La réunion

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Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous avons le privilège d'accueillir Mme Christiane Taubira, garde des sceaux et ministre de la justice, qui va nous présenter son budget.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

La mission « Justice » s'inscrit dans les priorités du Gouvernement. Elle est en hausse de 1,7 %, soit moins que les 2,3 % prévus, il y a quelques semaines encore. En effet, le ministère de la Justice se montre solidaire de l'effort budgétaire pour financer les dépenses des collectivités territoriales liées à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires et le prolongement des emplois aidés. Nous contribuons à hauteur de 40 millions d'euros, ce qui réduit le budget total à 7,942 milliards d'euros. Par rapport à d'autres ministères, notre effort reste modéré. Le budget de la mission « Justice » continue d'augmenter au même rythme que l'an dernier. La priorité donnée à la création d'emplois est préservée.

Le Gouvernement a la volonté de mettre en oeuvre les réformes votées par le Parlement, qu'il s'agisse de la loi du 15 août 2014 sur l'individualisation des peines et le renforcement des sanctions pénales ou de celle sur l'hospitalisation sans consentement, consolidée en septembre 2013. Un autre critère a été la réforme de la justice civile, avec la mise en oeuvre de la justice du XXIe siècle, « J 21 ». L'accès au droit et à la justice, dont le ministère a fait sa priorité depuis deux ans et demi déjà, a également guidé la répartition des dépenses de notre mission. Enfin, un dernier critère a été la reconnaissance des compétences du personnel de justice et la modernisation des moyens de travail - notamment l'utilisation du numérique pour la communication et l'exécution des procédures.

Sur le triennal, 1 834 emplois seront créés, dont 500 en 2015 et 100 emplois de résorption de vacances. J'ai dû demander un audit à l'inspection générale des finances pour évaluer les effectifs réels de l'administration pénitentiaire. En effet, les décomptes étaient faits sur des bases différentes (35 heures, heures supplémentaires, etc.) et, surtout, durant les trois dernières années du précédent quinquennat, des créations de postes n'avaient pas été concrétisées. Par conséquent, j'ai obtenu, en milieu d'année, pour résorber ce manque d'effectifs dans l'administration pénitentiaire la création de 534 postes, qui viennent en plus des 500 postes créés chaque année. La formation de ces nouveaux personnels a commencé dès le mois de septembre pour les 200 recrutés en 2014, et nous organiserons des concours supplémentaires en 2015 et 2016.

Afin de faciliter la mise en oeuvre de la loi sur l'individualisation des peines et de renforcement des sanctions pénales, 1 000 emplois supplémentaires de personnels d'insertion et de probation sont créés sur trois ans (+ 25 %). Pour améliorer le fonctionnement du service, une augmentation des moyens de 10 % a été prévue. Une quarantaine de postes de magistrats seront créés, dont 17 en 2016.

Le Conseil constitutionnel a censuré la suramende que vous aviez votée pour le financement de l'aide aux victimes. J'avais insisté, en lecture conclusive, sur les risques constitutionnels en proposant un amendement que l'Assemblée a refusé. Nous en proposerons un autre dans le collectif. Cette année, nous avons augmenté le budget de l'aide aux victimes de 22 %, à hauteur de 3 millions d'euros. Nous l'aurons ainsi porté de 10,8 millions à 16, 885 millions.

Quant à la rénovation des lieux de détention, 6 500 places ont été créées, et dans le prochain triennal, nous avons des autorisations d'engagement d'un milliard d'euros pour créer 3 200 places nettes supplémentaires. Dans ce domaine, les outre-mer sont une priorité. Enfin, le ministère de la justice participe à la politique de prise en charge de l'enfance délinquante sans négliger l'enfance en danger, en collaboration avec les conseils généraux.

