande un vote de principe : dans un contexte de recul des dotations de l’État, on ne peut pas priver les collectivités locales de la moindre ressource.
Attention, mes chers collègues, on vous teste avec ces deux petites taxes ! Il existe un rapport de l’Inspection générale des finances qui prévoit la suppression d’une vingtaine de taxes, au nom de la simplification. Chaque fois que vous entendrez le mot « simplification », comprenez « suppression » !
Cette position de sanctuarisation de la fiscalité locale est partagée par l’Association des maires de France. Selon moi, il faut émettre un vote de principe sur la sanctuarisation des ressources fiscales de nos collectivités.
La parole est à M. Jean Germain, pour présenter l'amendement n° I–410 rectifié.
Mes chers collègues, nous devons émettre un double vote de principe.
Tout d’abord, concernant la suppression de ces petites taxes, nous avons lu dans la presse et entendu dans la présentation du projet de loi de finances qu’il fallait épousseter. On nous a expliqué que personne ne comprenait rien à la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, ni à sa circulaire, si compliquée. Mais ce n’est pas nous qui l’avons élaborée !
Cette circulaire est le fruit du travail d’un comité où siégeaient les représentants les plus prestigieux des hautes administrations françaises
M. Michel Bouvard rit.
Alors, il ne faut pas venir à la télévision affirmer que l’on va supprimer des taxes, que le Conseil des prélèvements obligatoires montre ce qu’on doit faire !
On supprime la taxe de trottoirs. Comme l’a dit Jean-Claude Boulard, c’est une question de principe !
Pourquoi cette taxe de trottoirs avait-elle été créée en 1845 ? On se posera un jour les mêmes questions à notre sujet, quand on évoquera, notamment, notre taxe sur les canettes. Est-elle vraiment plus importante ?
Ce n’était effectivement pas une mauvaise idée ! Concernant la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, les mauvais esprits, le poujadisme, ont dit que c’était « la taxe sur la pluie », …
… alors que c’est en effet une taxe sur l’imperméabilisation des sols.
En 2006, de nombreux comités se sont réunis – nous disposons de la liste et nous pouvons vous la montrer – et, dans les collectivités locales, nous avons reçu les instructions sur le dispositif à mettre en place.
On nous rétorque que très peu de communes ont mis en place cette taxe. Évidemment, puisque c’est à partir du 1er janvier 2015 que la plupart des communautés de communes ou d’agglomération doivent prendre cette compétence. Voilà pour l’aspect pragmatique.
Sur l’aspect de principe, je m’associe totalement aux propos de mon collègue Jean-Claude Boulard. Ce n’est pas au moment où nous allons discuter de la baisse des dotations aux collectivités locales que la simplification doit en plus se faire sur leur dos !
J’aurais pu également aborder le sujet de l’autonomie fiscale et de l’autonomie financière, de l’article 72 de la Constitution, du Conseil constitutionnel. Je ne ferai pas car nous disposerons de plusieurs heures pour en débattre.
Nous voterons résolument contre ces suppressions de taxe !
Plus sérieusement, la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines n’existe que dans deux communes. Voici le guide qui explique sa mise en place §Il comprend 93 pages… On ne peut donc s’étonner que peu de communes aient choisi d’instaurer cette taxe. Comme vous, monsieur le secrétaire d’État, je déplore que l’on ne puisse pas projeter de tableaux ici : vos compétences de professeur de mathématiques vous auraient sans doute permis de nous lire la formule de la page 39, qui en fixe le montant. Pour moi, c’est un peu difficile !
Quant à l’autre taxe en cause, elle est également un peu marginale.
À titre personnel, j’avais proposé à la commission d’accepter la suppression de ces deux taxes, conforté d’ailleurs par les conclusions de l’Inspection générale des finances.
M. Jean-Claude Boulard s’exclame.
qui relèvent, pour leur instauration, de la liberté des collectivités ?
Ce débat de principe est d’autant plus important et pertinent dans le contexte actuel de la réduction globale des dotations de fonctionnement. §Je me suis laissé convaincre.
La position de la commission des finances ne tend pas à soutenir ces deux micro-taxes qui concernent très peu de monde et sont très complexes. Le guide que j’ai évoqué montre qu’on ne peut pas faire plus compliqué. Le coût d’édition de ce guide
M. Roger Karoutchi rit.
Je soutenais donc le Gouvernement dans sa volonté de supprimer cette taxe à faible rendement, mais la commission des finances a considéré que, dans le contexte actuel, – c’est une question de principe – on ne peut pas supprimer unilatéralement un certain nombre de ressources locales sans une discussion plus générale sur la liberté de fixer globalement nos taux d’imposition.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a suivi Jean-Claude Boulard et d’autres membres du groupe socialiste dans cette position de principe, et a émis un avis favorable sur ces deux amendements.
L'amendement n° I–109 rectifié bis, présenté par Mme Létard, MM. Delahaye, Bockel, de Montesquiou et Médevielle, Mmes Gatel et Jouanno, M. Roche, Mme Morin-Desailly et M. Kern, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Pardonnez-moi, monsieur Vincent Delahaye, de ne pas vous avoir donné la parole plus tôt pour présenter cet amendement, qui fait l’objet d’une discussion commune avec les deux amendements précédents.
Vous avez la parole, mon cher collègue.
Oui, tout à fait ! Union centriste, mes chers collègues !
Revenons à l’objet de l’amendement et de la simplification que nous appelons de nos vœux face à ce maquis complexe de petites taxes qui composent notre fiscalité.
Il est vrai, pourtant, que le moment n’est pas bien choisi, monsieur le secrétaire d’État. On réduit considérablement les aides aux collectivités, c’est très compliqué à digérer pour ces collectivités et on sait bien que cela va nécessairement entraîner des hausses d’impôts locaux. Même si ces taxes sont peu mises en œuvre, on peut s’interroger, avec le rapporteur général, sur le sens de cet effort de simplification et, surtout, sur le moment choisi pour le lancer, qui ne nous paraît pas très opportun.
Notre amendement n° I–109 rectifié bis a trait à l’alinéa 5 de l’article 8, et non aux alinéas 2 à 10. Mais il est vrai que la question peut se poser à leur sujet.
Il concerne donc exclusivement la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, qui est entièrement facultative pour les communes et les intercommunalités. Instaurée en 2006 mais applicable seulement depuis un décret du 6 juillet 2011, elle vise à inciter les propriétaires publics ou privés lors d’une urbanisation à éviter les surfaces imperméables et au contraire à utiliser des techniques alternatives visant à mieux évacuer les eaux pluviales.
Aujourd’hui, cinq collectivités l’ont mise en place et une quinzaine d’autres ont étudié, ou étudient encore, cette possibilité. Il s’agit d’une taxe pédagogique et incitative permettant de favoriser, notamment, l’infiltration de l’eau à la parcelle.
Parfois, en cas d’épisodes fortement pluvieux, les stations d’épuration ne peuvent pas faire face. Il n’est toutefois pas possible d’augmenter à l’infini la capacité du réseau, ou d’investir partout dans des réseaux séparatifs, ou encore de redimensionner les stations d’épuration. Si les techniques alternatives se développent pour les nouvelles constructions, imposant le « zéro rejet », le problème reste entier pour l’existant. D’où la mise en place de cette taxe « eaux pluviales », qui a une vocation pédagogique.
C’est pourquoi nous estimons que le maintien de cette taxe est souhaitable. Nous nous associons également aux autres demandes qui viennent d’être exprimées. Cette réflexion doit avoir lieu
M. Jean-Claude Boulard opine.
L'amendement n° I–25, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À l’article L. 2563–1, les références : « L. 2333–58 à L. 2333-63, » sont supprimées.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je sens l’impatience de votre assemblée à débattre de sujets plus larges
Exclamations sur plusieurs travées.
L’article 72–2 de la Constitution précise que « les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », mais tout le monde sait que la phrase se termine ainsi : « dans les conditions fixées par la loi. »
Cela sera d’ailleurs au centre de nos débats.
Le Gouvernement propose de supprimer des taxes, pour des raisons de simplification. Ce n’est pas honteux. Il a fait travailler l’Inspection générale des finances sur le sujet, qui elle non plus n’est pas honteuse.
J’ai récusé à plusieurs reprises, et je continuerai à le faire, cette sorte de dichotomie que certains constateraient entre le pouvoir exécutif, que je représente ici, et son administration. En effet, à quoi servirais-je si je n’étais que le pantin d’une administration ou de certains corps d’inspection qui tireraient les ficelles ? En prétendant cela, c’est à moi que vous vous en prenez, vous me dites : « Monsieur le secrétaire d’État, vous ne faites pas votre boulot, c’est l’administration qui le fait à votre place ! »
J’assume ce qui est rendu public par notre ministère après, effectivement, examen et réflexion par les ministres et leurs cabinets, qu’il ne faut pas confondre avec l’administration.
Nous avons donc demandé à l’Inspection générale des finances de mener un travail sur ce que l’on appelle les petites taxes. Il n’y en a pas vingt, mais beaucoup plus, plusieurs centaines, les petites, les moyennes…
Le résultat de cette étude n’a pas été soumis seulement au ministre, mais a fait l’objet de débats dans un certain nombre de cercles avec la participation d’acteurs, notamment dans le cadre des Assises de la fiscalité des entreprises, avec les partenaires sociaux et des parlementaires. Je me souviens, j’y étais, et il me semble que François Marc y était également, ainsi que Gilles Carrez et quelques autres. Nous avons examiné l’opportunité de ces taxes, du point de vue de ceux qui les perçoivent, certes, mais aussi de ceux qui les payent !
On ne peut pas avoir en même temps deux attitudes diamétralement opposées : regretter la disparition de ces taxes et critiquer le Gouvernement lorsqu’il autorise les départements à majorer les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, et les collectivités à majorer la taxe d’habitation pour certaines catégories de résidence dans les zones tendues, …
… lorsqu’il revalorise les bases d’imposition, lorsqu’il autorise les collectivités à mettre en place une taxe de séjour, lorsqu’il autorise les collectivités, notamment d’Île-de-France…
Vous avez raison, c’est le Parlement, je corrige.
Lorsque tout cela est mis en place, on crie au scandale en accusant le Gouvernement d’augmenter les impôts ! Non. Le Gouvernement modifie la capacité des collectivités locales à faire appel à certains dispositifs.
Parce que l’on a été obligé d’augmenter les DMTO, pour financer la péréquation !
Je dis bien : à l’ensemble des départements ! Eh oui, parfaitement !
Vous avez mis des dépenses à la charge des collectivités ! Il est facile après de proposer de telles mesures.
Une répartition a été fixée. Mais vous êtes des élus de la nation ! Vous légiférez pour l’ensemble des collectivités. Que certains d’entre vous ne considèrent que l’effet de telle ou telle mesure sur leur propre département, ça les regarde. Mais le législateur ne peut que constater ici que les recettes supplémentaires au titre des DMTO pour l’ensemble des départements sont une réalité.
En contrepartie des dépenses que vous avez mises à la charge des collectivités !
Que la répartition ne vous satisfasse pas individuellement, on peut le comprendre. Toutefois, ce n’est pas une raison pour laisser entendre que l’autorisation, donnée par voie législative aux départements, d’augmenter les ressources pour les DMTO n’a pas entraîné de recettes supplémentaires. Car un grand nombre de collectivités ont décidé d’appliquer la mesure.
Oui, mais en contrepartie des dépenses que vous avez mises à la charge des collectivités !
Ce n’est pas nous qui l’avons fait, c’est vous ! Il faut être sérieux !
Calmez-vous, madame la sénatrice ! Ça va bien se passer…
De même, en Île-de-France, les collectivités ont eu la capacité d’appliquer ou non une majoration de certaines taxes, telle la taxe sur les bureaux vacants, c’est aussi le législateur, c'est-à-dire vous, mesdames, messieurs les parlementaires, …
Mais pas du tout, madame la sénatrice !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Oui, je suis en colère ! Mais pourquoi ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Alain Fouché s’exclament.
Qui prend la décision in fine ? Qui prend la décision de mettre en place telle ou telle contribution locale ? Ce n’est pas le Gouvernement !
Écoutez, vous vous êtes exprimés. À mon tour de le faire ! Je suis dans cet hémicycle depuis longtemps. S’il le faut, je peux être là cette nuit et même demain.
J’irai au bout de mon raisonnement, madame la sénatrice !
Vous ne pouvez le nier : lorsque Gouvernement donne aux collectivités la capacité d’augmenter leurs ressources, …
… vous ne pouvez pas interpréter cette mesure en disant qu’il augmente les impôts.
Non, madame la sénatrice, c’est tout simplement injuste !
Or là, vous faites le raisonnement inverse : supprimer quelques recettes conduirait à priver les collectivités de leur autonomie en matière de gestion.
Eu égard aux taxes citées et aux volumes concernés, je puis affirmer, en toute sérénité, qu’il s’agit là d’une mesure de simplification. On n’aura évidemment pas la même position pour les ressources concernant l’ensemble des collectivités.
C’est pourquoi le Gouvernement est a priori défavorable à ces amendements. De toute façon, s’ils sont adoptés, il n’en fera pas une affaire d’État. Vu les volumes concernés, il n’y a pas véritablement de sujet budgétaire.
Voilà ce que je souhaitais dire à ce stade de la discussion et que je ne cesserai de répéter.
Moi, je n’ai pas dit que vous étiez nulle, madame !
Je n’imaginais pas que les amendements identiques de nos collègues Jean-Claude Boulard et Jean Germain allaient susciter un tel débat ou, en tout cas, une telle fougue dans ce débat.
Cela étant dit, vous anticipez un peu, monsieur le secrétaire d'État, sur le débat que nous aurons ultérieurement.
Il faut comprendre que les collectivités territoriales – et je suis certain que vous le comprenez très bien – ont besoin de visibilité.
Nous sommes dans une période où les dotations vont diminuer comme jamais. On nous annonce, l’année prochaine, lors de l’examen du projet de loi de finances, une grande réforme de la dotation globale de fonctionnement, le grand soir !
Dans un sens, je m’en réjouis parce que le système tel qu’il fonctionne aujourd'hui est illisible et inéquitable ; il faut le revoir. D’ailleurs, il faut tout revoir ! La DGF forfaitaire, les péréquations horizontales et verticales, tout cela est contradictoire.
