Je voudrais tout d'abord saluer le travail important effectué par mon prédécesseur, notre collègue Éliane Assassi, qui rapportait auparavant les crédits de la mission « Sécurités », hors sécurité civile. Je voudrais également rendre hommage aux forces de l'ordre dont certains des agents ont fait le sacrifice de leur vie pour assurer les missions qui leur étaient dévolues.
Le présent rapport pour avis est consacré à trois des quatre programmes que compte la mission « Sécurités » : les programmes 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale » et 207 « Sécurité et éducation routières ». Le programme 161 « Sécurité civile » fait l'objet d'un rapport spécifique de notre collègue Catherine Troendlé.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, les crédits examinés se montent à 17,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement sur un total de 18,2 milliards d'euros pour la mission, soit une stabilisation des crédits en euros courants par rapport aux crédits ouverts en loi de finances pour l'année 2014.
Je souhaiterais évoquer tout d'abord les difficultés liées aux moyens de fonctionnement des deux forces de police et de la gendarmerie nationales en ce qui concerne surtout le parc immobilier et le parc de véhicules.
Je présenterai ensuite les récentes opérations de mutualisation de moyens opérées entre les services de la police et de la gendarmerie, dans la continuité de ce qui a déjà été fait depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Je me suis également rendu à l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, chargé notamment de lutter contre les infractions commises sur Internet. Le rôle de l'office est vraisemblablement appelé à monter en puissance dans les prochaines années, au regard de l'émergence de nouvelles menaces sur Internet, notamment terroristes.
Enfin, ce rapport est l'occasion de faire un bilan des zones de sécurité prioritaires (ZSP) et de présenter un bilan de la lutte contre les organisations criminelles en 2013.
Les difficultés liées aux moyens de fonctionnement de la gendarmerie et de la police nationales se concentrent sur deux sujets : le parc immobilier et le parc de véhicules.
Dans les deux forces, le parc immobilier est conséquent et soumis à un vieillissement accéléré du fait d'investissements et de crédits pour la maintenance insuffisants. Toutefois, pour la gendarmerie nationale, j'observe qu'un plan triennal de réhabilitation et d'investissement a été lancé à compter de cette année pour un montant total de 210 millions d'euros, soit environ 70 millions d'euros par an. Il convient de souligner que c'est un effort important.
Pour le parc automobile, les deux forces sont contraintes d'acheter environ 2000 véhicules par an pour le renouveler. Or, c'est moins le montant des crédits tout juste suffisants qui pose difficulté que les mesures de régulation budgétaire : en effet, gelés très tôt dans l'année, les crédits ne sont à nouveau disponibles qu'en fin d'année, ce qui déresponsabilise les acteurs et nuit à une bonne gestion : les achats doivent être lancés en urgence, ne laissant aucune marge de manoeuvre ou de négociation aux gestionnaires. Ainsi, il n'y a que quelques semaines que les appels d'offre ont pu être lancés pour l'achat de véhicules.
Face à ces contraintes sur les moyens de fonctionnement, il est nécessaire de réfléchir à d'autres sources de financement. En matière immobilière, le dispositif de l'article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales qui permettait aux collectivités territoriales de passer des conventions avec l'État, en échange d'une subvention et d'une compensation des dépenses éligibles au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée pour construire des casernes de gendarmerie ou des commissariats n'est plus autorisé depuis le 31 décembre 2013. Toutefois, j'observe que ce même article a fait l'objet d'une modification à l'Assemblée nationale : l'article 59 septies prolonge en effet l'application de ce dispositif jusqu'en 2017, ce dont je me félicite. J'espère que cette disposition sera votée par le Sénat.
Pour les moyens de fonctionnement en général, j'observe que l'idée d'attribuer aux services une fraction du produit des avoirs criminels saisis a été évoquée par le ministre de l'intérieur, lors de son audition par la commission la semaine passée. Cela me semble être une bonne idée, qui s'inscrit dans la suite logique de la loi d'orientation de programmation pour la sécurité intérieure 2 qui avait permis aux forces de l'ordre d'utiliser les véhicules saisis.
Je souhaiterais maintenant évoquer la question des mutualisations entre les forces, plusieurs projets d'envergure ayant débuté en 2014.
