Dans un référé publié en janvier 2014, la Cour des comptes s’interroge « sur l’affectation à un établissement public national administratif aux missions pérennes et aux engagements pluriannuels d’une ressource principale exposée aux risques d’un marché particulièrement volatil ».
En effet, la loi de finances pour 2013 a affecté à l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, dans la limite annuelle de 590 millions d’euros, le produit de la mise aux enchères de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Ce produit constitue désormais la plus grande partie des ressources de l’agence.
La Cour a rappelé avec justesse que « cette affectation rend les recettes de l’ANAH dépendantes des fluctuations du marché des quotas carbone, alors que ses dépenses sont liées aux engagements précédemment conclus et au rythme des engagements nouveaux souhaité par les ministres de tutelle ».
Or les missions de cet établissement public administratif ont été régulièrement enrichies, puisqu’il est devenu un acteur essentiel, pour le parc privé, de la lutte contre la précarité énergétique et l’habitat indigne et dégradé, de la prévention de la dégradation des copropriétés fragiles et du redressement de celles qui sont le plus en difficulté. À cela se sont ajoutées deux nouvelles missions, l’adaptation des logements à la perte d’autonomie et la revitalisation des bourgs.
Relier les enjeux de la rénovation énergétique à un financement reposant sur le produit de la cession par l’État de quotas d’émission de tonnes de CO2 – les quotas carbone – répond peut-être à un « souci de cohérence entre les finalités de cette mise aux enchères – la lutte contre le réchauffement climatique – et les politiques mises en œuvre par l’ANAH », comme le soutient le ministère dans sa réponse apportée à la Cour.
Il n’en reste pas moins que le marché de la finance carbone connaît de très fortes variations, qui rendent très incertaines les prévisions de recettes inscrites dans les budgets, ce qui est une source potentielle d’instabilité financière pour l’agence. En 2013, par exemple, le produit des ventes aux enchères de quotas carbone a été de 219 millions d’euros, au lieu des 590 millions d’euros prévus au budget de l’ANAH.
Auditionné par la commission des finances du Sénat le 16 avril 2014, dans le cadre d’une audition commune sur les dispositifs d’aide à la rénovation énergétique des logements privés et sur la gestion de l’ANAH, M. Pierre Ducret, président-directeur général de CDC Climat, faisait observer que « le prix du quota européen est aujourd’hui de 5, 20 euros, le prix à terme étant de 6 euros. La mesure […] consistant à retenir les allocations d’une partie des quotas […] a un double effet qui se révèle contradictoire : d’une part, elle fait remonter les prix, mais, d’autre part, elle conduit à diminuer les volumes pouvant être mis aux enchères. Aussi, même en cas de hausse des prix, les prévisions se situent très en deçà des prévisions initiales. […] S’agissant du financement de l’ANAH, dans l’hypothèse la plus basse pour 2015, qui retient un cours du quota carbone à 8 euros la tonne, les recettes issues de la vente de quotas seraient de 310 millions d’euros ». On est donc loin du plafond de 590 millions d’euros initialement retenu.
Parmi ses ressources, l’ANAH dispose également d’une fraction du produit de la taxe sur les logements vacants, dont le montant reversé à l’agence est plafonné à 21 millions d’euros depuis la loi de finances pour 2012. La somme correspondant au produit de cette taxe s’est accrue du fait de l’accroissement des taux et du champ d’application instauré par la loi de finances pour 2013. Il devrait, selon les estimations initiales, atteindre à terme 150 millions d’euros.
La rédaction actuelle de l’article 15 vise d’ores et déjà à porter le plafond versé à l’ANAH de 21 millions à 51 millions d’euros. Par le présent amendement, il s’agit d’aller plus loin encore et de relever ce plafond à 91 millions d’euros, en remplaçant 40 millions d’euros du produit des quotas carbone par une augmentation de la part de la taxe sur les logements vacants affectée à l’agence.