En l’occurrence, on constate une baisse des dotations ; on annonce une réforme de la DGF et une réforme des valeurs locatives. Le Sénat est plutôt favorable à cette dernière réforme, mais sans en connaître pour autant les conséquences. Une très grande incertitude pèse donc sur les recettes des collectivités territoriales.
Vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, de commencer à supprimer, par souci de simplification, les taxes les unes après les autres. Comprenez que cela inquiète ! Il y aurait tout intérêt à faire converger tous ces sujets – la réforme de la DGF, la baisse des dotations, la réforme des valeurs locatives – et, pourquoi pas, la remise en cause d’un certain nombre de taxes, afin que nous puissions apprécier les conséquences, dans leur globalité. Mais traiter les choses par le petit bout de la lorgnette ne peut qu’inquiéter les élus locaux.
C’est donc avec grand plaisir que je voterai ces amendements identiques.
Les propos de notre collègue Philippe Dallier, qui a souligné une inquiétude généralisée face à l’évolution des dotations et, peut-être, un problème de méthodologie – mais c’est la présentation du projet de loi de finances qui veut que nous ayons à nous prononcer sur de micro-sujets avant d’aborder les questions principales ! –, sont frappés au coin du bon sens.
Cela étant, pour ce qui me concerne, je n’ai pas changé d’avis : un certain nombre de micro-taxes, d’anciens produits fiscaux posent problème. Un jour, Édouard Balladur, alors qu’il était ministre des finances, avait expliqué qu’un bon impôt était un vieil impôt parce que les gens y étaient habitués.
La taxe de trottoirs, ce n’est pas parce qu’elle a plus de cent cinquante ans que c’est un bon impôt. Aujourd’hui, cette taxe n’est sans doute plus adaptée.
Ce projet de loi de finances, j’en donne de nouveau acte au Gouvernement, traduit, il est vrai, une volonté de toilettage d’un certain nombre de petites taxes de l’État ou des collectivités. Mais le contexte actuel suscite une inquiétude légitime.
Je comprends l’idée évoquée précédemment par notre collègue Jean-Claude Boulard, qu’il avait d’ailleurs exprimée en commission, et selon laquelle on nous teste pour savoir si nous sommes prêts à accepter progressivement une disparition de l’autonomie fiscale, et non pas de l’autonomie financière.
Pour ma part, je voterai contre ces amendements. En effet, je souhaite être cohérent avec la position que j’ai défendue lors de ma participation aux travaux du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité affectée, qui s’est intéressé aux micro-taxes et non pas, d’ailleurs, à la fiscalité affectée aux collectivités locales : il est nécessaire de toiletter la fiscalité.
Aujourd'hui, un certain nombre de produits fiscaux ne sont plus adaptés aux besoins actuels. Aussi, une remise à plat est nécessaire. À cet égard, j’espère que la réforme de la DGF sera l’occasion de cette remise à plat, sans que, dans le même temps, cela aboutisse à priver les collectivités d’une autonomie fiscale.
D’ailleurs, l’autonomie fiscale reste importante dans notre pays – les travaux en témoignent –, même si elle a globalement régressé, comme ont pu le constater, depuis une vingtaine d’années, tous les responsables d’exécutifs. D’une manière générale, elle est plus importante que dans un certain nombre de pays voisins, et il convient, à mon sens, de la maintenir. En effet, c’est un facteur de responsabilisation des élus locaux que d’avoir à voter l’impôt et à en rendre compte aux citoyens.
En l’occurrence, s’agissant des deux micro-taxes visées, je voterai contre les amendements identiques, car il faut bien commencer à réformer. Certes, on ne le fait pas dans les meilleures conditions, ni au meilleur moment d’un point de vue méthodologique, mais, à un moment, il faut commencer !
Je formulerai quelques remarques sur cette question.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez décidé d’amorcer un mouvement global de simplification de la fiscalité en proposant de supprimer des taxes dites « petites et diverses » et dont le rendement serait trop faible ou trop anecdotique pour justifier leur maintien.
Ce matin, au sujet des niches fiscales, vous avez dit qu’on mélangeait un petit peu tout dans le domaine de la fiscalité et qu’il fallait faire du tri dans les crédits d’impôt et les niches fiscales.
En l’occurrence, j’ai l’impression que l’on mélange aussi un peu tout. Les petites taxes sont très diverses : certaines sont perçues au profit de l’État, d’autres, au profit des collectivités territoriales ou d’agences qui mènent des actions en lieu et place de l’État. Aussi, il nous faut engager un véritable débat sur ces questions.
Toutefois, comme l’ont fait de nombreux autres collègues, je veux revenir sur la libre administration des collectivités territoriales.
Concernant la question de l’imposition, le Parlement nous offre des possibilités, que nous saisissons ou pas. C’est un choix local. Cela vaut tant pour les DMTO que pour la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines ou la taxe de trottoirs.
J’avoue que j’ai un peu de mal à comprendre. En effet, dans le cadre de la loi GEMAPI, gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, une nouvelle taxe a été créée pour, soi-disant, permettre aux collectivités territoriales de prendre en charge la gestion des digues, car l’État veut leur transférer cette gestion. Il s’agit aussi en soi d’une petite taxe, puisque la somme est limitée.
La taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines procède du même esprit. Comme l’a rappelé notre collègue Vincent Delahaye, cette taxe a pour objet de faire en sorte que des eaux pluviales soient dirigées non pas dans le réseau, mais dans des rues ou des bassins de rétention, pour éviter qu’elles ne viennent grossir trop vite la rivière en cas d’orage. Elle est donc un élément de la lutte contre le risque d’inondation. Aussi a-t-elle sa pertinence, et elle présente un intérêt selon les territoires concernés, qui peuvent la mettre en place ou non.
Si les règles de mise en œuvre de cette taxe figurent dans un document énorme, monsieur le rapporteur général – je le sais bien, car je l’ai consulté ! –, et sont complexes, cela signifie qu’il faut sans doute les simplifier. Supprimer cette taxe n’est pas obligatoirement la bonne solution.
Si un travail doit être fait aujourd'hui, il faut peut-être, selon moi, le faire porter sur un certain nombre de taxes. En tout cas, il ne faut pas ôter aux collectivités, qui sont face à des responsabilités importantes, la possibilité de pouvoir choisir leur mode de gestion, d’autant que la responsabilité de l’État n’est pas très engagée dans cette démarche.
Je suis d’autant plus attentive à cette question que, comme l’ont souligné certains collègues, vous nous enlevez la possibilité de répondre à des besoins particuliers au moment même où vous nous imposez des contraintes en termes de dépenses.
C’est vraiment contraire à la libre administration des collectivités territoriales.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le secrétaire d'État, je comprends votre agacement.
M. le secrétaire d’État hoche la tête en signe de désapprobation.
Depuis vingt ans, les gouvernements de droite et de gauche ont fait en sorte que l’autonomie fiscale des collectivités soit mise à mal.
Lorsque j’ai commencé à exercer mes fonctions au niveau régional, la part du budget de la région d’Île-de-France relevant de l’autonomie fiscale était comprise entre 38 % et 39 %, contre 11 % aujourd'hui. Je ne dis pas que c’est depuis deux ans ; c’est depuis vingt ans, c’est vrai, que les contraintes ont considérablement augmenté. Voilà, on le dit !
Une réforme est nécessaire. En effet, il faudra bien, à un moment, engager une véritable réforme des collectivités concernant leur financement, leur autonomie. Et il faut se mettre d’accord, car cela ne sert à rien de courir l’un après l’autre pour constater, au final, que, d’année en année, on a moins de capacités et moins d’autonomie.
Certes, je vais voter ces amendements. Mais reconnaissons que nos débats de cet après-midi sont quelque peu surréalistes : nous livrons une bataille rangée pour 1, 5 million d’euros, …
… tandis que le Gouvernement réduit de 11 milliards d’euros les dotations des collectivités territoriales.
Force est de reconnaître que nous employons le marteau pour écraser un moucheron !
Monsieur le secrétaire d’État, je vous le dis en toute franchise, en tant que président de la commission des finances de la région d’Île-de-France : certains procédés ne sont pas acceptables.
En 2012, la région d’Île-de-France a renégocié avec le Gouvernement le financement du Grand Paris Express. J’ai pris part à ces discussions, je l’avoue volontiers, avec l’exécutif régional de gauche, car à mon sens, elles relevaient de l’intérêt général. Un important apport de l’État s’ajoutait alors aux financements des entreprises et de la Société du Grand Paris, la SGP. Assez vite, on nous a déclaré que l’État ne pourrait pas participer, pour des raisons budgétaires que l’on conçoit.
On nous a expliqué que l’ensemble des réserves de la SGP seraient mobilisées, et qu’elles se substitueraient à cet apport. Las, ces fonds sont formés à partir des impôts payés par les Franciliens et les entreprises de la région.
Ensuite, nous avons signé la convention de 2013 sous l’égide de Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre. À cette occasion, on nous a assuré que l’État apporterait 150 millions d’euros supplémentaires au titre du plan de rénovation énergétique de l’habitat et du Grand Paris Express.
Au bout d’un an, nous avons compris que nous ne recevrions pas les crédits en question. Nous avons protesté, en exposant que l’État risquait de mettre à mal tous les investissements, et partant le Grand Paris Express. En conséquence, vous avez demandé au Parlement d’autoriser l’augmentation des taxes pesant sur les entreprises et les ménages pour dégager la somme de 140 millions d’euros, que Manuel Valls a persisté à présenter comme « l’apport de l’État au financement du Grand Paris Express ».
Je m’excuse, mais il ne s’agit pas d’un apport de l’État : c’est un simple transfert ! En somme, l’État autorise le conseil régional à augmenter les impôts pesant sur les ménages et sur les entreprises. Voilà où est le problème.
Il ne me semble pas qu’une seule commune d’Île-de-France perçoive une taxe sur les eaux pluviales ou sur les trottoirs. Parallèlement, je comprends très bien votre souci de simplification. L’État, selon vous, réduit les impôts en simplifiant l’imposition. Mais, parallèlement, il ampute de 11 milliards d’euros les dotations des collectivités ! Et, au lieu de s’impliquer dans un grand projet, conformément à ses engagements, le Gouvernement, faute de moyens – ce que l’on peut comprendre –, demande au Parlement d’autoriser les collectivités à augmenter les impôts pour « constituer » la part de financement de l’État. Le serpent finit par se mordre la queue !
Notre région veille à ne pas écraser les entreprises sous le poids des charges, alors même que l’on nous suggère d’augmenter le versement transport. La situation devient intenable. J’appelle donc d’urgence à une remise à plat du dispositif d’ensemble, à une réforme du millefeuille. Car, pour l’heure, nous sommes dans la pure folie. §
Je laisserai à MM. Boulard et Germain le soin d’évoquer spécifiquement ces amendements.
Je constate, pour ma part, que nous venons d’assister à un petit échauffement, avant les débats de lundi ou de mardi.
On le sait très bien, la question du budget des collectivités territoriales va enflammer le Sénat, …
Nous, sénatrices et sénateurs, sommes particulièrement les représentants des collectivités territoriales.
M. Karoutchi l’a rappelé fort justement : il y a bien plus de deux ans que les collectivités sont étranglées par les charges.
M. Eckert a évoqué l’augmentation des DMTO. Pourquoi cette hausse a-t-elle eu lieu ? Parce que, entre 2004 et 2012, face aux multiples transferts opérés par l’État – je songe notamment au RSA –, les conseils généraux ont fini par ne plus pouvoir assumer leurs missions.
Pis, vingt à trente départements auraient été jugés en dépôt de bilan s’ils avaient été, non des collectivités, mais des entreprises.
L’effet de ciseaux entre les dépenses et les recettes a dégénéré en effet de garrot : les départements ont été étranglés.
Il fallait trouver une solution, ce qui n’a pas été fait entre 2004 et 2012. Aussi l’Assemblée des départements de France a-t-elle pris, entre 2009 et 2010, une décision unanime : effacer la dette de l’État vis-à-vis des conseils généraux. Nous sommes partis de ce principe : quelle que soit la majorité élue en 2012, personne ne remboursera ces créances – ces dernières s’élèvent à 3, 5 milliards d’euros pour le seul RSA. Il faut donc privilégier de nouvelles recettes.
En conséquence, nous avons conclu un accord, dont je remercie le Gouvernement. Ce texte portait sur deux points, que la Haute Assemblée a examinés.
D’une part, les collectivités territoriales ont obtenu le droit d’augmenter les DMTO. Il s’agit bien d’une faculté et non d’une obligation ! §
J’en conviens tout à fait, il n’y avait pas d’autre possibilité : le transfert du RSA nous a étranglés.
D’autre part, grâce aux accords conclus à Matignon avec le soutien de la droite et de la gauche, la France a connu, l’année dernière, et pour la première fois depuis dix ans, une péréquation positive de l’État envers les départements faisant face à de grandes difficultés. Il faut en savoir gré aux uns et aux autres.
Nous débattrons plus avant de ces questions lundi. Dans la situation actuelle, pour réduire la dette, les déficits, la dépense publique, tout le monde doit faire un effort, notamment les collectivités territoriales, nous en convenons tous, à divers degrés. Cela étant, on ne peut procéder en dépit du bon sens et en se faisant taper, ici ou là, des petites taxes !
Certes les petits ruisseaux font les grandes rivières, mais là n’est pas l’essentiel : il faut se concentrer sur l’effort que les collectivités vont devoir accomplir au cours des trois années à venir, et qui s’établit entre 10 et 11 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros dès l’année prochaine. Surtout, cet effort doit être réparti le plus équitablement possible, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.
Aussi, nous voterons bien sûr les amendements déposés par nos collègues, car il s’agit d’un signe.
Le Gouvernement doit entendre le message du Parlement. Les efforts sont nécessaires, mais gardons-nous de frapper de manière trop aléatoire. Les collectivités territoriales finiraient par ne plus pouvoir suivre.
Nouveaux sourires.
Les hussards peuvent être envoyés en éclaireurs pour explorer la route et assurer la progression des troupes – j’emploie cette image avec le plus grand calme : il ne me semble pas que ceux qui soutiennent ces amendements soient en guerre avec le Gouvernement.
