Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 25 novembre 2014 à 21h30
Loi de finances pour 2015 — Article 27

Photo de Michel BouvardMichel Bouvard :

À cette heure maintenant avancée, je souhaite expliquer les raisons pour lesquelles il me paraît inopportun, dans le contexte actuel, d’augmenter de 2 euros la contribution à l’audiovisuel public.

Comme l’ont souligné les deux rapports de la Cour des comptes de 2009 et 2012 relatifs à France Télévisions, l’État et le législateur se doivent d’être responsables. Ces travaux insistent sur la nécessité de tenir compte de la combinaison de trois phénomènes qui ont radicalement bouleversé les modèles économiques de l’audiovisuel public : l’incidence de la loi du 5 mars 2009, qui a conduit à la suppression ou à l’encadrement de la publicité sur les chaînes de la télévision publique, la contraction constatée du marché publicitaire liée à la crise, et la multiplication des canaux de diffusion, associée à une concurrence accrue issue du « tout TNT ».

Il s’agit également, comme l’a rappelé Philippe Séguin lors de la présentation du rapport de 2009 qui a été l’occasion de l’une de ses dernières interventions comme Premier président de la Cour des comptes, de clarifier les objectifs assignés à travers les contrats d’objectifs et de moyens.

En somme, il nous appelait à nous poser la question : que demande-t-on à la télévision publique ? Au cours des années précédentes, celle-ci s’était vue confier des missions simultanées qu’il était impossible de mener de front : diffuser des programmes de qualité distincts de ceux de la télévision commerciale ; réaliser une audience la plus large possible auprès de toutes les catégories de téléspectateurs ; exercer un rôle d’agence de financement de la production privée indépendante ; le tout, en s’efforçant de maintenir l’équilibre de ses comptes.

Cela étant dit, cet appel à la responsabilité de l’État et du législateur ne doit en rien exonérer France Télévisions d’un impératif de réforme. Sur les vingt-cinq recommandations formulées par la Cour des comptes en 2009, la moitié seulement était totalement ou partiellement mises en œuvre par le groupe public au moment de la publication du second rapport.

Deux sujets font l’objet d’une adaptation frileuse de la part de France Télévisions : la mise en place, jugée laborieuse, de l’entreprise commune et le déséquilibre des relations avec les sociétés de production indépendantes au détriment des intérêts de l’entreprise publique. Cette frilosité apparaît clairement, par exemple, à travers les reculs du groupe pour mettre en œuvre un plan de départs volontaires pour la période 2011-2015.

Dans ce contexte, il faut donner acte au Gouvernement d’avoir annoncé, dans le cadre du débat d’orientation budgétaire, une clarification à travers la baisse, voire la suppression à l’horizon 2017, de l’ensemble des dotations budgétaires au bénéfice des sociétés de l’audiovisuel public. En d’autres termes, la contribution à l’audiovisuel public serait, à terme, leur unique source de financement.

Pour autant, comme l’ont affirmé le rapporteur général et François Baroin, cet article fait clairement le choix du court terme, un entre-deux qui se traduit par une hausse au détriment du contribuable. Le rapporteur général a raison de nous rappeler que nous devons veiller à l’acceptabilité sociale de la contribution à l’audiovisuel public.

C’est pourquoi, dans la droite ligne de l’ouverture réalisée par le Président de la République au CSA au mois de septembre dernier, j’en appelle à engager concrètement et rapidement le travail et les simulations autour d’un élargissement de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel. Cette question fait l’unanimité : il s’agit d’un problème technique comme nous en avons déjà connu dans le passé. Il faut également que l’État se repositionne sur les missions que nous souhaitons voir assigner à l’audiovisuel public. Enfin, celui-ci doit se réformer de l’intérieur.

Dans cette attente, il me paraît inopportun d’augmenter la redevance.

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