L’intervention de Gérard longuet va me permettre d’être plus synthétique et de prolonger les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale.
Les enjeux sont doubles : d’une part, l’attractivité du territoire et, d’autre part, la qualité de vie de nos concitoyens, à travers les infrastructures de transports urbains. Dans les deux cas, nous faisons face depuis maintenant vingt-cinq ans à un problème de recettes.
En 1995, Charles Pasqua créait le Fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables, dans la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, alimenté par deux taxes, l’une sur l’énergie hydraulique et l’autre sur les autoroutes – déjà ! – dite « taxe d’aménagement du territoire ».
Quelques années plus tard, le gouvernement Jospin supprimait le FITTVN, considérant que le dispositif était trop compliqué. On a alors privé le système des infrastructures d’une ressource régulière.
Un soir, en catastrophe, on privatise la société ESCOTA, c'est-à-dire la société d’autoroutes de la Côte d’Azur. J’en ai un souvenir très précis, car j’ai été obligé de demander une suspension de séance pour qu’on me dise combien elle valait. Ce fut la première privatisation autoroutière.
Par la suite, un nouveau système a été envisagé par Gilles de Robien, qui a proposé d’affecter les dividendes des sociétés autoroutières au financement d’un plan autoroutier. Cette idée n’aura vécu que quelques jours, jusqu’à la déclaration de politique générale de Dominique de Villepin, qui a décidé de privatiser les autoroutes, contre l’avis de la commission des finances de l’Assemblée nationale, de son rapporteur général Gilles Carrez, de votre serviteur et de quelques autres, qui se sont battus jusqu’au bout pour que cette privatisation ne se fasse pas. Au moins notre combat n’aura-t-il pas été inutile puisque le prix des autoroutes a été réévalué. Cela a d’ailleurs coûté sa tête au commissaire général au plan, qui a été débarqué quelques jours après avoir communiqué à la commission des finances de l’Assemblée nationale les taux d’actuarisation des sociétés d’autoroutes.
Aujourd’hui, nous faisons toujours face au même problème : un manque de courage collectif. Nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord sur une recette stable pour financer les infrastructures. Alors que l’écotaxe a été votée à l’unanimité, il ne s’est pas trouvé grand monde pour la défendre le jour où les premiers manifestants sont apparus…
Comme l’a dit Gérard Longuet, peut-être aurions-nous pu trouver une autre solution avec un peu plus de sang-froid. Il aurait suffi de rassembler les bonnes volontés, dans la majorité comme dans l’opposition, prêtes à prendre des responsabilités, notamment celles qui avaient le recul nécessaire pour comprendre le problème récurrent de financement des infrastructures.
Je pense qu’il ne faut pas prendre l’amendement du rapporteur général comme une critique. Bien sûr, il s’agit de savoir combien cette affaire aura coûté au final, compte tenu du dédommagement d’Ecomouv’. Bien sûr, la majorité considère que le contrat avec Ecomouv’ n’était pas satisfaisant et qu’il a fait la part belle à l’entreprise, mais la question est de savoir comment trouver enfin une recette stable.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, avec beaucoup d’honnêteté, que l’augmentation du gazole sera affectée à l’AFITF pour un an. Or nous devrons déposer dans quelques semaines des dossiers devant la Commission européenne pour le financement de deux infrastructures, dont le Gouvernement, avec beaucoup de courage et de lucidité, a décidé qu’elles étaient utiles : le canal Seine-Nord et la ligne ferroviaire Lyon-Turin.
L’Union européenne, qui sait que le programme RTE-T, le réseau transeuropéen de transport, n’a jamais été exécuté tel que cela était prévu dans les contrats budgétaires, attend évidemment des assurances sur notre capacité de financement. Pour cela, il ne suffit pas de dire que l’on va prévoir une ligne budgétaire. Il faut apporter la preuve que la recette existera et qu’une ressource sera affectée à ces ouvrages, afin qu’ils puissent être financés dans la durée. C’est un enjeu d’attractivité pour notre pays comme pour l’Europe.
Loyola de Palacio – c’était une amie –, qui a été commissaire européen aux transports, a indiqué à plusieurs reprises que le déficit d’infrastructures coûtait 0, 7 point de croissance à l’Europe. Sans doute ce 0, 7 point de croissance manque-t-il aujourd'hui également à notre pays.
Monsieur le secrétaire d’État, des parlementaires de bonne volonté sont prêts à travailler sur ce sujet d’intérêt général, qui peut nous réunir. Le rapport que souhaite M. le rapporteur général doit nous permettre de faire des constats, d’ouvrir des voies et d’affecter, enfin, de façon responsable, une recette pérenne aux infrastructures de transport. Cette recette ne doit pas être fragilisée, voire supprimée à chaque alternance, au motif que ce qui a été fait avant n’était pas satisfaisant. N’écrivons pas aujourd'hui un nouvel épisode de ce feuilleton qui dure depuis vingt-cinq ans !