Un chiffre d’affaires de 8, 9 milliards d’euros, une rentabilité située entre 20 % et 24 % sur un marché étonnamment captif, près de 15 milliards d’euros de dividendes distribués depuis 2007, soit une moyenne d’environ 2 milliards d’euros par an, voilà les données rapidement retracées qui nous permettent de mesurer ce que recouvre la véritable rente de situation que des groupes comme Vinci, Eiffage ou l’espagnol Abertis ont acquise en prenant en charge l’entretien et l’exploitation du réseau autoroutier français.
Ce qui fut qualifié de « privatisation des autoroutes » montre clairement à quel point ce genre d’opération s’avère être, sur la durée, une mauvaise affaire pour les comptes publics. Les participations de l’État ont été cédées à un prix inférieur à celui qui pouvait être exigé, et la marge des acquéreurs s’en est trouvée d’autant plus assurée qu’elle se dégageait dans le contexte d’une concurrence parfaitement organisée entre opérateurs, chacun d’eux ayant à sa « charge » – on peut se demander si ce mot a un sens en l’espèce – une partie du réseau, sur laquelle il pouvait faire la pluie et le beau temps, et notamment fixer le niveau de tarif des péages comme il l’entendait, ou presque.
Cette situation est d’autant plus regrettable que nous sommes à un moment essentiel de la vie économique du pays et à un moment où nous devons effectuer des choix majeurs pour les années, et même les décennies, à venir. L’un de ces choix, nous en avons déjà parlé, est celui de la transition énergétique, laquelle passe par le report modal du transport des marchandises comme des personnes, un report modal conditionné par des investissements d’importance que l’abandon de l’écotaxe n’a pas forcément rendus plus facile.
Pour autant, nous estimons en toute logique que le mode de transport le plus critiquable du point de vue du respect de l’environnement, en l’espèce le transport routier, doit être le plus directement mis à contribution et qu’il faut faire en sorte que cette contribution soit utilisée à bon escient.
C’est en ce sens que nous souhaitons mettre en place, avec cet amendement, une contribution frappant les résultats – pour le moins exceptionnels ! – des sociétés autoroutières, afin que ces sommes soient orientées vers les investissements clés en matière de transport. Ce serait un bon outil pour permettre à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, de disposer d’environ 1 milliard d’euros de ressources permettant de lancer une partie des investissements structurants qu’elle est appelée à piloter. De surcroît, cela offrirait une alternative au financement de l’Agence par affectation d’une partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE ; en effet, même si cette optique peut se comprendre, le problème est qu’elle passerait a priori en 2015 par un nouveau « rattrapage » de la fiscalité du diesel sur les autres modes.
Lors de nos échanges, plusieurs membres du Gouvernement – notamment vous, monsieur le secrétaire d’État – ont eu des réactions très vives à propos de la rente de situation dont jouissent les sociétés autoroutières. Notre amendement va tout à fait dans le sens de cette légitime protestation.