Intervention de Esther Benbassa

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « immigration asile et intégration » - crédits « asile » - examen du rapport pour avis

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa, rapporteure pour avis :

Le projet de réforme en débat à l'Assemblée nationale trouve son origine dans la nécessité de transposer, avant le mois de juillet 2015, deux directives européennes relatives à l'accueil des demandeurs d'asile et à la procédure d'examen de leur demande. Il prévoit que celle-ci se déroule dans un délai de neuf mois, et y apporte des modifications : réforme de la procédure prioritaire, du déroulé de l'entretien, meilleure prise en compte de la vulnérabilité du demandeur au cours de la procédure. Les auditions que nous avons conduites, ainsi que notre déplacement, ont fait apparaître certains manques.

Ce budget de transition tente d'assurer la pérennité du financement de la politique d'asile tout en anticipant cette réforme. Il en résulte de nombreuses incertitudes, en particulier pour le secteur associatif. En 2015, les crédits consacrés à l'exercice du droit d'asile augmenteront de 2,24 %, passant de 498,5 millions d'euros à 509,7 millions. La progression de 6,7 millions de la subvention pour charges de service public de l'OFPRA tient à la création de 55 postes d'agents de protection supplémentaires afin de réduire le stock de demandes.

Les crédits consacrés à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par l'action 7 du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » augmenteront de près de 3 %, passant de 22,23 millions d'euros à 22,87 millions, afin de financer neuf emplois supplémentaires affectés à la CNDA et de réduire les délais de jugement des recours. Cette hausse est donc sans commune mesure avec celle que connaît l'OFPRA. Il nous faut être vigilants car si ce projet a été écarté pour le moment, il a été envisagé de transférer le contentieux de l'asile aux juridictions administratives de droit commun.

Après les efforts de sincérité budgétaire salués par notre commission depuis 2012, nous ne pouvons que regretter le manque de réalisme des prévisions, en particulier pour l'allocation temporaire d'attente (ATA). Les dépenses d'intervention de l'action « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 ne progressent ainsi que de moins de 1 %, passant de 459,2 millions d'euros à 463,7 millions. L'exécution de ces dépenses en 2013 s'élevait pourtant à 498 millions d'euros en autorisations d'engagement et 497 millions en crédits de paiement, auxquels doivent être ajoutés 41 millions d'euros au titre de l'ATA dont le versement a été reporté sur 2014.

Les crédits destinés au financement des centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) atteignent 220,8 millions, contre 213,8 millions en 2014. Le nombre de places en CADA atteindra 25 689 à la fin de cette année. Ce chiffre reste insuffisant au regard des 35 000 places fixées comme objectif à l'horizon 2019 par le rapport des inspections générales d'avril 2013. Rien n'apparaît à ce sujet dans ce projet de loi de finances.

Après avoir baissé en 2014, le financement de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile augmente de 14,8 %, atteignant 132,5 millions d'euros en 2015. Les crédits destinés à l'ATA continuent en revanche de baisser pour s'établir à 110 millions d'euros.

Dans le cadre de la réforme de l'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui contribue à la politique d'accueil des demandeurs d'asile, voit considérablement s'accroître sa charge de travail sans que le projet de loi de finances prévoie une augmentation de ses moyens. S'il assure aujourd'hui la coordination du réseau des plateformes d'accueil des demandeurs d'asile, il s'appuie largement sur le secteur associatif pour leur gestion. Il est cependant prévu, dans la perspective du guichet unique, que l'OFII internalise nombre des prestations dispensées par les associations. Sera-t-il en mesure d'assumer ces nouvelles missions avec ce budget ?

Les plateformes d'accueil des demandeurs d'asile (PADA) ont été mises en place par le milieu associatif depuis l'année 2000 à la demande des pouvoirs publics afin de pallier les limites du dispositif national d'accueil (DNA) et de réduire les délais d'attente pour entrer en CADA. Ces structures jouent un rôle primordial dans le premier accueil des demandeurs d'asile en assurant leur domiciliation et en les accompagnant dans leurs démarches. Certaines assurent également l'orientation vers une solution d'hébergement d'urgence et suivent les demandeurs d'asile dans l'instruction de leur dossier par l'OFPRA puis, le cas échéant, devant la CNDA.

Assurant une mission de service public, ces plateformes associatives sont financées par des subventions provenant majoritairement de l'OFII et du budget européen, les collectivités territoriales apportant le solde. De l'avis de toutes les associations rencontrées, ce mode de financement pose problème : la demande et surtout le versement des financements européens obéissent à une procédure très lente et inadaptée. Des déconvenues surviennent au moment du règlement. Ce mode de financement entraîne la nécessité pour les associations d'effectuer des avances à l'État, parfois sur plusieurs années, ce qui suscite des difficultés de trésorerie.

L'avenir des PADA et de leur financement est incertain. Le Gouvernement prévoit la création d'un guichet unique d'enregistrement de la demande et d'entrée dans le dispositif d'accueil : le demandeur d'asile, qui doit actuellement rencontrer cinq interlocuteurs différents - la PADA, la préfecture, l'OFII, l'OFPRA et Pôle Emploi - n'aurait plus affaire qu'à l'OFII qui procèderait au premier accueil en l'informant sur la procédure et en lui présentant une offre de prise en charge, et à l'OFPRA.

Si tous les acteurs reconnaissent que l'État doit retrouver son rôle dans le premier accueil des demandeurs d'asile, beaucoup expriment des doutes quant à la capacité de l'OFII de reprendre l'intégralité des missions aujourd'hui assurées par les PADA. C'est pourquoi il a été décidé de maintenir, ne serait-ce qu'en 2015, les missions de celles-ci ainsi que leur financement à hauteur de 8,5 millions d'euros provenant de l'OFII en attendant de mener une réflexion plus approfondie sur les modalités de la mise en place du guichet unique.

Je vous propose, malgré les réserves que j'ai émises, de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

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