Intervention de Jean-Marie Morisset

Commission des affaires sociales — Réunion du 26 novembre 2014 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2015 — Mission « egalité des territoires et logement » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Marie MorissetJean-Marie Morisset, rapporteur pour avis :

Les crédits de la mission Egalité des territoires et logement sont essentiellement destinés à financer les aides au logement d'une part, et l'hébergement des personnes sans-abri d'autre part. Il s'agit donc largement de dépenses contraintes.

A périmètre constant, les crédits alloués à la mission sont stables, l'augmentation des dépenses de guichet (aides au logement) et des dépenses d'urgence compensant les efforts d'économie portant sur les autres actions.

J'ai voulu, à l'occasion de cet avis budgétaire, m'intéresser tout particulièrement aux crédits du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », qui intéresse plus spécifiquement notre commission des affaires sociales et représente, après les aides au logement, le principal poste de la mission.

Ce programme regroupe notamment les crédits destinés à la veille sociale, à l'hébergement d'urgence et à l'accompagnement des personnes défavorisées en vue de leur réinsertion.

En 2015, l'effort dans ces domaines est maintenu, les crédits alloués progressant de près de 60 millions d'euros pour atteindre près de 1,375 milliard d'euros. Si cet effort doit être souligné, on peut s'attendre à ce qu'il soit largement insuffisant.

En effet, les crédits du programme sont régulièrement sous-évalués en lois de finances initiales, et des décrets d'avance sont chaque année nécessaires afin de répondre aux besoins effectivement constatés en cours d'exercice. Cela a été le cas en octobre 2014, à hauteur de 56 millions d'euros, et un nouvel ajustement a été annoncé dans le cadre de la loi de finances rectificative.

Ainsi, les crédits proposés pour 2015 sont certes supérieurs à ceux ouverts par la loi de finances pour 2014, mais demeurent inférieurs aux crédits réellement exécutés en 2015, alors que la conjoncture économique ne permet pas d'espérer une diminution des besoins.

Il s'agit là d'un manque de sincérité qui nuit à la visibilité dont ont besoin les acteurs de l'hébergement et de la réinsertion, qui relèvent essentiellement du monde associatif et gèrent au quotidien des structures d'hébergement dans un contexte financier précaire.

Cette gestion en tension traduit une approche essentiellement humanitaire de l'hébergement d'urgence. Force est de constater en effet que si les crédits destinés à l'hébergement d'urgence progressent fortement - et c'est nécessaire pour faire face à des besoins qui sont en hausse - ceux destinés à financer les centres d'hébergement et de réinsertion ou les modes de logement adaptés ne progressent pas : on met à l'abri sans proposer une vraie aide de nature à permettre la réinsertion.

Cette logique s'observe notamment au travers de la progression constante du recours à l'hôtel, alors même que l'ensemble des acteurs s'accorde à dire que cette solution ne peut être que résiduelle et ne peut constituer un mode régulier et prolongé d'hébergement. Alors que les places en centres d'hébergement et de réinsertion (CHRS) n'ont pas augmenté entre 2010 et 2013, le nombre de nuitées d'hôtel financées a doublé. Contrairement à ce qui est parfois dit, l'hôtel n'est pas plus coûteux pour les finances publiques que l'hébergement dans des centres dédiés. Toutefois, ce mode d'hébergement offre des conditions de vie largement insatisfaisantes, notamment pour des familles, et ne permet pas la réinsertion des personnes concernées.

Par ailleurs, les associations dénoncent régulièrement ce qu'elles appellent une gestion « au thermomètre » de l'hébergement, et qui consiste à ouvrir des places temporaires durant la période hivernale pour les fermer au printemps sans offrir de solution pérenne aux personnes accueillies. Le Gouvernement a annoncé, et cela doit être salué, sa volonté de mettre fin à cette gestion saisonnière, notamment dans le cadre du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Force est pourtant de constater que les moyens disponibles ne permettent pas de remplir cet objectif et que la gestion est encore largement saisonnière.

La sous-évaluation manifeste, mais également l'accent mis sur la réponse à l'urgence au détriment de l'accompagnement et de la réinsertion des personnes défavorisées, me conduisent à donc à vous proposer de rejeter le budget proposé par le Gouvernement.

Je voudrais évoquer également, chers collègues, deux problématiques qui pèsent sur le programme 177 alors qu'elles répondent à des déterminants qui leurs sont propres.

Les personnes déboutées du droit d'asile, dont le nombre augmente de manière spectaculaire depuis plusieurs années, sont accueillies dans des centres d'hébergement généralistes et, souvent, dans des hôtels. Leur situation administrative ayant peu de chances d'être régularisée une fois les différentes voies de recours épuisées, ces personnes n'ont guère de perspective d'insertion dans l'emploi ou dans le logement et leur prise en charge dans les dispositifs d'hébergement a vocation à se prolonger de manière indéfinie.

La réforme de l'accueil des demandeurs d'asile prévue en 2015 pourrait améliorer la situation à moyen terme, mais accroître la pression sur les dispositifs d'hébergement à court terme.

De même, le programme 177 participe au financement des aires d'accueil pour les gens du voyage. Une réforme visant à moduler les aides versées aux collectivités en fonction de l'occupation réelle de ces aires devraient également entrer en vigueur en 2015. Elle pourrait, à terme, entraîner la diminution de la participation de l'Etat et, par voie de conséquence, augmenter celle des collectivités.

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