Nous avons participé à toutes les réformes de la fiscalité locale. Certains d’entre nous ont en outre salué le redécoupage régional, même s’ils en ont été exclus. Ainsi, la région dont je suis l’élu souhaitait être réunie à d’autres territoires, pour former un vaste ensemble. On nous a répondu : « Non ! Vous le voulez peut-être, mais votre région restera toute seule. » §Soit ! Nous poursuivons notre route.
Nous sommes, en l’occurrence, face à un autre enjeu : nous préparons un débat futur, sur la base d’une analyse de la situation générale fondée sur la consultation de chaque département. Personne ne refuse d’accomplir des efforts, mais il faut rester attentif au contexte dans lequel nous nous trouvons.
Ce n’est nullement une attaque contre le Gouvernement, …
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ouf !
Sourires
… ou contre l’Inspection générale des finances, même si je relève au passage que nous n’avons jamais reçu le rapport en question…
On s’est contenté de nous le promettre.
Au reste, si nous éprouvons pour l’Inspection générale des finances et pour la Cour des comptes tout le respect qui leur est dû, nous nous gardons, à leur égard, de toute déification.
Nous sommes au Parlement, et la représentation nationale est ici dans son rôle. Nous ne nous exprimons pas, à cet égard, en tant que responsables de collectivités territoriales.
D’ailleurs, en procédant ainsi, nous nous inscrivons à mon sens dans la perspective tracée par le Président de la République et par le Premier ministre. Nous souhaitons préserver un dialogue de qualité, fondé sur la confiance, entre l’État et les collectivités. C’est dans cet esprit que les membres du groupe socialiste ont déposé leur amendement.
On peut bien sûr décider de ne pas nous écouter du tout, …
… en avançant que nos propos sont médiocres, que nous sommes des figures du passé, que nous ne comprenons rien à rien, que nous nous méfions des administrations, …
Nouveaux sourires.
Notre constat est très simple : on observe aujourd’hui une forme d’ébullition. On peut très bien refuser d’en tenir compte et passer outre, mais, dès lors, ce qui doit arriver arrivera.
M. Jean Germain. Voilà tout. Bien sûr, les membres du groupe socialiste voteront ces amendements, et renouvellent leur confiance au Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – MM. André Gattolin et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.
Je voterai ces amendements, notamment parce que l’une de ces taxes me paraît excellente : la taxe sur les eaux pluviales.
En tant que maire, j’aurais aimé disposer de ce formidable dispositif pour empêcher les habitants de rejeter ces eaux sur la voie publique.
Je songe par ailleurs à l’époque où nous restaurions un boulevard de notre ville. Il a fallu refaire des canalisations et aménager un exutoire. Quand on est, comme c’est le cas de notre commune, dans les causses, on n’a pas de rivière à sa disposition. Pour obtenir un exutoire, il faut donc qu’un propriétaire accepte de vendre un terrain, qu’on l’achète et qu’on l’aménage. Mais les riverains protestent, car, selon eux, cet équipement favorise la prolifération des moustiques, des serpents, et est source de pollution.
Une telle taxe aurait permis de financer ces travaux. Toutefois, le système existant est si complexe – M. le rapporteur général l’a souligné – que nous avons dû abandonner. Ma commune compte au rang de celles qui auraient peut-être appliqué ce dispositif si sa mise en œuvre avait été plus simple.
Voilà pourquoi je voterai ces amendements. Au reste, pour paraphraser la formule bien connue, une taxe ne s’use que si l’on ne s’en sert pas !
Sourires sur plusieurs travées . – MM. Vincent Capo-Canellas et Richard Yung applaudissent.
Je serai bref car, plusieurs de nos collègues l’ont dit, nous sommes appelés à revenir prochainement sur la question des collectivités territoriales.
Je ne crois guère au grand soir de la refonte des dotations et des aides de l’État, de la révision des valeurs locatives, de la réforme de la péréquation, etc.
J’attends de voir.
Cela étant, le moment me semble assez mal choisi pour supprimer des taxes…
… qui, si elles sont modestes, sont d’un grand secours pour certaines de nos communes.
Monsieur le secrétaire d’État, vous appuyez votre administration, soit ! Il serait tout de même bon que vous donniez les instructions pour qu’un guide comme celui dont nous avons parlé tout à l’heure, et qui compte quelque quatre-vingt-treize pages, ne puisse plus être imprimé à l’avenir. Ces publications, qui exigent en outre le travail de nombreux fonctionnaires, sont à mon sens bien excessives.
J’abonde dans le sens de Mme Des Esgaulx, et je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce qu’a dit M. le secrétaire d’État notamment quant aux recettes des collectivités et aux taxes prélevées par les départements.
Les conseils généraux ont besoin de recettes. Dès le début de la décentralisation, au temps de Pierre Mauroy, l’État a transféré des charges aux départements sans leur accorder les recettes correspondantes, et ce quel que soit le gouvernement en place. Ce mouvement s’est encore accentué au cours des dernières années.
De plus en plus, les conseils généraux assurent les politiques de solidarité. L’État se désengage désormais de nombre de missions régaliennes, qu’il s’agisse des anciennes directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, les DDE et les DDA. De multiples services sont en train de fermer. Qui prend le relais ? C’est, naturellement, les collectivités territoriales, et au premier chef les départements.
J’entends des ministres faire des conférences de presse pour dire que les départements sont mal gérés, qu’ils embauchent trop… Mais les départements n’embauchent que parce que l’État se désengage ! Ils sont donc obligés d’accomplir ses missions et de recruter des personnels de l’État. C'est d'ailleurs pourquoi les personnels de la DDE sont accrochés au département pour se faire embaucher.
En outre, il est question de supprimer le fonds de péréquation – on y reviendra dans quelques heures, au début de la semaine prochaine. Mais qui le remplacera auprès des collectivités ? On sollicitera encore le département !
Je crois donc que, sur le principe, ce n’est pas le moment de sanctionner les collectivités qui, depuis des années, on fait des choix qui sont visiblement approuvés par leurs électeurs.
Cela fait des mois que je demande sans succès – en dépit des promesses – la transmission du rapport de l’Inspection générale des finances. Compte tenu de l’importance de ce rapport, il serait tout de même normal que le Sénat l’obtienne !
Pour ma part, je ne vous cacherai pas que les rapports de l’Inspection générale des finances, tout comme les propos de la Cour des comptes, ne m'impressionnent guère – peut-être parce que je connais un peu ce monde, ce qui me permet d’avoir un jugement légèrement distancié. Et puis il y en a un peu assez de voir l’Inspection ou la Cour penser à notre place !
Ici, c'est le Sénat ; là-bas, c'est l’Assemblée nationale. Et c'est à nous, au Parlement, qu’il revient d’élaborer un certain nombre de propositions dans le cadre de l'intérêt collectif.
Seconde considération, ce débat n’est pas un petit débat ! Le nombre important des intervenants ne m'étonne pas. On voit bien le procédé, on commence par une ou deux taxes pour nous tester : « Vont-ils résister ? », se demande-t-on. Au fond, nous sommes de gentilles personnes, et le mot « simplification » est propre à nous séduire…
Mais, derrière le mot « simplification », se cache le mot « suppression ». Alors commençons par simplifier avant de supprimer ! De même, derrière le mot « toilettage », il y a « tondu ». Et derrière l’expression « mise à plat », on trouve « sur les jantes » – car les pneus se dégonflent…
Prenons donc garde à ces mots qui s'avèrent extraordinairement « piégeux », d’avec lesquels il convient de prendre parfois ses distances !
Le message que nous voulons faire passer est donc le suivant : alors que les dotations vont baisser, ce n’est pas le moment de remettre en cause, au motif de simplifier, des taxes qui participent de l’autonomie des collectivités locales, quelle que soit la modestie de leur rendement.
C’est un message utile car il y a des idées ! Si nous avions acquiescé à ce premier mouvement, on se serait dit : « Ils ont accepté, on va pouvoir continuer ! ». Non, décidément, il fallait porter un coup d’arrêt.
Par ailleurs, c'est une vieille idée, à Bercy, que de remplacer toutes nos taxes par des dotations. §Depuis quarante ans, toutes majorités successives confondues, la continuité l’emporte toujours sur le changement lorsqu'il s'agit de remettre en cause l’autonomie fiscale des collectivités locales.
Même s'il ne s'agit que de petites taxes, le vote que vous allez émettre portera ce message : « On ne touche pas, quelle que soit la modestie des impôts en cause, à l’autonomie fiscale des collectivités locales ! »
Au moment où nous avons abordé les amendements portant sur l’article 8, je ne pensais pas que la discussion susciterait autant de passion !
Depuis longtemps, année après année, budget après budget, le débat sur l’autonomie financière des collectivités est largement engagé. Ici, on parle de petites taxes – je découvre même l’existence de certaines d’entre elles. Par ailleurs, nous recevons divers rapports et documents, notamment de l’Inspection générale des finances et de la Cour des comptes, autant d’organismes que nous respectons. Mais chacun d’entre vous a-t-il le temps de les lire ?
MM. Jean-Pierre Caffet et François Marc acquiescent . – M. Jean-Claude Boulard s’exclame.
D’un côté, on est donc noyé sous l’information. Mais de l’autre côté, la réforme des collectivités territoriales, la revalorisation des bases, cela fait des années que ça dure, quels que soient les gouvernements, de gauche ou de droite. ! Il ne faut donc jeter la pierre à personne ! Il arrive un moment où tout le monde devient responsable. Chacun doit alors se remettre en question, à tous les niveaux.
L’autonomie financière des collectivités territoriales, c'est une question qui, ici, nous engage tous, compte tenu de ce que sont nos missions et nos domaines d’activité. Et la passion qui nous anime, c'est bien celle de servir nos collectivités territoriales et l’État !
En réalité, le sujet qui nous occupe ce n’est pas celui des eaux pluviales ou des trottoirs, c’est, d'une façon générale, celui des ressources des collectivités locales, ce qui laisse augurer un vaste et beau débat sur l’article 9 !
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai bien entendu tout à l'heure, et la commission des finances, dans sa majorité, ne vous suivra pas sur un point. Certes, on annonce une baisse des dotations de 11 milliards d’euros en trois ans. Lorsque nous avons débattu de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, nous avons essayé de regarder quelles seraient les conséquences de cette diminution, et deux d’entre elles nous inquiètent.
En premier lieu, la baisse de l’investissement : elle résultera mécaniquement de l’évolution des dotations, et cette baisse sera d’autant plus forte que les charges de fonctionnement continueront à progresser d’après les chiffres communiqués par le Gouvernement lui-même – à cause, par exemple, du GVT, le glissement vieillesse technicité.
En second lieu, nous sommes préoccupés par ce que l’on appelle « l’effet taux ». La décomposition de la baisse de 11 milliards d’euros, telle qu’elle résulte des chiffres du Gouvernement, montre que les collectivités locales seront contraintes d’augmenter leurs taux d’imposition pour plus de 4 milliards d’euros. Un tableau, qui figure dans la loi de programmation, le montre très précisément.
Alors, oui, on peut toujours dire que les collectivités seront libres d’augmenter ou non leurs taux d’imposition. Mais l’exemple des DMTO est à cet égard tout à fait significatif. Pourquoi cet exemple est-il venu spontanément ? Parce qu'on a dit aux départements qu’ils pouvaient augmenter leurs droits de mutation, alors qu’en réalité, ce n’est pas pour eux une possibilité, mais une obligation !
Si la quasi-totalité des départements ont recours au déplafonnement des droits de mutation, ce n’est pas par choix ou pour le plaisir d’augmenter les prélèvements obligatoires. C'est, d’une part, parce que des charges ont été transférées – on l’a dit – et, d’autre part, parce qu’un dispositif de péréquation pervers avait été mis en place, …
Évidemment, presque tous les départements ont été mécaniquement conduits à augmenter leurs droits de mutation à titre onéreux…
Voilà pourquoi nous avons ce débat ! À l’évidence, ce n’est pas le sujet des eaux pluviales ou des trottoirs qui nous occupe ! Concrètement, la question posée est la suivante : demain, sera-t-on contraint d’augmenter la fiscalité, et de quelles ressources disposerons-nous ?
De ce point de vue, je me suis laissé convaincre par la position que beaucoup ont exprimée, en particulier Jean-Claude Boulard. La question n’est pas celle de l'intérêt de telle ou telle taxe.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx opine.
Pour moi, la meilleure des libertés consiste à ne pas leur imposer en permanence des charges nouvelles.
Cela explique d'ailleurs la position qu’adoptera le groupe UMP, …
… ainsi que, d'ailleurs, le groupe UDI-UC, sur la baisse de dotation, que nous accepterons dans son principe, mais que nous modulerons pour tenir compte de ces charges qui nous sont imposées en permanence ! Voilà qui augure donc de beaux débats sur l’article 9.
Ma réaction n’était pas d’irritation, mais d’explication, et, si elle a été considérée autrement, je vous prie de m’en excuser. Elle consiste à dire que nous ne parlons pas en réalité des deux taxes visées – ceux qui ont défendu les amendements en question ou argumenté en leur faveur l’ont dit eux-mêmes –, mais d’une question de principe.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Alors, allons-y ! J’ai donc parlé des principes, et pas spécialement de l’enjeu budgétaire que ces taxes représentent – enjeu considérable
Sourires.
Si la position du Sénat, en faisant du maintien de ces taxes une question de principe, est de dire : « Surtout, ne touchons à rien ! »
M. Jean-Claude Boulard opine.
Je rétorque que ce n’est pas interpréter correctement l’esprit de la Constitution que de se référer à son article 72–2 ! Mais j’ai répondu sur ce point. Nous aurons bien sûr tout le loisir de parler de l’autonomie fiscale et de l’autonomie financière – qui ne sont d'ailleurs pas la même chose.
M. Roger Karoutchi opine.
Nous débattrons sur les différences entre les deux notions, y compris en faisant référence à une loi organique votée en 2004 – notez bien la date, elle vous permettra d’en reconnaître les auteurs !
C'est ainsi que nous aurons l’occasion de parler de l’autonomie financière, et comme l’explication – ou l’interprétation – de l’article 72–2 est donnée dans la loi organique de 2004, on aura peut-être des surprises en regardant certains chiffres. Mais cela, on se le réserve pour lundi.
