Intervention de Christiane Taubira

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 26 novembre 2014 : 3ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « justice » - Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Non, nous ne nous contentons pas de résorber des vacances de postes. Nous en créons, les crédits des recrutements correspondants sont prévus, la formation est au rendez-vous et il y aura affectation. La situation est inégale selon les établissements pénitentiaires : en général, le taux de couverture des effectifs varie entre 96 et 98%, mais parfois il tombe à 92%. Nous résorberons ces inégalités. Ce sera le cas pour Fresnes, monsieur Lecerf.

Les frais de justice sont stabilisés. J'ai annoncé un dégel total de 100 millions d'euros de crédits, dont 35 millions pour les frais de justice ; au budget de 455 millions, nous ajoutons 20 millions. Nous essayons de rationaliser. Certains frais échappaient à la vigilance, comme les frais de gardiennage, que nous recensons systématiquement pour éviter d'avoir à continuer à payer indéfiniment dans certains cas. Il en va de même pour les frais médicaux acquittés par les ministères de la santé et de la justice. Les interceptions judiciaires seront moins coûteuses grâce à la nouvelle plateforme. Celle-ci soulevait des questions quant à la conservation des données, la durée, les conditions de destruction, etc. J'ai saisi la Cnil qui a rendu son avis. L'opérateur n'aura pas accès aux données car celles-ci seront cryptées. Les retards tiennent à des problèmes techniques : le budget pour la sécurité de la plateforme n'avait pas été prévu ; la Cnil a mis six mois pour rendre son avis. Finalement la plateforme sera opérationnelle fin 2015.

Monsieur Détraigne, je connais votre attachement tenace aux tribunaux de première instance, ce que n'est pas le service d'accueil unique que nous expérimentons. Les débats préparatoires et les 2 000 contributions ont révélé un refus de cette rationalisation, mais sans doute est-ce la conséquence du traumatisme provoqué par la réforme de la carte judiciaire... Cette crainte non fondée est irrationnelle : nous avons rouvert des tribunaux, mais la crispation est très vive. C'est pourquoi nous ne créerons pas le TPI mais nous rationalisons l'articulation entre les TI et les TGI, en créant des pôles au sein des TGI, en spécialisant les TI sur les contentieux de vulnérabilité.

Il y a des tensions épisodiques chez les greffiers. J'espère qu'elles disparaîtront. Je les ai perçues en août 2012 : les greffiers ont mal vécu que notre première mesure catégorielle concerne les magistrats, alors qu'il ne s'agissait que de l'application du dernier volet d'un décret plus ancien. J'ai rêvé un moment d'une répartition entre les deux cadres, mais cela n'était pas possible... Nous avons accompli des efforts pour les personnels pénitentiaires ; nous avons revalorisé la grille des catégories C. Sur les 19 millions consacrés à des mesures catégorielles, nous prévoyons 11 millions (1 million en 2014, 10 millions en 2015) pour les greffiers dans le cadre du protocole signé avec la profession. J'ai senti une autre période de tension en début d'année à la suite de décisions de présidents de cour d'appel. Mais les greffiers ont été responsables et n'ont pas cessé de travailler. Il y a eu une autre tension lorsque nous avons revalorisé les astreintes de jour des magistrats à 80 euros et de nuit à 120 euros. Cette mesure ne représentait que 500 000 euros ; de plus, le statut des greffiers prévoit des compensations pour les astreintes. Toute mesure catégorielle en faveur des magistrats crée des tensions.

La directrice de la PJJ a cherché par sa note d'orientation de septembre à encourager la diversification des parcours et à inciter les personnels à postuler dans les établissements de placement. Les crédits du secteur associatif habilité sont sauvegardés, la légère baisse n'est due qu'à l'effort important accompli dès la première année pour apurer nos créances à l'égard des associations et ramener le délai de paiement à un mois.

Madame la Rapporteure, je vous propose une séance de travail. Il faut tenir compte de la convention internationale des droits de l'enfant et de la position de l'Unicef. La France n'a pas d'âge de responsabilité pénale. Quelles garanties en deçà ? Le risque est que les mineurs qui n'ont pas atteint l'âge de responsabilité pénale ne soient pas pris en charge par la justice. Dans les autres pays, les réponses sont exclusivement administratives. Cela supposerait de s'en remettre aux conseils généraux, dont les politiques sont très variables. Il faut que la réponse soit équivalente sur tout le territoire. Je pense que nous ne fixerons pas d'âge légal mais apporterons des garanties de manière à répondre très concrètement aux stipulations de la convention internationale des droits de l'enfant.

La convention SPIP-AFPA n'a pas été dénoncée pour des raisons budgétaires, mais en fonction de la fructueuse expérimentation menée avec les régions Aquitaine et Pays de Loire : nous avons généralisé la prise en charge de la formation professionnelle par les régions.

Mon amendement à l'Assemblée nationale ne proposait pas un moratoire sec de l'encellulement individuel. La question est celle de la dignité des conditions de détention. Dominique Raimbourg travaille en bonne intelligence avec nous. Les nouveaux programmes pénitentiaires prévoient un taux d'encellulement individuel de 90%. La mise en oeuvre de la contrainte pénale limitera la surpopulation carcérale et évitera l'incarcération automatique des personnes condamnées à de courtes peines. Je me rendrai à Fresnes, monsieur Lecerf : il paraît que ces lieux pourraient avoir un usage plus intelligent.

Vous vous rappelez d'où nous venons sur les professions réglementées. Le texte préserve la notion d'acte authentique et la signification. Des avancées ont eu lieu aussi sur la liberté d'installation, même si le terme existe encore. Je n'ai pas souhaité de querelle publique avec le ministre de l'économie de l'époque, j'ai exposé publiquement les principes qui selon moi doivent prévaloir : l'accès au droit, la sécurité juridique, l'accessibilité de la justice indépendamment des ressources financières. J'ai livré au sein du gouvernement les batailles qui s'imposaient.

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