Monsieur le secrétaire d’État, au cours d’une de nos dernières séances, vous avez déclaré, avec l’honnêteté qui vous caractérise, qu’il ne fallait pas soupçonner l’administration de vouloir imposer quoi que ce soit au Gouvernement, et que celui-ci assumait ses responsabilités. Cela vous honore.
Néanmoins, vous ne m’empêcherez pas de penser que, depuis un certain nombre d’années, l’administration a la tentation de considérer les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, les FDPTP, comme un « magot » pouvant être récupéré. C’est peut-être pour cette raison que ces fonds avaient été curieusement oubliés lors de la réforme de la taxe professionnelle. Il a fallu que les parlementaires inscrivent leur compensation dans la loi.
Le vendredi 17 octobre dernier, alors qu’il n’y avait pas grand monde en séance à l’Assemblée nationale, quatre amendements identiques, déposés par le Gouvernement et quelques parlementaires et tendant à transformer les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle en fonds d’investissement, ont été adoptés.
Cette disposition n’est pas acceptable, pour plusieurs raisons.
D’abord, elle détourne une recette de fonctionnement des communes défavorisées, singulièrement du secteur rural et de montagne, au profit des communes et des groupements de communes urbaines.
Ensuite, elle accentue la recentralisation des finances locales. Quand on regarde le tableau des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, on est frappé par le fait que celui des Hauts-de-Seine, département où sont pourtant situés les sièges sociaux de très nombreuses grandes entreprises, dans le quartier de La Défense, est inférieur à ceux de l’Ardèche, du Doubs, des Vosges, des Ardennes ou de la Somme, qui ne sont pourtant pas des départements aisés. La contribution des départements d’Île-de-France est très nettement inférieure à leur poids relatif dans la richesse nationale !
C’est un basculement total que l’on s’apprête à entériner au travers de l’instauration d’un fonds d’investissement national : on va retirer des ressources aux petites communes défavorisées, au profit de communes plus aisées. C’est un véritable hold-up sur la solidarité territoriale, une péréquation à l’envers ! Je n’ai jamais vu cela !
Historiquement, les FDPTP comprenaient une part destinée aux communes dites « concernées » et une autre consacrée aux communes défavorisées. Les départements pouvaient décider de la ventilation dans une fourchette comprise entre 40 % et 60 %. De nombreux départements choisissaient de donner davantage aux secondes, estimant que les premières, dotées de grands établissements industriels ou d’équipements de production d’énergie, tels que des centrales nucléaires ou des barrages, avaient déjà des bases de fiscalité locale de nature à assurer leur développement.
Or la part des communes « concernées » a été consolidée au travers du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle. Ainsi, les ressources des communes les plus favorisées sont garanties à vie, alors que l’on va retirer aux communes défavorisées, celles qui bénéficiaient de la solidarité territoriale, ce qui leur revenait !
Je l’admets, les FDPTP ont parfois été détournés de leur vocation, c'est-à-dire attribuer des dotations annuelles à chacune des communes défavorisées. En effet, certains départements en ont fait aussi, à juste titre, un outil de solidarité et d’aménagement du territoire, le préfet étant chargé de répartir une partie des ressources pour parer à une catastrophe naturelle ou financer un projet local qu’une commune ne peut assumer seule.
Autre élément choquant, la gestion des FDPTP sera retirée aux élus et confiée au préfet : nous sommes en pleine recentralisation !
Enfin, à propos du nucléaire, l’un de nos collègues a évoqué tout à l’heure le fait que l’État revienne sur sa parole. Alors que l’on n’arrive pas à construire un petit barrage à Sivens, nous, dans nos montagnes, nous avons accepté de noyer des villages pour permettre le développement et éviter l’exode de nos populations vers Paris ou l’étranger, comme cela avait été le cas pendant plus d’un siècle. Nous l’avons fait au nom de l’intérêt national : grâce à ces infrastructures, plus de la moitié de l’énergie renouvelable produite en France est d’origine hydraulique. Aujourd'hui, l’État renie sa parole ! Ce n’est pas admissible ! Nous avons organisé la solidarité territoriale en acceptant, au nom de l’intérêt national, l’implantation de grands équipements dans des départements de montagne pour la plupart ruinés par la guerre après s’être engagés pour la défense du pays, quand d’autres pactisaient …