Intervention de André Gattolin

Réunion du 24 novembre 2014 à 10h00
Loi de finances pour 2015 — Articles additionnels après l'article 8

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Les écologistes n’ont jamais été favorables au CICE. Rappelons-le, ce dispositif a été introduit dans un projet de loi de finances rectificative, par le biais de deux amendements longs chacun de trois à quatre pages et assortis d’une étude d’impact extrêmement faible. Il ne correspondait qu’approximativement aux conclusions du rapport Gallois, ce qui est compréhensible, le Gouvernement, par définition, opérant ses propres choix.

On reproche au CICE son manque de critères. Or il en a au moins deux.

Le premier, c’est d’oublier les entreprises individuelles et les travailleurs indépendants, qui représentent tout de même 2, 5 millions de personnes. En plus, face à la situation compliquée que connaissent beaucoup de secteurs, face à la précarisation de l’emploi, le nombre d’auto-entrepreneurs augmente.

Je comprends que des mesures de compensation soient nécessaires dans certains domaines, mais nous devons garder à l’esprit un exemple typique, celui du commerce : le CICE accorde un avantage à la grande distribution et crée ainsi une distorsion de concurrence à l’égard du petit commerce, qui pourtant fait vivre nos centres-villes. Voyez le nombre de magasins qui ferment actuellement ! Et ce ne sont pas les boutiques de cigarettes électroniques qui signent des baux locatifs pour quelques mois qui vont faire revivre nos bourgs !

Les petits commerçants disparaissent les uns après les autres, du fait de la multiplication des grandes surfaces en périphérie des agglomérations. Ces structures polarisent déjà une grande partie de l’activité commerciale et, en plus, on leur verse une aide supplémentaire à travers le CICE !

Le deuxième critère, c’est le fait de limiter la masse salariale éligible au CICE à 2, 5 SMIC. Les écologistes ne sont pas opposés à l’investissement, bien au contraire, mais imposer un tel plafond revient à écarter les salariés les plus qualifiés et donc les mieux payés. Or les domaines les plus performants, notamment ceux qui sont soumis à la compétition internationale, exigent des ingénieurs dotés d’un haut niveau de qualification.

Je sais qu’accorder un crédit d’impôt par secteur d’activité est difficile compte tenu de la législation européenne. J’ai bien compris que le Gouvernement avait opté pour la formule large du CICE, parce qu’elle avait l’avantage de n’être pas « attaquable » au regard des règles fixées par la Commission européenne et par l’Autorité de la concurrence. Nous n’en devons pas moins reprendre notre combat, au niveau des institutions européennes, pour que cesse cette espèce de folie de la direction générale n° 4, ou DG4, relative à la concurrence, qui empêche de mener une action un tant soit peu stratégique et ciblée.

Je le disais encore samedi dernier : les normes actuelles n’autorisent que des politiques horizontales, pour susciter un contexte favorable, mais elles ne permettent pas de cibler des secteurs stratégiques. Bien sûr, les pays de l’Union européenne ne vont pas se livrer une guerre économique, en opposant un secteur à un autre. Voilà pourquoi il convient de mettre en place de véritables politiques coordonnées.

Je me suis rendu, il y a peu, à Berlin dans le cadre de la mission commune d’information relative à la gouvernance mondiale de l’internet. À ce titre, j’ai rencontré des représentants du ministère allemand de l’économie, qui m’ont déclaré que leur ministère avait l’intention de soutenir les nouvelles technologies en leur consacrant 200 millions d’euros l’année prochaine. Leur souhait était de cibler particulièrement les start-up. Je leur ai demandé comment ils allaient procéder vis-à-vis de l’Union européenne. Ils ont admis qu’il s’agissait là d’un problème.

Il est peut-être temps que les Français, les Allemands et d’autres encore disent : rompons avec l’erreur stratégique qui consiste à concevoir, au niveau européen, des mesures d’investissement ne permettant pas de rénover, de réorienter et de soutenir les secteurs dynamiques de notre économie.

Enfin, je dirai un mot de la TVA et, en particulier, de la TVA sociale. Certes, on a légèrement augmenté la TVA pour financer le CICE, mais on a manqué d’ambition en ne portant son taux que de 19, 6 % à 20 %. Il aurait été plus intelligent de le fixer à 21 %.

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