Quoi qu’il en soit, je remercie Jean Germain d’avoir renouvelé sa confiance au Gouvernement. §De toute façon, monsieur le sénateur, j’avais conscience que la confiance du groupe socialiste envers le Gouvernement…
… ne se mesurerait pas à l’aune du volume financier – 1, 7 million d’euros – que représentent les deux taxes ! Je dis cela en signe d’amitié, et pour détendre un peu l’atmosphère.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, les amendements n° I-109 rectifié bis et I–25 n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-316 est présenté par M. César, Mme Espagnac et M. Lasserre, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° I-326 est présenté par Mme Primas, M. César, Mme Lamure et MM. G. Bailly, Calvet, Gremillet, P. Leroy et Poniatowski.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Sophie Primas, pour présenter L'amendement n° I-316.
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° I-326, dont je suis également signataire.
Nous venons de passer beaucoup de temps sur deux petites taxes qui concernaient les collectivités territoriales, et je ne voudrais pas retarder trop les débats, mais, en l’occurrence, il s’agit d’une toute petite taxe qui concerne les agriculteurs.
Sur l’initiative de notre collègue député Valérie Rabault, l’Assemblée nationale a ajouté de nouvelles suppressions de taxes à celles qui figuraient dans le projet de loi de finances initial. Parmi les dispositions ainsi adoptées par les députés figure la suppression du droit d’enregistrement – droit bien minime, mais fixe – de 125 euros pour les cessions de gré à gré de cheptel et autres objets mobiliers dépendant d’une exploitation agricole.
Les cessions de fonds agricoles sont également soumises à ce droit fixe d’enregistrement. Le rendement de cette mesure est très faible, certes ! Mais en la supprimant, nous faisons rentrer la cession de fonds agricoles dans le droit commun. Après analyse, il apparaît en effet qu’avec la disparition de l’article 732 du code général des impôts, les cessions de fonds agricole, de matériel ou de cheptel faites sans vente corrélative de terres tomberaient sous le coup des droits applicables aux ventes de fonds de commerce et de clientèles fixés par l’article 719 du code général des impôts via l’article 720 dudit code.
Les droits d’enregistrement seraient donc nuls jusqu’à 23 000 euros, puis de 3 % jusqu’à 200 000 euros et de 5 % au-delà. Autant dire que les fonds agricoles seront davantage taxés au moment de leur cession si on laissait l’article 8 en l’état.
La commission des affaires économiques du Sénat a considéré qu’il ne fallait pas pénaliser le fonds agricole plus qu’il ne l’est aujourd'hui, et propose avec cet amendement de revenir sur ce que nous considérons comme une fausse bonne idée de nos collègues députés. Cela, d’autant que l’application d’un tel régime fiscal emporterait conséquence, à mon avis, inutile, sur l’installation, notamment, de jeunes agriculteurs ou sur la transmission de l’exploitation. Or, l’esprit dans lequel notre collègue député Valérie Rabault a supprimé cette taxe à faible rendement était, me semble-t-il, celui de la simplification, son intention n’étant pas d’alourdir la fiscalité.
Pour ces raisons, je vous demande de voter cet amendement, dont l’adoption facilitera l’installation de jeunes agriculteurs ou la transmission de l’exploitation.
La commission s’interroge. Il ne s’agit pas d’une taxe perçue au profit des collectivités territoriales, mais d’un droit d’enregistrement perçu au profit du budget de l’État. À nos yeux, monsieur le secrétaire d'État, c’est une différence de nature. Une position de principe en faveur du maintien des ressources des collectivités et de la possibilité pour ces dernières de fixer certains taux et d’instaurer certaines taxes s’exprime sur toutes les travées.
Sophie Primas a exposé les enjeux techniques ; je n’y reviens pas. La commission n’est pas hostile à ces deux amendements identiques, mais elle n’a pas été en mesure d’expertiser les conséquences qu’aurait le rétablissement du droit d’enregistrement supprimé par l’Assemblée nationale sur l’initiative de la rapporteure générale de sa commission des finances. Nous souhaiterions entendre le Gouvernement, qui pourra peut-être nous apporter un éclairage.
Le Gouvernement n’a pas réponse à tout !
Il s’interroge comme la commission. L’intention affichée par la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale était plutôt bienvenue, mais il semble que la rédaction retenue ait un effet secondaire. Il faut regarder cela de plus près. Le Gouvernement n’a pas achevé son expertise ; il l’avoue avec beaucoup d’humilité. Il s’en remet donc à la sagesse du Sénat, et profitera de la navette pour approfondir le sujet.
Il me semble que ces deux amendements identiques pourraient être retirés, dès lors que la commission des finances et le Gouvernement se sont engagés à expertiser le dispositif.
Les chiffres des installations viennent de tomber. L’engagement pris par le ministre de l’agriculture d’augmenter le nombre d’installations a été tenu. Il n’y a jamais eu autant d’installations que pendant l’année écoulée. Le nombre d’installations est très élevé. Les choses fonctionnent. C’est prendre un risque que de déstabiliser le système sans avoir préparé d’étude d’impact.
Les orientations prises dans la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt sont si fragiles…
Il s’agit de rendre plus faciles, demain, les transmissions d’exploitation et les installations d’agriculteurs.
Plutôt que de modifier le dispositif aujourd'hui, il faut attendre les résultats de l’expertise.
Cela ne me gêne pas a priori de voter ces deux amendements identiques, mais je m’interroge sur leurs conséquences.
Nous ne sommes pas loin de nous retrouver sur ce sujet. La question est de savoir si on vote ces amendements maintenant en attendant de pouvoir réexaminer la question au cours de la navette, ou si on les met de côté en se réservant la possibilité de les voter le moment venu pour équilibrer les choses.
Pour moi, cela importe peu. Ce qui compte, c’est qu’il continue à y avoir en France des transmissions d’exploitation agricole et des installations de jeunes agriculteurs, car l’avenir de notre agriculture en dépend.
Je ne peux que souscrire aux propos de Didier Guillaume. Nous n’avons pas d’expertise sur les conséquences que la modification juridique adoptée par l’Assemblée nationale aurait en matière de transmission d’exploitation. Comme un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, je maintiens mon amendement afin qu’il serve de base à la discussion au cours de la navette.
Les amendements sont adoptés.
L'article 8 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I–273 rectifié est présenté par MM. Chiron et Lalande.
L'amendement n° I–401 rectifié est présenté par MM. Delahaye, Capo-Canellas, Marseille et Jarlier, Mme Iriti, MM. Canevet, Zocchetto, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les cinq premiers alinéas du 1 de l’article 39 A du code général des impôts sont ainsi rédigés :
« 1. L’amortissement des biens d’équipement, autres que les immeubles d’habitation, les chantiers et les locaux servant à l’exercice de la profession, acquis ou fabriqués par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d’exemption par catégorie), peut être calculé suivant un système d’amortissement dégressif, compte tenu de la durée d’amortissement en usage dans chaque nature d’industrie.
« Les taux d’amortissement dégressif sont obtenus en multipliant les taux d’amortissement linéaire par un coefficient fixé à :
« a) 2 lorsque la durée normale d’utilisation est de trois ou quatre ans ;
« b) 3 lorsque cette durée normale est de cinq ou six ans ;
« c) 4 lorsque cette durée normale est supérieure à six ans. »
II. – Le I s’applique aux biens acquis ou fabriqués entre le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Chiron, pour présenter l’amendement n° I–273 rectifié.
Nos échanges fructueux en commission avec Vincent Delahaye nous ont conduits à déposer ces deux amendements identiques, qui visent à instaurer un mécanisme d’amortissement exceptionnel sur vingt-quatre mois pour l’investissement des PME dans les matériels et outillages de production.
Ce mécanisme viendrait compléter le CICE et les baisses de charges sociales, qui ont pour objectif de restaurer la compétitivité de nos entreprises. Tant le CICE que les baisses de charges sociales bénéficient indifféremment à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et quel que soit leur secteur d’activité. Or, au-delà de la nécessité globale que l’ensemble de nos entreprises dégagent des marges leur permettant de générer de la croissance, de l’investissement et de l’emploi, il existe des besoins spécifiques de renforcement de notre appareil productif, notamment en matière d’équipement en machines-outils des PME-PMI.
L’âge moyen du parc français de machines-outils est aujourd’hui de dix-neuf ans. Au cours des quinze dernières années, le parc français de machines de moins de quinze ans s’est réduit de 10 000 machines, alors que, parallèlement, celui de l’Allemagne a augmenté de 95 000 machines. La loi de finances pour 2014 a déjà prévu un dispositif d’amortissement accéléré en faveur de l’investissement des PME dans la robotique. Le dispositif proposé vise à élargir cette mesure à d’autres technologies de production.
Il s’agit, vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d'État, de produire plus vite et mieux. Cette mesure est un levier de croissance et un vecteur de développement économique pour nos territoires. Rappelons que 60 % des PME-PMI sont situées en dehors des agglomérations. La mesure va dans le sens des initiatives prises par le Gouvernement en direction des PME dans le cadre des programmes « Usines du futur ».
Le dispositif proposé correspond à un avantage de trésorerie pour les PME industrielles. Par conséquent, s’il peut être coûteux pour les finances publiques les deux ou trois premières années, son impact budgétaire est nul à long terme. Seront éligibles à ce dispositif les investissements réalisés entre le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2016. L’impact sur le budget 2015 sera donc très limité, puisque seul le mois de décembre 2014 pourra être pris en compte.
Je pense que cette mesure irait dans le bon sens. Il faut permettre à nos PME-PMI d’exporter en facilitant leur développement. Elles sont un moteur important de notre activité économique. Il faut leur permettre de passer au stade des entreprises de taille intermédiaire, les ETI. La mesure que nous proposons nous permettrait d’avoir plus d’ETI. Or on sait que tant les PME que les ETI sont difficilement délocalisables. §
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I–401 rectifié.
Dans la lignée de l’amendement relatif au taux de l’impôt sur les sociétés que nous avons présenté hier soir, le présent amendement revient une fois de plus sur la question du nécessaire soutien à nos entreprises, et plus particulièrement à nos PME.
Cet amendement vise à ranimer un dispositif conçu lors de la mise en œuvre du plan de relance de 2009. L’objectif est d’accélérer l’amortissement des biens d’équipement achetés exclusivement par nos PME. Au plan fiscal, il s’agit d’une réduction de l’assiette de l’imposition sur les bénéfices, qui permettrait aux entreprises de retrouver des marges de manœuvre à court terme. Le dispositif consiste donc en une facilité de trésorerie pour les PME industrielles. Par conséquent, comme cela vient d’être souligné, s’il peut être coûteux pour les finances publiques les deux ou trois premières années, son impact budgétaire est nul au bout du compte.
Cet amendement cible spécifiquement l’investissement des PME, car c’est un enjeu majeur dans le combat, auquel nous souhaitons tous participer dans cet hémicycle, contre la crise économique. En effet, les PME représentent plus de 98 % de nos entreprises et l’investissement privé s’effondre ; l’INSEE tire la sonnette d’alarme sur ce point depuis déjà plus d’un an.
Au-delà de l’aspect conjoncturel, le renouvellement de notre parc de machines-outils est absolument primordial. Notre appareil productif décroche. L’âge moyen de notre parc de machines-outils est aujourd’hui de vingt ans, et, en volume, nous avons totalement divergé par rapport à la trajectoire allemande depuis une quinzaine d’années.
Nous pouvons créer tous les CICE du monde, la clé de la reprise d’une croissance robuste est la stimulation de notre appareil de production, et donc le soutien à nos entreprises. C’est tout le sens de cet amendement, qui a reçu hier un avis favorable de la commission des finances. Je suis content que nous ayons réussi à nous mettre d'accord avec le groupe socialiste sur un dispositif commun. Nous avons rectifié notre rédaction à la suite des remarques qui nous ont été faites. Je pense que cet amendement devrait recueillir un assentiment assez général. À mon sens, son adoption est à la fois indispensable et urgente.
Tant Vincent Delahaye que Jacques Chiron et Bernard Lalande, en qualité de rapporteurs spéciaux de la mission « Économie », ont identifié la difficulté des PME à financer leurs investissements. J’avais déposé un amendement allant dans le même que les leurs, ce qui montre que cette difficulté est unanimement identifiée au sein de la commission des finances.
Il s’agit d’un vrai problème. Le rapport Gallois avait lui aussi relevé la difficulté des PME à financer leurs investissements. Notre différentiel avec d’autres pays, dont l’Allemagne, a été très souvent souligné. On sait bien que l’un de nos handicaps est notre manque d’ETI. L’une des causes de la difficulté de nos PME à financer leurs investissements est la faiblesse des marges industrielles.
Dans le contexte actuel, le dispositif d’amortissement exceptionnel proposé par les auteurs des amendements est vraiment bienvenu. Ce dispositif est bien ciblé, puisqu’il vise exclusivement l’industrie, et plus précisément l’acquisition de biens destinés à la production ; les investissements de nature immobilière, par exemple, ne sont pas inclus.
Ce dispositif aurait un effet accélérateur sur l’investissement dès l’année 2015. S’il favorisait le renouvellement du matériel – comme cela a été rappelé, nos PME souffrent d’un problème d’obsolescence, ou du moins de vieillissement de leur parc de machines –, cela aurait un impact sur la production et sans doute sur la croissance. Pour l’État, le dispositif n’occasionnerait qu’un coût de trésorerie, que nous avons pu chiffrer grâce aux services de Bercy et nous vous en remercions, monsieur le secrétaire d’État.
J’avais déposé un amendement allant dans le même sens, avant de me rallier à l’amendement de l’UDI-UC. Je me réjouis que Jacques Chiron et Bernard Lalande aient déposé un amendement identique. Nous avons là l’occasion d’apporter un véritable soutien aux PME, et plus particulièrement à leur investissement, en cette période de faible croissance. La création d’un tel dispositif, qui pourrait doper l’investissement et donc produire des effets bénéfiques sur la croissance, enverrait un excellent signal. C'est pourquoi j’invite notre assemblée à voter le plus largement possible ces deux amendements identiques.
Les industriels, et notamment ceux qui produisent des robots, ou plus généralement des machines, appellent ce dispositif de leurs vœux. C’est l’un des meilleurs signaux que nous puissions envoyer en matière de soutien à l’investissement des PME.