La justice du XXIe siècle doit être plus proche, plus efficace et plus protectrice des citoyens. Un effort en matière d'effectifs y contribuera. Nous avons lancé des expérimentations pour un service d'accueil unique de la justice, pour la création d'équipes autour des magistrats du parquet, ainsi que pour le conseil de juridiction. Les tribunaux et les cours d'appel se portent volontiers candidats pour ces expérimentations. J'ai choisi d'accepter toutes les candidatures pour les conseils de juridiction, afin d'avoir une expérimentation en grandeur nature prenant en compte la variété des candidats. Nous avons également renforcé les effectifs, en créant 22 postes de greffiers en 2015, et 59 autres, en 2016, répartis dans les juridictions et dans les maisons de la justice et du droit. Nous augmentons les effectifs dans les juridictions, de telle manière qu'à partir de 2015, nous entrerons en solde positif. Jusqu'à présent, 300 postes étaient créés chaque année, sans parvenir à compenser les départs à la retraite et les vacances de poste. Nous avons progressivement rétabli l'équilibre.

Les crédits de fonctionnement, qui diminuaient chaque année dans l'ancien triennal, sont stabilisés. Une rationalisation dans la gestion des financements publics - interceptions judiciaires, médecine légale et frais d'affranchissement - les a fixés à 780 millions d'euros, dont 450 millions pour les frais de justice. Les efforts sur l'immobilier de la justice se poursuivent, avec 159 millions de crédits de paiement pour 2015.

En matière d'accès au droit et à la justice, nous avons supprimé la démodulation qui devait être mise en oeuvre en janvier 2015. Nous avons augmenté de 10% le budget de l'aide juridictionnelle, qui passe de 349 à 379 millions d'euros. Nous travaillons obstinément pour réformer le système : nous mettons en place des groupes de travail, associant des représentants de l'État et des avocats, autour de quatre problématiques : les besoins des citoyens, la rétribution des avocats, les mécanismes de gestion au quotidien et la gouvernance du système.

Enfin, l'État poursuit la revalorisation du salaire du personnel de catégorie C ainsi que des agents pénitentiaires (surveillants, brigadiers et directeurs d'établissement). Nous accordons une attention particulière aux greffiers et greffiers en chef : un protocole a été signé avec les principales organisations professionnelles pour revaloriser le métier.

La modernisation du fonctionnement du ministère de la justice implique de travailler sur la plateforme nationale d'interception judiciaire (PNIJ). L'application Portalis pour la justice civile entrera en application en 2015, Cassiopée sera renforcée pour l'activité pénale, Astrea pour le casier pénal, et Genesis pour la gestion des détenus.

L'effort de 40 millions d'économies n'a porté que sur certaines directions du ministère, afin de préserver celles qui sont prioritaires : la protection judiciaire de la jeunesse, l'accès au droit et à la justice, et l'aide aux victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

J'ai été sensible à vos explications sur les emplois de résorption de vacances. Les conclusions de l'inspection générale des finances ne pouvaient pas être récusées par votre collègue du budget. C'était habile de votre part.

Dans l'océan des difficultés budgétaires, il serait malvenu de notre part de fixer la barre trop haut. Les chiffres que vous nous avez indiqués montrent que le ministère de la justice échappe à l'austérité la plus forte. Les temps sont révolus où les ministres sauvaient leur budget sans se montrer solidaires des autres. Dans le programme « Justice judiciaire », la diminution de 2,3 % et 4,1 % des crédits accordés aux tribunaux civils et aux juridictions chargées du pénal est inquiétante, dans la situation actuelle. La Cour de cassation est mieux traitée que les juridictions subordonnées. L'aide juridictionnelle est en baisse ; l'accès au droit plus substantiellement encore : les efforts demandés aux juridictions ne sont-ils pas supérieurs à ceux que vous imposez à votre propre administration centrale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je partage les commentaires de notre président. Le budget des services judiciaires présente la particularité d'avoir un schéma d'emplois stable, alors que sa dotation budgétaire baisse de 26 millions d'euros. Cela reflète une sous-consommation récurrente ainsi que le nombre élevé de postes laissés vacants. Jusqu'à présent, ces emplois étaient partiellement convertis en emplois de vacataires, ce qui était une aide appréciable pour le fonctionnement des juridictions. Si on diminue la dotation budgétaire de 26 millions, restera-t-il une marge de manoeuvre pour recourir à des vacataires, le cas échéant ?

Cassiopée est une application dédiée au pénal. Lors des auditions, on nous a indiqué que ce logiciel n'avait pas encore inclus les mesures relevant de la contrainte pénale, de sorte que les juridictions sont obligées de recourir à des formulaires papier qui devront être ressaisis, une fois que Cassiopée aura été mise à jour. Pourquoi cela n'a pas été anticipé ?

