Loin est le temps où le Parlement, pour décider du montant de la DGF, votait un article partageant le produit net de la TVA entre l’État et les collectivités locales. Je vous rappelle que l’article 46 de la loi de finances pour 1985 prévoyait ainsi un prélèvement de 16, 752 % sur le produit de cette taxe. S’il s’agit là d’histoire ancienne, il n’était pas idiot qu’une part de la richesse produite permette de contribuer au bon fonctionnement des collectivités, après la suppression du versement représentatif de la taxe sur les salaires, au moment où existait déjà un certain nombre de dispositions à vocation péréquatrice : renforcement de la DGF des communes sous-fiscalisées, majoration de la dotation des communes touristiques et des bourgs-centres…
Rapporté aux recettes nettes de TVA attendues, ce prélèvement représenterait aujourd'hui 23, 884 milliards d’euros, au bénéfice exclusif – convient-il de le rappeler ? – des communes.
Cette année, l’ensemble constitué par la DGF des communes et des groupements s’élève à 23, 1 milliards d’euros. Autrement dit, la DGF pour 2015 est inférieure, en valeur nette, à ce que donnerait la simple réévaluation de la DGF pour 1985 ! Il faut dire que, dans l’intervalle, de nombreuses mesures relatives à la DGF ont été adoptées – je pense notamment aux réformes de 1989 et de 1993 –, qui ont traduit l’objectif de réduction toujours plus importante des concours budgétaires de l’État aux collectivités territoriales. Rappelons que, en 2004, après la disparition de la part « salaires » de l’assiette de la taxe professionnelle, la compensation des pertes de recettes avait, pratiquement à elle seule, fait doubler quasiment le montant de la dotation…
Pour aller plus loin, on nous propose aujourd'hui, après quatre années de gel de la DGF et sa réduction, à hauteur de 1, 5 milliard d’euros, en 2014, d’accentuer cette baisse.
Mes chers collègues, accepter, en cette fin d’année 2014, la réduction du montant de la dotation globale de fonctionnement, c’est laisser l’État revenir sur la parole donnée, d'autant que la dernière modification importante ayant affecté les ressources des collectivités – la suppression de la taxe professionnelle, décidée par le précédent gouvernement – a fait perdre à celles-ci une recette dynamique, compensée en deçà des recettes attendues – en tout état de cause, en deçà des recettes que l’on aurait pu en obtenir aujourd'hui.
La diminution de la DGF prévue dans le présent projet de loi de finances est fondée sur la réduction de la dépense publique, choix que le Gouvernement a décidé d’opérer pour réduire le déficit de l’État. Monsieur Bouvard, contrairement à vous, nous ne partageons pas ce choix, dont nous pensons qu’il est contreproductif, qu’il va contribuer à affaiblir notre économie et les ressources du budget de l’État et à dégrader la situation non seulement des familles les plus fragiles, mais aussi des foyers à revenus modestes ou moyens.
Vous le savez, mes chers collègues, la dépense des collectivités territoriales est largement consacrée à la vie et au fonctionnement des services publics. C’est particulièrement vrai du bloc communal, qui sera le plus lourdement frappé – à hauteur de 56 % – par la réduction de la DGF, laquelle baissera de 11 milliards d’euros pour les années 2015 à 2017 et de 3, 67 milliards dès 2015.
Ces services, qu’il s'agisse des crèches, des centres de loisirs, de la restauration scolaire, de l’entretien des bâtiments, en particulier des écoles, mais aussi des transports, dont on a parlé tout à l'heure, sont indispensables à la vie des habitants. Bien souvent, ils fonctionnent en régie. La contribution des usagers est calculée en fonction de leurs ressources.
Le coût de ces services a donc une incidence importante sur le pouvoir d’achat de ces populations, à l’heure où le chômage s’accroît et où le nombre de familles en grande difficulté augmente. Comme le rappellent toutes les associations caritatives, cet aspect ne doit pas être négligé.
Tout le monde l’a reconnu, c’est en raison de ses services publics et de son haut niveau de protection sociale que la France a mieux résisté que d’autres pays à la crise financière de 2008. Ne l’oublions pas ! Pour la croissance, qui a tant de difficultés à redécoller, les conséquences ne sont pas négligeables.
Nos dépenses publiques se sont fortement dégradées eu égard à la hausse des dépenses énergétiques, dont les coûts continuent à augmenter, malgré les efforts d’investissement des collectivités pour réduire leur consommation. Aujourd'hui, le débat sur le coût de nos dépenses publiques intègre rarement cette réalité.
En revanche, bien souvent, les difficultés des collectivités sont associées au coût des normes. Or, si la prolifération normative de ces dernières années est « remarquable », toutes les normes ne doivent pas pour autant être rejetées. À cet égard, je pense que, à l’instar de ce qui existe pour les transferts de compétences, la production de normes devrait s’accompagner des ressources nécessaires à leur mise en œuvre.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, il est plus qu’indispensable de ne pas diminuer aujourd'hui le montant de la dotation globale de fonctionnement. §