Le Gouvernement n’est pas favorable à ces deux amendements identiques. D'abord, la mesure proposée a un coût. Vous me dites qu’il s’agit d’un coût de trésorerie, mais c’est un coût tout de même, puisque la perception de certaines recettes serait décalée.
Ensuite, comme l’a rappelé Jacques Chiron, nous avons déjà pris un certain nombre de mesures pour soutenir l’investissement des PME dans les robots et autres matériels de production.
Par ailleurs, contrairement à ce qui a été dit, la mesure n’est pas ciblée, puisqu’elle concerne toutes les PME.
Je vous ai bien écouté : vous avez dit que la mesure était ciblée parce qu’elle excluait les investissements de nature immobilière. Tous les investissements traditionnels des entreprises sont concernés. L’effet d’aubaine serait donc important.
Le Gouvernement a pris de nombreuses mesures d’allégement des impôts et des cotisations sociales des entreprises, qui entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2015 ; je pense notamment aux allégements de cotisations patronales, qui dépassent 2, 5 milliards d’euros, si ma mémoire est bonne. Il ne souhaite donc pas aller au-delà, d’autant que, je le répète, la mesure proposée n’est pas suffisamment ciblée.
Mme Sophie Primas. Le projet de loi de finances pour 2015 ne comporte aucune mesure en faveur des entreprises.
M. le secrétaire d’État s’esclaffe.
Je rappelle également des prises de position des parlementaires socialistes encore contradictoires sur les entreprises qui ont un effet dévastateur sur les créateurs de richesses et d’emplois. Je pense par exemple à l’adoption par des députés socialistes d’un amendement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale soumettant les dividendes versés par les entreprises au paiement des cotisations sociales.
Je rappelle enfin que les entreprises subiront encore en 2015 les effets de mesures antérieures : la prolongation de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés pour 2 milliards d’euros, la moindre déductibilité des frais financiers pour 1, 3 milliard d’euros, l’incidence du pacte de responsabilité sur l’impôt sur les sociétés pour 800 millions d’euros et la hausse des cotisations de retraite pour 500 millions d’euros.
Il importe de soutenir davantage nos PME, dont les taux de marge n’ont jamais été aussi faibles. Nous venons encore malheureusement de battre un record de faillites ces derniers mois. Tel est l’objet de ces amendements identiques de nos collègues centristes et de notre collègue Chiron que le groupe UMP soutiendra.
Ces deux amendements visent à soutenir les investissements productifs des entreprises en augmentant l’amortissement dégressif. Ainsi, l’année où l’entreprise fera l’acquisition du matériel amorti, elle pourra diminuer fortement son résultat imposable, et donc son impôt sur les bénéfices. En conséquence, les entreprises seront incitées à investir dans du nouveau matériel productif.
Tout le problème actuel de notre industrie est là : la baisse du coût du travail n’est pas un levier suffisant. En effet, en France, les productions ne permettent pas de créer suffisamment de valeur ajoutée, compte tenu des coûts de fabrication. N’intégrant pas assez de valeur ajoutée, l’industrie française est contrainte de réduire ses marges pour répliquer à la concurrence des pays low cost. Favoriser les investissements productifs pour gagner en valeur ajoutée est donc essentiel pour la vitalité de nos PME et de nos ETI. C’est pourquoi l’adoption de ces amendements est extrêmement importante.
Dans la conjoncture actuelle, le secteur bancaire devrait pleinement jouer son rôle en permettant aux entreprises de relever le défi de la remise à niveau de leur outil industriel. Le crédit devrait donc être beaucoup plus intéressant.
J’ai participé récemment à l’inauguration d’une installation industrielle dans ma commune. L’entreprise concernée a bénéficié de la participation de la Banque publique d’investissement, qui lui a permis de réaliser un investissement nécessaire au dynamisme de son activité. Elle n’a pas sollicité d’autres formes d’intervention.
Cela montre bien que des outils existent, même s’il faut probablement renforcer leur efficacité.
Voilà pourquoi la solution proposée par les auteurs de ces deux amendements ne me satisfait pas. Elle me satisfait d’autant moins que la version initiale de l’amendement de notre collègue Chiron comportait une réserve qui a disparu. En effet, elle excluait du bénéfice de la mesure les entreprises ayant redistribué un pourcentage trop important de leurs bénéfices sous forme de dividendes. Là, il n’y a plus de barrière, on ouvre les vannes, exactement ce qu’on reproche au CICE. Dépourvu de toute sélectivité, le dispositif perd toute son efficacité. Il s’agit typiquement d’une mesure qui ne permet pas d’effectuer des choix clairs en matière de politique industrielle.
Je m’associe donc à vos observations, monsieur le secrétaire d’État. On ne peut pas s’engager dans ce type de démarche. C’est aux banques de jouer davantage leur rôle d’investisseur dans le domaine économique.
Cette mesure est-elle ciblée, monsieur le secrétaire d’État ? Oui ! Elle est ciblée sur l’investissement et sur les PME.
Vous nous avez parlé du CICE. Permettez-moi de rappeler que ce dispositif est né des suites du dépôt du rapport Gallois. Je me souviens de l’audition de Louis Gallois par notre commission : quelle que soit notre sensibilité politique, nous partagions tous largement son constat, qui soulignait la faiblesse des marges bénéficiaires des entreprises industrielles françaises et, singulièrement, des PME.
Le CICE ne faisait pas partie des préconisations du rapport Gallois, qui conseillait plutôt de baisser les charges. Le Gouvernement a choisi une autre option : un crédit d’impôt assis sur la masse salariale et qui ne cible absolument pas l’industrie, puisque toutes les entreprises qui emploient de la main-d’œuvre en bénéficient, qu’il s’agisse de La Poste ou de la grande distribution – certains amendements nous permettront d’aborder cette question.
Les auteurs de ces amendements identiques ont souhaité s’inspirer d’un dispositif d’amortissement accéléré introduit par le Gouvernement lui-même – sous une forme certes plus restreinte – pour les robots. Leur idée est d’étendre cet amortissement à l’investissement industriel des PME. L’adoption de cette mesure donnerait un signal fort, à un moment où l’investissement et la croissance sont historiquement faibles. Je rappelle que le rapport Gallois, dans ses conclusions, insistait sur la faiblesse des marges des entreprises industrielles en France, qui réduit les capacités d’investissement de nos entreprises.
Ces amendements permettent de répondre à ce problème, et le dispositif qu’ils visent à introduire est également ciblé dans le temps puisqu’il est limité à deux années. L’adoption de cette mesure devrait permettre de donner un coup de fouet à l’investissement, dont beaucoup d’entreprises ont besoin. C’est la raison pour laquelle j’invite notre assemblée à soutenir ces deux amendements identiques.
Je ne peux que souscrire aux propos du rapporteur général.
Le hasard de la vie fait que j’ai participé, hier matin à Amiens, à une réunion organisée par Mme la préfète de région sur le financement de l’économie dans le département de la Somme. J’imagine que ce type de réunion est organisé périodiquement dans tous les départements. Une des revendications principales des organisations professionnelles présentes dans la salle portait précisément sur l’amélioration du régime des amortissements. En effet, le crédit bancaire et l’amortissement n’ont pas la même signification et leurs effets ne se mesurent pas de la même façon.
Par conséquent, si l’on veut donner un coup de fouet à notre économie, il faut voter ces amendements pour qu’ils conjuguent leurs effets à ceux du CICE, afin que l’investissement de nos entreprises, dont l’équipement vieillit, puisse se développer.
Franchement, il ne me semble pas que l’on puisse dire d’une mesure qui vise à favoriser l’amortissement qu’elle est précisément ciblée sur l’investissement…
Je sens bien le procès d’intention que vous faites au Gouvernement avec votre référence au rapport Gallois, monsieur le rapporteur général. Il faut que nous nous disions la vérité : dans la situation de déficit que nous connaissions à la fin de l’année 2012, il était inenvisageable d’alléger les cotisations sociales comme le préconisait le rapport Gallois. Tout l’intérêt du dispositif de crédit d’impôt était donc de permettre aux entreprises d’intégrer le crédit d’impôt dans leurs comptes dès 2013, alors que le coût budgétaire pour l’État était reporté à 2014. C’est l’unique raison pour laquelle nous avons adopté cette mesure. Il ne vous a d’ailleurs pas échappé que le nom de ce crédit d’impôt avait changé : du crédit d’impôt pour la compétitivité, CIC, on est passé au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, CICE.
Permettez-moi de reprendre l’un des exemples que vous avez cités, celui de La Poste – je ne parlerai pas de la grande distribution, nous aurons l’occasion de le faire plus tard. Si vous rencontrez son président actuel ou son prédécesseur, ils vous diront que, sans le CICE, La Poste serait aujourd’hui très largement déficitaire et serait donc conduite à des suppressions d’emplois et, probablement, à des fermetures de bureaux, ce que personne ne souhaite ici. Je n’ose pas le dire trop fort, car il s’agit en quelque sorte d’une aide déguisée en faveur d’un secteur auquel nous sommes tous très attachés, que l’on peut assimiler à un service public. On pourrait multiplier les exemples !
Mme Primas a dit que le CICE ne monterait pas en puissance en 2015. Je souhaite lui rappeler que le coût prévu du CICE était de 12 milliards d’euros pour 2014, et non de 13 milliards d’euros. Aujourd’hui, alors que l’année n’est pas encore terminée, l’estimation est à 10, 8 milliards d’euros : nous ne sommes donc pas très éloignés de l’objectif, d’autant que, vous le savez, les entreprises peuvent réclamer leur crédit d’impôt dans un délai de trois ans, comme pour tout impôt. Or nous savons pertinemment que certaines entreprises font le choix de cumuler deux années.
Il faut donc tuer l’idée que les entreprises n’ont pas recours au CICE. Certes, on peut toujours débattre de l’efficacité de ce dispositif par rapport à d’autres. Peut-être eût-il été plus directement productif de procéder à un allégement des cotisations sociales, mais, je le répète, nous n’en avions pas les moyens. Rappelez-vous la situation de nos déficits, nos engagements vis-à-vis de Bruxelles, l’augmentation de la fiscalité, qui avait d’ailleurs été engagée avant 2012.
Nous avons réussi peu ou prou à maintenir les déficits dans des fourchettes qui nous évitent d’avoir à nous acquitter d’amendes ou à encourir des sanctions de la part de la Commission européenne, tout en nous permettant d’obtenir sur les marchés financiers des taux d’intérêt relativement favorables. N’oubliez pas que la notation d’un État sert aussi de référence aux taux consentis à ses entreprises. Si la France était tenue, comme d’autres pays, d’emprunter à des taux de 3 % ou 4 %, la note des entreprises françaises serait automatiquement dégradée. Cela s’est d’ailleurs produit : lorsque la note de la France a été abaissée, avant et après notre arrivée aux responsabilités, celle des entreprises, y compris celles qui récoltent des fonds sur les marchés comme la Caisse des dépôts et consignations, l’a été mécaniquement, car c’est une règle des agences de notation.
Tous ces commentaires ont pour objet de nous resituer dans le contexte.
En 2015, la situation du déficit aura été améliorée – là encore, certains trouveront que le redressement est trop ou pas assez rapide, selon leur analyse – et le Gouvernement propose, dans le cadre du pacte de solidarité, de franchir une étape supplémentaire avec un allégement des cotisations sociales de plus de 2, 5 milliards d’euros, tout en continuant à majorer mécaniquement le CICE de moitié, puisque son taux passera de 4 % à 6 %. Voilà la politique du Gouvernement ! Elle peut certes être insatisfaisante et nécessiter des coups d’accélérateur, mais la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a...
La proposition contenue dans ces amendements ne fait pas partie de nos priorités, et nous ne nous estimons pas capables de la mettre en œuvre. En effet, même si cette mesure ne fait que retarder, en termes comptables et de trésorerie, le paiement de leurs charges par les entreprises, elle pose une difficulté supplémentaire pour notre gestion budgétaire.
Le Gouvernement maintient donc son avis défavorable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° I-273 rectifié et I-401 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° I-288 rectifié, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 209 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les contributions au Fonds de résolution unique, telles que visées à la section 1 du chapitre 2 du titre V du règlement (UE) n° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010, ne sont pas déductibles pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés. »
La parole est à M. André Gattolin.
Cet amendement vise à faire faire de manière préventive des économies au budget de l’État, en garantissant la non-déductibilité de l’abondement des banques françaises au Fonds de résolution unique mis en place par l’Union européenne pour constituer une forme d’assurance, en cas de risque systémique encouru par une banque, d’un montant de 55 milliards d’euros.
On peut estimer que la quote-part dévolue aux banques françaises – les chiffres évoluent au gré des discussions – serait, au terme des négociations actuelles, d’ailleurs plutôt bien menées par le Gouvernement, de 15 milliards d’euros sur huit ans, au lieu des 17 milliards d’euros prévus au départ. C’est à peu près le même montant que celui envisagé pour les banques allemandes.
Cette forme d’assurance collective que se donnent les banques pour éviter une crise financière comme celle que nous avons connue en 2008 et dont nous connaissons les lourdes conséquences économiques et le coût pour la société n’a pas à être déductible de l’impôt sur les sociétés. On nous dit en effet que l’argent prêté par l’État aux banques a été remboursé. Or force est de constater que, avant 2008, le taux d’endettement moyen dans la zone euro était de 70 % et qu’il est aujourd’hui de plus de 90 %. De deux choses l’une, soit les États ont été particulièrement dispendieux durant cette période, soit ils ont dû compenser les effets d’une crise provoquée par la spéculation outrancière pratiquée par certains établissements bancaires.
Je le répète, la contribution des établissements bancaires au Fonds de résolution unique, qui constitue l’un des éléments de la construction de l’union bancaire, n’a pas à être déductible de l’impôt sur les sociétés. Si tel devait être le cas, cela signifierait que, sur les 15 milliards d’euros payés par les banques françaises sur huit ans, le budget de l’État pourrait être privé d’une ressource de 5 milliards d’euros. On nous cite souvent l’Allemagne en exemple. Or ce pays ne pratique pas une telle déductibilité.