En effet, ont été créés des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur, dont la fonction est de mutualiser toutes les fonctions « support » de la police, de la gendarmerie, de la sécurité civile et, dans une certaine mesure, des préfectures, au niveau de la zone de défense. Il y aura donc sept secrétariats, après la création en 2016 d'un secrétariat général pour l'Ile de France.
Cette structure aura aussi une fonction prospective, suggérant les domaines pouvant être mutualisés.
Dans le même ordre d'idée, un service unique en charge des achats, de l'équipement et de la logistique est opérationnel depuis le 1er janvier 2014 afin de mutualiser les achats des trois directions générales de la gendarmerie nationale, de la police nationale et de la sécurité civile et de la gestion des crises. Ce service sera en lien étroit avec le secrétariat général pour l'administration du ministère de l'intérieur de chaque zone.
Je souhaiterais enfin revenir plus longuement sur l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication que j'ai pu visiter dans le cadre de cet avis.
C'est un service interministériel, créé en 2000, composé de policiers et de gendarmes, placé depuis l'arrêté du 29 avril 2014 au sein de la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalité créée à cette occasion, dont la mission est de prendre en compte les nouvelles formes de délinquances commises sur Internet. Cette sous-direction dépend de la direction centrale de la police judiciaire.
C'est un service opérationnel qui a pour objet de lutter directement contre la cybercriminalité, mais il peut procéder à tout acte d'enquête nécessaire comme par exemple accéder à des données chiffrées ou cachées sur un support informatique saisi. Enfin, l'office est le point d'entrée unique de la France vers les structures internationales sur les questions de cybercriminalité : Europol ou Interpol, par exemple.
Parmi ses missions, l'office administre et gère la plate-forme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) que j'ai pu voir fonctionner. PHAROS a reçu près de 120 000 signalements en 2013, dont 60 % relèvent d'escroqueries, 12 % d'atteintes aux mineurs et 10 % de discriminations ou racisme.
J'ajouterai que l'office est appelé à monter en puissance : les attaques informatiques ont augmenté de près de 91 % en 2013 par rapport à 2014. Les PME sont notamment les premières cibles des pirates, car leurs systèmes de défenses sont faibles ; les PME constituent ensuite un vecteur pour pirater des sociétés plus importantes.
En dernier lieu, le rapport présente un bilan du fonctionnement des zones de sécurité prioritaires ; celui-ci est satisfaisant, je vous renvoie aux chiffres détaillés du rapport. Je souhaiterais simplement dire que le principe d'une action sur un type particulier de délinquance, une sorte d'action « coup de poing » mais dans la durée, articulée avec les dispositifs locaux de prévention de la délinquance est particulièrement efficace.
Enfin, lors de son audition, le chef du Service d'information de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisé a présenté les trois grandes tendances relatives à la délinquance organisée en France : la délinquance organisée traditionnelle, constituée de délinquants endurcis se livrant aux attaques de banques, de fourgons blindés, au trafic international de stupéfiants, à l'extorsion de fonds, opérant dans les grandes villes diminue. On observe une très forte montée en puissance de la délinquance au sein des cités sensibles structurée autour du trafic de stupéfiants, et l'implantation progressive d'organisations criminelles principalement originaires de l'Europe de l'Est, spécialisées dans la délinquance d'appropriation.
En conclusion, le budget pour la mission « Sécurités » pour 2015, stabilisé en euros courants, redonne quelques marges de manoeuvre pour financer les moyens de fonctionnement des forces et pour améliorer l'état du parc immobilier des deux forces, notamment le parc immobilier de la gendarmerie, même s'il apparaît encore insuffisant pour permettre un fonctionnement optimal des forces de l'ordre. Je souhaite souligner ici que cette situation pèse sur le moral des forces.
J'ai beaucoup hésité sur l'avis à donner sur le budget de la mission « Sécurité » hors sécurité civile pour 2015. Tout en étant favorable au vote de ces crédits, je crains les mesures de gel des crédits, qui auront un effet direct sur les dépenses de fonctionnement. Ce risque m'incitait à proposer un rejet des crédits de la mission.