La justice du XXIe siècle se met en place de manière pragmatique, par étapes, et en privilégiant l'accès des justiciables à la justice. Neuf juridictions vont tester le guichet unique de greffe. C'est la voie qui nous avait semblé la plus pertinente, à Virginie Klès et à moi. Avez-vous des précisions à nous apporter sur le calendrier de la réforme ?

J'ai le sentiment que des tensions fortes opposent les greffiers et les magistrats. Cette coupure n'existait pas au moment des entretiens de l'Unesco. Si ces deux corps ne s'entendent pas, compte tenu du peu de moyens dont dispose la justice, cela risque de poser problème dans le fonctionnement des tribunaux. Comment envisagez-vous d'y remédier ?

Enfin, l'échéance de la création de Lyon Métropole et du découpage du département du Rhône approche. Des problèmes subsistent, notamment sur le TGI de Lyon qui sera bi-départemental. Quel avenir pour le tribunal de Villefranche-sur-Saône ? Peut-on envisager la création d'un tribunal de première instance qui se substituerait aux deux autres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

En termes de carrière, les personnels de la Protection judiciaire de la jeunesse trouvent les services en milieu ouvert plus attractifs que les établissements de placement. Comment faire pour éviter que les plus expérimentés d'entre eux délaissent ces établissements ?

Les crédits consacrés au financement du secteur associatif diminuent depuis plusieurs années : les mesures de prise en charge sont moins nombreuses et le nombre d'associations habilitées par la PJJ plus faible. Cette baisse est-elle vouée à durer ? Certaines associations apportent des idées innovantes à la PJJ. Comment les préserver ?

En 2012, un rapport de l'Inspection générale des services judiciaires s'inquiétait de l'imprécision du statut juridique des familles d'accueil. Comment le sécuriser ? Enfin, sur la réforme du droit pénal des mineurs, avez-vous prévu de fixer un âge minimum pour la responsabilité pénale ?

Par ailleurs, vous avez annoncé une réforme de l'ordonnance du 2 février 1945. Fixera-t-elle un âge minimal de responsabilité pénale ?

Le budget de la Protection judiciaire de la jeunesse n'a pas été affecté par le plan d'économies supplémentaires de 40 millions d'euros. Heureusement, car il permet tout juste de mettre en oeuvre l'individualisation du suivi des jeunes. Cependant, d'autres programmes ont été affectés, ce qui aura forcément des conséquences sur l'efficacité de l'ensemble de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

L'encellulement individuel n'a guère été appliqué. Le moratoire prévu par la loi pénitentiaire de 2009 vient d'expirer. À l'Assemblée nationale l'amendement qui le prolongeait a été retiré, et une mission a été confiée à notre collègue député Dominique Raimbourg. Je passe sur les dernières polémiques. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté a émis le voeu qu'il n'y ait plus de matelas au sol dans les prisons de la République. Le rapporteur pour avis du budget de l'administration pénitentiaire à l'Assemblée nationale a demandé sa démission. Il va de soi que je ne m'associe en rien à cette demande. Il y a un vrai problème avec des risques de contentieux considérables. Il convient d'agir vite. Le Sénat a sauvé le principe de l'encellulement individuel, sans se faire l'ayatollah du système car l'encellulement collectif reste tout à fait acceptable dans certaines circonstances.

Je ne reviens pas sur les débats tranchés par la loi pénitentiaire. Les 1 000 places prévues pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation prévus par Jean-Marc Ayrault seront créées dès l'an prochain. Entre 600 et 700 seront réservées aux conseillers d'insertion et de probation, alors que l'étude d'impact qui accompagnait la loi pénitentiaire en prévoyait 1 000. Cette loi est entrée en vigueur et les formations sont en cours. Les deux années à venir ne vont-elles pas être très difficiles ?

Je viens de visiter Fresnes pour la troisième ou quatrième fois. L'établissement public national de santé y accomplit un travail remarquable. Des travaux importants de confortation du bâtiment ont été réalisés. Le matériel médical y est de plus en plus adapté. Pourquoi une épée de Damoclès menace-t-elle encore la pérennité de ce site ? On ne trouve pas plus d'une ou deux personnes dans le centre socio-médico judiciaire de sûreté, car la loi n'est pas encore entrée en vigueur. Cependant, il existe une demande forte pour qu'une aile inutilisée du bâtiment soit affectée aux personnes âgées bénéficiant d'un allègement de peine pour des raisons médicales, avant leur transfert en Ehpad. Pour ce qui est de la résorption de vacances, je dirai simplement qu'à Fresnes, il y a encore 65 emplois vacants.