Il est important que les banques prennent leurs responsabilités, d’autant que le montant des crédits du Fonds de résolution unique n’est finalement pas si élevé, au regard de la capacité d’absorption d’une banque comme BNP Paribas, capable de payer une amende de 9 milliards d’euros.
Ce que nous vous proposons, c’est de prendre une mesure de précaution visant à prévenir la spéculation abusive. Mon propos peut surprendre, dans la mesure où l’on ne peut interdire la spéculation bancaire ; mais tout au moins peut-on en éviter les excès. Si l’État, et à travers lui le contribuable, réassure à hauteur d’un tiers de l’abondement des banques françaises, où est la dimension préventive ?
Cet amendement vise donc à rectifier et à préciser un texte européen que nous avons transposé il y a un peu plus d’un mois dans notre droit. Je n’ai malheureusement pas dû être assez convaincant au cours de ce débat, car je ne suis pas parvenu à faire admettre l’idée de la non-déductibilité de cette contribution. Nous en verrons les conséquences dans nos budgets au cours des huit prochaines années...
Je ne vais pas me prononcer aujourd’hui sur le fond, non que je veuille éluder la question, mais parce que le débat aura lieu dans quelques jours lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, dont un article prévoit la non-déductibilité de la taxe systémique. J’invite donc André Gattolin à retirer son amendement.
Je remercie le rapporteur général de faire par avance la promotion du projet de loi de finances rectificative.
Vous auriez pu : vous avez lu l’article et vu la réaction des banques ; comme moi, vous lisez la presse...
Un amendement du groupe CRC tendant à rendre la taxe systémique non déductible nous sera présenté ultérieurement. Le Gouvernement entend le satisfaire, tout comme l’amendement que vient de présenter M. Gattolin.
Ce faisant, le Gouvernement prévoit une mesure qui programmera une baisse en « sifflet » de la taxe systémique. En effet, la contribution au Fonds de résolution unique est beaucoup plus importante que la taxe systémique, laquelle représente un petit milliard d’euros, tandis que l’ensemble des contributions des banques françaises au FRU se situe autour de 11 milliards ou 13 milliards d’euros – le montant n’est pas encore complètement arrêté –, soit dix fois plus, mais étalé sur plusieurs années.
Ce dispositif, le Gouvernement vous le proposera lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. En attendant, il serait sans doute plus sage de retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Si j’ai déposé cet amendement, c’était pour faire une piqûre de rappel. Nous avions en effet été un peu trop rapides, selon moi, lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière il y a cinq semaines. Nous avons cependant eu des échanges avec M. le secrétaire d’État depuis lors, et je dois saluer son écoute sur cette question.
Dans la mesure où nous aurons à nouveau l’occasion d’aborder le sujet, j’accepte de retirer mon amendement. J’espère que nous aurons tous conscience de l’importance d’adopter cette proposition lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. N’oublions pas qu’il s’agit des comptes de l’État !
L’amendement n° I-288 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-208, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 235 ter ZCA du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter … ainsi rédigé :
« Art. 235 ter … – I. – Les sociétés concessionnaires d’autoroutes sont assujetties à une contribution exceptionnelle au titre des montants qu’ils distribuent au sens des articles 109 à 117 du présent code. Cette contribution est égale à 50 % des montants distribués.
« II. – Cette contribution, qui, par dérogation aux stipulations contractuelles, ne peut faire l’objet d’aucune compensation, est due au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2014 et jusqu’au 30 décembre 2017.
« III. – Les crédits d’impôt de toute nature ainsi que la créance mentionnée à l’article 220 quinquies ne sont pas imputables sur la contribution.
« IV. – La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Un chiffre d’affaires de 8, 9 milliards d’euros, une rentabilité située entre 20 % et 24 % sur un marché étonnamment captif, près de 15 milliards d’euros de dividendes distribués depuis 2007, soit une moyenne d’environ 2 milliards d’euros par an, voilà les données rapidement retracées qui nous permettent de mesurer ce que recouvre la véritable rente de situation que des groupes comme Vinci, Eiffage ou l’espagnol Abertis ont acquise en prenant en charge l’entretien et l’exploitation du réseau autoroutier français.
Ce qui fut qualifié de « privatisation des autoroutes » montre clairement à quel point ce genre d’opération s’avère être, sur la durée, une mauvaise affaire pour les comptes publics. Les participations de l’État ont été cédées à un prix inférieur à celui qui pouvait être exigé, et la marge des acquéreurs s’en est trouvée d’autant plus assurée qu’elle se dégageait dans le contexte d’une concurrence parfaitement organisée entre opérateurs, chacun d’eux ayant à sa « charge » – on peut se demander si ce mot a un sens en l’espèce – une partie du réseau, sur laquelle il pouvait faire la pluie et le beau temps, et notamment fixer le niveau de tarif des péages comme il l’entendait, ou presque.
Cette situation est d’autant plus regrettable que nous sommes à un moment essentiel de la vie économique du pays et à un moment où nous devons effectuer des choix majeurs pour les années, et même les décennies, à venir. L’un de ces choix, nous en avons déjà parlé, est celui de la transition énergétique, laquelle passe par le report modal du transport des marchandises comme des personnes, un report modal conditionné par des investissements d’importance que l’abandon de l’écotaxe n’a pas forcément rendus plus facile.
Pour autant, nous estimons en toute logique que le mode de transport le plus critiquable du point de vue du respect de l’environnement, en l’espèce le transport routier, doit être le plus directement mis à contribution et qu’il faut faire en sorte que cette contribution soit utilisée à bon escient.
C’est en ce sens que nous souhaitons mettre en place, avec cet amendement, une contribution frappant les résultats – pour le moins exceptionnels ! – des sociétés autoroutières, afin que ces sommes soient orientées vers les investissements clés en matière de transport. Ce serait un bon outil pour permettre à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, de disposer d’environ 1 milliard d’euros de ressources permettant de lancer une partie des investissements structurants qu’elle est appelée à piloter. De surcroît, cela offrirait une alternative au financement de l’Agence par affectation d’une partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE ; en effet, même si cette optique peut se comprendre, le problème est qu’elle passerait a priori en 2015 par un nouveau « rattrapage » de la fiscalité du diesel sur les autres modes.
Lors de nos échanges, plusieurs membres du Gouvernement – notamment vous, monsieur le secrétaire d’État – ont eu des réactions très vives à propos de la rente de situation dont jouissent les sociétés autoroutières. Notre amendement va tout à fait dans le sens de cette légitime protestation.
La commission, comme l’ensemble de nos collègues, en particulier Marie-Hélène Des Esgaulx, ne peut qu’être sensible à la volonté de trouver des crédits pour l’AFITF en remplacement de l’écotaxe, qui s’est évaporée au gré d’une décision ministérielle. Rappelons qu’il faut aussi indemniser la société Ecomouv’.
On ne peut qu’être ouvert à toute idée qui permettrait de financer l’AFITF, qui va se trouver privée de nombreuses ressources. Mais la taxation des sociétés concessionnaires d’autoroutes est-elle une bonne solution ? Nous aurons à en débattre, car, sur l’initiative de la commission du développement durable, un groupe de travail se penche actuellement sur la question des autoroutes. Nous auditionnerons aussi, au sein de la commission des finances, les sociétés concessionnaires d’autoroutes, et nous aurons sans doute des propositions à faire.
Cet amendement, tel qu’il est rédigé, ne nous a pas paru opérant. En effet, les sociétés autoroutières sont liées par des contrats de concession, lesquels sont assez bien verrouillés au regard des taxes nouvelles que l’on serait tenté de leur imposer. L’amendement de nos collègues du groupe CRC est cependant très bien rédigé, puisqu’il tend à prévoir que cette contribution pourra être faite par dérogation aux stipulations contractuelles. Mais une telle disposition tiendrait-elle devant le Conseil constitutionnel ? J’ai les plus grands doutes à cet égard... Je m’interroge également sur la responsabilité de l’État, qui pourrait être engagée si l’on décidait de déroger aux stipulations contractuelles.
Le sujet du financement global de nos infrastructures mérite sans doute mieux qu’un amendement présentant les plus grands risques juridiques. Dans l’attente de travaux parlementaires plus approfondis, la commission a donc émis un avis défavorable.
Vaste sujet ! La rédaction adoptée par les auteurs de l’amendement montre bien qu’il existe une difficulté, et même plusieurs.
Sachez que le Gouvernement est prêt à assumer ses erreurs. Je sais que cette attitude n’est pas courante ; pourtant, il est normal de reconnaître qu’on a fait une erreur, d’autant que cela peut nous arriver à tous. D’ailleurs, les électeurs sont parfois capables de le comprendre. En revanche, le Gouvernement n’aime pas beaucoup devoir assumer les erreurs des gouvernements précédents et en payer les conséquences.
Ces erreurs sont nombreuses.
Appelons un chat un chat : erreur lors de la privatisation des autoroutes, erreur probable sur le prix, comme le soulignent nombre de rapports, erreur sur les contrats « béton » – c’est le cas de le dire. Pour faire court, ces contrats stipulent que, en cas d’alourdissement de la fiscalité, les sociétés autoroutières devront obtenir des compensations, par exemple en répercutant cette augmentation sur le tarif des péages.
Le II de votre amendement, madame la sénatrice, vise précisément à remettre en cause de telles clauses. Il est vrai que celles-ci se sont généralisées dans les contrats au point que, si le Gouvernement veut récupérer une partie des gains de ces sociétés concessionnaires par l’impôt, par une contribution exceptionnelle ou par la majoration de l’une des deux taxes existantes sur les autoroutes, il y a de forts risques que cela se traduise pour celles-ci par une compensation, qu’il s’agisse d’un allongement de la concession ou d’une augmentation du montant des péages. Le Gouvernement ne souhaite pas aller dans cette direction : il veut éviter que ce soit sur l’usager que reposent les erreurs du passé.
Monsieur le rapporteur général, vous avez établi un lien avec l’écotaxe.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L’AFITF n’a pas besoin de financement en soi ! Ce qu’il faut, c’est financer des investissements sur les infrastructures de transport, quel que soit l’acteur en cause : collectivités, État, AFITF, secteur privé. En effet – pourquoi le cacher ? –, même avant l’affaire de l’écotaxe, des négociations étaient en cours pour que les sociétés concessionnaires d’autoroutes réalisent des investissements en échange d’un allongement de la durée de leur concession.
M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.
Pour compenser la malencontreuse affaire de l’écotaxe, qui a été mal engagée par nos prédécesseurs – comme disait ma grand-mère, quand c’est mal engagé, cela ne peut que mal finir ! –, nous examinons en ce moment le moyen d’obtenir des sociétés concessionnaires d’autoroutes des investissements en échange éventuellement d’un allongement de la durée de leur concession. D’autres hypothèses sont à l’étude.
Votre interrogation est légitime, et c’est le droit, pour ne pas dire le devoir, du Parlement d’examiner ces affaires au fond. Il ne m’a pas échappé que, sur ce sujet, une commission d’enquête avait été créée, dont j’ai lu attentivement le rapport.
Voilà ce que je peux dire sur le sujet. J’en ai même probablement dit un peu trop. Vous le savez, des échanges ont lieu en ce moment entre le Gouvernement et les sociétés concessionnaires d’autoroutes pour trouver un moyen de se sortir de cette affaire, dont j’ai tenu à resituer les responsabilités. À ce stade, je ne peux pas en dire plus pour deux raisons. D’une part, je ne sais pas tout, car je passe beaucoup de temps avec vous ; certes, c’est toujours intéressant, mais cela m’empêche de me consacrer à d’autres sujets. §D’autre part, quand bien même j’en saurais beaucoup plus, ces discussions ont parfois trait au secret des affaires.
En outre, madame la sénatrice, des questions autres que celles que vous avez soulevées se posent. En effet, certains ont imaginé que l’on pouvait taxer les sociétés mères des filiales sociétés concessionnaires d’autoroutes. Or cette voie n’est pas facile à explorer, car certaines d’entre elles sont à l’étranger ; en l’espèce, vous l’avez précisé, en Espagne.
Veuillez me pardonner cette réponse un peu longue, mais il m’a semblé légitime de vous donner des informations détaillées. Tout cela me conduit à demander le retrait de l’amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
La question est complexe. M. le secrétaire d’État a parlé d’erreur – tous les gouvernements en commettent – concernant la privatisation des autoroutes, mais je n’y reviens pas.
La réflexion qui a présidé à l’élaboration de cet amendement paraît intéressante. Mme Beaufils et moi sommes situés sur le même axe autoroutier. Nous constatons tous deux que le trafic y est énorme.
Il est vrai que les sociétés autoroutières gagnent beaucoup d’argent ; c’est une véritable rente de situation. Le principe de la taxation me convient donc. Reste à savoir si celle-ci entraînera une hausse des tarifs.
Il convient de poursuivre la réflexion. La commission du développement durable a d’ailleurs commencé à travailler sur le sujet. C’est pourquoi je ne voterai pas contre cet amendement, qui permet de faire avancer le débat ; je m’abstiendrai. Il est certain qu’il faut pomper les sociétés concessionnaires d’autoroutes, car je trouve scandaleux qu’elles gagnent autant d’argent.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° I-125 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Guillemot.
L'amendement n° I-127 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° I-206 rectifié est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-242 est présenté par MM. Mézard, Collin, Requier et Bertrand, Mme Laborde, M. Collombat, Mme Malherbe et MM. Hue, Castelli, Esnol et Fortassin.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phase du premier alinéa du I de l’article 235 ter ZD du code général des impôts, les mots : « que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété, au sens de l’article L. 211-17 du même code, » sont supprimés.
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er septembre 2015.
L’amendement n° I-125 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l'amendement n° I-127.
Cet amendement a pour objet d’élargir le champ de la taxe sur les transactions financières en y intégrant les transactions dites « intra-day », ou intra-quotidiennes – autant parler français au Parlement français –, qui sont dénouées au cours d’une seule et même journée.
Ces transactions sont aujourd’hui un facteur de volatilité sur les marchés financiers, d’autant qu’elles ne sont pas taxées. En les imposant, on réduirait le recours à ces opérations qui sont avant tout spéculatives, c’est-à-dire sans lien avec l’économie réelle et le soutien aux entreprises, dont l’horizon est rarement inférieur à une journée. Pour ma part, je ne connais pas d’entreprise qui ait besoin d’actionnaires pour quelques heures, quelques minutes, voire quelques secondes !
