Cette série d’amendements vise soit à supprimer carrément le CICE pour le transformer en un dispositif de baisse de charges, soit à en limiter la portée, soit à prévoir des conditions pour sa mise en œuvre.
L’amendement n° I-393 rectifié bis, présenté par Mme Goulet, prévoit un dispositif complet. Il s’agit de supprimer le CICE et de le remplacer par une baisse de charges, financée par une TVA compétitivité supérieure de cinq points à la TVA actuelle.
Pour ma part, j’ai voté un tel dispositif. Or l’une des premières mesures du Gouvernement a été, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012, de mettre fin à cette TVA compétitivité, associée à une baisse de charges.
M. le secrétaire d’État a reconnu, et je dois saluer son honnêteté intellectuelle, qu’il s’agissait, par cette mesure, de gagner une année budgétaire. C’est pour cela qu’on a inventé le CICE !
Dans la pratique, on peut évidemment nourrir un certain nombre d’interrogations sur l’efficacité du CICE.
La première critique à l’encontre du CICE est qu’il monte en puissance doucement – c’est normal, dans un système de crédit d’impôt –, à tel point qu’on a été obligé d’inventer un mécanisme de mobilisation des créances fiscales.
Je siégeais récemment, avec Mme la présidente de la commission des finances, au conseil d’orientation de la BPI. Je me suis interrogé sur la vocation d’une banque publique d’investissement, dont l’une des principales missions est en quelque sorte d’avancer aux entreprises le CICE, mais à un taux d’intérêt pour le moins relativement élevé. Bien évidemment, on aurait sans doute pu avoir, avec la TVA compétitivité et une baisse de charges importante, un dispositif beaucoup plus efficace, qui serait monté en puissance quasiment instantanément, alors que le CICE tarde à produire ses effets.
La deuxième critique – et au-delà de l’amendement du groupe UDI-UC, je partage ce qui a été dit sur un certain nombre de travées – concerne le ciblage de la mesure.
En lisant le rapport de M. Gallois – ce dernier a d’ailleurs été auditionné par la commission des finances –, j’avais compris que le problème était l’industrie en France, notamment la faiblesse des marges industrielles en comparaison de celles d’autres pays, en particulier de l’Allemagne. On nous avait expliqué, après le rapport Gallois, qu’il fallait baisser massivement le coût du travail ; ce rapport préconisait d’ailleurs une baisse des charges plutôt qu’un dispositif comme celui qui a été retenu par le Gouvernement. Mais, comme le reconnaissait M. le secrétaire d’État lors de la précédente séance, ce choix est essentiellement lié à une raison de coût pour l’État, puisque le coût budgétaire du CICE n’est pas immédiat.
J’en viens à la troisième critique : au-delà de la réponse qu’il apporte à la faiblesse de l’industrie, le CICE couvre sans distinction tous les secteurs employant de la main-d’œuvre. C’est bien normal puisqu’il porte sur la masse salariale. Parmi ces secteurs, si certains sont protégés de la concurrence internationale, d’autres ne le sont pas. Tel est notamment le cas de la grande distribution à propos de laquelle M. Delattre avait déposé un amendement qui n’a pas été soutenu. La grande distribution va bénéficier en effet du CICE au même titre que La Poste et que l’industrie. On peut donc effectivement se demander si la mesure est correctement ciblée, et je rejoins les interrogations qui ont été soulevées à ce propos sur les différentes travées.
Le CICE n’est donc pas exempt de critiques, et je viens d’en évoquer quelques-unes, notamment l’absence d’effet immédiat et l’absence de ciblage sur l’industrie. Mais il en est d’autres. Ainsi, la presse faisait ce matin état d’un certain nombre de fuites à propos d’un rapport franco-allemand qui préconise plutôt un gel des salaires en France et une diminution du coût du travail. Je ne suis pas sûr que le CICE n’induise pas des effets sur lesquels on peut s’interroger : le CICE provoquera-t-il une augmentation des salaires ou, au contraire, une diminution du coût du travail ?
Pour autant, faut-il aller jusqu’à la proposition du groupe UDI-UC qui, dans l’amendement n° I-393 rectifié bis, demande de supprimer purement et simplement le CICE, d’instaurer une TVA compétitivité augmentée de 5 points et de provoquer une baisse de charges ? C’est très tentant, même si ces 5 points de TVA, selon nos calculs, représenteraient non pas 50 milliards d’euros, comme c'est annoncé dans l’amendement, mais 32 milliards d’euros.