Peut-on prévoir dans les règlements types d'élargir la cantine à certains produits ? Les médecins s'arrachent les cheveux pour traiter les détenus diabétiques - il n'est pas dans leur culture de boire de l'eau. Il suffirait de prévoir systématiquement une vingtaine de produits pour résoudre des problèmes élémentaires de santé publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je salue la continuité de votre action, depuis trois ans que vous occupez ces fonctions. Vous avez fait voter la loi pénale, il était important que vous en assumiez le suivi. Un engagement fort a été pris lors du vote de la loi du 15 août 2014, celui de présenter devant le Parlement un projet de loi relatif à la justice des mineurs, au premier trimestre de 2015. Nous tenons à ce que cet engagement solennel soit respecté.

La décision prise par l'Assemblée nationale sur l'encellulement individuel est bonne. À quoi servirait de proroger sans cesse jusqu'à l'échéance suivante ? Le réalisme et le courage consistent à ne pas en faire un dogme mais à le mettre en place par étapes, parallèlement à la mise en oeuvre de la loi pénale. Si des alternatives à la détention sont possibles, avec le suivi approprié, il faut les mettre en oeuvre dans un projet à moyen terme. Dominique Raimbourg, qui y travaille, pourra nous présenter des propositions réalistes.

Madame la ministre, pour financer l'aide juridictionnelle, on pourrait en appeler à la solidarité des cabinets d'avocats d'affaires, en les invitant à faire preuve de péréquation vis-à-vis de leurs collègues qui oeuvrent auprès des populations en difficulté. J'ai bien conscience qu'une telle mesure ne passerait pas. Dans leur rapport, Sophie Joissains et Jacques Mézard proposent sinon de taxer, du moins de prélever les contrats d'assurance juridiques attachés aux cartes bancaires. J'ai deux cartes, dont le contrat d'assurance juridique ne me servira pas plus qu'à la plupart des titulaires de cartes. Une autre mesure pourrait être d'effectuer un prélèvement de solidarité sur certains actes notariés, sans pour autant stigmatiser la profession. Les quatre pistes de réflexion que vous proposez sont intéressantes. Si l'on ne trouve pas des financements alternatifs, la réflexion restera vaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous voyez, madame la Ministre, que nous défendons le ministère de la justice.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

J'y suis sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

La réforme territoriale est en cours d'examen. Votre ministère est concerné par la revue des missions coordonnée par Thierry Mandon. Les ateliers sur la ruralité dans les Hautes-Pyrénées se sont achevés lundi dernier : en milieu rural, l'accès au droit et à la justice a toute son importance. Une réflexion est-elle menée sur ce thème qui vous est cher ?

Lorsque M. Arthuis a déposé sa proposition de loi sur les mineurs étrangers isolés, vous aviez annoncé qu'un comité serait mis en place, et que des parlementaires y siégeraient, qu'une mission d'inspection rendrait ses conclusions... Reste un point de litige : la prise en charge par l'État de la première étape de l'orientation de ces mineurs. Où en est-on ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Nous sommes plusieurs à avoir été alertés sur les difficultés qu'ont certains tribunaux à honorer les frais de justice. L'on range les factures dans un tiroir en attendant de pouvoir payer experts et interprètes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Les crédits de la justice sont stabilisés. Je m'en félicite. Aider la justice, c'est aider la cohésion sociale. Les magistrats du siège seront satisfaits de voir leur nombre augmenter. Les mesures sur les établissements pénitentiaires et sur le greffe sont bonnes également. Vos cibles sont les bonnes. L'aide juridictionnelle est une vieille affaire. On avait même envisagé, il y a une vingtaine d'années, de créer des avocats publics, des fonctionnaires, à l'américaine. La solution qui consiste à taxer les plus gros cabinets d'avocats n'est pas viable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La solution réside dans une sécurité juridictionnelle, comme il y a une sécurité sociale : il faudra regarder du côté des contrats d'assurance. Pourquoi une nouvelle ligne budgétaire d'1,7 million d'euros pour l'indemnisation des avoués ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Une circulaire nationale a contribué à mieux répartir les mineurs isolés étrangers sur le territoire, je m'en réjouis. Cependant, à l'expérience, des améliorations restent possibles. Dans mon département, nous sommes bien au-delà du chiffre fixé par la circulaire. En effet, l'aide sociale à l'enfance du département est tenue de prendre en charge les mineurs qui font appel devant le juge pour enfants, lorsque leur demande a été rejetée. Nous avons dû ajouter 7 millions d'euros à notre budget pour faire face au surcoût conséquent. Nous accueillons plus de mineurs isolés que Paris ou la Seine-Saint-Denis. Le Fonds national pour l'enfance en danger aurait dû être alimenté à hauteur de 150 millions d'euros, pour financer ces charges supplémentaires imposées aux départements. Si nous assurons bien volontiers cet accueil, nous souhaitons que la circulaire s'applique de manière juste.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