Je passe sur le fait que ces transactions sont parfois réalisées par des ordinateurs programmés pour exploiter toute niche de profit. Il serait souhaitable que des films comme Le Loup de Wall Street passent de la catégorie « inspiré de faits réels » à la catégorie « science-fiction ».
Rappelons-le avec force, le temps n’est pas si lointain où celui qui n’était encore que candidat à la présidence de la République déclarait que son seul adversaire, c’était la finance. Évidemment, cela, c’était avant son élection !
La finance doit être au service des autres secteurs de l’économie, et non à son propre service. Notre économie a d’abord besoin de stabilité, et il est grand temps que le monde de la finance joue pleinement son rôle social et sociétal, c’est-à-dire financer les entreprises grandes ou petites, les artisans et les ménages, et non se perdre en opérations « court-termistes » comme celles que nous proposons de taxer.
En outre, en intégrant de nouveaux types de transactions dans le périmètre de la taxe, nous renforcerons son rendement, qui est aujourd’hui estimé à 700 millions d’euros, bien loin de la prévision de 1, 6 milliard d’euros.
Ainsi, en votant notre amendement, vous ferez d’une pierre deux coups : dégager de nouvelles recettes, ce qui est loin d’être inintéressant par les temps qui courent, et moraliser le monde de la finance, ce qui est nécessaire pour relancer l’économie réelle, donc l’emploi.
Je conclurai en évoquant le contexte européen où évoluent, pour ne pas dire sévissent, les acteurs de la finance. Puisque nous faisons aujourd’hui partie d’un seul et même marché unique européen avec les vingt-sept autres États membres, les financiers installés dans ces autres États ont un accès libre à notre économie nationale. Il est donc urgent de leur faire adopter le même type de taxes. Sans quoi, les activités financières, jouissant d’une mobilité sans contrainte dans le cadre européen actuel, se déplaceront chez eux et nous perdrons l’activité et la ressource fiscale qui va avec.
Si nous pouvons montrer l’exemple, ne soyons cependant pas victimes d’un jeu de dupe européen et mondial où nous serions les seuls à pratiquer un désarmement unilatéral. C’est pourquoi il est grand temps de sortir de cette logique du grand marché unique où tous ne suivent pas les mêmes règles. À défaut, concluons dans l’immédiat le projet actuel de taxe sur les transactions financières à l’échelon européen, qui concerne aujourd’hui onze États membres, en faisant en sorte qu’il couvre autant de transactions que la loi française, pour ne pas pénaliser notre territoire.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° I-206 rectifié.
Pour des raisons de cohérence, je défendrai simultanément les amendements n° I-206 rectifié, I-205 et I-207 rectifié, qui visent tous à mettre quelque peu à contribution le secteur financier, assez largement sous-imposé de manière générale, et à le faire participer non seulement au redressement des comptes publics, mais aussi à l’atteinte de certains objectifs généraux des politiques publiques particulièrement cruciaux.
Après plusieurs années d’intense dialogue contradictoire, il semble que nous avancions de façon significative sur la question de la taxe systémique du secteur financier. En effet, comme vient de le rappeler M. le secrétaire d’État, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 devrait aller dans ce sens, même si le dispositif n’est pas tout à fait identique à celui que nous présentons.
La taxe systémique ayant vocation à assurer la solidarité de place – même s’il s’agit, en l’espèce, de l’Europe entière –, il était normal pour nous qu’elle ait comme un caractère de « cotisation » désintéressée des établissements bancaires entre eux. Que cette idée ait finalement trouvé droit de cité dans la loi est une bonne chose. Cependant, nous pouvons fort bien le faire dès maintenant, sans attendre le collectif budgétaire.
Pour ce qui est de l’amendement relatif aux opérations de très court terme, pour ne pas dire d’ultra-court terme, car c’est parfois à la seconde que les choses se font, reconnaissons que nous n’en revendiquons absolument pas la primeur. Nous relayons des positions constantes de la société civile et, singulièrement, des associations de lutte pour les droits de l’homme, la protection de l’environnement, le codéveloppement ou encore la lutte contre la faim et les grandes pandémies. Certes, ces préoccupations n’ont pas encore reçu l’aval du ministère des finances, mais elles furent défendues, voilà peu, par l’ex-rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale. Il me semble bien que c’était vous, monsieur le secrétaire d’État... Une fois encore, dans le cadre de l’initiative parlementaire, nous pouvons avancer sur le sujet.
Notre troisième amendement tend, quant à lui, à réduire le plancher de chiffre d’affaires retenu pour assujettir tel ou tel opérateur à la taxe sur les transactions financières. Cette mesure est évidemment plus marginale en termes de rendement. Nous manifestons ainsi notre volonté de dégager les recettes permettant à la taxe sur les transactions financières de remplir pleinement son rôle.
La « moralisation » nécessaire des activités financières n’est sans doute pas secondaire dans ce débat, mais il est évident que la question clé qui nous est posée est aussi celle de la participation d’un pays comme la France à l’effort de développement des pays du Sud. N’est-ce pas là, mes chers collègues, un moyen d’éviter certaines des tensions dont nous constatons parfois, et trop souvent à mon goût, les effets et les conséquences humaines inadmissibles sur les côtes et rivages de la vieille Europe ?
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° I-242.
Avec cet amendement, nous nous inscrivons dans la perspective du relèvement du plafond d’affectation du produit de la taxe française sur les transactions financières au profit du Fonds de solidarité pour le développement, prévu à l’article 15 du projet de loi de finances pour 2015. Ce plafond fut porté de 100 millions d’euros à 130 millions d’euros, puis à hauteur de 140 millions d’euros, à la faveur d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale.
Cet amendement vise à élargir les opérations boursières soumises à cette taxe en intégrant les transactions dites « intra-day », qui sont dénouées au cours d’une même journée. Leur taxation participerait au renforcement du produit de la taxe sur les transactions financières et contribuerait également à limiter ces transactions déstabilisatrices, qui accentuent la volatilité du marché, en réduisant leur intérêt financier.
Les amendements identiques n° I-127, I-206 rectifié et I-242 visent à faire entrer dans le champ de la taxe sur les transactions financières les opérations nouées et dénouées en une seule journée, en quelques minutes, voire en une seconde.
La commission a émis un avis défavorable pour deux raisons.
La première est d’ordre pratique. Il serait extrêmement compliqué, voire techniquement impossible de suivre l’ensemble de ces opérations, qui sont comptabilisées en fin de journée.
La seconde raison est que ces activités sont délocalisables dans des salles de marché à l’étranger. S’ils étaient adoptés, ces amendements nuiraient donc un peu plus à la compétitivité de la place financière de Paris.
Comme je l’ai dit précédemment, lorsqu’un débat a eu lieu et que la question a été tranchée, il n’y a pas lieu d’y revenir tous les trois mois. Je le dis à l’intention de ceux qui auraient remarqué que j’avais défendu un amendement analogue il y a peu de temps, en d’autres lieux et avec une autre casaque.
Là n’est cependant pas la raison principale de l’avis défavorable que j’émets sur ces amendements. Mes arguments ne sont en outre pas les mêmes que ceux que vient d’avancer M. le rapporteur général, dont au moins l’un des deux ne me convainc pas.
Pour ma part, je suis persuadé que l’argument du handicap technique ne tient pas. Rassurez-vous, monsieur le rapporteur général, mes services m’avaient préparé un argumentaire identique.
Sourires.
L’argument concernant le risque de délocalisation est un peu plus recevable, car cette activité est évidemment mobile.
Mon argument à moi est différent. Vous savez que, dans le cadre de la coopération renforcée, les ministres des finances de onze pays d’Europe se sont mis d’accord sur la définition, avant la fin de l’année 2015, d’une taxe européenne sur les transactions financières, qui prendrait la forme d’une taxation harmonisée des actions et qui entrerait en vigueur au 1er janvier 2016. Même si je suis bien conscient que tous les pays ne sont pas concernés par cet accord de coopération renforcée, notamment une importante place financière, je pense que cette décision limite un peu les risques de délocalisation. Cela étant, nous ne désespérons pas de convaincre d’autres pays de nous rejoindre, y compris les plus têtus.
Compte tenu de cette évolution, en faveur de laquelle la France a joué un rôle important, ce dont il faut se réjouir, et du fait que des dates et des échéances très précises ont été définies, je ne pense pas qu’il y ait lieu de légiférer pour changer les modalités, que ce soit sur le seuil ou l’assiette.
Je mets aux voix les amendements identiques n° I-127, I-206 rectifié et I-242.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° I-205, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 235 ter ZD du code général des impôts, le montant : « un milliard » est remplacé par le montant : « 500 millions ».
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Abaisser de 1 milliard d’euros à 500 millions d’euros le seuil de capitalisation à partir duquel les actions d’une société cotée sont soumises à la taxe sur les transactions financières va à l’encontre de notre volonté d’aider les ETI à se développer sur les marchés boursiers.
En outre, une telle disposition contribuerait à rendre la place de Paris moins compétitive.
Dès lors, la commission ne peut être que défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-207 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le IV de l’article 235 ter ZE du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Cette taxe n’est pas déductible pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés. »
II. – Le I est applicable à compter du 1er janvier 2015.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Comme je l’ai dit en réponse à M. Gattolin, la commission préfère attendre le débat sur la taxe de risque systémique que nous aurons dans le cadre du projet de loi de finances rectificative avant de se prononcer sur le fond. En attendant, elle demande le retrait de l’amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-187 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le premier alinéa du I de l’article 244 quater B du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le seuil de 100 millions d’euros s’apprécie au niveau du groupe au sens de l’article 223 A. »
II. – Le présent article s’applique à compter des périodes d’imposition s’achevant le 31 décembre 2014.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet amendement vise à fixer des limites au crédit d’impôt recherche, le CIR, et à encadrer l’une de ces nombreuses dérives. Je rappelle qu’un amendement de même type a été présenté par la commission des finances de l’Assemblée nationale et adopté, avant d’être malheureusement rejeté en séance publique. C’est intéressant, car cela montre que le crédit d’impôt recherche ne fait pas consensus, loin de là, et que la volonté d’encadrement que nous portons ici est partagée et peut se concrétiser.
Le manque d’encadrement du CIR et l’importance de son montant en font actuellement un outil d’optimisation fiscale pour les entreprises, sans que cela conduise pour autant à une augmentation des dépenses en faveur de la recherche et du développement. Ainsi, le plafonnement du CIR à 100 millions d’euros au niveau du groupe, et nom au niveau des filiales, empêcherait la création de filiales au sein d’un même groupe aux seules fins d’obtenir des crédits plus importants. Je crois d’ailleurs me souvenir que nos collègues du groupe socialiste avaient défendu l’année dernière une proposition de ce type.
Il ne s’agit là que de l’une des dérives du CIR. Elles sont évidemment bien plus nombreuses. Nous avons souhaité ici reprendre la mesure emblématique du projet de loi de finances, car nous ne comprenons pas que le Gouvernement refuse de débattre de ce sujet, malgré l’adoption de l’amendement en commission des finances à l’Assemblée nationale. Nous relançons donc cette question, en espérant qu’elle recevra cette fois-ci une réponse positive.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, non qu’elle ne comprenne pas qu’on veuille lutter contre l’optimisation fiscale, simplement, elle s’est interrogée : y a-t-il des phénomènes d’optimisation fiscale dans les groupes ou s’agit-il d’un fantasme ?
Pour répondre à cette question, nous nous sommes appuyés sur le rapport de la Cour des comptes de 2013 sur le crédit d’impôt recherche. Or nous n’avons pas relevé dans ce rapport d’évolution des politiques des grands groupes depuis 2008. Si nous avions noté des fenêtres d’optimisation critiquables, nous aurions souscrit à l’intention des auteurs de l’amendement, mais il semblerait qu’il n’y ait pas, de ce point de vue, de risques particuliers.
Madame la sénatrice, comment pouvez-vous dire que le Gouvernement refuse de débattre ? Cet amendement est débattu lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, à plusieurs reprises, dans chacune des assemblées et au cours de toutes les lectures. Je peux en témoigner !
Le débat qui a eu lieu, y compris au sein du groupe socialiste de l’Assemblée nationale – ce n’est un secret pour personne –, a été très vif. Il a été tranché par le Parlement plusieurs fois et toujours dans le même sens. Je vais donc reprendre tous les arguments que j’ai déjà répétés à plusieurs reprises, puis votre assemblée tranchera, en toute connaissance de cause.
Le CIR est l’un des trois ou quatre dispositifs que le rapport Gallois proposait de sanctuariser dans la mesure où il est le principal élément d’attractivité de la France. Il incite les entreprises à s’implanter dans notre pays pour y exercer une activité qui se situe en amont de toute production industrielle, à savoir la recherche et le développement. Cette donnée est reconnue par de nombreux économistes. Un classement international prenant en compte les éléments d’attractivité de chaque pays qui est paru dans la presse voilà quelques jours en témoigne.
La recherche est un élément essentiel pour notre pays. En outre, tout le monde s’accorde à dire que les entreprises ont besoin de stabilité et de lisibilité en matière économique et fiscale. C’est ce que nous nous attachons à faire, contrairement à ce que certains disent. J’en veux pour preuve les dispositions que nous avons fait adopter au mois de juillet et qui s’appliqueront au 1er janvier 2015.
Depuis plusieurs années, à savoir depuis quasiment le début du quinquennat, nous avons décidé de faire du CIR un élément de stabilité et de promotion de l’attractivité de notre pays. Nous ne souhaitons pas modifier cette situation.
Chacun a le droit d’avoir un point de vue différent. Pour autant, ne dites pas que le Gouvernement refuse de débattre. Le Gouvernement débat ici depuis maintenant deux jours, et il est prêt à continuer à le faire encore demain, dimanche, si le Sénat le souhaite. Je n’ai jamais éludé les questions, alors que j’aurais pu me contenter de dire « avis défavorable » sur certains amendements avant de me rasseoir, comme cela se fait parfois. Nous ne voulons frustrer personne.
Je le répète, le débat a lieu régulièrement dans chaque assemblée, lors de chaque lecture de tous les projets de loi de finances. Peut-être réussirez-vous un jour à convaincre le Parlement d’adopter cette mesure, mais, pour l’heure, l’avis du Gouvernement demeure défavorable.
