Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, instauré voilà presque deux ans, fait partie du paysage législatif de notre pays. On en connaît les termes et les conditions, et je ne les rappellerai donc pas, chacun les ayant en tête.
Une telle sollicitude pour les entreprises privées ne peut manquer d’étonner, et il me souvient que la majorité du Sénat, pour des raisons diverses, avait à l’époque rejeté sans appel la mesure.
Notre groupe y voyait un gaspillage de fonds publics et un nouveau cadeau fiscal aux entreprises, accordé sans véritable contrepartie ni contrôle public. L’expérience nous montre que ces tendances semblent malheureusement se confirmer. Nous préférerions d’autres solutions pour remédier aux difficultés des entreprises.
La tare originelle du CICE est d’être, encore une fois, une utilisation de fonds publics, dont on nous dit qu’ils sont rares et précieux, au bénéfice du profit et de l’allégement du coût du travail, comme on nous l’explique depuis quelques mois.
Certes, il s’agit non pas d’une banale exonération ou de quelque allégement de cotisations sociales, mais d’une ristourne sur le montant de l’impôt dû, calculée à partir des salaires dans la limite de deux fois et demie le SMIC.
Les éléments d’évaluation actuels du CICE sont pour le moins fragmentaires, et la seule chose dont nous soyons certains, c’est que plusieurs milliards d’euros ont été distribués aux entreprises sans qu’il soit possible de procéder à la moindre évaluation critique de cette allocation. C’est ce qui a amené les parlementaires de notre groupe et nos collègues de l’Assemblée nationale à interroger, dans nos régions respectives, les préfets sur ce sujet.
Comme nous l’avions pointé lors du débat sur le bilan de la mesure voilà quelques jours – notre collègue Marie-France Beaufils était intervenue sur ce sujet, au nom de notre groupe –, les entreprises ont fait plus valoir, pour le moment, leurs intentions d’embaucher et d’investir que la mise en œuvre effective de leurs propos.
Ainsi La Poste a-t-elle touché 200 millions d’euros au titre du CICE, alors qu’elle continue de réduire le nombre de ses bureaux de plein exercice dans les territoires, notamment ruraux.
Total a touché 80 millions d’euros au titre du CICE, mais cela n’a nullement empêché l’entreprise de supprimer des emplois en France et d’expatrier largement ses bénéfices pour échapper à l’imposition.
À la vérité, les doutes qui nous habitaient lors de la mise en place du dispositif sont malheureusement toujours présents et la mesure se révèle pour le moment aussi inefficace que coûteuse.
Les 10 milliards d’euros du CICE 2015, ce sont les 3, 67 milliards pris dans la poche des élus locaux, plus quelques centaines de millions d’euros trouvés dans celle des veuves et des parents d’enfants majeurs, plus la hausse de la TVA, plus la réduction des dépenses…
C’est également, nous l’avons vu, une dépense fiscale sanctuarisée, placée en dehors de toutes les autres, et, par conséquent, susceptible d’augmenter encore dans les années à venir.
Le CICE va, dans de nombreux cas, devenir une créance pour les entreprises bénéficiaires vis-à-vis de l’État. Voilà qui ajoutera, soit dit en passant, à l’étrange sentiment d’une impunité au profit des chefs d’entreprise, dans un contexte de difficultés économiques et sociales.
N’en doutons pas, le CICE sera un outil d’optimisation fiscale de plus, permettant à certains de se libérer de leurs modestes obligations à payer l’impôt.
Dispositif coûteux, à la cible manifestement trop large pour être efficace, le CICE doit être supprimé, autant pour l’équilibre de nos comptes publics que pour le devenir même de nos entreprises.