J'ai été interpelée par les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation sur le fait que, faute de financement, la convention avec l'agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) avait été dénoncée au 1er juillet dernier. Paradoxalement, certains choix budgétaires ont pour effet de fragiliser le travail des personnels de justice. Pourquoi cette convention a-t-elle été dénoncée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

Je veux vous dire ma satisfaction de la création de 3 200 places nettes dans les prisons durant le prochain triennal et de la priorité donnée à l'outre-mer. Vous connaissez bien la situation grâce à la mission d'information que vous avez établie. J'ai visité la prison de Baie-Mahault en 2013 et, cette année, celle de Basse-Terre, dont un ministre de la République disait il y a vingt ans qu'elle était la honte pour la République. Hélas !, la situation n'a guère changé. Deux à trois matelas ont parfois été jetés par terre. Ces mesures amélioreront la dignité des détenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Je partage votre avis sur la démodulation. Le budget de l'aide juridictionnelle augmente de 10% Avec M. Mézard nous proposions des mesures pour le doubler. Pourquoi ne pas les avoir retenues ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On ne peut que se féliciter de la hausse du budget de la justice. Il est tellement faible...Les comparaisons de l'OCDE sont sans appel. Et encore, il faudrait distinguer le judiciaire du pénitentiaire pour avoir une image fidèle de l'écart avec les autres pays.

Vous présentez des résorptions de vacances de poste comme des créations... Vous aurez seulement des résorptions en plus grand nombre.

Les interceptions judiciaires coûtent cher, à la différence des interceptions administratives qui fonctionnent très bien. Une plateforme nationale des interceptions judiciaires sera créée, mais les sociétés qui assurent les écoutes téléphoniques actuellement menacent de bloquer le système. Quand la plateforme fonctionnera-t-elle ?

Les expertises judiciaires sont de plus en plus nombreuses, ce qui augmente les frais de justice et les délais. Or les retards de paiement sont considérables, les professionnels ne sont souvent plus payés après juin. Comment améliorer la situation ?

Vous avez eu raison de rappeler que les professions réglementées relevaient de la Chancellerie. Certains veulent tellement s'en occuper. Ce n'est pas sans risque, on se souvient de la tentative d'autoriser de grands cabinets internationaux à devenir mandataires de justice. Faut-il, au nom du pouvoir d'achat, réformer ces professions qui ont déjà consenti des efforts pour se réformer ? Les juridictions commerciales ont été regroupées. Si les juges des tribunaux de commerce rendaient leur robe, ce serait une catastrophe...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En plus d'aucuns voudraient recourir aux ordonnances !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Non, nous ne nous contentons pas de résorber des vacances de postes. Nous en créons, les crédits des recrutements correspondants sont prévus, la formation est au rendez-vous et il y aura affectation. La situation est inégale selon les établissements pénitentiaires : en général, le taux de couverture des effectifs varie entre 96 et 98%, mais parfois il tombe à 92%. Nous résorberons ces inégalités. Ce sera le cas pour Fresnes, monsieur Lecerf.