L’augmentation incroyable du coût du crédit d’impôt recherche ces dernières années montre que ce dispositif est une réussite en termes de dépenses. J’espère qu’il est aussi une réussite en matière de recherche.
En amont de ce débat, il faut quand même se poser la question de l’efficacité du CIR. C’est devenu une ritournelle, française et surtout européenne, de dire qu’il n’est pas possible, dans une société en pleine mutation, de redynamiser l’économie sans effectuer d’importants investissements en matière de recherche et d’innovation. Je note que, auparavant, on parlait de « recherche et développement » ou de « recherche et technologie », le terme « innovation », concocté à Bruxelles, fait désormais florès dans tous nos textes…
Quels que soient les efforts que nous ferons sur le coût du travail, nous ne pourrons jamais rivaliser avec les pays en voie de développement. C’est donc bien grâce à la recherche et à l’innovation que nous parviendrons à améliorer la compétitivité de notre industrie. Reste que s’il s’agit d’une condition nécessaire, cette politique, que je qualifierai d’« horizontale », doit impérativement s’accompagner d’une politique verticale. À quoi sert-il d’avoir des chercheurs de pointe dans les domaines des nouvelles technologies, des biotechnologies ou de la transition énergétique si nous ne sommes pas capables de créer les filières industrielles qui embaucheront de nombreux salariés ?
J’ajoute qu’il y a un peu moins de deux ans, au moment où l’Irlande assurait la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, la commission des affaires européennes du Sénat a accueilli l’ambassadeur d’Irlande et son équipe. Naturellement, j’ai un peu attaqué l’ambassadeur sur le dumping fiscal pratiqué dans son pays. Il m’a écouté bien sagement et m’a répondu que les règles fiscales y étaient effectivement très avantageuses et incitaient des entreprises d’un peu partout en Europe à installer leur siège chez eux. En revanche, ajouta-t-il, à cause du CIR, tous nos chercheurs sont en train de plier bagage pour la France !
Quand on cherche à défendre la France et qu’on plaide pour l’harmonisation fiscale, c’est tout de même difficile de s’entendre dire que nous avons parfois nous-mêmes tendance à faire du dumping fiscal, tout à fait légalement du reste. L’Union européenne encourage en effet les dispositifs du type crédit d’impôt recherche, comme me l’a précisé le précédent commissaire européen chargé de la concurrence, M. Joaquín Almunia, lors d’une audition. Une large part du programme Horizon 2020 est précisément consacrée à la recherche. En revanche, dès qu’il s’agit de crédits d’impôt sectoriels, la même Union européenne est beaucoup plus restrictive. D’ailleurs, si j’ai bien compris, l’une des raisons de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, c’est justement qu’il n’était pas conditionné, pas sectorisé.
Quoi qu’il en soit, la politique qui consiste à financer de la recherche pour de la recherche sans se donner les moyens de la faire fructifier soulève un véritable problème. Plutôt que de s’imaginer que, avec beaucoup de chercheurs et beaucoup de moyens, les choses vont repartir toutes seules, repensons ce système et posons un peu plus de conditions.
Les politiques horizontales sont certes utiles, comme je l’ai dit, mais, sans politique verticale, c’est-à-dire sans développement des filières industrielles, ce sera le tonneau des Danaïdes. Une fois formés, et bien formés, nos chercheurs iront à l’étranger dans des filières technologiques ou industrielles, qui, grâce à des coûts du travail plus bas ou à un certain nombre d’avantages du type crédit d’impôt sectoriel, pourront se permettre de les payer bien mieux que chez nous. C’est d’ailleurs déjà le cas dans de nombreux domaines. Je pense au secteur du jeu vidéo, au sujet duquel j’ai rédigé un rapport l’an passé avec mon collègue Bruno Retailleau. On constate aujourd’hui que les entreprises françaises du secteur finissent par partir pour le Canada, les États-Unis ou l’Asie. Pis, depuis quelque temps, ce sont toutes nos sociétés de post-production numérique, je pense notamment à Technicolor, anciennement Thomson, qui vont s’installer au Canada.
Oui, aidons la recherche, ne soyons pas restrictifs, mais, dans le même temps, tâchons d’avoir une cohérence d’ensemble dans le renouvellement de notre industrie !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-353, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du b du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, après les mots : « à ces opérations », sont insérés les mots : « dans la limite de cinq fois le montant des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs diplômés d’un doctorat au sens de l’article L. 612-7 du code de l'éducation et employés dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée ».
La parole est à M. André Gattolin.
Par cet amendement, nous proposons non pas de supprimer, mais de modifier le crédit d’impôt recherche, afin que celui-ci intègre de manière plus efficace le soutien à l’emploi de salariés titulaires d’un doctorat.
C’est un sujet que je connais bien, étant moi-même titulaire d’un doctorat et ayant participé à la formation ou à la reconversion professionnelle de post-doctorants, qui, ne trouvant pas d’emplois dans la recherche publique, s’orientaient vers le privé. Je peux vous dire qu’on a affaire à des personnes particulièrement brillantes qui se distinguent par des capacités de travail et d’adaptation tout à fait remarquables.
Il ne faut pas oublier que le doctorat est le seul diplôme de recherche de haut niveau qui soit reconnu internationalement dans le monde économique. En Grande-Bretagne ou en Allemagne, on embauche des docteurs dans tous les secteurs d’activité, dans le public et, surtout, dans le privé. En France, en revanche, nous avons le système des grandes écoles, où, certes, on y trouve des gens brillants, mais qui ne sont pas toujours les mieux à même de faire de la recherche.
Il est temps d’agir en faveur de l’emploi des doctorants, d’autant que, selon les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le taux de titulaires d’un doctorat parmi les chercheurs en entreprise est passé de 14, 9 % en 1997 à 12 % en 2011. Il y a donc de moins en moins de personnes qui s’orientent vers ces filières, car, pour des raisons historiques, elles ne sont pas valorisées dans notre système.
Accorder une reconnaissance particulière aux titulaires d’un doctorat pour les orienter vers la recherche privée, et pas seulement vers les organismes publics, ne peut qu’être bénéfique à notre recherche dans son ensemble.
Pour les raisons que j’ai déjà développées et sur lesquelles je ne reviendrai pas, il n’est pas souhaitable de vouloir sans cesse remettre en cause le CIR, qui, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, est un dispositif reconnu conférant à nos entreprises un véritable avantage compétitif. La commission a donc émis un avis défavorable.
Monsieur le Gattolin, vous proposez d’augmenter les dépenses du CIR, dont vous souligniez pourtant que le coût avait explosé en quelques années.
Rassurez-vous, je ne cherche pas à vous mettre en contradiction avec vous-même, ce qui n’arrive jamais, bien entendu, mais à vous répondre en vous donnant quelques données chiffrées.
En 2014, la créance acquise par les entreprises au titre du CIR s’élève à 6, 2 milliards d’euros ; en 2015, elle sera de 6 milliards d’euros. Il y a donc une baisse. Quant aux dépenses budgétaires, elles atteignent 5, 55 milliards d’euros en 2014 et seront de 5, 3 milliards d’euros en 2015. S’il est vrai que les dépenses au titre du CIR ont connu une augmentation importante ces dernières années, il semblerait qu’elles se stabilisent, voire qu’elles diminuent légèrement.
Pour en venir à votre amendement, vous proposez de multiplier par cinq les dépenses concernant les jeunes docteurs, alors qu’elles sont déjà multipliées par deux. Pourquoi les multiplier par cinq et non par dix ? On peut toujours faire de la surenchère…
Tout le monde est attaché à ce que l’on puisse développer et accompagner la montée en puissance des doctorants dans le secteur privé. À cet égard, je relève, d’une part, que le montant des dépenses engagées au titre du CIR a été multiplié par deux et, que d’autre part, d’après le bilan établi en 2012 par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le nombre d’entreprises déclarant des dépenses relatives à l’embauche de jeunes docteurs a été multiplié par trois entre 2007 et 2012, pour atteindre 1 305 entreprises.
Le Gouvernement avait déjà proposé une mesure de simplification, qui consistait à subordonner le bénéfice du crédit d’impôt au maintien de l’effectif salarié global de l’entreprise. Nous avons décidé d’assouplir cette condition en la restreignant au maintien de l’effectif du seul personnel de recherche salarié, ce qui me semble plus adapté et qui, je crois, a permis de mieux cibler le dispositif tout en encourageant son utilisation.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-188, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les e, e bis, f, g, h, et j du II de l'article 244 quater B du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet amendement tend également à revenir sur l’article 244 quater B du code général des impôts relatif au crédit d’impôt recherche.
Comme vous l’avez compris, mes chers collègues, nous dénonçons un dispositif d’optimisation fiscale dont l’impact sur la recherche est, malgré un montant exorbitant, extrêmement limité. Depuis la réforme du dispositif en 2007, ce montant n’a d’ailleurs cessé d’augmenter – même si je prends note de la modulation évoquée par M. le secrétaire d’État à l’instant – pour atteindre cette année 6 milliards d’euros. Somme qu’il est d’ailleurs intéressant de comparer aux crédits que le budget de l’État consacre à la recherche publique, qui, eux, sont en diminution. Ainsi, de fait, le CIR rivalise depuis plusieurs années avec le budget consacré à la recherche, qui s’élèvera à 7, 7 milliards d’euros en 2015, et il est d’un montant équivalent au budget global des organismes de recherche.
Si les PME constituent l’essentiel des entreprises déclarant des dépenses éligibles, ce sont les plus grandes entreprises, déjà fortement défiscalisées, qui ont tiré le meilleur parti de la réforme du CIR, ce qui ne les empêche pas en parallèle de fermer leurs pôles de recherche et développement. En effet, si le montant des aides reçues par les entreprises de plus de 5 000 salariés a augmenté de 130 % entre 2007 et 2011, elles n’ont pas pour autant accru leur effort de recherche, et le nombre d’emplois créés dans le secteur de la Recherche et du développement est limité, quand il n’est pas nul. Je vous assure qu’une telle appréciation ne tient malheureusement pas du fantasme…
Je prendrai le cas emblématique de Sanofi, l’une des premières entreprises à avoir bénéficié du CIR. Cette entreprise a obtenu 130 millions d’euros de réduction d’impôt en 2012, alors même qu’elle réalise 8 milliards d’euros de profits par an. En outre, le groupe détenait pour son activité pharmaceutique treize centres de recherche en France avant 2008. À la fin de 2012, après avoir fermé les sites de Rueil-Malmaison, Bagneux, Évry, Labège, près de Toulouse, et vendu le site de Porcheville au laboratoire Covance, il n’en reste plus que six, où ne travaillent plus que 4 900 personnes en CDI, contre 6 300 personnes en juin 2008.
Le débat que nous appelons de nos vœux est bien sûr celui de l’efficacité du CIR. Je sais que le Gouvernement conteste notre diagnostic et oppose des chiffres démontrant prétendument une création d’emplois et des bénéfices en termes d’investissement, mais sans jamais citer la source d’où sont tirés ces chiffres ! Or nous avons besoin d’une véritable confrontation sur l’efficacité réelle de ce dispositif. Ce que nous constatons, pour notre part, c’est que la précarité au sein des organismes de recherche explose, avec 90 000 précaires, selon les chiffres mêmes du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Pour toutes ces raisons, nous nous élevons contre ce dispositif, que nous considérons comme une simple niche fiscale dépourvue d’efficacité, et nous souhaitons une réaffectation des moyens qui lui sont alloués au profit, notamment, de la recherche publique.
Le fait d’exclure du champ du crédit d’impôt recherche les dépenses de normalisation, de veille technologique et de prise, maintenance et défense des brevets remettrait en partie en cause un dispositif lisible et efficace pour les entreprises. Il s’agirait d’un signal extrêmement négatif pour le développement de la recherche privée.
Contrairement à d’autres pays, nous avons un dispositif qui a le mérite d’être efficace. Vouloir le remettre en cause en permanence ne va dans le sens ni de la stabilité fiscale ni de l’efficacité.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Une telle mesure irait en effet à l’encontre des objectifs de renforcement de l’attractivité du territoire et de défense des brevets français contre leur piratage, faute de protection.
Vous proposez de supprimer de l’assiette du crédit d’impôt recherche les dépenses relatives à la protection de la propriété industrielle ainsi que les dépenses de normalisation. Le Gouvernement n’est pas favorable à votre proposition. En effet, la fiscalité applicable à la propriété industrielle en général, et aux brevets en particulier, est un élément pris en compte de manière positive pour les entreprises françaises. Elle est perçue comme un facteur incitatif justifiant la localisation en France de centres de recherche et développement et la détention de la propriété industrielle.
La défense des brevets contribue à la sécurité juridique et à la compétitivité des entreprises françaises. Il est donc indispensable d’inciter les entreprises à exposer ce type de dépenses pour protéger les résultats de leurs recherches et éviter ainsi le pillage de celles-ci, faute de protection. Il en va de même pour les dépenses de normalisation.
Votre proposition irait ainsi à l’encontre de l’objectif de renforcement de l’attractivité du territoire.
Au bénéfice de ces précisions, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’en demanderai le rejet.
Chacun prendra ses responsabilités ! Je le maintiens, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-283, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 244 quater B du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Par dérogation au I, lorsqu’une entreprise bénéficiaire du crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche est liée, au sens du 12 de l’article 39, à d’autres entreprises ou entités juridiques exposant au cours de l’année, en France ou hors de France, des dépenses de recherche de même nature que les dépenses mentionnées au II, le taux du crédit d’impôt est égal au taux résultant de l’application de la dernière phrase du premier alinéa du I au montant total des dépenses de recherche de même nature que les dépenses mentionnées au II exposées au cours de l’année, en France et hors de France, par cette entreprise et les entreprises ou entités juridiques liées au sens du 12 de l’article 39. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Mes chers collègues, conformément à la décision prise hier par le Sénat, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
Nous avons examiné 48 amendements au cours de la journée ; il en reste 229 à examiner sur la première partie du projet de loi de finances pour 2015.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 24 novembre 2014, à dix heures, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2014-2015) ;
Suite de l’examen des articles de la première partie ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures cinquante.