Les frais de justice sont stabilisés. J'ai annoncé un dégel total de 100 millions d'euros de crédits, dont 35 millions pour les frais de justice ; au budget de 455 millions, nous ajoutons 20 millions. Nous essayons de rationaliser. Certains frais échappaient à la vigilance, comme les frais de gardiennage, que nous recensons systématiquement pour éviter d'avoir à continuer à payer indéfiniment dans certains cas. Il en va de même pour les frais médicaux acquittés par les ministères de la santé et de la justice. Les interceptions judiciaires seront moins coûteuses grâce à la nouvelle plateforme. Celle-ci soulevait des questions quant à la conservation des données, la durée, les conditions de destruction, etc. J'ai saisi la Cnil qui a rendu son avis. L'opérateur n'aura pas accès aux données car celles-ci seront cryptées. Les retards tiennent à des problèmes techniques : le budget pour la sécurité de la plateforme n'avait pas été prévu ; la Cnil a mis six mois pour rendre son avis. Finalement la plateforme sera opérationnelle fin 2015.

Monsieur Détraigne, je connais votre attachement tenace aux tribunaux de première instance, ce que n'est pas le service d'accueil unique que nous expérimentons. Les débats préparatoires et les 2 000 contributions ont révélé un refus de cette rationalisation, mais sans doute est-ce la conséquence du traumatisme provoqué par la réforme de la carte judiciaire... Cette crainte non fondée est irrationnelle : nous avons rouvert des tribunaux, mais la crispation est très vive. C'est pourquoi nous ne créerons pas le TPI mais nous rationalisons l'articulation entre les TI et les TGI, en créant des pôles au sein des TGI, en spécialisant les TI sur les contentieux de vulnérabilité.

Il y a des tensions épisodiques chez les greffiers. J'espère qu'elles disparaîtront. Je les ai perçues en août 2012 : les greffiers ont mal vécu que notre première mesure catégorielle concerne les magistrats, alors qu'il ne s'agissait que de l'application du dernier volet d'un décret plus ancien. J'ai rêvé un moment d'une répartition entre les deux cadres, mais cela n'était pas possible... Nous avons accompli des efforts pour les personnels pénitentiaires ; nous avons revalorisé la grille des catégories C. Sur les 19 millions consacrés à des mesures catégorielles, nous prévoyons 11 millions (1 million en 2014, 10 millions en 2015) pour les greffiers dans le cadre du protocole signé avec la profession. J'ai senti une autre période de tension en début d'année à la suite de décisions de présidents de cour d'appel. Mais les greffiers ont été responsables et n'ont pas cessé de travailler. Il y a eu une autre tension lorsque nous avons revalorisé les astreintes de jour des magistrats à 80 euros et de nuit à 120 euros. Cette mesure ne représentait que 500 000 euros ; de plus, le statut des greffiers prévoit des compensations pour les astreintes. Toute mesure catégorielle en faveur des magistrats crée des tensions.

La directrice de la PJJ a cherché par sa note d'orientation de septembre à encourager la diversification des parcours et à inciter les personnels à postuler dans les établissements de placement. Les crédits du secteur associatif habilité sont sauvegardés, la légère baisse n'est due qu'à l'effort important accompli dès la première année pour apurer nos créances à l'égard des associations et ramener le délai de paiement à un mois.

Madame la Rapporteure, je vous propose une séance de travail. Il faut tenir compte de la convention internationale des droits de l'enfant et de la position de l'Unicef. La France n'a pas d'âge de responsabilité pénale. Quelles garanties en deçà ? Le risque est que les mineurs qui n'ont pas atteint l'âge de responsabilité pénale ne soient pas pris en charge par la justice. Dans les autres pays, les réponses sont exclusivement administratives. Cela supposerait de s'en remettre aux conseils généraux, dont les politiques sont très variables. Il faut que la réponse soit équivalente sur tout le territoire. Je pense que nous ne fixerons pas d'âge légal mais apporterons des garanties de manière à répondre très concrètement aux stipulations de la convention internationale des droits de l'enfant.

La convention SPIP-AFPA n'a pas été dénoncée pour des raisons budgétaires, mais en fonction de la fructueuse expérimentation menée avec les régions Aquitaine et Pays de Loire : nous avons généralisé la prise en charge de la formation professionnelle par les régions.

Mon amendement à l'Assemblée nationale ne proposait pas un moratoire sec de l'encellulement individuel. La question est celle de la dignité des conditions de détention. Dominique Raimbourg travaille en bonne intelligence avec nous. Les nouveaux programmes pénitentiaires prévoient un taux d'encellulement individuel de 90%. La mise en oeuvre de la contrainte pénale limitera la surpopulation carcérale et évitera l'incarcération automatique des personnes condamnées à de courtes peines. Je me rendrai à Fresnes, monsieur Lecerf : il paraît que ces lieux pourraient avoir un usage plus intelligent.

Vous vous rappelez d'où nous venons sur les professions réglementées. Le texte préserve la notion d'acte authentique et la signification. Des avancées ont eu lieu aussi sur la liberté d'installation, même si le terme existe encore. Je n'ai pas souhaité de querelle publique avec le ministre de l'économie de l'époque, j'ai exposé publiquement les principes qui selon moi doivent prévaloir : l'accès au droit, la sécurité juridique, l'accessibilité de la justice indépendamment des ressources financières. J'ai livré au sein du gouvernement les batailles qui s'imposaient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans plusieurs rapports, nous avons plaidé pour une hausse de l'aide juridictionnelle.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

En effet, il y a eu plusieurs rapports sur le sujet. Nous avons agi. L'aide juridictionnelle a augmenté de 10 % grâce à des ressources nouvelles, susceptibles de monter encore en puissance. Une politique solidaire suppose de doubler le budget. L'augmentation de 2 % de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance de protection juridique rapporte 25 millions d'euros. Voyez la hausse qu'il faudrait pour dégager les 300 millions nécessaires au doublement de l'aide. J'installerai les groupes de travail le 5 décembre. Ils comprendront pour la première fois des avocats. Ils rendront leurs conclusions en mars.

Le dispositif de prise en charge des mineurs étrangers isolés fonctionne. Les conseils généraux particulièrement concernés par les arrivées ont conservé à charge moins de mineurs isolés étrangers qu'il n'en était entré sur leur territoire. La prise en charge par l'État est assurée pendant les cinq jours passés à déterminer l'âge des enfants - l'analyse osseuse, certes sujette à caution, sert parfois à lever des doutes. Il nous reste 1,5 million sur la dotation. La prise en charge est financée par mon ministère, celui de l'intérieur, ceux de la santé et des affaires sociales. Je sollicite la participation des ministères des affaires étrangères, des transports, de l'éducation nationale, du logement. Nous attendons un arbitrage du Premier ministre. L'excellent rapport de la triple inspection que j'ai demandé montre les pistes pour améliorer un dispositif qui pèse sur les conseils généraux. Mais le comité de pilotage se réunit régulièrement. L'ADF y participe. Il est bon que les départements nous fassent remonter les difficultés.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vous adresserai une note précise ainsi que le rapport des inspections.

Quand leur profession a été supprimée, les avoués ont obtenu par voie de justice une indemnisation. L'État la finance grâce à un prêt auprès de la Caisse des dépôts qu'il rembourse avec les recettes tirées du timbre d'appel. Mais cette recette est insuffisante et je dois faire des acrobaties budgétaires pour trouver des financements. Nous avons renégocié avec la Caisse des dépôts et prolongé de trois ans la durée du remboursement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Voilà l'autopsie d'une bonne réforme... Évitons de recommencer l'erreur !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Les maisons d'arrêt en outre-mer constituent une priorité. Nous avons lancé des travaux à Baie-Mahault et à Basse-Terre où les conditions de détention sont indignes. Les personnels pénitentiaires ont du mérite et les détenus ne se révoltent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il faut aussi parler de ce qui a été fait. À Nouméa, la situation s'est considérablement améliorée.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

En effet. Nous avons entièrement restructuré la prison.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous éclairer. Cependant, le problème des mineurs isolés est loin d'être résolu. Les dispositifs d'urgence des conseils généraux qui ont accueilli beaucoup de mineurs étrangers sont saturés. Ils ont peu de places, car celles-ci avaient vocation à accueillir les mineurs confrontés à un risque de maltraitance. Il ne suffit pas d'augmenter les moyens. Nous restons loin de l'équilibre. Les présidents des conseils généraux ne savent pas comment assurer en même temps l'accueil des mineurs étrangers et celui des enfants maltraités, retirés à leur famille.

La réunion est levée à 16 h 15

- Présidence de Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 16 h 20